Après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, quoi ?

Néanmoins, le fait que « nous n’avons rien connu de tel de notre vivant », comme l’admet un homme politique américain,
devrait nous alerter. Si, après 50 ans de jurisprudence, la question du contrôle de l’avortement a ressurgi avec tant de force,
c’est que sa pratique n’est pas anodine. Elle remet brusquement sur le tapis plusieurs questions qui dépassent le cadre des
convictions individuelles.

Quand un embryon devient-il un être humain ?

Pour certains, il commence par n’être qu’un amas « anonyme » de cellules. Si c’est le cas, à quel stade de son développement
peut-on le considérer comme une personne ? À partir des premiers battements du cœur ? Quand la médecine le considère
viable ? Il est pratiquement impossible de répondre à cette question parce qu’elle suppose, comme le dualisme grec, une
séparation entre matière et esprit. C’est ce qu’illustrent les différentes lois sur les délais.

En juillet 2020, Curtis est né en Alabama à 21 semaines de grossesse. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, où l’avortement est
possible respectivement jusqu’à la 22 e et la 24 e semaine, ses parents auraient pu décider qu’il n’était pas désiré et obtenir un
avortement. Par contre, une telle démarche leur aurait été impossible en Suisse où la loi, sauf exceptions, place la limite à 12
semaines.

Face à l’impossibilité de déterminer quand un embryon devient une personne, il est plus simple d’admettre que les êtres
humains conçoivent et donnent naissance à d’autres êtres humains. Cela implique que, dès sa conception, l’embryon est un
corps en devenir doté d’esprit et un esprit habitant ce corps en devenir. Ce fait ne dépend ni de son développement ni de
l’attachement plus ou moins fort que sa mère et son père éprouvent pour lui mais de sa condition humaine.

Dès sa conception, l’embryon est un corps en devenir doté d’esprit et un esprit habitant ce corps en devenir. Ce fait ne dépend ni de son développement ni de l’attachement plus ou moins fort que sa mère et son père éprouvent pour lui mais de sa condition humaine.

Quel est le rôle de la loi dans nos sociétés ?

Son but premier est de préserver la vie humaine. Mais qu’est-ce qu’être humain ? Est-ce une qualité partagée par tous ? Les
femmes, les esclaves, les gens d’une autre couleur ou d’une autre religion, les enfants et en particulier les enfants à naître
sont-ils tous, au même degré, humains ? Les avis ont beaucoup varié dans le passé et ils diffèrent aujourd’hui encore. Mais
dans les sociétés qui ont bénéficié de l’éclairage biblique, l’idée que les humains portent en eux l’image de Dieu les a
radicalement transformées. La polygamie a disparu. L’esclavage aussi. L’éducation des filles est devenue possible. Et, depuis
peu, certains pays européens condamnent les relations sexuelles non consenties. C’est dans ce contexte de reconnaissance de
la dignité de tout être humain que se repose la question de la protection de l’embryon.

Comment évoluent les cultures ?

Elles changent en fonction de ce que leurs membres croient à propos de Dieu, d’eux-mêmes, des autres et de la nature. Elles
peuvent évoluer vers une meilleure protection de la vie ou retourner à la barbarie. Abandonner l’idée que l’être humain est
« image de Dieu » rend toutes les dérives autoritaires possibles et amplifie les inégalités sociales. En d’autres termes, nos
cultures sont plus ou moins saines et peuvent, dans certains domaines, faire fausse route. Cette observation vaut pour notre
conception de la sexualité.

Comment repenser la sexualité ?

Cette question est liée à celle de l’avortement. Making Love Makes Babies ! avertissait une affiche. Elle rappelait qu’une
relation intime engage notre responsabilité. Le Make Love, not War de la contre-culture américaine des années 60-70 a tourné
en dérision la pruderie d’une génération jugée autoritaire et martiale. Il a aussi contribué à répandre l’idée que la sexualité
était naturelle et bonne (ce qu’elle est), et pouvait être vécue comme un loisir sans conséquence (ce qu’elle n’est pas).
Cinquante ans plus tard, le mouvement #MeToo nous a fait savoir que le jeu était trop inégal et qu’il fallait siffler la fin de la
partie.

