«Ielles» mangent comme des cochons

Pas grave puisque nous sommes toujours là pour servir. Alors pour aller vite, il s’agit d’un programme qui, sans doute avec le graphisme le plus moche du monde, met en scène une petite truie qui aime se rouler dans la boue avec l’enthousiasme d’un militant «woke» devant une nouvelle norme à déconstruire. «Déconstruire» les repères sociétaux, la série s’y emploie d’ailleurs avec une belle énergie puisqu’à la suite d’une pétition, le premier couple homoparental y a été introduit dans un épisode de sa septième saison. En l’occurrence, c’est une oursonne polaire qui présente sa famille arc-en-ciel à ses amis. Le tout avec un texte très fort: «Je vis avec ma maman et mon autre maman». Alors, n’étant pas spécialistes du programme, nous n’allons pas nous lancer dans une longue exégèse. Deux remarques, toutefois: tout d’abord, il y a tout de même de quoi être vexée quand on devient, devant les amis de sa descendance, «l’autre maman». Sans doute là une nouvelle discrimination à combattre dans un prochain épisode. Et surtout: on ne voit que des glucides sur la table du repas familial, et point de protéines. Pas idéal pour le développement musculaire de l’enfant, mais voilà ce qui arrive quand – n’en déplaise à la députée française Sandrine Rousseau – on a chassé tous les mâles susceptibles de faire cuire les entrecôtes.

La tiers-mondisation a du bon

Voilà une dame, brillante, polyglotte, musicienne, qui a essentiellement dirigé des fondations avant d’arriver à l’Everest politique que l’on connaît.

Pauvre Simonetta Sommaruga. Pas un jour qui passe sans que de bons gros bourrins de droite jouent aux babouins à propos de son plan pour bien passer l’hiver. Parce que voyez-vous, la socialiste a eu l’audace suprême, dans les colonnes de Blick, d’affirmer qu’elle buvait du thé chaud et portait des pulls… (bravo, vous avez bien anticipé) chauds, l’hiver. Alors que la population doit «faire des sacrifices», ce genre de recommandations passent modérément bien. Et pourtant, il y a de quoi se réjouir: voilà une dame, brillante, polyglotte, musicienne, qui a essentiellement dirigé des fondations avant d’arriver à l’Everest politique que l’on connaît (et où il fait si froid). Quelqu’un de précieux pour la démocratie, donc, mais qui n’a jamais eu pour fonction de produire de la richesse. Gageons qu’après une carrière si admirable, la découverte prochaine du négoce de lapsang souchong et de pulls en poils d’alpagas lui feront quitter les rivages de l’autoritarisme économique cher à son parti.

La neutralité neutralisée

«Toutes ces options sont compatibles avec la neutralité de la Suisse», jure la Conseillère fédérale Viola Amherd

La Suisse doit se rapprocher de ses voisins pour assurer sa sécurité. C’est ce qu’annonce un rapport complémentaire du Conseil fédéral, qui prône l’intensification du partenariat» – en langage clair, la soumission – avec l’Otan. Mais puisque nos bons maîtres aiment les cache-sexes, à part de temps en temps sous un bureau ovale, réjouissons-nous: «Toutes ces options sont compatibles avec la neutralité de la Suisse», jure la Conseillère fédérale Viola Amherd. On n’en doutait pas, et l’émotion nous gagne rien qu’en imaginant nos recrues aller lâcher des bombes en toute neutralité sur les gens que nous sanctionnons déjà économiquement de façon impartiale.

Loup y es-tu?

Naia Okami est une femme transgenre – donc biologiquement un homme – qui s’identifie à un loup de Colombie-Britannique

Honnêtement, nous voulions une photo d’animal pour boucler cette page. En France, il y avait cette histoire de gens qui souhaitent interdire les balades à dos d’ânes pour les enfants, qui nous séduisait. Mais, plus classiquement, nous avons décidé de nous rabattre sur une femme transgenre – donc biologiquement un homme – qui s’identifie à un loup de Colombie-Britannique, et parfois aussi à un renard roux. Une particularité qui la fait appartenir à une nouvelle minorité, celle des thérianes, qui n’attendra pas bien longtemps avant de réclamer de nouveaux droits absurdes. Ce canidé transgenre répondant au doux nom de Naia Okami fait un peu parler de lui ces derniers jours, avec un passage remarqué dans une émission à sa gloire. Nous profitons de sa gloire momentanée pour nous adresser à l’animal afin de l’inviter à éviter les montagnes valaisannes.




Le patron était-il en droit de renvoyer des clients?

S amedi 13 août, un groupe de Jeunes UDC s’est rassemblé à Bâle dans le cadre de l’assemblée des délégués cantonaux du parti. Après les discussions, une vingtaine de membres ont souhaité se désaltérer dans un bar éphémère, «Ts’Fähri Bödeli». Les jeunes agrariens ne pourront jamais déguster leurs mojitos. «Je suis allé passer la commande en compagnie du président des Jeunes UDC, David Trachsel. Le barman a commencé à préparer les cocktails et nous a demandé de quelle organisation nous faisions partie, nous lui avons clairement répondu que nous étions de l’UDC», relate Sacha Turin, vice-président des Jeunes UDC suisses. Réaction claire, nette et précise du barman, détaillée par le politicien: «Il a alors posé les verres en disant ʻnous ne servons pas des gens comme vousʼ. J’ai pensé que c’était une blague.»

