Paie tes fonctionnaires

L’inflation était annoncée à 2,9% au mois de mai, les statistiques pour le mois de juillet devraient bientôt pointer le bout de leur nez. Le 12 juillet, la Direction des finances de la ville de Lausanne a pris les devants en annonçant que les salaires des employés municipaux seraient indexés à hauteur de 2,87%, à compter du premier septembre.

Ce que le communiqué n’indiquait pas, c’est le nombre de fonctionnaires concernés, ni la somme engagée. Contacté, le service du personnel n’a pas été en mesure de nous donner une réponse: «Les modalités d’application sont en cours d’analyse et seront précisées d’ici la fin de l’été.» Sachant que la Ville de Lausanne est endettée à hauteur de deux milliards de francs, on peut se demander comment elle va financer cette «gratte» accordée aux employés. La réponse du service laisse songeur: «La mesure est financée par le budget de la Ville de Lausanne.» Traduction: «La mesure est financée par les contribuables.» Des contribuables qui, pour certains, n’auront pas droit à cette indexation de salaire et qui pourraient se sentir ponctionnés à double en payant des prix plus élevés dus à l’inflation et en finançant plus généreusement les employés du service public. L’administration lausannoise ne pourra malheureusement rien faire pour calmer les colériques: «L’indexation est prévue par le règlement du personnel de la Ville de Lausanne, autrement dit le contrat de travail qui lie la Municipalité à son personnel. Un contrat de travail se doit d’être honoré.»




Un esthète nommé Berset

Les inquisiteurs du dimanche – il y en a dans tous les partis – risquent à nouveau d’avaler leur tofu de travers. Un lecteur amusé nous a fait parvenir une photo de la projection du dernier Top Gun au Cinéma Arena de Fribourg, à laquelle s’est rendu le conseiller fédéral (dont on devine le crâne sur la gauche) le 3 juillet.
Le 3 juillet, soit deux jours avant sa virée mouvementée du côté français. A l’évidence, notre élu a vraiment le goût des airs jusqu’au bout des ongles: pensez, le Fribourgeois ne rechigne même pas à aller se vider le crâne devant un bon vieux blockbuster capitaliste à la gloire du monde libre, du moment où il y a des avions dedans! RP

Message codé

En regardant un reportage publié par Blick sur le harcèlement sexuel à Paléo, on apprend que les victimes d’oppression peuvent se rendre à un bar du festival et demander à «parler à Angela». Dans cette situation, le staff du festival prend en charge la victime. Noble cause s’il en est. Simplement, pourquoi trouver un nouveau code, connu de tous puisque communiqué aux festivaliers, au lieu de simplement utiliser un bon vieux «A l’aide!»? Autre grande question: que va-t-il se passer si, un jour, le groupe de rap français Saian Supa Crew se reforme et interprète son tube le plus connu sur la grande scène de Paléo? JB

Arrête ton char, Marcel

Le département de la Vienne, en Nouvelle-Aquitaine (F), en a bien de la chance. Des militants LGBTQIA+ ont choisi Chenevelles pour organiser la première «Pride rurale», avec défilé sur tracteur, DJ et drag queens au milieu des bouseux rétifs au progrès. Il s’agissait, selon les organisateurs, de montrer qu’il y a «de la vie à la campagne». Sous-entendu, tant que les gens ne défilaient pas dans la rue pour exposer leur intimité, il n’y en avait pas. Soyons donc innovant: pourquoi pas une Pride du fin fond de la Patagonie? Une Pride de l’océan? Une Pride sur Mars? S’il s’agit de créer de la vie un peu partout, sûr que la Nasa ou Elon Musk, patron de la société SpaceX, pourraient proposer leurs services. RP

Sauvons la planète, osons le naturisme

Il n’y a pas de petites économies, y compris en matière d’eau. C’est pourquoi un centre nautique de Haute-Savoie (F), à Cruseilles, a décidé d’interdire les shorts de bain à ses visiteurs, rapporte 20 Minutes. A la place, de bons vieux slips de bain, comme lorsque nous avions trois ans, moins susceptibles de dilapider le contenu des bassins. Si ce pas décisif vers le progrès ne connaîtra «pas de retour en arrière», il convient de préciser qu’en France, short ou speedos sont souvent la norme, et que les lieux avaient jusqu’ici une politique très libérale. On craint tout de même le moment où les piscines n’ouvriront plus quand il fait chaud afin de ne pas gaspiller d’eau. RP




Tofu le camp

Déjà personnalité de l’année de l’association animaliste PETA en 2015, le pape François poursuit sur sa lancée, très soucieux du bien-être de nos amies les bêtes. Cette fois avec un message fort adressé aux participants d’une conférence de l’UE pour les jeunes qui se tenait à Prague ces derniers jours. «Dans certaines parties du monde, a expliqué l’Argentin, il conviendrait de diminuer la consommation de viande», sachant que «cela aussi pouvait contribuer à sauver l’environnement». Sages paroles, qui vont certainement amener l’activiste climatique Greta Thunberg à la messe. Pour autant évidemment, que quelqu’un se charge de lui préciser que dans le catholicisme, ce n’est visiblement plus Dieu qui sauve, mais bien le discours des jeunes vert-e-x-s.

