UNIGE se met au Vert (lib)

« De manière générale, les Vert’libéraux s’engagent pour une politique écologique, progressiste et ouverte sur le monde. Ils sont convaincus qu’une autre façon de faire de la politique, éloignée des éternels clivages gauche-droite, est possible. »

Voici un extrait de l’offre de stage reçue par bon nombre d’étudiants de l’Université de Genève, ces derniers jours. Transmise par voie officielle, elle porte sur un poste à 80%, au salaire non précisé, sur une période minimale de quatre mois. Au menu: tâches de secrétariat, gestion des réseaux sociaux ou encore organisation de stands. « Nous vous rappelons que si vous décidez de choisir ce stage en intra-cursus, vous devrez avoir acquis 60 crédits ECTS dont ceux du tronc commun avant de débuter », précise ainsi le courriel envoyé par le secrétariat des étudiants du « Global Studies Institute ».

Ci-dessus, l’offre de stage reçue par les étudiants.

Une proposition très éloignée du champ d’études

Parmi les destinataires de cette missive, un étudiant un peu déboussolé : « J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique. Qui plus est, pour un engagement intra-cursus dans un domaine éloigné du champ d’études des relations internationales. En tout cas, c’est la première fois ce que ça m’arrive.» Domaine éloigné, mais relations assez proches puisque la personne de contact au sein des Vert’libéraux, secrétaire général du parti genevois, est un habitué de la maison, titulaire d’un doctorat obtenu en 2019 à l’Unige, ancien vice-président du thinktank Foraus. 

J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique.

Un étudiant en relations internationales

« Cela ne me choque pas, à la condition que la même possibilité soit donnée à tous les partis de l’UDC aux Verts », réagit Barry Lopez, étudiant en droit à l’Université de Lausanne et élu PLR. « Pour moi ce qui est le plus important c’est qu’un salaire digne de ce nom soit versé, ce que ne mentionne pas l’annonce. » Un survol des offres de stages proposés par son université offre un certain contraste avec la proposition de stage genevois. On y trouve la possibilité d’aider des dames âgées à faire leurs courses, la veille documentaire au profit de l’institution ou l’accompagnement de futurs élèves. Bien loin, donc, de la participation à la campagne d’un parti politique, aussi honorable soit-il.

Couleur politique indifférente selon l’UNIGE

Contactée, l’Unige ne se démonte pas : « Dans le cadre de leur cursus, les étudiant-es du Global Studies Institute ont la possibilité de réaliser un stage professionnel pour lequel ils obtiennent des crédits. C’est le cas de l’offre de stage à laquelle vous faites référence, qui émane d’un parti mais aurait tout aussi bien pu provenir d’une organisation internationale ou d’une PME », explique Luana Nasca, assistante presse. 

Une telle offre de stage aurait-elle été diffusée au profit d’un parti moins consensuel, UDC ou MCG, voire même PLR ? « Ce n’est évidemment pas la couleur politique qui rend un stage acceptable ou non dans ce contexte, mais bien la nature des activités envisagées qui doit répondre aux critères d’études, comme le fait que le stage soit rémunéré. »

Commentaire

On lit toute l’année, et particulièrement à droite, que les sciences humaines sont l’antichambre du chômage et que ces « usines à ânes » fonctionnent en vases clos. A ce titre, on peut se réjouir qu’un institut cultive des liens avec des partis politiques, tout comme l’on peut saluer certains partenariats public-privé, dans les sciences dites dures, lorsqu’ils contribuent au développement économique de nos régions.

Restent plusieurs questions dans la situation que nous traitons ici : une université, tout d’abord, peut-elle relayer une offre de stage qui ne précise pas le salaire qui sera versé à ses étudiants ? Sans cette garantie, ne risque-t-elle pas de les plonger dans les eaux glacées de la loi du marché, sans bénéfice évident pour la suite de leur formation ?

De surcroit : en rédigeant un courriel à une flopée d’étudiants, pour une seule place de stage, le secrétariat du Global Studies Institue ne fait-il pas tout simplement de la communication politique ? Les liens étroits entre la personne de contact au sein du parti et l’UNIGE, au sein de laquelle il a été chercheur, devraient en tout cas inviter à davantage de vigilance, même au cœur de l’été.

Il ne s’agit pas de jouer aux pères-la-pudeur. Tant mieux si les études peuvent faciliter la prise de contact entre les élèves et ceux qui, au sein du jeu politique, font vivre la démocratie. Espérons donc que l’UNIGE réservera un aussi bel accueil aux propositions de partis qui, habituellement, ne font pas tellement leur marché dans les amphithéâtres.




Les menaces pour rattraper les erreurs

Ce «portefeuille de mesures», préparé par l’OSTRAL (Organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise), comprend notamment, si les réserves d’énergie venaient à être compromises, l’interdiction d’utiliser les jacuzzis, les saunas, voire les ascenseurs. Fabrice Moscheni, ingénieur EPFL et élu UDC au Conseil communal de Lausanne, juge que de telles mesures sont une manière très cavalière pour le Conseil fédéral de ne pas prendre ses responsabilités: «Se passer de jacuzzis ou de saunas, pourquoi pas. Mais interdire l’utilisation des ascenseurs aux personnes handicapées est une mesure stigmatisante.»

Ce chef d’entreprise demande dès lors que le gouvernement explique quelles sont les mauvaises décisions qui nous ont menés jusque-là et comment il entend assumer ses responsabilités. Un devoir de transparence nécessaire au moment de diminuer le niveau de vie des Suisses.