Le gérant du bar «Ts’Fähri Bödeli», Roger Greiner, s’est fendu d’une autre version dans les colonnes de 24 heures, deux jours après les faits: le groupe était un poil trop festif et son comportement ne fonctionnait pas avec l’atmosphère générale du lieu. Toujours selon le patron, qui s’occupe également des réservations, les Jeunes UDC n’avaient pas réservé et son établissement était plein. Il s’en est suivi une bataille d’arguments entre les différents acteurs, par média interposé.

«On ne peut vivre sans discriminer. Discriminer n’a rien d’injuste: les sentiments ne font pas la justice. Vivre ne crée en soi aucune injustice.»

Stéphane Geyres, président de l’Institut Mises France

L’histoire bâloise pose la question de la liberté. La liberté de servir un client, ou pas. Stéphane Geyres, président de l’institut Mises France et fervent défenseur du droit naturel, apporte sa réponse: «Il faut dire clairement que la légitimité d’un acte ne vient pas d’une constitution quelconque, mais du droit de propriété privée, qui devrait lui être supérieur. Ainsi chez soi, le propriétaire – ici le patron – est dans son bon droit de dire ou faire ce qu’il désire, tant qu’il n’agresse pas autrui – ici ses clients. Au-delà, les clients ainsi traités feront autant de chiffre en moins, le droit légitime sera vite remis face à l’intérêt.» Ça, c’est pour la vision anarcho-capitaliste, libertarienne.

Poursuites possibles

Seulement, la loi suisse encadre ce type de cas et pose des obligations. Maître Samuel Thétaz, avocat au barreau et associé chez Metropole Avocats à Lausanne, explique que si les faits sont avérés, ceux-ci sont graves: «Il est licite de refuser l’accès à un établissement public lorsqu’il existe une raison objective de le faire, comme un comportement agressif ou hostile vis-à-vis d’autres clients de l’établissement ou du personnel, des troubles causés ou un non-respect des règles applicables. En revanche, interdire de servir des personnes en raison de leur appartenance politique ou de leurs opinions est sans équivoque illicite et constitue une atteinte illicite à leur personnalité.»

Sacha Turin explique que les Jeunes UDC ne poursuivront pas l’établissement, bien que la loi offre cette possibilité.
«Les clients éconduits devraient, pour pouvoir contraindre à se faire servir, saisir un juge civil d’une action au sens des art. 28 et suivants du Code civil, à teneur desquels celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (art. 28, al. 1, CC)», informe Samuel Thétaz. Il souligne toutefois le fait qu’une telle démarche serait compliquée: «Naturellement, dans les faits, personne ou presque ne s’engagerait dans une telle action, en raison des coûts et de la lourdeur de la procédure. Il faudrait des courageux qui ouvrent la voie, et j’espère que ces jeunes le feront.»

«Vivre c’est discriminer»

Que ce soit pour des raisons d’orientation politique, de comportement en inadéquation avec l’ambiance du lieu, ou tout autre prétexte, le cas du bar bâlois peut relever de la discrimination. Stéphane Geyres précise le sens qu’a ce terme, du point de vue anarcho-capitaliste: «Vivre, c’est agir, décider, choisir. Choisir, c’est discriminer ceci en faveur de cela. On ne peut vivre sans discriminer. Discriminer n’a rien d’injuste: les sentiments ne font pas la justice. Vivre ne crée en soi aucune injustice. Mieux, c’est en discriminant les mauvais producteurs pour préférer les meilleurs que chacun contribue à la prospérité commune. Pas de prospérité sans discrimination.»




« Il y a un problème bien plus profond que l’annulation de concerts »

Philippe Kenel, depuis quelques semaines, les cibles de certains militants antiracistes sont des fans de reggae, sous prétexte que leur couleur de peau leur interdit de se réclamer d’une culture noire. Cela vous inquiète?

C’est une question de fond très importante, en tout cas. Je fais partie d’un courant que je crois largement majoritaire à la Licra et qui souhaiterait que la couleur de peau des uns et des autres ne paraisse pas importante pour évaluer telle ou telle situation. Par exemple, quand Barack Obama avait été élu la première fois, je me souviens que des journalistes m’avaient appelé pour me demander si cela signifiait que le racisme était mort selon moi. Croyez-moi, j’aurais rêvé que ce soit le cas, mais j’aurais également aimé que l’on parle de l’élection du président américain sans devoir évoquer sa couleur de peau.

Ces partisans des annulations de concert sont-ils des alliés de votre cause?

Leurs valeurs ne sont pas totalement contraires aux nôtres dans la mesure où le but poursuivi par les uns et les autres reste l’égalité. Mais il y a une vision déterministe qui consiste à dire que si vous êtes d’origine africaine, européenne ou asiatique, vous n’avez pas le droit de vous intéresser aux mêmes choses. Cette idée d’un ancrage culturel extrêmement marqué me paraît largement contre-productive. Elle pose des problèmes bien plus importants que des annulations de concert, car elle remet en cause un certain universalisme auquel nous sommes attachés.