Comme nous avons le goût de l’enquête, au Peuple, nous nous sommes plongés dans un livre consacré aux recettes en vogue du côté du Vatican, sorti en Suisse en 2015. On y apprend que le successeur de saint Pierre raffole d’empanadas farcis de bœuf haché et de colita de cuadril, recette de bœuf (à braiser cette fois). Deux spécialités, fort sympathiques par ailleurs, que l’on imagine compliquées à préparer avec du tofu. Comme quoi l’évêque de Rome sait concilier souci de l’environnement et plaisirs de la table. Reste qu’à force de donner des gages à des gens qui ne se reconnaissent de toute façon pas dans le discours de l’église, on peut se demander s’il existera encore longtemps une église pour bousculer ses adversaires




Un punk à Guantanamo

De fait, notre homme juge même qu’«être punk aujourd’hui, c’est être modéré.» Une affirmation sur Twitter, pas forcément inintéressante d’ailleurs, que la suite du message semble contredire. Car l’ancien de Reporters sans Frontières n’y va justement pas avec le dos de la cuillère : «Être punk, c’est rêver d’Europe, aimer la bannière bleue étoilée. Être punk, c’est préférer l’Otan à l’alliance des salles de tortures Moscou-Damas-Pékin.» Comprenez: il y a les bonnes et les mauvaises tortures. Par exemple, un punk modéré peut vraiment beaucoup se réjouir du waterboarding cher aux tortionnaires de Guantanamo. En revanche, quand ce sont les méchants – ceux de l’axe du mal – qui y vont de leurs petites fantaisies, le punk modéré n’est pas d’accord.

Et l’on se dit qu’être dans la tête de Robert Ménard ne doit pas être une torture très modérée.

L’Uber sera rude

Emmanuel Macron a favorisé en coulisse l’arrivée en France d’Uber, alors qu’il était encore ministre de l’économie. Diantre, un politicien qui manœuvre secrètement pour créer des emplois dans son pays!

Qu’on le destitue, vite. Voilà, on vous a résumé la fameuse affaire des «Uber Files», qui agite la France depuis quelques jours. Et on a peut-être tort de se limiter à une description si sommaire, tant il semble scandaleux à certains de découvrir aujourd’hui que le président français est un libéral. Nous, il faut bien l’avouer, «ça nous en touche une sans faire bouger l’autre», comme l’a élégamment déclaré Jupiter en hommage à une fameuse citation de Jacques Chirac. Parce que finalement, mieux vaut un malhonnête qui donne du travail à ses concitoyens qu’un très vertueux qui, par souci de justice sociale, dirige tout son peuple vers les allocations familiales.

Alain Berset n’a pas franchi le mur du çon

Alain Berset a été contraint d’atterrir par l’armée de l’air française

La voilà, l’aubaine pour se faire du gauchiste! Imaginez, un conseiller fédéral, le même qui limitait toutes nos libertés en temps de Covid, a été forcé d’atterrir par la police aérienne française alors qu’il faisait un tour en avion! Ah le voyou de socialiste qui se fait plaisir dans les airs tandis que l’on nous somme de veiller à la santé de la planète.

Eh bien non, soyons cohérents: Alain Berset a bien raison de faire de l’avion si cela lui plaît, tout comme les écologistes qui veulent se passer de viande ont bien raison de se l’interdire dans leurs réunions privées. Il sera difficile de réclamer davantage de liberté, à droite, pour ceux qui auront pris l’habitude d’employer les armes de l’adversaire dès que cela les arrange. Il en va d’une certaine hygiène intellectuelle.




Quand Les bobos crachent sur le flic

Malheureusement, ce qui fonctionne pour les réfugiés syriens ne semble pas s’appliquer aux agents de police, joyeusement insultés lors de la dernière édition du Festival de la Cité, à Lausanne. «La scène n’a duré que quelques secondes, sur un super concert d’une heure», nous disent les amateurs du groupe «Crème Solaire», qui se produisait devant la cathédrale. Certes, reste qu’en faisant crier «Tout le monde déteste la police» à son public, ce duo «glitch hop électro punk» fribourgeois s’est permis de stigmatiser toute une population, par ailleurs présente sur les lieux et impliquée dans la bonne organisation de l’événement.