Si, suite à la décision de la Cour suprême, certains États américains réduisent les délais dans lesquels l’avortement est
possible, il y a peu de chance que le pays, comme le suggérait Margaret Atwood de manière dramatique, revienne aux procès
en sorcellerie du XVIIe siècle. Plutôt que de voir dans l’idée de limiter les possibilités d’avorter un mal absolu, il serait sans
doute préférable de proposer une réflexion renouvelée sur la sexualité. C’est en effet une réalité morale et spirituelle
qu’hommes et femmes doivent approcher à la lumière du fait qu’ils sont, les uns et les autres, « images de Dieu ». Se
reconnaître mutuellement cette dignité épargnerait sans doute à bien des couples les tourments d’un avortement.

Christian Bibollet – membre de la Paroisse de la Rive droite – Genève
*Rubrique Opinion, LT, 3.6.2022




Jusqu’à quand va-t-on nous tondre?

Quel conservatisme! Elle est aussi un peu beauf parce qu’il lui arrive de regretter une période où l’on pouvait fumer des cigarettes à la chaîne, écouter du rock sans évaluer le politiquement correct des paroles, et rouler sans casque à moto. Cette classe est la mienne, la classe moyenne – même si je n’ai jamais touché un véhicule à deux roues.

Parce que nous ne vivons pas dans une «bulle protégée», dixit le conseiller aux États zurichois Ruedi Noser (PLR), les élites politiques ne se précipitent pas tellement pour la soutenir, cette classe sociale. Qu’elle paie son essence à des prix totalement indécents n’y changera rien, d’ailleurs: l’État ne peut arroser tout le monde, vous comprenez… Oui on comprend bien, et ce n’est d’ailleurs pas ce qu’on lui demande. En réalité, on aimerait simplement que, à l’instar de certains pays voisins, nos bons maîtres cessent de nous tondre quelques instants, via une diminution des taxes sur les carburants, par exemple.

Il est vrai qu’on ne peut mettre la transition écologique en stand-by. Il est vrai peut-être aussi que la stabilité de notre modèle vacillerait si l’on innovait en ne renvoyant plus les gens du commun vers les joies du «M-Budget» et du «Prix Garantie». Il y a déjà tellement de causes subalternes à soutenir, où irait-on si on faisait un geste fort pour la majorité de la population?

Une fois de plus, ma classe sociale est certainement disposée à faire l’effort. Mais de grâce, tant qu’à nous laisser nous appauvrir, au moins qu’on cesse de nous expliquer qu’il faut renoncer à manger de la viande matin, midi et soir pour soigner nos économies, comme a pu le faire Guy Parmelin dans les colonnes de Blick. On veut bien admettre que l’on n’intéresse plus grand monde, mais de là à supporter qu’un ministre de l’Économie nous apprenne à gérer les nôtres, d’économies, il va falloir nous initier assez largement à la méditation transcendantale. Et sûr que ça plomberait encore un peu plus les finances
publiques.




Le cri du cœur de la quinzaine

Et elle l’a fait savoir sur Twitter: «Je suis en télétravail et une souffleuse est tellement forte que je n’arrive pas à me concentrer. A quand l’interdiction des souffleuses de feuilles à Lausanne? Merci». Contactée, l’écologiste et réalisatrice n’a pas souhaité répondre à nos questions. Il aurait été pourtant intéressant d’avoir son point de vue sur l’éventualité d’interdire tout ce qui lui déplaît et si elle allait transmettre le dossier à un collègue de parti. Ou tout simplement s’il n’était pas plus simple, et plus écologique, de fermer sa fenêtre.




Un Amit pour la vie

Prenez l’un de ces repas de fête où un convive un peu éméché, pas forcément le bonhomme le plus malin de la tablée, dirait: «De toute façon, dans ces universités, il n’y a bientôt plus que les gauchistes qui ont le droit de s’exprimer!» Ce serait très bête et très caricatural, n’est-ce pas? Eh bien c’est pourtant ce que nous assène, certes en des mots plus choisis, le chef de la police politique de nos camarades de Blick, j’ai nommé le sémillant Amit Juillard. Pour notre confrère, les choses sont simples: «l’université doit être un lieu de savoir et de connaissance, pas un lieu de désinformation et d’idéologie conservatrice.»