« Remplacer le réflexe du thermostat que l’on pousse vers le haut au premier ressenti de froid par un pull supplémentaire porté dans le logement, permettra d’économiser des quantités non négligeables de gaz naturel. »

Philippe Petitpierre, président du Conseil d’administration des sociétés du Groupe Holdigaz SA

Philippe Petitpierre, président du Conseil d’administration des sociétés du Groupe Holdigaz SA, basé à Vevey, est moins critique. Il estime que le plan d’action de l’OSTRAL est cohérent lorsqu’il en appelle aux économies d’énergie pratiquées prioritairement sur les appareils de nécessité accessoire comme la climatisation, les ascenseurs ou les télévisions: «Il devrait en aller de même pour le gaz, quand bien même les applications sur lesquelles nous pourrions avoir prise sont nettement moins nombreuses que pour l’électricité, soit: le chauffage, la cuisson, la production d’eau chaude, la mobilité, les applications industrielles, pour les principales.» Pour le spécialiste en énergie, la seule aide de la part de la population serait d’abaisser le chauffage de un à plusieurs degrés: «Remplacer le réflexe du thermostat que l’on pousse vers le haut au premier ressenti de froid par un pull supplémentaire porté dans le logement, permettra d’économiser des quantités non négligeables de gaz naturel. Une baisse de 1°C correspond à une diminution de la consommation de 7%.»

Dans son catalogue de mesures, l’OSTRAL prévoit, en dernier recours, des interruptions cycliques d’une durée de quatre à huit heures. L’organisation précise qu’une telle éventualité aurait de lourdes conséquences pour l’économie et les citoyens. Les experts demandent donc à tout un chacun d’apporter sa pierre à l’édifice: «Economiser ensemble suffisamment et de manière solidaire pour empêcher à tout prix les coupures!», point d’exclamation à l’appui.

Pourquoi cette situation?

Mais comment la Suisse en est-elle arrivée à une situation telle que le rationnement devient une option? L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) déclenche la machine à langue de bois: «En Europe, la situation est de plus en plus tendue en matière d’énergie, principalement en ce qui concerne le gaz. Depuis mars 2022, le Conseil fédéral et l’industrie gazière suisse œuvrent conjointement à renforcer l’approvisionnement en gaz de la Suisse pour l’hiver prochain en s’assurant des capacités de stockage dans les pays voisins et en prenant des options sur des livraisons supplémentaires de gaz.»

« Je suis atterré par la manière dont les analyses concernant les perspectives énergétiques ont été menées. Le Conseil fédéral doit prendre ses responsabilités et se rendre compte qu’il s’est trompé en permettant l’abandon du nucléaire. »

Fabrice Moscheni, Ingénieur EPFL et élu UDC au Conseil communal de Lausanne

Pour Fabrice Moscheni, c’est surtout la politique d’approvisionnement de la Suisse, depuis plusieurs années, qui doit être questionnée: «Je suis atterré par la manière dont les analyses concernant les perspectives énergétiques ont été menées. Le Conseil fédéral doit prendre ses responsabilités et se rendre compte qu’il s’est trompé en permettant l’abandon du nucléaire. Nous devons diversifier les sources énergétiques: hydraulique, renouvelable mais aussi nucléaire, qui est une énergie à bas taux carbone et pilotable.» Discours militant ou simple constat objectif? «La décision prise par Bruxelles le 6 juillet de considérer le nucléaire et le gaz naturel comme des énergies contribuant positivement à faciliter et améliorer la transition énergétique répond à la question», appuie Philippe Petitpierre. Néanmoins, il juge que tous les problèmes ne doivent pas être imputés aux militants anti-nucléaire: «Ce serait un peu facile de désigner les écologistes comme portant une responsabilité dans ce qui nous arrive en matière d’approvisionnement en gaz naturel. Par contre, l’idéologie est mauvaise conseillère quand elle est monolithique, et que l’on ne prend pas le soin d’analyser la situation sur un plan plus large que la seule défense de l’environnement.»

Fruit de l’enthousiasme écologique de la dernière décennie, le non à l’énergie atomique, décidé par votation populaire en mai 2017, n’est pas irrévocable selon Fabrice Moscheni: «Persister dans l’erreur n’est pas acceptable pour le futur de la Suisse. Le Conseil fédéral doit prendre l’initiative de proposer de relancer l’énergie nucléaire. A l’instar du droit de vote pour les femmes qui a nécessité plusieurs essais avant d’être accepté, le peuple peut changer d’avis et s’approprier l’idée que l’énergie nucléaire est nécessaire dans notre mixe énergétique.»

Les Verts suisses n’ont visiblement pas apprécié le revirement pro-nucléaire de l’UE. Ils l’ont fait savoir sur Twitter.

Un fumet soviétique

Si le catalogue de mesures est déjà dans les tuyaux, quand et comment celles-ci seront-elles déployées? Réponse de l’OFEN: «En cas de contingentement de la consommation d’électricité, le respect serait contrôlé par les gestionnaires de réseau de distribution, le contrôle du respect des restrictions de consommation dépend des interdictions et restrictions concrètement prescrites.» Des perspectives qui sentent bon le triomphe de la bureaucratie et la surveillance des gestes les plus anodins. L’OFEN précise qu’en cas d’infraction aux mesures d’intervention fondées sur la loi sur l’approvisionnement du pays (LAP), l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) pourra prendre des mesures administratives et, par exemple, réduire les attributions. Les infractions sont en outre punies conformément à l’art. 49 LAP. La poursuite pénale incombe aux cantons.

Art. 49 LAP

Infractions aux dispositions régissant les mesures d’approvisionnement économique du pays
1 Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement:
a. enfreint les prescriptions sur les mesures d’approvisionnement du pays édictées en vertu des art. 5, al. 4, 28, al. 1, 29, 31, al. 1, 32, al. 1, ou 33, al. 2;
b. viole une décision qui se fonde sur la présente loi ou sur ses dispositions d’exécution bien qu’il ait été averti de la peine prévue par le présent article, ou
c. viole un contrat qui se fonde sur la présente loi ou sur ses dispositions d’exécution et auquel il est partie, bien qu’il ait été averti de la peine prévue par le présent article.
2 Si l’auteur agit par négligence, il est puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.




