Trump, les balles et le déclin de la culture civique

« Un des hommes les plus dangereux du monde à l’heure actuelle » : le 11 avril dernier, voici comment l’émission de la RTS Temps Présent présentait Donald Trump dans un reportage. Décrivant l’Amérique à venir en cas de réélection du républicain, le reportage ne faisait pas dans la dentelle et comparait même le politicien à Hitler ! Un parallèle assumé dans nos colonnes par la présentatrice et co-productrice de l’émission Élisabeth Logean. Mais aujourd’hui, un autre détail du reportage mérite qu’on y revienne : des bruits de coups de feu ajoutés en illustration sonore à la deuxième minute, tandis qu’un acteur grimé en Trump se trouvait en plein écran. 

Ces coups de feu devaient illustrer la dangerosité de l’ancien locataire de la Maison Blanche mais ils sont devenus une réalité en Pennsylvanie. À cela près qu’ils n’ont pas visé de pauvres progressistes traqués par le nouveau régime, mais le candidat Trump lui-même. Ils ont aussi tué un de ses partisans et grièvement blessé deux autres. Oui, dans une puissante démocratie, des quidams ont été touchés par des balles cet été pour s’être déplacés afin d’écouter parler un politicien. La symbolique de l’événement est immense.

Une élection gagnée, une démocratie perdue.

Au commencement était le Verbe, à la fin les balles

Nous vivons dans une civilisation fondée sur la parole. Au commencement, croient les chrétiens, « était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Évangile de Jean). Orateur remarquable – quoique l’on pense de ses options politiques – Trump s’inscrit lui-même dans cet héritage. Mais au Verbe fondateur s’oppose la parole qui diabolise l’adversaire, la fake news et, ultimement, le bruit des balles. À ce titre, les événements de Butler illustrent en accéléré le déclin de la démocratie moderne : au commencement, un discours – corrosif – et à la fin la boucherie. Qu’il semble loin, aujourd’hui, l’art de la controverse argumentée qui a fait la grandeur passée de la culture civique américaine !

Quel enseignement pour nous autres Helvètes ? Que la stabilité de notre système politique passe par le respect, toujours et en tous lieux, de l’adversaire, quel qu’il soit. Revendiquer le conservatisme, aujourd’hui, c’est d’abord cela : défendre des institutions fondées sur la recherche du compromis et du bien commun. 

Face aux bruits des balles, nous osons croire que le Verbe peut encore triompher.

Cet édito est accessible gratuitement.
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La droite a bien raison d’attaquer l’Eurovision


La bête immonde bouge encore ! Si, si, on l’a vue cette semaine, à Berne et à Zurich. Elle y menace le financement massif (respectivement 30 et 20 millions de francs) de l’organisation du concours remporté par l’activiste non-binaire suisse Nemo en mai dernier. Comment ? En proposant de soumettre au vote des citoyens ce déluge de gros sous pour un événement qui, il faut bien le dire, ne fait pas l’unanimité. L’UDC n’est d’ailleurs pas seule à monter au front puisque le parti de droite évangélique UDF se joint à l’action.

Il n’en fallait pas plus pour que toutes les bonnes âmes, comme le président du Parti Socialiste vaudois Romain Pilloud, fassent connaître leur indignation. « L’UDC refuse qu’on lui colle l’étiquette « d’extrême droite », explique ce dernier sur X (ex-Twitter). Pourtant, un des éléments centraux qui permet de la définir est le contrôle de la culture : définir la culture considérée comme légitime, et censurer celle qui ne va pas dans son sens. » 

Intéressante analyse : n’est-ce pourtant pas la gauche, dans les principales villes du canton de Romain Pilloud ainsi qu’à l’échelon fédéral, qui tient la culture ? Et pourquoi, dès lors qu’il s’agit de culture, le peuple ne devrait pas avoir le droit de s’exprimer sur la manière dont on utilise l’argent qu’il ramène à l’État ? La censure ne serait-elle pas plutôt dans son camp ?