Est-ce qu’il n’y a pas aussi un conflit de générations entre militants antiracistes, qui s’exprime actuellement?

On peut peut-être observer la même chose au niveau du combat féministe: oui, il y a un décalage générationnel qui s’accroît et qui m’inquiète. Face à cette situation, j’aimerais réunir tout le monde autour de la table. Encore une fois, il me semble important de souligner que nous avons des buts semblables les uns et les autres, même si nous divergeons sur les méthodes à employer pour les poursuivre. Dès lors, pourquoi ne pas convoquer des assises regroupant toutes les associations luttant contre les discriminations sous toutes les formes pour mieux se comprendre? Je l’avais fait il y a plus de dix ans et je pense que c’est le moment de remettre le couvert. Je ne suis cependant pas naïf, et je sais bien que certains refuseraient de se joindre à un tel événement. Mais c’est parce que ce sera difficile que ce sera intéressant.




Extinction Rebellion s’essaye à la spiritualité

«Ce groupe s’inscrit dans la lignée de la culture régénératrice et se veut une invitation à prendre soin, à se relier à soi, aux autres.» A première vue, un tel texte évoque tout au plus la fin de séance de yoga et les huiles essentielles, mais rien de bien choquant. Pourtant, cet été, c’est à une véritable volée de bois vert qu’ont dû faire face les militants de «XR Spi», déclinaison «méditative» d’Extinction Rebellion, avec le faire-part de naissance de leur groupe. Annoncée par le compte Twitter du mouvement, en France, la démarche inclusive, sans coloration religieuse spécifique, a suscité des accusations de dérives sectaires, de piège new age, voire carrément de pétainisme. «La parution d’articles à la suite de notre week-end inaugural a fait réagir sur les réseaux sociaux de manière aussi violente qu’inattendue», concède Yaya Tigwenn, activiste. Elle évoque toutefois un accueil globalement très bienveillant dans le milieu. Elle poursuit: «Quelques personnes d’XR ont souffert de la mauvaise publicité rejaillissant alors sur l’ensemble du mouvement… Ce fut un moment compliqué qu’il nous faudra panser et (re)penser». Selon elle, aucun militant suisse ne s’est joint à l’événement, malgré une invitation envoyée aux camarades helvètes.

Le projet «Spi» d’XR est d’ailleurs accueilli avec des sentiments divers en Suisse. «C’est positif qu’il y ait une grande diversité de mouvements qui s’intéressent à une écologie radicale, autant de portes d’entrée qui diffusent à des publics divers un message qui doit l’être le plus vite et largement possible», juge par exemple Théophile Schenker, député Vert-e-s vaudois. A ses yeux, des personnes qui souffrent «d’éco-anxiété» peuvent trouver une aide dans une telle démarche. L’enthousiasme s’arrêtera là: «A l’interface entre écologie et spiritualité, il y a une pente glissante très claire vers l’anthroposophie et les croyances new age, qui causent déjà suffisamment de dégâts au mouvement écologiste et sont complètement incompatibles avec les bases scientifiques solides sur lesquelles XR construit ses revendications.» Et d’appeler le dernier-né du mouvement à se distancier au plus vite de ces dérives.




La politique de l’immobilisme

1. Honneur aux dames

Mireille Vallette, dans son blog «Boulevard de l’islamisme», nous conte l’histoire de Marie. Mère de deux enfants de nationalité suisse et saoudienne, elle-même a porté divers voiles islamiques et, depuis cette période, se bat contre ces mœurs. Établie à Genève, elle observe fin juillet une femme devant le change Migros de Rive, le visage dissimulé. Elle l’interpelle pour lui rappeler qu’en Suisse a été votée une loi qui interdit de se voiler le visage. L’altercation se termine par un appel de Marie à la police. Une patrouille arrive et Marie explique à la policière la situation. Cette dernière «se montre stupéfaite, lui rit au nez, lui lance qu’il existe une marge d’interprétation de la loi et la laisse en plan».

Marie se renseigne auprès du porte-parole de la police, qui lui apprend qu’il n’existe pas encore de base légale pour sanctionner. Ce sera fait pour mars 2023. Rappelons que la loi en question a été votée au niveau fédéral en 2021. À Genève, des exceptions permettront de toute manière aux femmes de se recouvrir «si la dissimulation du visage est nécessaire à la liberté d’expression ou de réunion ou s’il s’agit de l’expression imagée d’une opinion». Nous voilà bien loin, en temps et en volonté politique, du respect du verdict des urnes.

2. Mendicité et droits de l’homme

Autre exemple: la mendicité. Une loi datant de 2008 interdisait de faire la manche sur tout le territoire genevois. La Cour européenne des droits de l’homme avait alors condamné la Suisse: interdire cette pratique serait contraire aux droits humains. La loi a donc été suspendue et les rues du canton prises d’assaut par les mendiants. Ce qui est encore le cas, bien qu’une nouvelle loi ait été votée par le Grand Conseil en décembre 2021. Celle-ci n’interdit pas la mendicité, à part près des écoles et des commerces. Là encore, contestation immédiate. Début août, la Chambre constitutionnelle genevoise valide la nouvelle loi et irrite les défenseurs des mendiants, qui entendent saisir le Tribunal fédéral. De son côté, le Département de la sécurité précise déjà qu’il ne faudra pas s’attendre à une multiplication des interventions policières: «Les injonctions aux intéressés seront toujours privilégiées par rapport aux sanctions tant que les forces de l’ordre ne seront pas confrontées à une opposition manifeste». Voilà quinze ans que dure ce dossier dans lequel on cherchera vainement une quelconque détermination du côté de l’exécutif.