Russophile sans crainte et sans reproche

Guy Mettan, vous avez récemment donné une conférence aux Ateliers de la Côte, à Etoy (VD), qui a fait jaser. On vous accuse notamment d’être devenu un «troll* du pouvoir russe». Cela vous fait quoi?

C’est une accusation qui est assez fréquente à mon sujet. C’est une manière de verser à la fois dans l’insulte et dans l’amalgame, en faisant appel à deux notions taboues, «troll» et «Poutine», qui sont censées faire fuir tous les gens respectables. Il y a deux faiblesses dans ce discours : d’une part, je n’ai jamais rencontré Poutine. Je l’ai croisé dans des événements, mais je ne prends pas non plus mon petit-déjeuner avec lui. D’autre part, quand j’écris sur la russophobie ou sur l’Europe, je ne fais pratiquement jamais référence à des auteurs russes. Je les lis pour savoir ce qu’ils pensent et ce qu’ils disent, mais je ne les cite pas pour ne pas pouvoir être accusé de «trollisme poutinien». Je prends toujours des sources de journalistes d’investigation généralement américains.

Malgré le contexte de la guerre en Ukraine, vous ne cachez pas votre russophilie…

Oui, mais comme je ne cache pas mon américanophilie, ma francophilie, ma germanophilie… J’aime tout le monde. J’ai simplement un rapport particulier avec ce pays depuis l’obtention de la double nationalité au moment de l’adoption de notre fille Oxana. C’est ce qui m’a conduit à le connaître d’une façon particulièrement étroite.

Ces derniers mois, y a-t-il eu un moment où vous avez été tenté de la mettre en sourdine sur ce sujet?

Non, parce que je suis un adepte du vrai journalisme, qui repose sur la transparence. Quand on cache ses liens d’intérêts, on trompe son lecteur. Or ce qui m’horripile, dans les médias installés, c’est que beaucoup de journalistes sont inféodés à l’atlantisme alors qu’ils ne le disent pas et ne le reconnaissent pas.

Peut-être parce qu’ils n’en ont pas conscience, tout bêtement?

Oui, mais c’est tout aussi grave. Si on prétend informer les gens, il faut savoir d’où on tire ses informations ou à quel système de valeurs on se réfère. Moi, j’aime la transparence et c’est pourquoi je n’ai jamais caché ma double nationalité ainsi que les raisons pour lesquelles je l’avais obtenue. Elle n’a d’ailleurs rien à voir avec Poutine puisque c’était Eltsine qui était président à l’époque et qui me l’a accordée.

Avec votre rapport à ce pays, vous avez le sentiment de faire figure d’exception dans les médias romands?

Il y a un ou deux journalistes comme moi mais c’est très rare. Dans l’opinion publique, cependant, les choses sont différentes puisqu’on sent une bonne partie de l’opinion ouverte aux idées critiques et qui ne se contente pas de la soupe de propagande qu’on lui sert habituellement. Comme dans le cas de la crise Covid, je dirais que cela représente un bon tiers de la population. Sur ce tiers, on peut encore descendre à 10 à 15% de personnes qui suivent vraiment l’actualité et qui trouvent les faits que j’expose crédibles. Elles sont en tout cas d’accord que l’unilatéralisme actuel n’est pas acceptable.

Vous faites référence au Covid, dont il est beaucoup question dans votre livre. Autant votre connaissance de la Russie est indiscutable, quoi qu’on pense de vos positions par ailleurs, autant vous vous aventurez là dans un domaine qui n’est pas le vôtre. N’est-ce pas risqué?

Je ne suis ni épidémiologiste ni médecin, en effet. Je suis un citoyen dont le métier consiste à poser des questions puis à juger de la qualité des réponses qu’on lui donne. Quand je constate qu’il y a des choses qui ne collent pas, je le fais savoir. Mais ce n’est pas non plus le cœur de mon livre. Ce que j’ai essayé de dénoncer, c’est la «tyrannie du Bien», qui est multiforme. Il y a la variante de droite qui impose une vision totalitairement économique, néo-libérale du monde, avec son vocabulaire du management. Et il y a la version de gauche, avec tout son verbiage wokiste et antiraciste, qui cherche à imposer le point de vue des minorités à la majorité…

Vous comparez néanmoins le «vaccinisme» à un totalitarisme…

J’étais content que l’on trouve des vaccins, mais je demande pourquoi l’on ne s’est jamais intéressé à ceux des Chinois, des Russes ou des Cubains, citoyens d’un tout petit pays qui en a produit cinq! Une autre chose que la presse aurait dû soulever, c’est que la gestion d’une épidémie est une question politique, et pas uniquement sanitaire, du moment que l’on entrave des libertés fondamentales, de mouvement, de culte, de commerce… Le minimum, dans un tel cadre, aurait été qu’il puisse y avoir un débat. Surtout que pour grave qu’elle ait été pour beaucoup de personnes, cette épidémie n’a pas non plus représenté le retour de la peste noire.

Est-ce que vous assumez le fait d’être devenu l’un des visages du «complotisme»?

C’est la manière actuelle de discréditer n’importe quelle voix critique, même quand elle pose des questions valables. C’est un procédé inacceptable, surtout de la part de personnes qui prétendent défendre la liberté d’expression. Mais c’est plus leur problème que le mien, moi je ne prétends pas avoir la science infuse, juste poser des questions. C’est d’ailleurs par le doute que progresse la science, pas par la certitude.

Votre carrière a été riche, tant du côté journalistique que politique. Est-ce que vous vous radicalisez sur la fin?