Bambie Thug, visage de l’Irlande à l’Eurovision 2024. (Crédit photo : Pedro J Pacheco)

On nous dira peut-être que l’Eurovision est un moment de grande communion pacifique entre les peuples. En mai dernier, toutes ces vertus du concours de l’Eurovision ne sautaient pas aux yeux. En plein week-end de l’Ascension, il fallait voir déferler sur nos écrans une délégation irlandaise conjuguant activisme pro-Gaza, non-binarité et intérêt pour la sorcellerie ! Il fallait voir une candidate de vingt ans chanter sous les huées parce qu’elle avait le tort d’être née en Israël. Il fallait subir, enfin, le catéchisme politique incessant de notre Nemo national. 

Oui la droite a raison de taper du poing sur la table. Et l’on regrette que les seules formations qui osent s’engager dans le combat culturel – avec des armes pourtant parfaitement démocratiques ! – soient les plus à droite. Aura-t-on un jour un centre-droit qui, lui aussi, ne prenne pas froid aux pieds au moment de dire qu’un spectacle qui coûte des millions d’argent public doit convenir au plus grand nombre ? Pourquoi tant de pudeur ?




Rechercher les choses d’en haut

Est-il interdit de ne pas interdire ? La question est abrupte mais n’importe quel Martien ou n’importe quel représentant de lointaine tribu isolée se la poserait certainement s’il mettait le pied dans un pays occidental, ces temps. Sans y comprendre grand-chose, il verrait de bonnes âmes – généralement de gauche, il faut bien le dire – s’acharner à sauver la planète et nos poumons en faisant la chasse aux cigarettes électroniques, aux pubs pour le tabac ou à l’usage de véhicules de type SUV. Puis, à droite, il verrait de jeunes gens pas tout à fait secs derrière les oreilles se présenter – comme Bardella en France – en « bons pères de famille » déterminés à redresser le pays sans n’avoir jamais rien dirigé d’autre qu’un personnage dans un jeu vidéo. D’un bout à l’autre du spectre politique, une même arrogance, une même vanité, une même farce.

Le gamer qui veut vous apprendre à vivre.

Notre visiteur, certainement, se demanderait alors : mais où est passée la fameuse liberté dont ces peuples se gargarisent ? Ils ont un système dont ils sont très fiers : cette fameuse démocratie qu’ils n’hésitent pas à exporter à coups de canon. Mais leurs libertés réelles, qu’en ont-ils fait ? Pourquoi, alors qu’ils se croient au pic de leur civilisation, n’osent-ils même plus dire ce qui leur passe par la tête de peur de perdre leur boulot ? Et pourquoi cet enthousiasme obligatoire parce que leurs enfants peuvent choisir leur genre avant même d’avoir appris à faire leurs lacets ?

Un Dieu, pas de maître

En même temps qu’il est un observatoire d’un progrès en roue libre, ce journal se veut un repère pour les hommes libres. Ce précieux sens de la liberté qui nous anime vient du fait que nous avons encore un Dieu. Oui, un Dieu, et pas de maître. En tout cas pas au sein de cette hyperclasse d’élus censés porter la volonté de leurs électeurs mais qui sont surtout obsédés par l’idée de les rééduquer. Si au moins ils avaient la décence, comme les dictateurs du siècle dernier, de ne pas faire semblant d’être démocrates ! Mais non, il faut encore qu’ils soient doucereux, pédagogues et intéressés par nos ressentis ! Certains lecteurs, nous ne les ignorons pas, puisent leur indépendance à d’autres sources philosophiques que nous mais partagent avec nous ce désir farouche de ne plus subir le catéchisme hygiéniste, légaliste et égalitaire de l’époque. 

Jeudi 20 juin à la radio, sur La Première, une étrange chanson est passée aux alentours de 19h50. Interprétée par un groupe suisse nommée WolfWolf (l’anglais étant devenu une langue nationale), elle évoquait complaisamment des usages très étranges de l’eau bénite des catholiques. On y décrivait, dans un blues un peu macabre, des individus s’en servant pour tirer la chasse d’eau, préparer le thé ou arroser les plantes… Cette créativité dans l’outrance, à vrai dire, aurait presque mérité le respect à une période de l’histoire où moquer la religion des chrétiens représentait encore une prise de risques. En des temps moins grotesques que les nôtres, où le nihilisme ne s’apprenait pas encore en garderie à grands coups de Drag Queens Story Hours, peut-être même aurions-nous trouvé tout cela audacieux. 