3. Les dépanneurs

Les «dépanneurs», ce sont ces petites épiceries qui se multiplient dans les grandes villes. Le Grand Conseil s’est penché à plusieurs reprises sur ce sujet. Dès 2014, le député Thierry Cerutti (MCG) faisait part de ses préoccupations devant le développement de ces boutiques qui «viennent systématiquement remplacer les commerces de proximité voués à la disparition». Plusieurs auditions, dont celle de Pierre Maudet, alors conseiller d’État, démontraient que le problème était connu des autorités. L’élu soulignait «le développement autour de ces établissements de divers trafics, de nuisances en tout genre et même de bagarres impliquant l’intervention répétée de la police». Et de préciser que «toutes ces incivilités et infractions allant du simple délit à l’activité criminelle font d’ailleurs l’objet d’enquêtes plus approfondies de la part de la police judiciaire (blanchiment, recel, vente d’alcool, drogue, etc.)».

Que s’est-il passé depuis lors? Créée en 2016, c’est seulement fin 2019 que l’Inspection paritaire des entreprises (IPE) fait part de ses préoccupations concernant les dépanneurs, les barbiers et les coiffeurs. Les épiceries ouvertes 7/7 ne respectent pas la loi cantonale sur les heures d’ouverture dominicales, pas plus que la loi fédérale sur le travail. Seuls les cadres peuvent en effet exercer une activité le dimanche. Or, l’IPE a constaté que cette règle était souvent ignorée, voire contournée. «Une entreprise a inscrit six personnes comme patrons au Registre du commerce avec deux employés. Cinq d’entre elles possèdent une part sociale, la sixième tout le reste», a expliqué à la presse Joël Varone, président de l’IPE.

Ce n’est là qu’un des multiples problèmes rencontrés par la trentaine d’inspecteurs de l’IPE. Et de rappeler qu’une première condamnation a été rendue en 2019 pour violation de la loi sur le travail. L’entreprise fautive a écopé de 90 jours-amende à 150 fr. avec sursis. «Le Ministère public a tapé fort», s’est réjouie Mafalda D’Alfonso, juriste de l’association paritaire. Plusieurs autres cas ont été dénoncés aux autorités pénales. Ce qui n’empêche pas les dépanneurs et autres commerces ethniques de se multiplier.

Commentaire

Ces trois dossiers bien connus agacent les Genevois, tout comme les élus de tout bord que l’exécutif traite avec beaucoup de légèreté. Pour ne pas dire plus. Les habitants de la Cité de Calvin connaissent par cœur les litanies gouvernementales. Le voile intégral? Ce ne sont que quelques cas isolés qui ne méritent pas sévérité. La mendicité ? Elle ne gêne personne. Ce qui n’est pas vrai. Et le Conseil d’État feint d’ignorer les problèmes graves d’hygiène, les camps sauvages au bord de l’Arve et une précarité qui oblige les autorités à héberger les mendiants par temps froid. La facture devient salée pour les contribuables et coule certains budgets communaux. Quant aux dépanneurs, nous sommes au comble de l’hypocrisie. Ces commerces se multiplient sous nos yeux au détriment d’autres négoces, souvent avec l’aide de fonds douteux. Ils ne répondent souvent pas aux exigences légales, concurrencent les épiceries installées de longue date, vendent alcool et tabac aux heures interdites par la loi. Ils étaient 35 commerces aux Pâquis en 2014, ils y sont plus de 60 aujourd’hui. Ils se sont en outre éparpillés dans toutes les communes. Tous ces cas prouvent le laisser-aller du Conseil d’État, à l’image de son Service du commerce défaillant depuis trente ans. Tous démontrent l’absence de volonté politique… hors des campagnes électorales bien sûr !




Des gaufres pornos aux limites du légal

Il faut d’abord se représenter un établissement rose bonbon, doux mélange de parc d’attractions fetish et de garderie: «La Quéquetterie», à quelques encablures de la gare de la Capitale olympique. Un lieu où résonnent les gloussements des clients, essentiellement des adolescents armés de leurs portables. Car ces mineurs ne se rendent pas uniquement sur place pour boire et manger. Non, pour ces jeunes férus de réseaux sociaux, le projet consiste tout autant à se prendre en photo devant une représentation de pénis triomphant, dans une pièce spécialement conçue à cet effet. Aux murs, des messages sans ambiguïté: «A prendre ou à lécher», ou encore «Ouvrez grand la bouche». Sans être particulièrement spécialiste de sex-shops, difficile d’imaginer un magasin pour adultes comme «Magic X» aller aussi loin dans sa communication. Quand bien même, d’ailleurs, lui est destiné… aux adultes.