Tout ma vie, j’ai été un critique et je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup changé. En revanche, ce qui a beaucoup évolué depuis l’époque de mes études, c’est qu’à l’époque les regards critiques se trouvaient surtout à gauche et à l’extrême-gauche. Aujourd’hui, cette sensibilité a pratiquement disparu comme force d’opposition. Les voix critiques se sont plutôt déplacées vers des nouvelles formes de la droite. Un constat, néanmoins: les critiques de l’atlantisme, ou de l’impérialisme occidental, sont plutôt de droite en Europe et exclusivement de gauche en Amérique latine. Ce constat invite à ne pas fétichiser ces notions de gauche et de droite, qui sont sans doute des repères utiles, tout au plus.

*En langage internet, un «troll» est une personne qui prend de façon délibérée les positions les plus extrêmes pour semer la zizanie dans les discussions en ligne.




La gauche marteau piqueur

Exigée par la droite (voir rappel des faits), la séance plénière du Conseil municipal du 5 juillet se déroule dans une atmosphère tendue. L’absence de la conseillère municipale Brigitte Studer (Ensemble à Gauche), membre de Survap, est remarquée. Une mise au point de l’exécutif communal est préalablement lue. Frédérique Perler admet que sa «vigilance s’est relâchée» mais affirme que ses «intentions étaient intègres». Et le Conseil administratif de nous informer dans son jargon inclusif (et interdit par les autorités cantonales) qu’«un-e magistrat-e» de l’ordre judiciaire à la retraite sera appelé à mener une enquête pour un coût annoncé de 10 000 francs. A partir de là, Frédérique Perler se mure dans son silence, affirmant réserver ses explications à d’autres. On pense au procureur général ou au Conseil d’Etat, autorité de surveillance des communes et de ses magistrats qui pourrait s’inviter dans le dossier et ouvrir une enquête administrative.

De très nombreuses questions orales sont néanmoins posées en première partie de séance, principalement à Frédérique Perler. En guise de réponse, l’intéressée mouline du poignet, la mine renfrognée, fidèle à ses promesses. L’assemblée comprend rapidement qu’elle ne répondra effectivement à rien, malgré la septantaine d’élus présents pour l’entendre. Vient le débat sur la motion à proprement parler. Alain Miserez (PDC) ouvre les feux: «Cette action de désobéissance civique, qui va dans la même veine que d’autres actions récentes, n’est pas anodine.» Et l’avocat de dénoncer un nouveau «dégât d’image terrible dans notre canton et dans notre pays». Un avis que son collègue Vert Omar Azzabi ne partage pas du tout: «L’heure est grave non pas parce qu’une action citoyenne illégale avoisinant les 3800 francs de dégâts fait la une de vos journaux, mais l’heure est grave parce ce que nous ne répondons pas assez vite à la détresse des habitants de certains quartiers exposés au réchauffement climatique comme les Pâquis». Daniel Sormani (MCG) s’énerve devant cette posture relativiste: «Manifester pour une cause oui, détruire ou endommager des biens non!»

Au terme d’un long débat, la motion est, sans surprise, jetée à la poubelle par la gauche, majoritaire et soucieuse de ne pas abandonner sa gaffeuse en cheffe. Le lendemain, la plainte sera également retirée par les collègues de Frédérique Perler. Les commentaires lus dans la presse ne sont pas tendres, la participation de la magistrate à cette pseudo-révolte des habitants du quartier des Pâquis passe mal. Difficile d’imaginer que l’affaire en restera là, même dans la torpeur de l’été. Dans les rangs de la droite, elle a en tout cas recréé un sentiment d’unité que l’affaire Maudet avait affaibli.

Rappel des faits

Dans la matinée du 22 juin, une «action sauvage» est menée rue des Pâquis par actif-trafiC et l’association de quartier Survap. Une douzaine de militants enlèvent du bitume au moyen de marteaux-piqueurs pour y planter du gazon et des fleurs. Les autorités de la Ville de Genève portent immédiatement plainte.
Il faut attendre près d’une semaine pour que l’affaire éclate. Plusieurs sources de la RTS affirment la même chose: le Département de l’aménagement de la Ville de Genève, dirigé par la Verte Frédérique Perler, était informé de l’action et avait donné son accord. Le 9 juin, les services municipaux avaient répondu positivement à une demande de manifestation pour une «occupation festive et conviviale de places de stationnement». Des contacts aussi bien oraux que présentiels avaient mené à cet accord.
La droite «élargie» (PLR, PDC, MCG et UDC) se réveille après un début de législature rendu difficile par la large majorité de gauche du délibératif. Une motion est déposée le 28 juin. Elle invite le Conseil administratif «à donner des réponses claires quant aux questions soulevées par la presse» et «à maintenir la plainte pénale déposée». Cette demande débouchera sur la séance extraordinaire du 5 juillet dont il est question ci-contre. EB

Commentaire

Les infractions qui éclaboussent la magistrate Verte de la deuxième plus grande ville de Suisse sont nombreuses: dommage à la propriété (art. 144 du code pénal), dégradation d’un bien appartenant à autrui, ou encore le fait de tracer des inscriptions, sans autorisation préalable, sur les voies publiques ou le mobilier urbain (art. 322 du code pénal). Joyeusement négligée, également, l’obligation de dénoncer faite aux autorités (art. 33 de la loi d’application du code pénal)… Mais peut-être plus que le respect des lois, c’est l’état d’esprit qui a entraîné Frédérique Perler dans cette péripétie bien genevoise qu’il convient d’observer. Au nom d’une cause, l’on se place non seulement au-dessus des lois mais au-dessus de sa fonction qui, cette année, coïncide avec celle de maire. Cela ne s’invente pas! L’activiste climatique prend clairement le dessus sur la conseillère administrative d’une commune de 200 000 personnes. Un mélange des genres qui semble être une mauvaise habitude dans ce Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité: l’ancien homme fort des lieux, Rémy Pagani, mélangeait sans vergogne sa casquette de magistrat avec celle de syndicaliste. Dans cette affaire tragi-comique, madame le maire a perdu la confiance de la population genevoise. Coincée entre activistes du climat, un parti qui se radicalise et sa fonction élective, elle aura peine à retrouver la confiance populaire.