Un extrait du clip des Wolfwolf, dont la chanson passait récemment sur le service public.

« Paternalisme total d’un côté, régression subventionnée de l’autre », voilà ce que conclurait notre visiteur désabusé. Mais à ceux qui, comme nous, ont gardé le précieux sens de la liberté, nous voulons rappeler la belle devise de la ville d’Yverdon-les-Bains : ce fameux Superna quaerite, inscrit sur le fronton du temple pour nous appeler à « rechercher les choses d’en haut ».

En haut, tout en haut, nous voulons croire qu’il n’y a plus d’élus pour tenter de nous interdire la dégustation de modules cubains. Nous voulons aussi croire qu’il n’y a plus personne pour prétendre nous représenter dans un hémicycle. 




Il y a des indexations en enfer #blog

Mon premier souvenir de Lausanne doit dater de 1991. C’était la fin de l’année, les décorations de Noël réchauffaient admirablement le climat et une tante m’avait emmené voir La Belle et la Bête, sauce Walt Disney, au cinéma. À moi qui venais d’un petit village comme Vallorbe, la ville me semblait majestueuse et féérique.

Plus tard, dans ma vie, j’ai vécu à Lausanne. J’aimais mon quartier, très multiculturel, et je m’y sentais bien. Mais la féérie avait disparu : parfois, des gens s’asseyaient sur le bord de la fenêtre de mon salon pour dealer, et il arrivait aussi que ma femme et moi soyons réveillés par la police qui sonnait chez nous alors qu’elle venait arrêter le voisin du dessous. Les cambriolages étaient aussi fréquents. 

Une caste bloquée au Pays imaginaire

C’est la nature des choses : en grandissant, on guérit des illusions de son enfance et on accède à des réalités plus crues. L’épreuve est souvent douloureuse, mais elle vaut mieux qu’une existence entière à Neverland, le Pays des rêves. Le malheur étant qu’aujourd’hui, la belle ville de Lausanne semble administrée par des gens qui n’ont pas complètement rompu avec la Fée Clochette, Peter Pan et le Capitaine Crochet. Y a-t-il, en effet, un autre univers où des municipaux peuvent se regarder tranquillement dans le miroir avec des salaires indexés à hauteur de +11 et +12k (pour le syndic) le soir-même où des comptes déficitaires (3,5 millions, quand même) sont approuvés par leur législatif ? A part ces grandes banques où faire n’importe quoi débouche sur une prime ou une prudente mutation, je ne vois pas d’autre exemples d’une même obscénité.

Neverland dans un livre de 1911 illustré par Francis Donkin Bedford. On observe que l’argent n’y pousse pas sur les arbres.

Mais oui je sais : dans le privé, on trouve des gens qui n’ont pas le quart des responsabilités du syndic de Lausanne et de son collège et qui gagnent tout autant, voire plus. Mais vu que la gauche nous parle d’exemplarité du secteur public à chaque fois qu’elle accorde de nouveaux privilèges à son administration (congés menstruels, longues semaines de congé paternité, grève des femmes salariée…) que ne donne-t-elle pas l’exemple ? Que ne commence-t-elle pas par demander à ses élus de se serrer la ceinture en tentant de survivre avec le revenu annuel de trois familles normales, sans indexation ?

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Un ami me dit qu’il y a, dans le canton de Vaud, 2% de contribuables (9000 au total donc) qui gagnent davantage que Grégoire Junod et ses camarades. Soit. Mais la vocation du socialisme consiste-t-elle à caler ses avantages sur ceux de l’hyperclasse qu’elle dénonce toute l’année ? Je me souviens d’un slogan qui disait « Pour tous, sans privilèges ». S’est-il transformé en « Nous aussi on a le droit de copier les pires dérives » ?