Au milieu du mois dernier, plusieurs médias romands ont célébré l’ouverture du nouveau «corner» de cette franchise française, à la Rue du Midi, près de la gare de Lausanne. Le ton: généralement fun et décalé. Et le Blick, par exemple, de narrer la «queue» de clients «impatient de croquer dans des bites et des chattes». Sans oublier le «haut potentiel instagrammable» (ndlr: la possibilité de générer beaucoup de petits cœurs d’approbation sur les réseaux sociaux) des lieux. Reste un éléphant dans le corridor: l’activité même de ce commerce respecte-t-elle réellement le cadre légal posé en ville de Lausanne ? Le règlement général de police prévoit en effet la chose suivante: «En tout lieu à la vue du public ou accessible à celui-ci, il est interdit d’exposer, de vendre ou de distribuer des objets de nature à blesser la décence ou à offenser la morale, notamment des écrits, des images ou des enregistrements sonores ou visuels.»

Il s’agit de pâtisseries. Nous n’avons pas reçu de plaintes. Cas échéant une bouchée réduirait l’éventuelle atteinte à la décence

Pierre-Antoine Hildbrand, conseiller municipal de Lausanne PLR.

Une bouchée et puis s’en va

Vendre des gaufres en forme de «quéquettes» ou de «foufounes» à des ados heurte-t-il la morale? Pas facile de trancher du point de vue de toute une collectivité, tant ces mets séduisent la presse avec leur caractère «mignon» et «décalé». Reste qu’à Angers (F), l’an dernier, une pétition en ligne a été lancée pour s’opposer à l’installation d’une «Quéquetterie» à proximité d’une école. Mais pas de quoi affoler les autorités de la quatrième ville de Suisse: «Il s’agit de pâtisseries. Nous n’avons pas reçu de plaintes. Cas échéant une bouchée réduirait l’éventuelle atteinte à la décence», ironise le municipal lausannois de l’économie et de la sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand.

Et c’est tout? Pas sûr. Un coup d’œil au menu révèle ainsi l’existence de gaufres répondant au sobriquet de «sugar mummy» (ndlr: une variante de la «cougar»), «happy bite day» ou «hot dick». On vous passera les traductions sur les deux dernières, au cas où le journal trônerait sur la table du salon. Toujours est-il que ce sont là des appellations qui indiquent bien le ton résolument frontal de la communication de l’endroit. Selon divers spécialistes du droit contactés par Le Peuple, dont Maître Samuel Thétaz (lire également en page trois), les friandises coquines de «La Quéquetterie» ne devraient pas être visibles de la rue, notamment à cause des enfants. Quid des ados? Voici un joli casse-tête en perspective. Une différence de traitement est également dénoncée entre le sort réservé aux publicitaires, sous haute surveillance à Lausanne, et la grande liberté accordée aux spécialistes des gaufres pornos. Un autre enjeu qu’une seule bouchée ne suffira pas à faire disparaître.

Selon nos informations, des démarches individuelles sont déjà envisagées pour appeler les tenanciers de l’établissement à une exposition moins frontale à la pornographie pour leurs jeunes clients.




Quand le PLR «serre la vis» aux libertés individuelles

Jusqu’à une époque récente, c’était en principe à propos de comportements illégaux que les politiciens parlaient de «serrer la vis» . Tel ou tel voulait serrer la vis au deal de rue, aux pickpockets, aux resquilleurs… Les choses ont bien changé puisque ce sont désormais les personnes n’enfreignant aucune loi qui font le plus souvent l’objet de ces velléités, à l’image des non-vaccinés durant la crise du Covid. Ironie de l’histoire, certains comportements délictueux – pensons à la consommation de drogue – ont suivi le chemin inverse pour passer, depuis une dizaine d’années, à l’état de simples «réalités à encadrer».

Étonnamment, le Parti libéral-radical (PLR) n’est plus le dernier à proposer ses services pour le grand serrage de vis permanent dont la population devrait faire l’objet. Dernier exemple en date, la proposition, relayée par Blick, de taxer les ménages dont la consommation de gaz augmenterait alors que des efforts de limitation sont demandés à l’industrie. Pas de raison que l’économie soit seule à se serrer la ceinture en matière d’énergie, selon la conseillère nationale Susanne Vincenz-Stauffacher et le conseiller aux états Damian Müller, aux commandes de cet ovni.

«Personne ne consomme pour le plaisir»

«Je trouve ce genre de mesures ridicules», fulmine Alec von Barnekow, vice-président des Jeunes PLR suisses et président des Jeunes PLR fribourgeois. «Vu le prix actuel de l’énergie, l’ensemble des acteurs ont un intérêt clair à économiser. Personne ne consomme juste pour consommer. Punir des entreprises qui viendraient à consommer davantage ne me semble pas plus judicieux. Probablement qu’elles n’ont pas d’alternative si elles veulent croître.» D’autres, sous couvert d’anonymat, dénoncent une proposition suicidaire un an avant les élections fédérales. Ou l’art de choisir le pire moment pour se montrer antipathique…

«Il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»

Eric Bonjour, ancien député vaudois

Mais comment un parti héritier du libéralisme peut-il accoucher de mesures n’hésitant plus à brandir la menace de nouvelles taxes? La proposition du duo d’élus est en tout cas jugée «troublante et assez intrusive» par l’historien Olivier Meuwly, spécialiste de l’histoire des idées politiques. «Comment vont-ils faire? Examiner chaque facture de consommation de gaz? Le PLR sera mal pris pour critiquer, par la suite, l’ultra-étatisme des Verts qui ne cessent de culpabiliser les gens et jouer la police de la verdure.»

