Les apôtres d’une Suisse ouverte ont une drôle de manière de prôner l’inclusion
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
À moins d’avoir vécusur mars ce week-end, ou à moins de suivre l’actualité uniquement grâce au service public, vous n’avez pas pu passer à côté de l’affaire impliquant une starlette vert’libérale zurichoise nommée Sanija Ameti. « Patriote 2.0 », « étoile montante de la politique en Suisse alémanique », selon un portrait de PME Magazine en 2022, cette experte en cybersécurité a jugé bon de publier sur Instagram des photos où on la voit tirer sur une représentation du Christ et de la Vierge. « Pour décompresser », selon elle.
Silence radio
Les réactions ont rapidement fusé à l’internationale et au sein de son parti, mais sur le service public, le suivi de l’affaire est resté léger. Il faut dire qu’hier, à Forum, des sujets plus explosifs allaient être traités, comme la vie sexuelle du philosophe Alexandre Jollien ou le succès des jeux paralympiques. Quant au 19h30, on aurait certes pu imaginer qu’il fasse une petite place à cette affaire qui blesse les chrétiens culturels qui forment la majorité de la population suisse. Mais non, même un sujet sur le « body positive » a tenu le coup face aux frasques de la politicienne originaire de Bosnie-Herzégovine, qui se décrit comme une « musulmane agnostique ».
Parmi les gens discrets depuis ce week-end, il y a aussi le mouvement Opération Libero, dont Sanija Ameti est co-présidente. Pour rappel, cette joyeuse équipe pro-UE se propose de défendre « une société ouverte et progressiste, libérale et juste, dans laquelle chaque être humain est libre de se développer et est égal en dignité et en droits. » Il est aussi question, sur son site, de renforcer les libertés et d’agacer les populistes. À vrai dire, tirer sur des représentations de femmes et d’enfants « agace » assurément les populistes, même athées, mais on saisit moins bien quelle liberté cela défend. Bien qu’ayant contacté le mouvement et plusieurs de ses militants, nous n’avons malheureusement pas été renseigné sur ce point.
Un double standard
Imaginons, maintenant, ce qui se serait passé si un élu populiste, défendant une société souveraine et conservatrice, avait eu la bêtise de tirer sur une représentation d’une autre religion que la sienne : aurait-on encore beaucoup parlé de la vie sexuelle d’Alexandre Jollien ou de « Body Positive » à Forum ou au téléjournal, selon vous ? Les excuses de Sanija Ameti, dont la sincérité n’apparaît pas désarmante, n’auraient-elles pas été dénoncées comme hypocrites ? La réponse est oui, bien sûr. Et le silence actuel de tant de ceux qui se seraient rués sur les frasques d’un UDC quelconque en dit long sur la réalité du rôle de « contre-pouvoir » dans lequel se drapent tant de promoteurs de la pensée dominante.
À marche forcée vers l’Île aux enfants
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
Jusqu’à la récente transformation de notre civilisation en parc d’attractions géant,les enseignants avaient pour mission de transmettre aux enfants l’art de lire, écrire et compter. Ce temps semble définitivement révolu. Dans le Canton de Vaud, malgré un département tenu par ce qu’il est convenu d’appeler la droite, des membres du corps professoral nous ont rapporté un ordre nouveau : leur mission, ont appris certains la semaine dernière, consiste aussi et surtout à « œuvrer au bien-être émotionnel des enfants » désormais. Mieux, pour « fluidifier la communication avec les familles », pour se montrer « efficace et efficient » (propos authentiques rapportés par l’agence ATS), les huiles vaudoises ont mené de puissantes réflexions qui ont entre autres abouti à la mise en place de « congés joker ». Entendre par là : la possibilité pour les parents de poser des demi-journées de congé à la carte, sans justification, deux jours avant l’absence en question. Pas certain que cela résolve les problèmes qui inquiètent réellement les profs, comme le peu de moyens à disposition pour transformer en réalité le grand rêve d’une école inclusive.
La dénaturation festive du réel
Il ne nous appartient pas de livrer des verdicts à l’emporte-pièces sur des décisions qui comportent leur part d’utilité. Par exemple : un « congé joker » bien placé permettra d’éviter quelque leçon de catéchisme sur les questions de genre. Ce qui nous intéresse, ici, est un mouvement de société qui, dans le fond, constitue la matière première de notre réflexion : comment réagir face à la multiplication des approches ludiques et infantilisantes des questions complexes ? Comment rester équilibré, pour dire les choses plus simplement, quand notre environnement prend les allures d’une vaste farce ? Aurait-on imaginé, il y a encore dix ans, qu’un jour l’armée suisse mènerait un sondage au sujet du bien-être de ses incorporés non-binaires ? Aurait-on cru qu’un jour, aux Jeux Olympiques, un speaker demanderait aux spectateurs de se lever « s’ils le peuvent » (comme si les tétraplégiques avaient besoin qu’on leur rappelle leur condition) ? N’aurait-on pas rigolé à l’idée que Libération, un média censé porter des idéaux égalitaires, finirait par multiplier les articles au sujet du plaisir prostatique chez les messieurs ?