Et surtout ne changez rien. © Ville de Lausanne – Noura Gauper

Du besoin de morale dans la vie publique

Jusqu’ici, j’imagine que ce texte fait le plein chez mes amis droitards qui seront ravis de pouvoir se faire une Muni de gauche. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : mon propos n’est pas partisan. Il est celui d’un chrétien qui ne juge pas concevable qu’une société survive à l’écart d’un sens minimal de la décence. 

Que la morale soit violée dans le public ou le privé ne change rien à l’affaire pour qui n’a pas d’œillère idéologique, mais simplement le sentiment que notre monde est très malade.

« Si tu vois, dans le pays, l’oppression du pauvre, le droit et la justice violés, ne t’étonne pas de tels agissements ; car un grand personnage est couvert par un plus grand, et ceux-là le sont par de plus grands encore. »

Ecclésiaste 5 : 8

Texte issu du blog En enfer il y a…




Nemo Erectus

Il a brisé le code, jure-t-il avec sa chanson. Ni homme, ni femme – puisqu’il est « iel » – citoyen du monde installé dans la terrifiante ville de Berlin, le chanteur Nemo est le nouveau visage de la Suisse qui gagne. Hourra ! Flonflons ! Nous ne savons plus comment payer l’assurance-maladie et le moindre passage au magasin nous coûte un rein mais un Conchita Wurst imberbe a gagné un concours criard, vulgaire et exhibitionniste ! Comment pourrait-on échapper à l’enthousiasme général ! Qui saurait refuser le nouveau totalitarisme festif ?

Voyez-vous, messieurs-dames (on profite tant que ce n’est pas encore pénal d’écrire cela), sur l’Île aux enfants qui constitue notre réalité quotidienne, peut-être que même un Federer présentait encore trop d’aspérités. Son désir de vaincre, sa sale manie de gagner beaucoup d’argent et de le planquer, voilà qui ne jouait plus. Aussi sommes-nous très heureux aujourd’hui d’enterrer l’ancienne idole, dont la marque de chaussure n’est pas extraordinaire paraît-il. Oui, il nous fallait un nouveau capitaine : ce sera Nemo (son vrai prénom, qui signifie « personne » en latin). 

En vente sur le site de l’artiste, ce T-shirt peut-être pas si ironique.

Notre nouveau capitaine

Pour plusieurs générations, Nemo était d’abord un personnage génial et tourmenté dans le Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Un homme qui avait un passé douloureux et donc une destinée. Puis Disney en a fait un poisson handicapé. Son ultime avatar, un Biennois qui porte des jupes, a désormais pour mission de nous guider loin des rivages de la binarité des sexes, loin de la conflictualité, loin, en somme, de la négativité inhérente à la marche de l’histoire humaine. « Moi, j’ai traversé l’enfer et j’en suis revenu pour me remettre sur les rails », chante le petit frère du peuple, pourtant né dans un certain confort.

Ce qui devrait étonner, chez le gagnant de l’Eurovision, ce sont moins les questions de genre dont il est le symbole que son étrange mélange de régression infantile complète et de passion pour la loi. Parce qu’il a gagné un spectacle en chantant dans la langue du McMonde, voici en effet un garçon de 24 ans qui veut mettre la société au pas et dire ses quatre vérités au Conseil fédéral : oui, il y cinq ou six ans, tout le monde pouvait encore se marrer quand un type barbu disait « Mais je ne suis pas un homme, Monsieur », à la télé. Aujourd’hui, tout cela a bien changé : la catégorie « non-binaire » doit entrer dans le cadre légal et nul ne saurait contester la reconnaissance étatique d’une projection de soi partagée par tel ou tel individu. En quelques siècles, nous voilà passés du « je pense donc je suis » de Descartes au « je ressens donc la société doit promulguer de nouvelles lois » de Nemo. Que ce rebellocrate gentillet se tourne vers l’État à peine son concours remporté est à ce titre riche d’enseignements.