On l’aura compris, l’intellectuel n’est pas emballé par la proposition. Mais pas au point de dénoncer une sortie de route de son parti, en tension constante entre son aile radicale, plus étatique, et son aile purement libérale. «Les ennemis du PLR sont toujours en train de chercher les moments où il dévie. Ils n’aiment pas le libéralisme mais reprochent aux libéraux de ne pas l’être. On peut cependant se demander s’il n’y a pas actuellement une tentation de surjouer le ‘R’ parce que l’ambiance du moment n’est pas très ‘L’. C’est un risque possible.» Et de plaider pour que le parti donne au moins du sens aux accents qu’il choisit de mettre dans ses propositions.
Et si, à force de miser sur la «responsabilité», le PLR laissait sa place à la conservatrice UDC comme parti le plus libéral de l’échiquier politique suisse? «Mais c’est déjà le cas», juge Eric Bonjour, ancien député vaudois passé par les deux formations durant un parcours politique de trente ans. «Le covid l’a montré, seule l’UDC demandait une politique libérale, encourageant la vaccination, mais sans demander qu’on l’impose.» L’idée que l’on puisse venir fouiller dans ses factures, et dans sa vie privée, lui est particulièrement antipathique: «C’est du communisme, inadmissible.» Loin de nier la réalité des problèmes d’approvisionnement énergétique, et la nécessité d’ajustements, il propose une politique basée sur l’éducation. «Si tout le monde faisait des économies individuelles, on pourrait économiser une centrale nucléaire, explique-t-il. Mais il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»




Trop blancs pour chanter

I l était une fois un concert de reggae organisé dans un lieu alternatif de la capitale. Plutôt: il était une fois un concert de reggae interrompu par ses propres organisateurs, la Brasserie Lorraine, à Berne. Motif? Les musiciens sont blancs! Pire, ils osent arborer des dreadlocks, sur leurs têtes de blancs. Ne riez pas, les tenanciers du lieu ont plié sous la pression d’un petit comité qui s’est senti «mal à l’aise» (unwohl en allemand), invoquant l’«appropriation culturelle» par le groupe qui devait se produire lors de la soirée du 18 juillet.

Lavant plus blanc que blanc, la Brasserie Lorraine en a rajouté une couche sur sa page Facebook. Morceaux choisis: «Nous tenons à nous excuser auprès de toutes les personnes à qui le concert a causé de mauvais sentiments. Nous sommes responsables étant donné que nous avons invité le groupe Lauwarm à jouer dans notre établissement.» Ou encore: «Notre manque de sensibilité et les réactions de nombreux invités à l’annulation du concert nous ont montré une fois de plus que le sujet est chargé émotionnellement.» Et la Brasserie Lorraine de conclure son message ainsi: «Le racisme et les autres discriminations n’ont pas leur place chez nous.» Comment appelle-t-on le fait de refuser l’accès à sa scène pour des raisons de couleur de peau ou de coupe de cheveux?

Bourde sur bourde

Les réactions sous la publication de la Brasserie Lorraine montrent que la manœuvre ne passe pas vraiment. En plus d’un nombre de «smileys » colériques ou hilares plus important que ceux montrant une approbation, on peut lire des commentaires plutôt épicés: «Je suis mort de rire», «Terrorisme culturel!», ou encore un autre, plus préoccupant. Un utilisateur de Facebook présent lors de la soirée écrit qu’il s’est permis de demander aux organisateurs du concert si ce n’était justement pas du racisme que d’empêcher des caucasiens de se produire pour le motif qu’ils n’ont pas la bonne couleur de peau. Il s’est apparemment vu répondre: «Certainement pas, étant donné que c’est une minorité qui s’est sentie heurtée.»

Dès lors, que se passerait-il si les lieux accueillaient un concerto de Vivaldi interprété par des musiciens «racisés» et qu’un groupe de caucasiens faisait part de son «malaise» au personnel du lieu?

Non contente de se prendre une veste sur le réseau social, la Brasserie Lorraine a remis le couvert le lendemain par le biais d’un communiqué de presse, posté sur la page du bar. Le collectif gérant le lieu s’y dit «très surpris que la publication Facebook ait fait autant de vagues». Résultat: une nouvelle vague d’indignation sur le réseau social. Et un ratio encore plus catastrophique entre les réactions négatives et positives. S’y ajoutent plus de 600 commentaires en à peine quelques heures, dont un cinglant: «J’espère qu’avec cette attitude vous fermerez la boutique».

Dans son texte, le collectif invoque le «racisme systémique»: «Nous ne pensons pas que les membres du groupe ou les personnes ʻblanchesʼ soient automatiquement racistes. Ici, nous quittons le niveau personnel pour parler de racisme structurel. Il y a une différence entre être un raciste avoué et reproduire inconsciemment des structures racistes.»