Imaginerait-on un artiste, dans un festival grand public lausannois, qui se permettrait de chanter sa détestation des cyclistes, des brasseurs artisanaux ou des membres du parti socialiste? Certainement pas, et c’est heureux. Alors pourquoi se permettre de telles outrances envers des personnes exerçant un métier plus difficile que ceux de bobos en mesure d’aller boire des bières à dix francs toute la nuit?

Oui, nous n’y allons pas avec le dos de la cuillère. Et pourtant nous ne forçons pas le trait. Disons-le, la Ville de Lausanne n’accomplit pas son travail d’employeur en faisant comme si elle n’avait pas vu ses agents se faire insulter dans un festival qu’elle soutient chaque année. Ce manque de courage politique illustre bien, derrière les grands discours, l’estime que certaines élites portent réellement aux gens du peuple que sont la plupart des policiers.

«Et la liberté des artistes?», disent certains. Ils ont raison. Peut-être n’y aurait-il rien à dire à propos de discours encore bien plus violents, mais tenus dans un cadre privé. Dans un cadre public, et en début de soirée, nous affirmons cependant qu’il y a des frontières morales à ne pas dépasser. Il est fort bon d’être inclusif avec toute une panoplie de minorités réelles ou fantasmées, comme le fait le Festival de la Cité. Mais il faut être cohérent et ne pas en laisser d’autres servir de boucs émissaires à une rage puérile et sans objet.




Karim Benzema, Johnny des temps modernes

Un beauf sans compromis, coupe mulet au vent, qui traverse le désert de l’Arizona au guidon d’une moto démesurée. Un franchouillard pur sucre, mais avec le tatouage de chien-loup sur l’épaule et une fresque de conquête du Far West dans sa villa du sud de la France. Ainsi découvrait-on Johnny Hallyday, voilà quelques semaines, dans une série documentaire diffusée par Netflix. Sur la base de documents intimes, le programme nous présentait les hauts et les bas de la carrière de l’icône française, ses excès, sa liberté absolue, ses jeunes épouses d’un instant.

Après «Johnny par Johnny», nom de la série, pourquoi pas un «Benzema par Benzema»? L’attaquant français vient en effet de poster sur son compte Twitter une vidéo qui aurait fait rougir l’interprète du «Pénitencier». Au menu, ni alcool ni cigarettes comme chez Johnny, mais des immenses voitures, des sorties en Jet Ski, un jet privé et un maximum de bling-bling durant ses vacances à Miami. 48 secondes de mauvais goût écologique totalement décomplexé, donc, dans la plus pure veine du rêve américain version camembert.

Mépris des élites intellectuelles, conscience écologique zéro et innocence quasi animale: chacun à sa manière, Johnny Hallyday et Karim Benzema représentent le meilleur d’une France épuisée. Des performeurs d’exception, exilés loin des leurs, et qui idolâtrent chacun la démesure américaine. Il fallait que quelqu’un reprenne le flambeau du rockeur préféré des Français. C’est un footballeur d’origine algérienne qui s’y est collé, sans forcément s’en rendre compte. Que l’intelligentsia le veuille ou non, une tradition française se perpétue.




Le béton sauvera la culture

Bien entendu, des coupes sont prévues dans tous les domaines: administratif, matériel, et, comme tout le monde doit mettre la main à la pâte, la culture. Notamment une coupe de 200 000 francs annuels au chapitre «soutiens à la création artistique». Rassurez-vous, la Ville en met toujours 200 000 à disposition.

Mais rien à faire: sacrilège ultime que voilà! Pris de vilaines suées, les membres du collectif «Bienne pour tous», sortant de leur torpeur dès qu’une menace financière contre leur petit confort pointe à l’horizon, se sont mobilisés. Ils se sont tout d’abord réunis en ville, deux ou trois soirs de suite. Mais ils ont aussi rédigé une lettre à l’intention des politiciens biennois. On peut y lire que cette coupe de 200 000 francs dans la culture est «contre-productive pour la diversité et la vitalité de Bienne». «Bienne pour tous» estime également que le Conseil municipal «dépasse ses objectifs» (on rappelle que la dette de la Ville se monte à plus de 800 millions de francs). En lieu et place de coupe, le collectif propose une solution que l’on qualifiera pudiquement d’audacieuse: construire des logements afin de générer des recettes. Ironique sachant que le groupement fait aussi part de ses inquiétudes quant à l’entretien des espaces verts.

Détail piquant: en retournant la lettre dans tous les sens, pas une phrase, pas un mot sur la décision de la Ville de Bienne d’augmenter la quotité d’impôts. Celle-ci passera de 1,63 à 1,78, soit une hausse de 20 francs par mois pour un revenu de 50 000 francs annuels. La mesure est jugée «la plus solidaire» et «nettement défendable» par le maire socialiste de Bienne, Erich Fehr.