Après le refrain anti-police, l’indignation d’un élu PLR

«Tout le monde déteste la police!», en chœur et en rythme, comme l’affirmation joyeuse d’un credo indiscutable. Ainsi s’est terminé, le 6 juillet dernier, le concert d’un duo électro punk, «Crème Solaire», organisé devant la cathédrale de Lausanne. Un moment délire et sans doute très fun, qui avait cependant la particularité d’avoir lieu dans le cadre d’un festival subventionné, et encore en début de soirée. Habitant du quartier et habitué du festival, le président de la Ligue vaudoise et avocat Félicien Monnier se trouvait sur les lieux. Choqué par l’appel à la haine, il postait dans la foulée une vidéo de l’événement sur Twitter, avec une demande d’explication adressée à la Ville de Lausanne. Une demande restée sans réponse. Au cœur de son indignation, le fait que de tels propos aient été proférés dans un cadre subventionné, donc avec le soutien financier des employeurs des personnes invectivées.

Après les cris, le silence gêné

Depuis? Silence radio général, toujours. Enfin non, tout juste a-t-on appris, de la part de la Police municipale de Lausanne, qu’il n’était pas tout à fait juste d’affirmer que «tout le monde déteste» les agents. Un récent sondage auprès de la population suisse plaçait en effet la police en première position des institutions en lesquelles elle a confiance. Et sinon? Sinon l’attaque tombait un peu mal, tant la période était chargée pour des agents largement mobilisés par le Tour de France. Quant au festival, son programmateur Gilles Valet n’en faisait pas tout un plat non plus, surtout satisfait d’avoir vécu un «concert de feu».

« Si un artiste avait dit ʻOn déteste tous les employés de la Fondation pour l’Animation socioculturelle Lausannoiseʼ, quelque chose me dit qu’il y aurait eu une réaction. »

Xavier de Haller, député PLR au Grand conseil vaudois

Cette passivité générale fait fulminer le nouveau député PLR Xavier de Haller. En partance du Conseil communal, il ne se voit pas intervenir sur un sujet qui sera condamné à être traité en son absence. «Il n’y aura donc probablement pas de réaction politique, en tout cas pas du PLR (ndlr auquel appartient Pierre-Antoine Hildbrand, municipal à la tête de la sécurité), et je le regrette.» Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer un problème moral évident : «A mon sens, si les artistes doivent bénéficier d’une certaine latitude, il n’en demeure pas moins qu’il y a un cadre que les autorités qui soutiennent financièrement ce genre de manifestations doivent faire respecter.» Autre problème soulevé par l’homme de loi, fréquent défenseur de policiers, les devoirs de l’employeur: «On met en cause, en chantant ce genre de paroles, le travail de collaborateurs et collaboratrices de la collectivité. Or c’est aussi le rôle de cette collectivité de protéger l’intégrité morale et psychique de ses employés. Si un artiste avait dit ʻOn déteste tous les employés de la Fondation pour l’Animation socioculturelle Lausannoiseʼ, quelque chose me dit qu’il y aurait eu une réaction. Alors je pose la question: est-ce que la Ville protège véritablement la personnalité de tous ses collaborateurs?»

Policiers dégoutés

Entrés en contact avec Le Peuple depuis les faits, plusieurs agents lausannois confirment l’existence d’un malaise. La mollesse des réactions illustrerait à leurs yeux la faiblesse de l’AFPL, l’association professionnelle des policiers, sorte de syndicat que d’aucuns comparent surtout à une simple «amicale» en lien étroit avec le commandant Botteron. «Le politique tient la police et la musèle», conclut un agent dégouté. Un autre, qui dénonce la frilosité et l’isolement du municipal en charge de la sécurité, seul homme de droite au sein de la Muni de la capitale olympique, demande la mise en place d’une charte avec le Festival de la Cité pour que de tels événements ne surviennent plus à l’avenir.




Le béton sauvera la culture

Bien entendu, des coupes sont prévues dans tous les domaines: administratif, matériel, et, comme tout le monde doit mettre la main à la pâte, la culture. Notamment une coupe de 200 000 francs annuels au chapitre «soutiens à la création artistique». Rassurez-vous, la Ville en met toujours 200 000 à disposition.

Mais rien à faire: sacrilège ultime que voilà! Pris de vilaines suées, les membres du collectif «Bienne pour tous», sortant de leur torpeur dès qu’une menace financière contre leur petit confort pointe à l’horizon, se sont mobilisés. Ils se sont tout d’abord réunis en ville, deux ou trois soirs de suite. Mais ils ont aussi rédigé une lettre à l’intention des politiciens biennois. On peut y lire que cette coupe de 200 000 francs dans la culture est «contre-productive pour la diversité et la vitalité de Bienne». «Bienne pour tous» estime également que le Conseil municipal «dépasse ses objectifs» (on rappelle que la dette de la Ville se monte à plus de 800 millions de francs). En lieu et place de coupe, le collectif propose une solution que l’on qualifiera pudiquement d’audacieuse: construire des logements afin de générer des recettes. Ironique sachant que le groupement fait aussi part de ses inquiétudes quant à l’entretien des espaces verts.

Détail piquant: en retournant la lettre dans tous les sens, pas une phrase, pas un mot sur la décision de la Ville de Bienne d’augmenter la quotité d’impôts. Celle-ci passera de 1,63 à 1,78, soit une hausse de 20 francs par mois pour un revenu de 50 000 francs annuels. La mesure est jugée «la plus solidaire» et «nettement défendable» par le maire socialiste de Bienne, Erich Fehr.