Soirée interdite aux hommes

Pour aborder toutes ces problématiques, la brasserie organisera une soirée de discussion le 19 août à propos de cette affaire et, surtout, de l’appropriation culturelle. Dans son document à destination des médias, elle explique qu‘il s’agira de définir «les aspects problématiques de l’appropriation culturelle dans une société postcoloniale», «ce que nous pouvons changer dans notre comportement» et enfin «le rôle du système d’asile suisse dans cette question».
En attendant, la Brasserie Lorraine prévoit, le 6 août, une soirée TINFA, soit un événement strictement interdit aux hommes cisgenres*. L’établissement explique la signification de l’acronyme: «toutes les femmes, les personnes intersexuées, les personnes non binaires, les personnes trans, les personnes sans genre ainsi que d’autres (queer) qui sont opprimées en raison de leur désir et/ou de leur identité de genre.»

*La novlangue désigne sous ce terme les personnes en adéquation avec le genre qui leur a été assigné à la naissance. Traduction: qui n’envisagent pas de changer de sexe.




Faire vivre la tradition, à la façon écolo

Alberto Mocchi, vous avez présenté votre choix comme «utile» et «écologique», dans 24 heures. Ce sont les mots-clés d’un nouveau puritanisme?

Je ne crois pas. D’abord, il faut en revenir à ce qu’est fondamentalement le 1er août, à savoir une fête où l’on célèbre un certain nombre de valeurs qui nous font vivre ensemble. Cela une fois posé, qu’est-ce qui nous conduit à nous rassembler physiquement à cette occasion ? Des explosions dans le ciel, ou un brunch convivial ? Aujourd’hui, je constate qu’il y a plus de gens qui participent à notre événement qu’il y a trois ou quatre ans. A l’évidence, les feux ne sont donc pas incontournables. De plus, notre brunch donne un coup de pouce bienvenu à l’économie locale, durement éprouvée par le Covid. Et puis je dois dire que je ne vois pas en quoi manger de la tresse, de la confiture d’abricot ou de la charcuterie serait particulièrement puritain…

C’est bien gentil d’offrir du miel à vos habitants le 1er août, mais les souvenirs, la poésie d’un ciel qui s’embrase, ça ne vous dit rien, à vous?

Oui, bien sûr que ça me dit quelque chose. Nous avons d’ailleurs gardé le grand feu et les lampions, et nous n’interdisons pas aux personnes qui le souhaitent de tirer leurs fusées, sauf raisons de sécheresse. Mais il faut tout de même garder en tête que certaines personnes détestent les feux d’artifice alors que personne ne déteste les brunchs. Depuis le changement de programme des festivités, l’an dernier, nous n’avons reçu aucun commentaire négatif. Peut-être que des gens ont râlé chez eux, mais tous les retours ont été encourageants, y compris ceux de gens de droite, ou plutôt conservateurs.

N’avez-vous pas le sentiment de faire de l’écologie une matrice d’interdictions en tout genre?

Je n’interdis rien. Je fais un choix de politique publique et tout un chacun est libre d’aller à Lausanne Ouchy ou ailleurs pour regarder des feux d’artifice si telle est sa préférence. La Municipalité de Daillens a simplement fait une autre proposition. Les fêtes évoluent ; je ne pense pas que nous fêtions le 1er août de la même manière qu’en 1922 ! A chaque époque, certaines innovations, comme peut-être les feux d’artifice d’ailleurs, ont dû représenter une épouvantable diablerie moderne. Je ne crois pas au progrès constant et linéaire, mais je pense que c’est en faisant évoluer les traditions qu’on leur permet de survivre.

Doit-on simplement accepter de renoncer à tous les charmes de notre style de vie parce que c’est bon pour la planète?

On doit renoncer à certains éléments, pas à tout. Aujourd’hui, on vit depuis trop longtemps à crédit et certains comportements ne sont tout simplement plus acceptables, car nous n’en avons plus les moyens. Par analogie avec un ménage, on ne peut continuer à s’endetter et à gaspiller sans cesse : à un moment donné les créanciers – dans notre cas l’environnement – finissent par réclamer leur dû. En être conscients est juste une question de bon sens, pas d’idéologie.

Commentaire

D’accord, il tient un blog sur Le Temps qui fait la part belle à une langue inclusive qui ne nous est guère agréable, que ce soit esthétiquement ou idéologiquement. Mais avec son souci de marier traditions, patriotisme et question écologique, Alberto Mocchi représente une sensibilité verte qu’il nous faut saluer. Parce qu’au lieu d’interdire les joies les plus innocentes, comme faire partir des fusées lors du 1er août, elle propose autre chose. Un brunch, en l’occurrence, avec de la viande pour ceux qui en veulent.
Est-ce à dire que nous aussi, au nom d’une eschatologie écologiste étouffante, considérons qu’il faut renoncer à ces moments traditionnels de fête fédérale où le ciel s’enflamme, et les yeux des enfants s’émerveillent ? Certainement pas, car pour important qu’il soit, le respect de la Création ne doit pas prendre le pas sur la célébration, un jour par an, de la communauté politique. On connaît tellement de situations où la modernité des incultes vient polluer la nature – pensons aux randonneurs équipés de boombox – que l’on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi les festivités du 1er août, en particulier, semblent soudainement si dramatiques.
Peut-être parce que l’on veut bien honorer encore les traditions, mais à condition de les stériliser, de les rendre responsables. C’est sans doute le prix de leur survie, et au moins peut-on se réjouir de voir un Vert, solidement implanté dans la vie locale, veiller à sa manière au maintien de l’identité de notre beau pays.