Les gardes roses de la révolution

Désormais, Nemo est bien plus qu’un artiste, par ailleurs fort talentueux : il est le parfait khmer rose d’une révolution sucrée. Marius Diserens, élu Vert nyonnais, ne s’y trompe d’ailleurs pas en affirmant chez Blick : « En conférence de presse, lorsque Nemo a affirmé que la première personne qu’iel appellerait serait Beat Jans, iel a fait un geste politique puissant. » Et l’on imagine la pointe d’amertume chez cet autre non-binaire, dont l’hyperactivité médiatique n’a pas entrainé d’élection au Conseil national. Peut-être aurait-il fallu apprendre à chanter ?

On a pu lire, çà et là, que Nemo bousculait les codes, comme un Martin Luther King des temps modernes. Rien ne saurait être plus faux : avec son rejet de la maturation psychologique, avec son refus de toutes les frontières (entre les sexes, les pays et entre l’adulte et l’enfant), il incarne à peu près tous les conformismes de l’époque. 

Nemo n’a pas brisé le code. Il vient de nous l’imposer.
Nous sommes entrés, avec lui, dans l’ère du Nemo erectus 

Notre vidéo sur le phénomène :




Une université à la Hamas

Au milieu des années 2000, alors que j’étais étudiant à l’Université de Lausanne, une affichette avait attiré mon attention. Un mouvement qui réunissait des étudiant.e.x.s et des assistant.e.x.s encore injustement dépourvus de « x » à l’époque – sans doute le Groupe Regards Critiques – avait invité un porte-parole du Hezbollah à donner une conférence à la gloire de la lutte armée. J’étais jeune, mais j’avais déjà l’esprit étroit et méchant. Aussi m’étais-je étonné qu’un cadre si progressiste, où le cervelas et l’humour étaient bannis, déroule le tapis rouge à un mouvement paramilitaire islamiste. Surprenant programme que l’amitié entre les peuples au nom d’une haine commune d’Israël. Mais je n’avais rien dit.

Sans doute avais-je eu raison car certaines choses ne souffraient déjà plus la contradiction. Lorsque j’étais au gymnase, par exemple, mes congénères et moi avions été vivement encouragés à défiler dans la rue en criant « Bush, Sharon, c’est vous les terroristes » tandis que les États-Unis tentaient d’exporter leur modèle de société en Irak et en Afghanistan. Bush était certainement un sale type, Sharon aussi, mais défiler avec des gens était au-dessus de mes forces et j’étais parti acheter Muscle et Fitness ainsi que Flex, dans l’espoir de développer mes deltoïdes postérieurs. Quinze ans plus tard, je sais que j’aurais réagi de même, même si on ne trouve malheureusement plus Flex en kiosque, lors des méga-manifestations pour le climat. A la sympathie que peut susciter en moi une cause répondra toujours la détestation plus forte de l’abruti capable de crier des slogans dans un mégaphone.

Une moraline à géométrie variable

Depuis quelques jours, des jeunes gens occupent l’université où j’ai découvert Saint Thomas d’Aquin, Nietzsche et Péguy. Ils dénoncent une occupation, mais pas la leur. On les laisse faire, même si leur colère peut surprendre. Où étaient ces belles âmes, ces derniers mois, tandis que les Arméniens fuyaient le Haut-Karabakh ? Pas assez exotiques ? Trop banalement chrétiens ? Quid de la situation des Ouïghours ? Enfin, que diraient ces gens si un autre groupe de manifestants occupait un bâtiment universitaire pour demander le retour des otages du Hamas ? 

« From the river to the sea » entonnent les manifestants à la fin de cette vidéo partagée par le président du PS Vaudois.

Nous sommes Suisses, et comme pays neutre, nous n’avons pas à tolérer que les lieux d’études que nous payons avec nos impôts se transforment en université d’été (ou plutôt de printemps) du Hamas, de solidaritéS ou d’adorateurs du monstre du spaghetti volant. 