Le problème de l’autoritarisme
Ces différents exemples pourraient simplement susciter des haussements d’épaules. Il y a bien pire, après tout. Mais c’est négliger un fait essentiel : à savoir que le voyage vers l’Île aux enfants comporte un versant inévitable, qui est l’autoritarisme. Ainsi, en même temps qu’il imposait sa métaphore du jeu de cartes pour nous parler de congés scolaires, le Canton de Vaud annonçait sa volonté très claire de serrer la vis aux personnes susceptibles de se trouver hors de son orbite. Dans le texte, « le Conseil d’État veut mieux encadrer les écoles privées et l’enseignement à la maison dans un souci de qualité ». Ceux qui possèdent un minimum de culture historique – par exemple parce qu’ils se sont intéressés à l’histoire soviétique – sauront traduire : « Il faut surveiller et imposer ses idées, même lorsqu’elles mènent à la médiocrité pour tous ». Cette réalité a maintes fois été évoquée dans nos réflexions, mais les Églises sont aussi des exemples absolus d’institutions où l’autoritarisme et les pires déviances ont accompagné l’introduction de chants gnangnans et un sentimentalisme digne de La Petite maison dans la prairie.
On peut vouloir remédier à tout cela à travers l’engagement politique. Mais pour nous, qui n’avons pour vocation ni de déposer des motions, ni de guider les âmes, une autre exigence s’impose : faire la paix avec une forme d’anarchisme. Non pas l’anarchisme stérile du révolté de 17 ans, mais celui qui n’entend pas renoncer au réel pour plaire aux puissances du moment, même lorsqu’elles jouent la carte cool (ou joker). Comme l’écrivait Ernst Jünger dans son Traité du rebelle, « Quand toutes les institutions deviennent équivoques, voire suspectes, et que dans les églises même on entend prier publiquement, non pour les persécutés, mais pour les persécuteurs, c’est alors que la responsabilité morale passe à l’individu ou, pour mieux dire, à l’individu qui ne s’est pas encore laissé abattre. »
Restons rebelles. Restons inclassables.
Démographie : La politique organise la pénurie
écrit par Tribune Le Peuple | 9 septembre 2024
L’explosion démographique
Pour avoir une idée du phénomène frappant la Suisse, il faut s’imaginer qu’il se construit annuellement, depuis des décennies, une ville de la taille de Lucerne pour accueillir les ressources apparemment nécessaires à notre système économique. Dans le Canton de Vaud, c’est la population de la ville de Prilly qui doit trouver à se loger chaque année.
Comment imaginer le fonctionnement des hôpitaux, EMS et des autres institutions de soins sans leur personnel étranger ? On admet communément qu’il est impossible d’affronter la pénurie de main d’œuvre sans les ressources humaines de nos voisins européens. Et puis, il y a les cerveaux et les profils hautement qualifiés, issus de tous les continents, grâce auxquels rayonnent nos Hautes Ecoles et les fleurons de notre économie ; les employés de Crédit Suisse en attestent.
« Par chance » toutes ces personnes n’ont pas besoin de trouver un toit ici. Ils sont quotidiennement environ 44’000 à naviguer sur le lac Léman ou à franchir le Jura puis à sillonner les routes vaudoises. C’est tout de même le mouvement biquotidien d’un flux équivalent au double de la population de Renens ! Le mouvement est encore plus intense à Genève et au Tessin.
Une aubaine ?
Quoi qu’en disent certains, l’économie tourne à plein régime. Jamais l’Etat de Vaud n’a encaissé autant d’argent (11,5 milliards en 2023 !). Cette période de surconsommation de ressources est notamment caractérisée par la fracture entre les bénéficiaires des prestations publiques et les forces vives, totalement autonomes, siphonnées au profit de la bourse collective. Les premiers peuvent compter sur un éventail diversifié d’aides allant au-delà des soutiens classiques que sont le Revenu d’Insertion et l’Aide sociale. Citons, parmi les plus onéreuses, le plafonnement des primes d’assurances maladie, les prestations complémentaires pour les familles et l’aide aux migrants. Alors que les seconds souffrent de l’érosion de leur revenu disponible par les effets conjugués d’une fiscalité confiscatoire et du retour de l’inflation.
À l’exception des bénéficiaires précités, les Vaudois ont en réalité peu goûté au miracle économique, que la liturgie médiatique récite encore à la gloire des deux héros locaux, MM. Maillard et Broulis.