La famille traditionnelle prend l’eau

Oui, vous avez bien lu: désagréable, et nous assumons ce mot. «Mais n’êtes-vous pas ce média qui ose enfin défendre des valeurs traditionnelles?», nous direz-vous sans doute. Oui, c’est le cas, à ceci près que nous ne pensons pas que l’on puisse fêter une telle décision de justice comme Nadal célèbre un point gagné à Roland-Garros. Lorsqu’il est question de vie ou de mort, ou de la souffrance de mères célibataires dans un ghetto, la réaction de ceux qui prétendent porter fièrement des valeurs civilisationnelles doit être digne, et à la hauteur des enjeux.

La famille, aujourd’hui, prend l’eau. Il faut être parent, peut-être, pour comprendre la dérive d’une société dont les petits écoliers croient désormais que les hommes peuvent «être enceints». Comment ne pas être effrayé, aussi, par la façon dont des concepts comme la masculinité «toxique» ou «la non-binarité» se sont imposés, alors qu’ils renvoient à des réalités qui n’existent que dans l’esprit d’universitaires militants. On peut comprendre, dès lors, le retour de balancier actuel, et les excès qu’il suscite. Reste qu’une décision de justice de la nature de celle qui ébranle les états-Unis doit être accueillie avec une certaine circonspection.

Y aura-t-il moins d’avortements après la décision de la Cour suprême américaine? Peut-être. Y aura-t-il moins de misère, de détresse et de promiscuité? Assurément pas. Car ce qui tue, ce qui nous tue en tant que société, n’est pas la dimension plus ou moins permissive de nos lois. Ce qui nous tue, c’est l’obligation qui nous est faite à tous de «prendre notre pied» en permanence. Ce qui nous tue, c’est cette idée que l’autre, le partenaire, n’est là que pour être consommé, et que l’on pourra jeter le fruit de notre union en cas de désagrément. Ce qui nous tue, c’est que l’idée de transmettre un héritage, des traditions, une foi, est désormais suspecte.

Les états-Unis ont pris une décision qui semble consacrer la victoire des chrétiens conservateurs. A ceux-ci de ne pas se laisser berner en pensant que la messe est dite, et les bébés sauvés. S’ils ne savent plus être le sel de la terre, et porter dignement un nouvel idéal pour ce monde, leur triomphe sera de courte durée.




Roméo danse la vie

Depuis cet audacieux exercice de transparence, le Paulo Coelho des lettres romandes est sur tous les fronts. Et pas que sur les fronts, d’ailleurs, à en croire la plainte déposée par l’ancien stagiaire d’une maison d’édition qui l’accuse d’exhibition et d’attouchements datant de l’été 2015.

Malheureusement, le système politico-médiatique est tel qu’une simple accusation suffit pour perdre ses mandats, quand ce n’est pas sa vie sociale. Philosophe (pour ceux qui en doutaient), le grand Alexandre ne perd cependant pas le sourire, et c’est ainsi que les internautes ont eu la joie de le voir danser à la Pride de Bulle (FR), voici quelques jours. Quelques pas exécutés de main de maître, qui tendent à prouver qu’une intelligence supérieure, tel un Pokémon, peut sans cesse évoluer, jusqu’à se transformer en curieux mélange de Patrick Balkany et Michael Jackson.

Alors oui, Alexandre, ne perdez pas espoir, et continuez de lutter «pour une société éveillée». Nous qui apprenons tout juste à marcher en hommes libres, nous qu’un «éloge de la faiblesse» ne fait pas encore frémir, nous avons bien besoin de vous. Nous ferons du charleston, nous ferons du lambazouk, nous ferons de la bachata. Nous serons vos Juliettes, vous serez notre Roméo.




American Idiot

Enfin bref, le leader de Green Day Billy Joe Armstrong a décidé d’engager le combat contre l’abrogation de l’arrêt garantissant le droit à l’avortement chez l’Oncle Sam. Bon, à sa manière, puisqu’il a déclaré lors d’un concert à Londres qu’il renonçait à la nationalité US pour mieux s’installer du côté de la Perfide Albion.

Lui qui a tant dénoncé l’idiotie américaine en a donc sa claque, et opte pour un geste très fort, qui devrait considérablement soulager les jeunes femmes (et hommes trans qui peuvent aussi tomber enceintes selon la Verte Léonore Porchet, on le rappelle) victimes de la misère et de la promiscuité. Ainsi en va-t-il des zélites, même issues du mouvement punk : tandis que le bon peuple doit composer avec des lois plus ou moins agréables, les rebelles en carton, eux, peuvent voter avec leurs pieds.