Un punk à Guantanamo

De fait, notre homme juge même qu’«être punk aujourd’hui, c’est être modéré.» Une affirmation sur Twitter, pas forcément inintéressante d’ailleurs, que la suite du message semble contredire. Car l’ancien de Reporters sans Frontières n’y va justement pas avec le dos de la cuillère : «Être punk, c’est rêver d’Europe, aimer la bannière bleue étoilée. Être punk, c’est préférer l’Otan à l’alliance des salles de tortures Moscou-Damas-Pékin.» Comprenez: il y a les bonnes et les mauvaises tortures. Par exemple, un punk modéré peut vraiment beaucoup se réjouir du waterboarding cher aux tortionnaires de Guantanamo. En revanche, quand ce sont les méchants – ceux de l’axe du mal – qui y vont de leurs petites fantaisies, le punk modéré n’est pas d’accord.

Et l’on se dit qu’être dans la tête de Robert Ménard ne doit pas être une torture très modérée.

L’Uber sera rude

Emmanuel Macron a favorisé en coulisse l’arrivée en France d’Uber, alors qu’il était encore ministre de l’économie. Diantre, un politicien qui manœuvre secrètement pour créer des emplois dans son pays!

Qu’on le destitue, vite. Voilà, on vous a résumé la fameuse affaire des «Uber Files», qui agite la France depuis quelques jours. Et on a peut-être tort de se limiter à une description si sommaire, tant il semble scandaleux à certains de découvrir aujourd’hui que le président français est un libéral. Nous, il faut bien l’avouer, «ça nous en touche une sans faire bouger l’autre», comme l’a élégamment déclaré Jupiter en hommage à une fameuse citation de Jacques Chirac. Parce que finalement, mieux vaut un malhonnête qui donne du travail à ses concitoyens qu’un très vertueux qui, par souci de justice sociale, dirige tout son peuple vers les allocations familiales.

Alain Berset n’a pas franchi le mur du çon

Alain Berset a été contraint d’atterrir par l’armée de l’air française

La voilà, l’aubaine pour se faire du gauchiste! Imaginez, un conseiller fédéral, le même qui limitait toutes nos libertés en temps de Covid, a été forcé d’atterrir par la police aérienne française alors qu’il faisait un tour en avion! Ah le voyou de socialiste qui se fait plaisir dans les airs tandis que l’on nous somme de veiller à la santé de la planète.

Eh bien non, soyons cohérents: Alain Berset a bien raison de faire de l’avion si cela lui plaît, tout comme les écologistes qui veulent se passer de viande ont bien raison de se l’interdire dans leurs réunions privées. Il sera difficile de réclamer davantage de liberté, à droite, pour ceux qui auront pris l’habitude d’employer les armes de l’adversaire dès que cela les arrange. Il en va d’une certaine hygiène intellectuelle.




Guérilla cautionnée

Rebelles mais pas trop. Il y a une dizaine de jours, un groupe de militants écologistes a arraché du bitume pour le remplacer par des fleurs et des légumes dans le quartier des Pâquis à Genève. Largement médiatisée, la manœuvre questionne l’impunité dont jouissent les activistes climatiques.

L’affaire dévoile des passe-droits administrativo-politiciens invraisemblables. Nous avons ainsi pu lire dans 20 Minutes que la police aurait mis 2h30 pour agir et prendre les identités des activistes. Pourquoi un tel délai ? Contactée par Le Peuple, la maire de Genève, Marie Barbey-Chappuis, n’a jamais donné de réponse. Autre point qui vaut son pesant d’or, la Ville avait d’abord décidé de porter plainte contre les activistes. Jusqu’à ce que la RTS révèle que Frédérique Perler, conseillère administrative (membre de l’exécutif) écologiste genevoise, était au courant de l’action qui serait menée par les militants issus de deux groupes, Survap (association des habitants des Pâquis) et actif-trafiC (promotion de la mobilité douce). La magistrate aurait même donné des consignes afin que l’on détruise correctement le bitume à coup de marteau-piqueur et évite que des canalisations de gaz n’explosent. Une manœuvre qui pousse Philippe Nantermod, vice-président du PLR, à ironiser sur Twitter: «À Genève, les autorités politiques (vertes) prodiguent des conseils et fournissent des ingénieurs à ceux qui veulent casser la chaussée. Voilà des impôts bien dépensés.»

A la suite de ces révélations, Le Peuple a voulu obtenir certains éclairages auprès de Frédérique Perler, dont ceux-ci:
Quelles sont les bases légales qui vous ont permis d’accepter l’arrachage du bitume? A-t-on affaire ici à une forme de copinage entre actif-trafiC et vos services? N’est-ce pas un déni de démocratie que d’accorder des passe-droits à des citoyens? Auriez-vous accepté une action similaire, mais allant dans l’autre sens: un groupe de riverains estimant qu’il n’y a pas assez de places de stationnement et remplaçant de la verdure par du bitume? Le courriel est resté lettre morte.

Le Conseil administratif de Genève n’en est pas resté coi pour autant: fin juin, le collège a publié un communiqué indiquant qu’«au vu des éléments apportés par Frédérique Perler, il s’avère que des erreurs d’appréciation, dont la magistrate assume la responsabilité, ont pu laisser penser aux associations actif-trafiC et Survap qu’elles avaient obtenu l’assentiment de la Ville de Genève. Dès lors, la majorité du Conseil administratif a décidé de retirer la plainte.»

Et le CA de se montrer grand seigneur: «En tout état de cause, les contribuables de la Ville de Genève ne supporteront pas les coûts de la réparation des dégâts.» Ah bon? Mais qui alors? Frédérique Perler elle-même? Si tel est le cas, c’est bien l’argent des contribuables qui sera dépensé pour remettre la route en état, car même si elle devait payer une amende, la magistrate utilisera bel et bien l’argent des autres.