Ce sont avant tout la paix sociale, la stabilité des institutions, la qualité des infrastructures, la performance du système d’éducation et de formation, l’attention portée à l’environnement et une qualité de vie rarement comparable sur le continent Européen qui expliquent cet afflux massif, dont les effets sont accentués par la libre circulation des personnes et le regroupement familial.
Or, chacun constate que la poule aux œufs d’or souffre d’épuisement à force d’être sollicitée. Des symptômes préoccupants apparaissent. Ils se manifestent par la congestion des infrastructures de transport, des pénuries de main d’œuvre, d’institutions de soins et d’accueil, de logements. Selon les circonstances, on nous prédit des déficits énergétiques, hydriques, voire alimentaires. Dans ce contexte, je m’étonne qu’une majorité de politiciens demeure figée sur le logiciel de croissance des années d’après-guerre[1].
L’emballement mène au rationnement.
Le secteur immobilier symbolise le cercle vicieux induit par les effets de cette croissance quoi qu’il en coûte. On attend de lui qu’il produise très (trop ?) rapidement de quoi loger toutes les composantes du flux migratoire, dans un contexte de raréfaction du sol, d’inflation normative et technique délirante et de déficit de main d’œuvre. Vaud impose, en plus, aux propriétaires d’améliorer les performances énergétiques de leur parc tout en plafonnant les loyers. Il réserve, en outre, à la collectivité de renforcer sa position dans le système, en préemptant les objets vendus. Ce fonctionnement correspond à celui d’une économie administrée selon le modèle du rationnement.
Le domaine énergétique, instable par nature dans un pays importateur, n’est pas en reste. Désireux de marquer l’Histoire en épousant le sens commun, nos politiciens ont décidé de nous priver de l’énergie nucléaire, en recourant à des alternatives aux bilans environnementaux souvent moins favorables. Adepte de la méthode du bâton et de la carotte, la machine administrative catéchise la population aux préceptes de la mobilité et des systèmes de chauffage dépendant essentiellement de l’électricité.
Le monopole des fournisseurs publics d’électricité assure simultanément l’aliénation des administrés-consommateurs et l’alimentation des caisses publiques. Qui ne s’est-il pas réjoui du résultat record de Romande Energie, en 2023 ? Le déploiement de compteurs « intelligents » permettra aux services publics de restreindre les accros à l’électron par des mesures planificatrices qui conduiront au bien-être collectif.
L’accroissement anarchique de la population produit aussi des effets sur le système de santé publique. Les responsables Vaudois qui se succèdent depuis 20 ans n’ont pas osé poursuivre la réorganisation hospitalière imposée par l’évolution des charges. Au contraire, ils ont « courageusement » opté pour l’augmentation des effectifs, la limitation de la rémunération des médecins-chefs et les restrictions d’équipements dans les établissements privés. L’option socialiste d’étatiser la santé publique ne permet manifestement pas aux assurés Vaudois – du moins, ceux qui ne profitent pas des aides – de descendre du podium des primes les plus élevées du pays. Ils ne bénéficient pas, pour autant, d’un accès aux soins plus efficace.
À ce rythme, une majorité de Vaudois peut tomber dans l’assistanat. Cette situation justifierait, aux yeux de certains planificateurs, un rationnement des prestations publiques. Les commissaires à la santé décideraient alors des critères de discrimination : l’âge, l’état de santé, le comportement alimentaire, le revenu, la fortune, les orientations politiques, sexuelles ou religieuses. Le terreau du rationnement est fertilisé par les appels lancinants en faveur d’une caisse unique d’assurance-maladie, présentée comme le seul remède à l’évolution des charges. Et si l’accroissement délirant de la population était une cause de l’alourdissement du système sanitaire et de l’augmentation de ses coûts ?
Le besoin d’une vision à long terme
La libre circulation répond, sur le court terme, aux besoins d’un marché duquel tous nos voisins aimeraient tirer profit. Son usage immédiat et incontrôlé laisse entrevoir les pénuries parce que nous évoluons dans un système aux ressources limitées. Comme il l’a déjà fait, le souverain se prononcera sur la question essentielle de la démographie. Faisons le pari que nous serons une majorité à rejeter l’ancien modèle économique consistant à créer de la demande ; c’est-à-dire à loger, éduquer, former, soigner, une population étrangère moins sensible à nos équilibres et proportionnellement plus consommatrice de prestations sociales.
Concevoir la Suisse à 10 millions d’habitants et à 500’000 frontaliers, c’est organiser pénuries et rationnements. Le jour du dépassement, si cher aux ONG et autres censeurs vertueux, risque de tomber en février, si le projet migratoire n’est pas reconsidéré.