Et de célébrer, dans un billet virevoltant, les actions d’intimidation menées sur des conférenciers invités à l’université. Il faut dire qu’à ses yeux, ces auteurs auraient la grande tare d’être «transphobes», ce qui n’est assurément pas bien, même si leurs travaux dénoncent surtout les ravages d’interventions médicales trop précoces. Plus inquiétant encore, les premières victimes de censures à l’UNIGE, Caroline Eliacheff et Céline Masson, pourraient même être proches de « milieux bigots ultra-cathos qui prient en latin.» Qu’on les interne, vite! Notre ami Amit, néanmoins, n’est pas contre le débat: tout juste décrète-t-il que ce dernier «ne peut avoir lieu que si on écoute les spécialistes, si on lit des études sérieuses et si on convoque les personnes directement concernées.» Autant dire, entre gens bien. Des gens comme lui. Des gens autour desquels il se sentirait volontiers de tracer les limites de la fréquentabilité. Sommes-nous conservateurs, au Peuple? Nous croyons surtout que nous sommes restés punks. Car l’autorité, cette même autorité qui nous agaçait à 15 ans, est aujourd’hui du côté de tous ceux qui justifient leur refus de la liberté d’expression par un sentiment de persécution fantasmé. Peu importe la cause, que des journalistes célèbrent la censure est un pas décisif vers la destruction de l’intelligence et de la démocratie.




forum d’économie planifiée

Le Forum économique Mondial de Davos vient de se terminer. Nous n’avons pas réellement eu l’occasion de lire beaucoup d’articles intéressants à son sujet dans les médias main-stream. 20 Minuten, toutefois, a fait preuve d’une certaine créativité en partant dans les méandres des annonces en ligne pour nous apprendre qu’un «appart’ à 18 000 francs la nuit» tendait les bras aux conférenciers ou qu’une chambre «sans salle de bains» s’y négociait à 10 000 francs la journée. Peut-être le seul exemple d’une économie de marché réelle durant cet événement.

Il faut dire que pour certains, comme Stéphane Geyres, président de l’Institut Mises France, le WEF n’a rien à voir avec une cérémonie dédiée au libéralisme ou au capitalisme: «Le Forum n’est que La Mecque d’une ploutocratie (oligarchie de la richesse indue) galopante n’ayant rien à voir avec la Liberté. Le capitalisme véritable, c’est notre boulanger du coin de la rue, celui qui risque la faillite si son pain ne nous satisfait pas. On y est libre d’entreprendre et de s’enrichir, mais parce qu’on y est aussi libre d’échouer. Échouer y est fréquent parce qu’on n’y reçoit aucun privilège ni aucune subvention accordée par quelque État. Où sont les authentiques entrepreneurs à Davos? Je ne vois que des mercantilistes masqués.»

«Le Covid est crucial car c’est ce qui convainc les gens d’accepter, de légitimer la surveillance biométrique»

Yuval Harari,auteur de Sapiens

Plus grave, les médias grand public ont largement fait l’impasse sur des propos tenus lors des diverses conférences, dont trois, particulièrement effrayantes, relevaient carrément de l’apologie du totalitarisme.

Surveillance et rationnement

On commence avec la déclaration de Yuval Harari, auteur du best-seller Sapiens: «Le Covid est crucial car c’est ce qui convainc les gens d’accepter, de légitimer la surveillance biométrique totale. Si vous voulez stopper cette épidémie, vous n’avez pas seulement besoin de surveiller les gens, vous devez surveiller ce qui se passe sous leur peau.» Une deuxième pour la route? C’est parti avec le président du groupe Alibaba, J. Michael Evans. Ce charmant personnage s’est vanté de la mise au point d’un «traceur d’empreinte carbone individuel» permettant de surveiller ce que vous achetez, ce que vous mangez ou encore où et comment vous voyagez. La société libérale paraît bien lointaine…

Pour terminer ce petit catalogue, on ne peut s’empêcher de citer Julie Inman Grant. La commissaire (déjà, tout est dans le titre) australienne chargée de l’e-sécurité s’est attaquée à un des piliers, si ce n’est LE pilier du libéralisme: la liberté d’expression. Elle a déclaré que cette dernière devait être «recalibrée». Une déclaration qui fait bondir Stéphane Geyres: «Parler de «liberté d’expression recalibrée» n’est autre qu’un déni de Liberté. Tout «oui, mais» à la liberté est toujours contradictoire. Jordan Peterson nous l’a rappelé avec raison: accepter le débat, c’est prendre le risque de la contradiction. Comme vivre, c’est accepter le risque de vivre, «recalibrer» la liberté d’expression, c’est recalibrer la Vie. Qui peut donc oser se prendre pour ce dieu qui pourrait recalibrer nos vies?»

liberalie.substack.com & mises-fr.org




Elle veille sur nous

Christine Lagarde, ex-directrice du Fonds Monétaire International (FMI) et désormais présidente de la Banque Centrale (BCE) a déclaré, durant une apparition télévisuelle aux Pays-Bas, que «les cryptomonnaies ne valent rien», puisqu’elles «ne reposent sur rien». Pas d’inquiétude, c’est pour vous materner qu’elle s’attaque à vos portemonnaies numériques, puisqu’il faut «les réglementer dans l’intérêt des personnes qui n’en comprennent pas les risques».