L’absentéisme ravage l’administration genevoise

Le personnel du mammouth (67 000 employés) croule sous les lois, les règlements et autres ordonnances. Cette glu administrative multiplie le travail, les rendez-vous médicaux et complique les relations humaines. Selon un récent communiqué de presse du Conseil d’État, chaque jour, mille fonctionnaires sont en arrêt maladie : ils ne répondront pas à votre appel téléphonique ni à votre courrier, leur guichet sera fermé et votre rendez-vous reporté.

Ils ne sont donc pas à leur travail. Ils sont «pas bien» comme on dit à Genève. Principalement pour des raisons de maladie. Le taux moyen d’abstentionnisme en Suisse se situe à 3%, ce chiffre pouvant varier d’une branche à l’autre. Il est le double dans l’administration genevoise et bien supérieur pour quelques services. Un résultat récurrent pour ce canton en comparaison nationale, que l’on parle d’absentéisme ou de chômage, de mobilité, de surpopulation, de dette astronomique, etc.

Nathalie Fontanet veut s’attaquer au problème

Ces absences trop nombreuses font mal au porte-monnaie de l’État, donc des contribuables. Les pertes dues aux absences atteignent la modique somme de 100 millions de francs par an. La cheffe des finances Nathalie Fontanet s’est donc saisie du problème. Elle vient d’annoncer son envie de «renforcer le dispositif actuel» et de «l’améliorer par des mesures complémentaires». Les quatre axes de son dispositif sont les suivants : mieux prévenir les absences, améliorer leur suivi, lutter contre celles qui paraissent injustifiées, et entourer les présents. Au total: vingt-sept mesures concrètes. Va-t-elle faire mieux que ses prédécesseurs, David Hiler, Micheline Calmy-Rey ou Martine Brunschwig Graf ? En leur temps, ces barons de la politique cantonale, et parfois fédérale, n’avaient pas manifesté beaucoup d’intérêt face à un problème qui n’a fait qu’empirer.

Mais au moins semble-t-il que la magistrate ait écouté les députés de la commission des finances qui, depuis 25 ans, se plaignent de ce dossier. C’est ce que confirme Boris Calame, député vert. Pour lui, Nathalie Fontanet empoigne correctement ce dossier. Avec un bémol: le communiqué du département des finances est trop orienté sur le coût des absences. Pour l’élu, celles-ci relèvent d’un réel mal-être, hormis les absences «perlées», ces absences trop nombreuses voire parfois régulières. «Souvent, on trouve à la base un problème relationnel. Il faut donc rencontrer, comprendre et accompagner ces personnes, y compris dans leur retour à l’emploi».
Thomas Bläsi, député UDC, tient un discours semblable. «Dans ce taux d’absentéisme incroyable, il y a les vrais malades mais aussi ceux qui n’ont pas trop envie de bosser ou ceux qui souffrent de contraintes professionnelles excessives.» Pour lui, l’attribution d’un poste de travail doit tenir compte des spécificités d’un employé pour maintenir sa motivation intacte.

Quant à Cyril Aellen, député PLR, fidèle à la ligne politique de son parti, il estime que la lutte de l’État contre l’absentéisme devrait aller de pair avec la conclusion d’une assurance perte de gain externe et la réforme du statut de la fonction publique. Et de conclure: «A défaut, c’est beaucoup d’énergie pour des chances de succès modestes».

Les députés inquiets de longue date

La lecture des questions écrites déposées depuis près de vingt ans par les députés et les réponses du Conseil d’État éclairent d’une lumière pour le moins tamisée la volonté réelle de l’exécutif d’empoigner la question. Retour en 2004, avec une intervention du député libéral Pierre Weiss : il y dénonçait déjà «un révélateur de dysfonctionnement dans la gestion du personnel» et indiquait que «certains indicateurs parcellaires», dont la commission des finances avait eu connaissance, montraient que l’absentéisme pouvait atteindre des hauteurs inquiétantes à l’État de Genève. L’exécutif avait rétorqué que les mesures en vigueur maintenaient le taux d’absentéisme dans des marges comparables à celui des autres cantons.

Boris Calame s’était penché à son tour sur ce problème en 2020. Le Conseil d’État, toujours aussi serein, lui avait répondu que l’Office du personnel ne disposait pas «des données détaillées des structures publiques autonomes du Grand État», à savoir les transports publics, les hôpitaux universitaires ou l’aéroport, par exemple (50’000 employés). Pour le «Petit État», soit l’administration publique au sens strict (18’000 employés), l’exécutif pouvait se targuer d’un suivi plus fin avec une alarme déclenchant une analyse de cas à partir d’un taux de 5% d’absentéisme, et une approche globale de la structure dès 7%.

Cet immobilisme a toutefois connu une exception notable : l’audit contre le management de Pierre Maudet au plus fort de la crise déclenchée par son voyage à Abu Dhabi. Le seul depuis le début de la législature, en 2018, à en croire une réponse adressée par l’État à une question posée l’an dernier par le MCG Patrick Dimier.

Commentaire

Nathalie Fontanet ne s’attaque pas seulement à l’absentéisme, elle s’attaque aussi aux mauvaises habitudes du gouvernement cantonal qui a laissé s’installer cette situation. Et aussi à celles prises par les Ressources Humaines (RH), ces imaginatifs services de l’État qui complexifient avec volupté les processus d’engagement mais n’ont pas trouvé la parade pour lutter contre un absentéisme massif. Les certificats maladies pleuvent, et pas seulement pour une mauvaise grippe. Burn-out, surmenages et autre dépressions nerveuses sont bien réels dans le paysage public sans être désignés comme tels. Le plus gros employeur du canton doit revoir en profondeur ses codes de travail, y compris ses RH et ses cadres pas tous à leur place.




Citoyens abandonnés

Début avril, dans le train entre Bienne et Berne, un couple s’assoit sur le siège adjacent. Le quinquagénaire, vêtu de vert, s’adresse à sa partenaire: «L’aspect positif de la guerre en Ukraine (sic!), c’est que cela fait augmenter le prix de l’essence. C’est bien pour la planète.»