L’inspiration doit venir des autorités de Grimisuat qui ont fait le choix de plafonner la population communale afin de limiter la pression sur l’eau. La sauvegarde de nos ressources, de nos systèmes sociaux, la mise en œuvre de politiques écologiques, plus efficaces que punitives, et la préservation de notre autonomie alimentaire imposent une action résolue face à l’évolution anarchique de la démographie suisse. Notre liberté est à ce prix !
Nicolas Daïna, ing. forestier dipl. EPFZ, directeur d’une régie immobilière.
[1] En 1950, la Suisse compte 4,7 mios d’habitants, dont 6% d’étrangers. Nous sommes 8,9 mios en 2022, dont 26% d’étrangers.
Cette laideur ne vaincra pas
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
Qu’on y défile au pas de l’oie ou qu’on y mette en scène des drag queens jouant les apôtres, les cérémonies officielles nous ennuient. Parce qu’elles sont l’expression d’un pouvoir et parce que rares sont les œuvres artistiques qui nous font toucher le Ciel en même temps qu’elles cochent toutes les cases de l’idéologie dominante.
Dans les sociétés occidentales actuelles, une particularité du pouvoir – qu’il soit médiatique, intellectuel ou artistique – réside dans sa tendance à intégrer une multitude d’éléments des contestations des générations précédentes. Ainsi, pour se présenter en tant que moderne, le roitelet du moment veillera à salir toute l’histoire sur laquelle s’appuie son autorité. C’est la figure d’un pape qui combat la tradition de l’Église. C’est le cocon d’ironie protectrice de l’humoriste (Yann Marguet, pour être précis) qui nous explique que le Requiem de Mozart est « une vraie merde » dans Libération. Et c’est le cas, vous l’avez vu venir, de la cérémonie d’ouverture des JO avec son détournement de la Sainte Cène qui a vu le Christ remplacé par une DJ obèse.
Les évêques français ont « déploré » le blasphème. C’est faible mais à leur échelle, c’est beaucoup, tant ils sont habituellement soucieux de se démarquer des aspirations de leur fidèles et de tous ceux qui souhaitent que survive une culture chrétienne. Mais qu’on n’attende rien de plus d’adeptes d’un christianisme serpillère.
Dans cette édition se trouve un assez long reportage sur une exposition consacrée à une figure du Street Art au Palais des papes d’Avignon. Sans le savoir, il annonçait ce qu’allaient découvrir, médusés, tous ceux qui ne savaient plus s’ils se trouvaient devant la cérémonie d’ouverture des JO ou dans un festival intersectionnel LGBT : abaissement de tout ce qui est grand, ironie sur tout ce qui a fait le génie passé de notre civilisation suicidaire, surreprésentation de l’intimité et en particulier des questions liées à la sexualité. Car telles sont les marottes du pouvoir actuel, tel est le sésame qui mène à toutes les subventions. N’est-il pas piquant que les pays d’autres cultures (qui ont bloqué la rediffusion des moments les plus antichrétiens) sont bien plus prompts que nous à se détourner des spectacles qui nous offensent ? N’y a-t-il pas là matière à réfléchir aux nouveaux contours que doit prendre le conservatisme d’aujourd’hui ?
On peut ironiser sur la Sainte Cène, on peut blasphémer et insulter le Dieu des chrétiens. Tout cela a déjà été fait lors de la bienheureuse Passion. Mais la laideur ne vaincra pas, la laideur ne peut pas vaincre. Car même au milieu des outrages, le beau reste la splendeur du vrai.
Trump, les balles et le déclin de la culture civique
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
« Un des hommes les plus dangereux du monde à l’heure actuelle » : le 11 avril dernier, voici comment l’émission de la RTS Temps Présent présentait Donald Trump dans un reportage. Décrivant l’Amérique à venir en cas de réélection du républicain, le reportage ne faisait pas dans la dentelle et comparait même le politicien à Hitler ! Un parallèle assumé dans nos colonnes par la présentatrice et co-productrice de l’émission Élisabeth Logean. Mais aujourd’hui, un autre détail du reportage mérite qu’on y revienne : des bruits de coups de feu ajoutés en illustration sonore à la deuxième minute, tandis qu’un acteur grimé en Trump se trouvait en plein écran.
Ces coups de feu devaient illustrer la dangerosité de l’ancien locataire de la Maison Blanche mais ils sont devenus une réalité en Pennsylvanie. À cela près qu’ils n’ont pas visé de pauvres progressistes traqués par le nouveau régime, mais le candidat Trump lui-même. Ils ont aussi tué un de ses partisans et grièvement blessé deux autres. Oui, dans une puissante démocratie, des quidams ont été touchés par des balles cet été pour s’être déplacés afin d’écouter parler un politicien. La symbolique de l’événement est immense.