La présidente avait déjà craché son fiel en mars dernier, jugeant que Bitcoin et autre Ethereum «étaient une menace» dans le contexte de la guerre en Ukraine. Il est bien évident que pour la commandante des sous européens, un bien qui subit les fluctuations d’un marché libre et consentant, et surtout décentralisé, représente une menace.

Alors certes, Madame Lagarde considère les cryptomonnaies inutiles mais demande deux choses, de tout son petit cœur de technocrate. D’abord les taxer, bien entendu. Et deuxièmement, puisque celles-ci ne sont pas sous contrôle, lancer un «euro-numérique». Ainsi, les transactions pourront être scrutées par des gens qui ne veulent que votre bien. On imagine bien les conséquences: en cas de désamour de la BCE pour ce que voudrez vendre ou acheter, alors vous ne pourrez plus le faire. Cette monnaie de banque centrale est prévue pour 2025 si les expérimentations sont concluantes. Un prototype est envisagé fin 2023. Combiné avec le traçage de votre empreinte carbone et le flicage de ce qui se passe sous votre peau (lire ci-contre), l’«ultralibéralisme» commence à avoir du plomb dans l’aile.




Récit: Hier encore, nous avions vingt ans

Le mot «woke» n’était pas encore sur toutes les lèvres et on n’y parlait pas encore d’écriture inclusive. Une secrète complicité, toutefois, semblait unir les défenseurs de toutes les causes contre-culturelles, persuadés de participer à l’avènement d’un monde plus fluide et plus ouvert. Ainsi, une affiche sur un mur du B2 – le bâtiment des Lettres, où se trouvait déjà une cafétéria sans viande – pouvait-elle annoncer la présence, au sein d’un même espace de parole, d’un conférencier du Hezbollah, puis la semaine suivante d’une féministe universaliste ou d’un militant pacifiste. Le look punk était encore un peu tendance, même si la résurgence du tournant de l’an 2000 tirait déjà sur sa fin.

Dans cet univers, des débats opposaient parfois avec une certaine virulence des adversaires idéologiques et il n’était pas rare que l’un d’eux – même issu du corps professoral – cherche à épater l’auditoire avec un coup d’éclat. Quelques rencontres sur le thème du partenariat enregistré entre personnes du même sexe – l’ancêtre du mariage gay – avaient ainsi parfois fini en eau de boudin entre sociologues et experts du droit. Mais ces échanges avaient eu lieu, au moins l’espace de quelques instants, et nous pouvions faire notre marché entre des méthodologies diverses.

En vingt ans, les causes n’ont finalement pas beaucoup changé, à part que l’idéal de «convergence des luttes» semble avoir pris un peu de plomb dans l’aile sous l’effet des attentats de la dernière décennie. Le phénomène nouveau, en réalité, est que d’aucuns puissent croire lutter pour la liberté en niant à autrui la liberté de se confronter à des avis contraires. Ainsi s’est terminé l’esprit de 68, dont nous pensions encore être les héritiers: il est désormais bien souvent interdit de ne pas interdire. RP




Humeur express: ton bouquin, on l’a pas lu!

En l’occurrence, c’est celle de Genève qui a fort à faire, ces temps, avec des « militant-x-e-s » désireux de faire régner, sans qu’ils y aient réellement été encouragés, une certaine pureté doctrinale parmi les invités de l’institution. Dernier en date à avoir vu sa conférence sabotée, un intellectuel français,
Eric Marty, venu présenter son livre, Le sexe des Modernes. Pensée du Neutre et théorie du genre. «L’ouvrage remet en question l’accès des mineur·es à la transition au nom de la protection de l’enfant», dénoncent les personnes venues empêcher la conférence (la même mésaventure était déjà arrivée à deux conférencières moins d’un mois auparavant). Un reproche que l’on imagine nécessairement fondé dans la mesure où, lors de son petit happening, le «collectif» a scandé «ton bouquin c’est de la merde, on l’a pas lu». Ainsi va le wokisme: muni de casseroles et de la certitude d’incarner la vérité, nul besoin désormais d’avoir potassé la production littéraire de ses adversaires idéologiques pour la dénoncer comme infâme.