Même idée, mais dans un langage plus technique, chez le conseiller national Vert genevois Nicolas Walder: «La hausse des prix de l’essence, si elle est durable et s’accompagne d’une baisse des prix des énergies non fossiles, est une bonne chose, car elle rend les énergies renouvelables plus attractives. Une hausse des prix permet également de favoriser les économies d’énergie, car des prix trop bas font que les consommateurs ne cherchent pas à économiser.» Son de cloche à peu près similaire chez sa camarade de parti, Adèle Thorens: lundi 13 mai, lors des discussions au Conseil des États, la Vaudoise a admis qu’il fallait aider les plus défavorisés, mais en relevant que les personnes qui consomment le plus de carburant sont celles qui ont les moyens d’acheter de grosses voitures.

Fin du monde contre fin du mois

Des arguments «de bobos de sous-gare de Lausanne» qui font voir rouge à Patrick Eperon, délégué à la communication du Centre Patronal: «Les prix du carburant causent déjà des problèmes, par exemple chez les personnes qui prodiguent des soins médicaux à domicile, qui sont indemnisées forfaitairement, quel que soit le coût de leurs déplacements.» Il estime qu’une mesure raisonnable serait de supprimer la TVA appliquée à la taxe sur les carburants: «Cela représente 6 centimes par litre, ce n’est pas rien.» Par contre pas question de tout abandonner: «Je ne toucherais en tout cas pas à la taxe affectée à l’entretien des routes et des rails.»
Si certains politiciens se réjouissent d’échapper à l’apocalypse climatique en ne faisant aucun compromis sur les coûts de l’essence, d’autres se font plus de soucis pour les portemonnaies des ménages. La semaine dernière, bon nombre de motions issues de la droite ont été balayées par les Chambres fédérales. Ces motions visaient à alléger les charges des foyers les plus touchés par la crise économique. Jean-Luc Addor, conseiller national UDC valaisan, estime que ces refus en bloc pour des raisons climatiques sont des atteintes à la qualité de vie des Suisses: «La gauche et les Verts poussent des cris d’orfraie dès qu’on évoque un allégement, même temporaire, du prix du carburant. Selon eux, cela compromettrait la réalisation des objectifs climatiques. Or, ceux-ci ne peuvent être atteints que sur la durée alors qu’il faut venir en aide aux gens maintenant. D’autant plus que la Confédération en a les moyens.»

Traduire: la situation est mauvaise, mais comme elle est bien pire ailleurs, pas de quoi s’inquiéter.

De son côté, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) juge inopportun que le Conseil fédéral vienne en aide à la population en abaissant les taxes : «Une telle mesure n’aiderait pas de manière ciblée les ménages à bas revenus. Il faudrait s’attendre à des effets d’aubaine importants. Un prix artificiellement bas créerait de fausses incitations. Le problème de la pénurie ne serait qu’aggravé.» Le SECO essaie de se montrer rassurant: «Malgré la hausse des prix de l’énergie, l’inflation en Suisse est toujours modérée, avec un taux de 2,9% en mai 2022. La situation en Suisse est bien différente de l’étranger. La zone euro affichait un taux de 8,1% à la même période.» Traduire: la situation est mauvaise, mais comme elle est bien pire ailleurs, pas de quoi s’inquiéter. «Certes, notre inflation est inférieure au taux moyen, mais dire qu’elle ne pose aucun problème me semble hasardeux, réagit Patrick Eperon. D’autant plus que si la guerre se poursuit en Ukraine, nous nous dirigeons vers de sérieux problèmes d’approvisionnement en énergie à la fin de l’année. Postuler que la situation à ce moment sera acceptable est faux. Cela reflète surtout une volonté de calmer le jeu.»

Il semblerait donc que ni le Conseil fédéral ni les chambres ne soient disposés à faire quoi que ce soit pour les ménages. Jean-Luc Addor le déplore et propose une alternative: «Il ne reste rien à faire à part descendre dans la rue. Mais est-ce que les gens vont commencer à se mobiliser pour défendre le pouvoir d’achat?»

Une perspective qui n’effraie pas le SECO: «La Suisse profite du fait que la partie des dépenses des ménages qui est consacrée à l’énergie est relativement faible. L’appréciation du franc suisse a jusqu’à présent également contribué à ce que l’inflation ne soit pas plus élevée.»

Manger des asperges

Pour tenter de soulager les porte-monnaies des ménages suisses, le conseiller fédéral Guy Parmelin a récemment invité ses concitoyens à faire plus attention à ce qu’ils mangent, dans les colonnes de Blick. Le ministre de l’économie a aussi estimé que nous pouvions «utiliser l’énergie avec parcimonie».
Avec la mise en place simultanée d’une campagne de sensibilisation au gaspillage, peut-on y voir une volonté de tenir le consommateur par la main, voire de l’infantiliser? Que nenni, selon le SECO. Cette déclaration montre que les citoyens eux-mêmes sont les mieux placés pour savoir où ils peuvent limiter leur consommation
d’énergie.
Une expertise qui risque de se renforcer au vu de la crise qui s’annonce…

Et si on baissait le prix du rail?

Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les CFF qui fixent les tarifs mais l’Alliance SwissPass. Si l’organisation n’envisage pas de réduire les prix des transports publics, ni de proposer un abonnement général à tarif préférentiel comme en Allemagne (pour aider les citoyens à surmonter l’inflation, l’État a mis en place un abonnement de train à 9 euros par mois pendant trois mois), elle promet que les déplacements en train ne deviendront pas un produit de luxe l’an prochain: «Les prix des transports publics n’augmenteront pas en 2023, et ce malgré l’inflation, la hausse du prix de l’essence (ndlr: dont souffrent également les transports publics routiers) et la pandémie de Covid-19, qui a entraîné un lourd manque à gagner dans la branche. Les transports publics envoient ainsi un signal fort à leur clientèle.»