Au commencement était le Verbe, à la fin les balles
Nous vivons dans une civilisation fondée sur la parole. Au commencement, croient les chrétiens, « était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Évangile de Jean). Orateur remarquable – quoique l’on pense de ses options politiques – Trump s’inscrit lui-même dans cet héritage. Mais au Verbe fondateur s’oppose la parole qui diabolise l’adversaire, la fake news et, ultimement, le bruit des balles. À ce titre, les événements de Butler illustrent en accéléré le déclin de la démocratie moderne : au commencement, un discours – corrosif – et à la fin la boucherie. Qu’il semble loin, aujourd’hui, l’art de la controverse argumentée qui a fait la grandeur passée de la culture civique américaine !
Quel enseignement pour nous autres Helvètes ? Que la stabilité de notre système politique passe par le respect, toujours et en tous lieux, de l’adversaire, quel qu’il soit. Revendiquer le conservatisme, aujourd’hui, c’est d’abord cela : défendre des institutions fondées sur la recherche du compromis et du bien commun.
Face aux bruits des balles, nous osons croire que le Verbe peut encore triompher.
La bête immonde bouge encore ! Si, si, on l’a vue cette semaine, à Berne et à Zurich. Elle y menace le financement massif (respectivement 30 et 20 millions de francs) de l’organisation du concours remporté par l’activiste non-binaire suisse Nemo en mai dernier. Comment ? En proposant de soumettre au vote des citoyens ce déluge de gros sous pour un événement qui, il faut bien le dire, ne fait pas l’unanimité. L’UDC n’est d’ailleurs pas seule à monter au front puisque le parti de droite évangélique UDF se joint à l’action.
Il n’en fallait pas plus pour que toutes les bonnes âmes, comme le président du Parti Socialiste vaudois Romain Pilloud, fassent connaître leur indignation. « L’UDC refuse qu’on lui colle l’étiquette « d’extrême droite », explique ce dernier sur X (ex-Twitter). Pourtant, un des éléments centraux qui permet de la définir est le contrôle de la culture : définir la culture considérée comme légitime, et censurer celle qui ne va pas dans son sens. »
Intéressante analyse : n’est-ce pourtant pas la gauche, dans les principales villes du canton de Romain Pilloud ainsi qu’à l’échelon fédéral, qui tient la culture ? Et pourquoi, dès lors qu’il s’agit de culture, le peuple ne devrait pas avoir le droit de s’exprimer sur la manière dont on utilise l’argent qu’il ramène à l’État ? La censure ne serait-elle pas plutôt dans son camp ?
On nous dira peut-être que l’Eurovision est un moment de grande communion pacifique entre les peuples. En mai dernier, toutes ces vertus du concours de l’Eurovision ne sautaient pas aux yeux. En plein week-end de l’Ascension, il fallait voir déferler sur nos écrans une délégation irlandaise conjuguant activisme pro-Gaza, non-binarité et intérêt pour la sorcellerie ! Il fallait voir une candidate de vingt ans chanter sous les huées parce qu’elle avait le tort d’être née en Israël. Il fallait subir, enfin, le catéchisme politique incessant de notre Nemo national.
Oui la droite a raison de taper du poing sur la table. Et l’on regrette que les seules formations qui osent s’engager dans le combat culturel – avec des armes pourtant parfaitement démocratiques ! – soient les plus à droite. Aura-t-on un jour un centre-droit qui, lui aussi, ne prenne pas froid aux pieds au moment de dire qu’un spectacle qui coûte des millions d’argent public doit convenir au plus grand nombre ? Pourquoi tant de pudeur ?
Rechercher les choses d’en haut
écrit par Le Peuple Info | 9 septembre 2024
Est-il interdit de ne pas interdire ? La question est abrupte mais n’importe quel Martien ou n’importe quel représentant de lointaine tribu isolée se la poserait certainement s’il mettait le pied dans un pays occidental, ces temps. Sans y comprendre grand-chose, il verrait de bonnes âmes – généralement de gauche, il faut bien le dire – s’acharner à sauver la planète et nos poumons en faisant la chasse aux cigarettes électroniques, aux pubs pour le tabac ou à l’usage de véhicules de type SUV. Puis, à droite, il verrait de jeunes gens pas tout à fait secs derrière les oreilles se présenter – comme Bardella en France – en « bons pères de famille » déterminés à redresser le pays sans n’avoir jamais rien dirigé d’autre qu’un personnage dans un jeu vidéo. D’un bout à l’autre du spectre politique, une même arrogance, une même vanité, une même farce.