UNIGE se met au Vert (lib)

« De manière générale, les Vert’libéraux s’engagent pour une politique écologique, progressiste et ouverte sur le monde. Ils sont convaincus qu’une autre façon de faire de la politique, éloignée des éternels clivages gauche-droite, est possible. »

Voici un extrait de l’offre de stage reçue par bon nombre d’étudiants de l’Université de Genève, ces derniers jours. Transmise par voie officielle, elle porte sur un poste à 80%, au salaire non précisé, sur une période minimale de quatre mois. Au menu: tâches de secrétariat, gestion des réseaux sociaux ou encore organisation de stands. « Nous vous rappelons que si vous décidez de choisir ce stage en intra-cursus, vous devrez avoir acquis 60 crédits ECTS dont ceux du tronc commun avant de débuter », précise ainsi le courriel envoyé par le secrétariat des étudiants du « Global Studies Institute ».

Ci-dessus, l’offre de stage reçue par les étudiants.

Une proposition très éloignée du champ d’études

Parmi les destinataires de cette missive, un étudiant un peu déboussolé : « J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique. Qui plus est, pour un engagement intra-cursus dans un domaine éloigné du champ d’études des relations internationales. En tout cas, c’est la première fois ce que ça m’arrive.» Domaine éloigné, mais relations assez proches puisque la personne de contact au sein des Vert’libéraux, secrétaire général du parti genevois, est un habitué de la maison, titulaire d’un doctorat obtenu en 2019 à l’Unige, ancien vice-président du thinktank Foraus. 

J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique.

Un étudiant en relations internationales

« Cela ne me choque pas, à la condition que la même possibilité soit donnée à tous les partis de l’UDC aux Verts », réagit Barry Lopez, étudiant en droit à l’Université de Lausanne et élu PLR. « Pour moi ce qui est le plus important c’est qu’un salaire digne de ce nom soit versé, ce que ne mentionne pas l’annonce. » Un survol des offres de stages proposés par son université offre un certain contraste avec la proposition de stage genevois. On y trouve la possibilité d’aider des dames âgées à faire leurs courses, la veille documentaire au profit de l’institution ou l’accompagnement de futurs élèves. Bien loin, donc, de la participation à la campagne d’un parti politique, aussi honorable soit-il.

Couleur politique indifférente selon l’UNIGE

Contactée, l’Unige ne se démonte pas : « Dans le cadre de leur cursus, les étudiant-es du Global Studies Institute ont la possibilité de réaliser un stage professionnel pour lequel ils obtiennent des crédits. C’est le cas de l’offre de stage à laquelle vous faites référence, qui émane d’un parti mais aurait tout aussi bien pu provenir d’une organisation internationale ou d’une PME », explique Luana Nasca, assistante presse. 

Une telle offre de stage aurait-elle été diffusée au profit d’un parti moins consensuel, UDC ou MCG, voire même PLR ? « Ce n’est évidemment pas la couleur politique qui rend un stage acceptable ou non dans ce contexte, mais bien la nature des activités envisagées qui doit répondre aux critères d’études, comme le fait que le stage soit rémunéré. »

Commentaire

On lit toute l’année, et particulièrement à droite, que les sciences humaines sont l’antichambre du chômage et que ces « usines à ânes » fonctionnent en vases clos. A ce titre, on peut se réjouir qu’un institut cultive des liens avec des partis politiques, tout comme l’on peut saluer certains partenariats public-privé, dans les sciences dites dures, lorsqu’ils contribuent au développement économique de nos régions.

Restent plusieurs questions dans la situation que nous traitons ici : une université, tout d’abord, peut-elle relayer une offre de stage qui ne précise pas le salaire qui sera versé à ses étudiants ? Sans cette garantie, ne risque-t-elle pas de les plonger dans les eaux glacées de la loi du marché, sans bénéfice évident pour la suite de leur formation ?

De surcroit : en rédigeant un courriel à une flopée d’étudiants, pour une seule place de stage, le secrétariat du Global Studies Institue ne fait-il pas tout simplement de la communication politique ? Les liens étroits entre la personne de contact au sein du parti et l’UNIGE, au sein de laquelle il a été chercheur, devraient en tout cas inviter à davantage de vigilance, même au cœur de l’été.

Il ne s’agit pas de jouer aux pères-la-pudeur. Tant mieux si les études peuvent faciliter la prise de contact entre les élèves et ceux qui, au sein du jeu politique, font vivre la démocratie. Espérons donc que l’UNIGE réservera un aussi bel accueil aux propositions de partis qui, habituellement, ne font pas tellement leur marché dans les amphithéâtres.