Humeur express: Mépris et préjugés

La journaliste s’y réjouit carrément du malheur des autres. «Cryptos, enfin le krach», titre-t-elle. Il y a quelques mois, aurait-elle osé un «Covid-19: enfin le million de morts»?
Pour justifier sa prise de position, elle avance que «les valorisations époustouflantes de la tech en bourse n’étaient pas le fruit d’une prescience géniale, mais plus sûrement le résultat d’une politique monétaire laxiste comme jamais». Ensuite, elle estime que se rendre sur un forum de discussion dédié aux cryptomonnaies ressemble à une «expérience ésotérique» pour le «néophyte, ce ringard» et qu’il s’y crée un «écosystème de l’absurde». Reste que les pratiquants de cet «ésotérisme», vivant «dans l’absurde» sont, parfois, des spéculateurs novices, tentant de mettre un peu de beurre dans les épinards en plaçant leurs économies. Pas certain que ces derniers se soient dit «enfin le krach», la semaine dernière, lorsque le cours de Luna, une des milliers de cryptomonnaies, s’est effondré, provoquant la fonte de leur portefeuille. JB




Un joueur de foot doit-il épouser les causes de l’époque?

NON, selon Raphaël Pomey
Posons tranquillement le décor: un footballeur musulman très pieux, dont le club est aux mains d’un représentant d’un État appliquant la peine de mort pour les homosexuels, suscite la polémique pour avoir refusé de porter un maillot aux couleurs de l’arc-en-ciel. Est-il vraiment nécessaire de développer pour saisir le ridicule de la situation? Non pas qu’il soit anodin que des personnes LGBT soient encore agressées dans la rue, insultées, ou bien évidemment condamnées par des États en raison de leurs inclinations propres. Simplement, il paraît tout de même doucement hypocrite que l’on demande à des sportifs de porter des causes qui les dépassent et dont on peut légitimement penser qu’elles ne hantent guère les nuits de leurs patrons du Golfe. Idrissa Gana Gueye n’est sans doute pas le plus tolérant des hommes, mais il se trouve que son travail consiste à taper dans un ballon, et non pas à porter le feu de l’égalité aux humains, tel un Prométhée post-moderne. A force de demander à des personnalités extérieures au jeu politique de s’engager sur des enjeux qui, eux, relèvent très clairement de la chose publique, un risque fait peu à peu surface: que l’engagement citoyen ou associatif de base, ciment de notre société, paraisse peu à peu inutile. A quoi bon s’exprimer à propos de la gestion des comptes d’une société de tennis si, de toute manière, il n’y a que des grandes causes dans ce monde, sur lesquelles n’importe quel avis fait autorité? Loin de permettre une «évolution des mentalités», comme on nous le promet toujours, la multiplication des «journées de» et des actions symboliques noie surtout les souffrances de ce monde dans une guimauve vaguement dénonciatrice qui ne sert à personne.

OUI, selon Jérôme Burgener
Faisons fi des idéologies qui gravitent autour de cette affaire et revenons sur la réelle question qui se pose ici. Il s’agit simplement d’une relation contractuelle entre une entreprise et son employé. Revenons sur la définition d’un contrat. Il s’agit d’un accord volontaire entre deux ou plusieurs personnes, faisant naître des obligations entre elles. Pascal Salin, économiste et philosophe français, en donne une description encore plus précise dans «Libérons-nous», sorti en 2014: «Si un contrat existe, c’est évidemment parce qu’il est satisfaisant pour les deux co-contractants. Si le contrat est librement décidé et signé, il rend impossible toute domination des uns par les autres: les contractants partagent la même liberté et la même dignité.» Idrissa Gana Gueye a, en 2019, signé un contrat avec le PSG lui rapportant plus de sept millions d’euros par année. Nous pouvons bien imaginer que l’accord spécifie que le joueur doit porter le maillot, donc l’uniforme, du club qui l’a engagé. Un peu comme un employé de McDonald’s ou un agent de police. Si le joueur refuse de porter le maillot, même si celui-ci affiche les couleurs arc-en-ciel à titre exceptionnel pour la journée de la lutte contre l’homophobie, il n’honore pas les termes du document qui le lie à son club. Ce dernier peut donc prendre des sanctions contre Idrissa Gana Gueye. Une décision qui semble difficilement contestable, si elle a lieu. La pression exercée par Rouge Direct, qui dénonce l’homophobie dans le sport, est plus contestable. L’association a interpellé les deux parties ainsi que la ligue sur Twitter: «L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit. La ligue et le PSG doivent demander à Gana Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant.» On doute que cette ire résulte d’une rupture de contrat.