Notre visiteur, certainement, se demanderait alors : mais où est passée la fameuse liberté dont ces peuples se gargarisent ? Ils ont un système dont ils sont très fiers : cette fameuse démocratie qu’ils n’hésitent pas à exporter à coups de canon. Mais leurs libertés réelles, qu’en ont-ils fait ? Pourquoi, alors qu’ils se croient au pic de leur civilisation, n’osent-ils même plus dire ce qui leur passe par la tête de peur de perdre leur boulot ? Et pourquoi cet enthousiasme obligatoire parce que leurs enfants peuvent choisir leur genre avant même d’avoir appris à faire leurs lacets ?
Un Dieu, pas de maître
En même temps qu’il est un observatoire d’un progrès en roue libre, ce journal se veut un repère pour les hommes libres. Ce précieux sens de la liberté qui nous anime vient du fait que nous avons encore un Dieu. Oui, un Dieu, et pas de maître. En tout cas pas au sein de cette hyperclasse d’élus censés porter la volonté de leurs électeurs mais qui sont surtout obsédés par l’idée de les rééduquer. Si au moins ils avaient la décence, comme les dictateurs du siècle dernier, de ne pas faire semblant d’être démocrates ! Mais non, il faut encore qu’ils soient doucereux, pédagogues et intéressés par nos ressentis ! Certains lecteurs, nous ne les ignorons pas, puisent leur indépendance à d’autres sources philosophiques que nous mais partagent avec nous ce désir farouche de ne plus subir le catéchisme hygiéniste, légaliste et égalitaire de l’époque.
Jeudi 20 juin à la radio, sur La Première, une étrange chanson est passée aux alentours de 19h50. Interprétée par un groupe suisse nommée WolfWolf (l’anglais étant devenu une langue nationale), elle évoquait complaisamment des usages très étranges de l’eau bénite des catholiques. On y décrivait, dans un blues un peu macabre, des individus s’en servant pour tirer la chasse d’eau, préparer le thé ou arroser les plantes… Cette créativité dans l’outrance, à vrai dire, aurait presque mérité le respect à une période de l’histoire où moquer la religion des chrétiens représentait encore une prise de risques. En des temps moins grotesques que les nôtres, où le nihilisme ne s’apprenait pas encore en garderie à grands coups de Drag Queens Story Hours, peut-être même aurions-nous trouvé tout cela audacieux.
« Paternalisme total d’un côté, régression subventionnée de l’autre », voilà ce que conclurait notre visiteur désabusé. Mais à ceux qui, comme nous, ont gardé le précieux sens de la liberté, nous voulons rappeler la belle devise de la ville d’Yverdon-les-Bains : ce fameux Superna quaerite, inscrit sur le fronton du temple pour nous appeler à « rechercher les choses d’en haut ».
En haut, tout en haut, nous voulons croire qu’il n’y a plus d’élus pour tenter de nous interdire la dégustation de modules cubains. Nous voulons aussi croire qu’il n’y a plus personne pour prétendre nous représenter dans un hémicycle.
Il y a des indexations en enfer #blog
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
Mon premier souvenir de Lausanne doit dater de 1991. C’était la fin de l’année, les décorations de Noël réchauffaient admirablement le climat et une tante m’avait emmené voir La Belle et la Bête, sauce Walt Disney, au cinéma. À moi qui venais d’un petit village comme Vallorbe, la ville me semblait majestueuse et féérique.
Plus tard, dans ma vie, j’ai vécu à Lausanne. J’aimais mon quartier, très multiculturel, et je m’y sentais bien. Mais la féérie avait disparu : parfois, des gens s’asseyaient sur le bord de la fenêtre de mon salon pour dealer, et il arrivait aussi que ma femme et moi soyons réveillés par la police qui sonnait chez nous alors qu’elle venait arrêter le voisin du dessous. Les cambriolages étaient aussi fréquents.
Une caste bloquée au Pays imaginaire
C’est la nature des choses : en grandissant, on guérit des illusions de son enfance et on accède à des réalités plus crues. L’épreuve est souvent douloureuse, mais elle vaut mieux qu’une existence entière à Neverland, le Pays des rêves. Le malheur étant qu’aujourd’hui, la belle ville de Lausanne semble administrée par des gens qui n’ont pas complètement rompu avec la Fée Clochette, Peter Pan et le Capitaine Crochet. Y a-t-il, en effet, un autre univers où des municipaux peuvent se regarder tranquillement dans le miroir avec des salaires indexés à hauteur de +11 et +12k (pour le syndic) le soir-même où des comptes déficitaires (3,5 millions, quand même) sont approuvés par leur législatif ? A part ces grandes banques où faire n’importe quoi débouche sur une prime ou une prudente mutation, je ne vois pas d’autre exemples d’une même obscénité.
Mais oui je sais : dans le privé, on trouve des gens qui n’ont pas le quart des responsabilités du syndic de Lausanne et de son collège et qui gagnent tout autant, voire plus. Mais vu que la gauche nous parle d’exemplarité du secteur public à chaque fois qu’elle accorde de nouveaux privilèges à son administration (congés menstruels, longues semaines de congé paternité, grève des femmes salariée…) que ne donne-t-elle pas l’exemple ? Que ne commence-t-elle pas par demander à ses élus de se serrer la ceinture en tentant de survivre avec le revenu annuel de trois familles normales, sans indexation ?
Un ami me dit qu’il y a, dans le canton de Vaud, 2% de contribuables (9000 au total donc) qui gagnent davantage que Grégoire Junod et ses camarades. Soit. Mais la vocation du socialisme consiste-t-elle à caler ses avantages sur ceux de l’hyperclasse qu’elle dénonce toute l’année ? Je me souviens d’un slogan qui disait « Pour tous, sans privilèges ». S’est-il transformé en « Nous aussi on a le droit de copier les pires dérives » ?
Du besoin de morale dans la vie publique
Jusqu’ici, j’imagine que ce texte fait le plein chez mes amis droitards qui seront ravis de pouvoir se faire une Muni de gauche. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : mon propos n’est pas partisan. Il est celui d’un chrétien qui ne juge pas concevable qu’une société survive à l’écart d’un sens minimal de la décence.
Que la morale soit violée dans le public ou le privé ne change rien à l’affaire pour qui n’a pas d’œillère idéologique, mais simplement le sentiment que notre monde est très malade.
« Si tu vois, dans le pays, l’oppression du pauvre, le droit et la justice violés, ne t’étonne pas de tels agissements ; car un grand personnage est couvert par un plus grand, et ceux-là le sont par de plus grands encore. »
Il a brisé le code, jure-t-il avec sa chanson. Ni homme, ni femme – puisqu’il est « iel » – citoyen du monde installé dans la terrifiante ville de Berlin, le chanteur Nemo est le nouveau visage de la Suisse qui gagne. Hourra ! Flonflons ! Nous ne savons plus comment payer l’assurance-maladie et le moindre passage au magasin nous coûte un rein mais un Conchita Wurst imberbe a gagné un concours criard, vulgaire et exhibitionniste ! Comment pourrait-on échapper à l’enthousiasme général ! Qui saurait refuser le nouveau totalitarisme festif ?
Voyez-vous, messieurs-dames (on profite tant que ce n’est pas encore pénal d’écrire cela), sur l’Île aux enfants qui constitue notre réalité quotidienne, peut-être que même un Federer présentait encore trop d’aspérités. Son désir de vaincre, sa sale manie de gagner beaucoup d’argent et de le planquer, voilà qui ne jouait plus. Aussi sommes-nous très heureux aujourd’hui d’enterrer l’ancienne idole, dont la marque de chaussure n’est pas extraordinaire paraît-il. Oui, il nous fallait un nouveau capitaine : ce sera Nemo (son vrai prénom, qui signifie « personne » en latin).
Notre nouveau capitaine
Pour plusieurs générations, Nemo était d’abord un personnage génial et tourmenté dans le Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Un homme qui avait un passé douloureux et donc une destinée. Puis Disney en a fait un poisson handicapé. Son ultime avatar, un Biennois qui porte des jupes, a désormais pour mission de nous guider loin des rivages de la binarité des sexes, loin de la conflictualité, loin, en somme, de la négativité inhérente à la marche de l’histoire humaine. « Moi, j’ai traversé l’enfer et j’en suis revenu pour me remettre sur les rails », chante le petit frère du peuple, pourtant né dans un certain confort.
Ce qui devrait étonner, chez le gagnant de l’Eurovision, ce sont moins les questions de genre dont il est le symbole que son étrange mélange de régression infantile complète et de passion pour la loi. Parce qu’il a gagné un spectacle en chantant dans la langue du McMonde, voici en effet un garçon de 24 ans qui veut mettre la société au pas et dire ses quatre vérités au Conseil fédéral : oui, il y cinq ou six ans, tout le monde pouvait encore se marrer quand un type barbu disait « Mais je ne suis pas un homme, Monsieur », à la télé. Aujourd’hui, tout cela a bien changé : la catégorie « non-binaire » doit entrer dans le cadre légal et nul ne saurait contester la reconnaissance étatique d’une projection de soi partagée par tel ou tel individu. En quelques siècles, nous voilà passés du « je pense donc je suis » de Descartes au « je ressens donc la société doit promulguer de nouvelles lois » de Nemo. Que ce rebellocrate gentillet se tourne vers l’État à peine son concours remporté est à ce titre riche d’enseignements.
Les gardes roses de la révolution
Désormais, Nemo est bien plus qu’un artiste, par ailleurs fort talentueux : il est le parfait khmer rose d’une révolution sucrée. Marius Diserens, élu Vert nyonnais, ne s’y trompe d’ailleurs pas en affirmant chez Blick : « En conférence de presse, lorsque Nemo a affirmé que la première personne qu’iel appellerait serait Beat Jans, iel a fait un geste politique puissant. » Et l’on imagine la pointe d’amertume chez cet autre non-binaire, dont l’hyperactivité médiatique n’a pas entrainé d’élection au Conseil national. Peut-être aurait-il fallu apprendre à chanter ?
On a pu lire, çà et là, que Nemo bousculait les codes, comme un Martin Luther King des temps modernes. Rien ne saurait être plus faux : avec son rejet de la maturation psychologique, avec son refus de toutes les frontières (entre les sexes, les pays et entre l’adulte et l’enfant), il incarne à peu près tous les conformismes de l’époque.
Nemo n’a pas brisé le code. Il vient de nous l’imposer. Nous sommes entrés, avec lui, dans l’ère du Nemo erectus
Notre vidéo sur le phénomène :
Une université à la Hamas
écrit par Raphaël Pomey | 9 septembre 2024
Au milieu des années 2000, alors que j’étais étudiant à l’Université de Lausanne, une affichette avait attiré mon attention. Un mouvement qui réunissait des étudiant.e.x.s et des assistant.e.x.sencore injustement dépourvus de « x » à l’époque – sans doute le Groupe Regards Critiques – avait invité un porte-parole du Hezbollah à donner une conférence à la gloire de la lutte armée. J’étais jeune, mais j’avais déjà l’esprit étroit et méchant. Aussi m’étais-je étonné qu’un cadre si progressiste, où le cervelas et l’humour étaient bannis, déroule le tapis rouge à un mouvement paramilitaire islamiste. Surprenant programme que l’amitié entre les peuples au nom d’une haine commune d’Israël. Mais je n’avais rien dit.
Sans doute avais-je eu raison car certaines choses ne souffraient déjà plus la contradiction. Lorsque j’étais au gymnase, par exemple, mes congénères et moi avions été vivement encouragés à défiler dans la rue en criant « Bush, Sharon, c’est vous les terroristes » tandis que les États-Unis tentaient d’exporter leur modèle de société en Irak et en Afghanistan. Bush était certainement un sale type, Sharon aussi, mais défiler avec des gens était au-dessus de mes forces et j’étais parti acheter Muscle et Fitness ainsi que Flex, dans l’espoir de développer mes deltoïdes postérieurs. Quinze ans plus tard, je sais que j’aurais réagi de même, même si on ne trouve malheureusement plus Flex en kiosque, lors des méga-manifestations pour le climat. A la sympathie que peut susciter en moi une cause répondra toujours la détestation plus forte de l’abruti capable de crier des slogans dans un mégaphone.
Une moraline à géométrie variable
Depuis quelques jours, des jeunes gens occupent l’université où j’ai découvert Saint Thomas d’Aquin, Nietzsche et Péguy. Ils dénoncent une occupation, mais pas la leur. On les laisse faire, même si leur colère peut surprendre. Où étaient ces belles âmes, ces derniers mois, tandis que les Arméniens fuyaient le Haut-Karabakh ? Pas assez exotiques ? Trop banalement chrétiens ? Quid de la situation des Ouïghours ? Enfin, que diraient ces gens si un autre groupe de manifestants occupait un bâtiment universitaire pour demander le retour des otages du Hamas ?
Nous sommes Suisses, et comme pays neutre, nous n’avons pas à tolérer que les lieux d’études que nous payons avec nos impôts se transforment en université d’été (ou plutôt de printemps) du Hamas, de solidaritéS ou d’adorateurs du monstre du spaghetti volant.
S’agit-il de fermer les yeux sur un désastre humanitaire ? Certes non, mais on se demande bien combien de vies seront sauvées par les opportunistes qui portent un keffieh depuis cinq jours, comme ils déguisaient naguère en guérilléros de la décroissance. Il est temps que nos lieux de savoir retrouvent leur vocation, qui n’est pas de servir de tremplin à des carrières médiatiques. Il est temps que nous formions de nouveau des élites capables d’apporter un peu du génie suisse dans ce monde.
Oui, osons parler du « génie suisse » ! Lorsque mon pays n’avait pas encore renoncé à sa destinée, ce terme désignait bien des choses, dont une tradition de « bons offices » rendue possible par notre neutralité. Si l’on n’y prend pas garde, ce terme n’évoquera bientôt plus que le rappeur non-binaire Nemo qui doit nous représenter à l’Eurovison,