S’agit-il de fermer les yeux sur un désastre humanitaire ? Certes non, mais on se demande bien combien de vies seront sauvées par les opportunistes qui portent un keffieh depuis cinq jours, comme ils déguisaient naguère en guérilléros de la décroissance. Il est temps que nos lieux de savoir retrouvent leur vocation, qui n’est pas de servir de tremplin à des carrières médiatiques. Il est temps que nous formions de nouveau des élites capables d’apporter un peu du génie suisse dans ce monde.

Oui, osons parler du « génie suisse » ! Lorsque mon pays n’avait pas encore renoncé à sa destinée, ce terme désignait bien des choses, dont une tradition de « bons offices » rendue possible par notre neutralité. Si l’on n’y prend pas garde, ce terme n’évoquera bientôt plus que le rappeur non-binaire Nemo qui doit nous représenter à l’Eurovison, 




Pour en finir avec le wokisme (qui n’existe pas)

Jusqu’au dernier quart du 20ème siècle, nos sociétés vivaient encore dans des temps historiques. Les pouvoirs en place (Église, famille, armée…) ne se cachaient pas d’être exclusifs et verticaux. Il était hors de question pour eux de partager leurs privilèges et leurs prérogatives :  ils connaissaient encore souvent, à ce titre, une chose qu’on appelait la contestation. 

Le crime de pensée n’avait pas encore été éradiqué, une batterie d’articles de loi à l’appui, et une autre réalité pouvait encore faire rêver. Beaucoup s’employaient à la faire advenir, d’ailleurs. Lorsque les jeunes bourgeois de Mai 68 jetaient des pavés dans la rue contre la police et l’ancien monde, leurs idéaux gauchisants pouvaient certes paraître grotesques ou dangereux, mais ils dénonçaient un adversaire à peu près vivant. Le général de Gaulle était encore au pouvoir, la famille n’avait pas volé en éclats grâce à l’omniprésence des spécialistes du genre et l’Église ne renonçait pas encore à sa singularité en cherchant à « cheminer » avec ses fidèles pour leur faire pratiquer le qi gong dans des « city churches ».

Square Charles de Gaulle, Toulouse, en 1968. Ou quand la révolte s’inscrivait encore dans l’histoire. (André Cros/Wikimedia Commons)

Mais dans la carnavalisation terminale du McMonde qui vient, qui saura encore dénoncer le ridicule d’une assurance maladie qui nous apprend à préparer des gâteaux, faire des tours à dos de poney et ramasser des déchets durant notre footing ? Pas grand monde. Il faut dire que les bons sentiments sont devenus hégémoniques. Un exemple ? Dans notre réalité de substitution, même les manifestations contre les autoroutes prennent désormais la forme de « cyclo-parades festives et politiques » (24 heures du 20 avril dernier). DJ à vélo, exposition en collaboration avec le festival BDFIL et demande de requalifier le tronçon d’autoroute Ecublens-Maladière « en boulevard urbain » … Aucun artifice de la sacro-sainte fête ne saurait être oublié pour une « commémoration » (sic) en bonne et due forme des 60 ans de l’A1 entre Lausanne et Genève. 

« Chacun veut la même chose, tous sont égaux »

Dans un tel Disneyland de la contestation, plus personne ne veut renverser le pouvoir : pourquoi y songer puisque la révolte elle-même est organisée par les élus que nous entretenons ? A quoi bon dénoncer encore nos bons maîtres puisqu’ils sont là, devant nous, représentés par les conseillères nationales Brenda Tuosto (PS/VD), Léonore Porchet (Verte/VD et co-directrice de BDFIL) ou par l’inénarrable président du Parti socialiste vaudois Romain Pilloud, secrétaire général de l’ATE Vaud ? Des rebelles d’État s’opposent au travail de ce même État – garantir une mobilité décente digne d’un pays riche – à grand renfort de subventions : la boucle est bouclée. Empapaouté, tout un pan de la jeunesse est là, qui approuve totalement la marche du monde tel qu’il va, noyé dans un océan de décibels et d’écologisme de surface. « Point de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose, tous sont égaux : qui a d’autres sentiments va de son plein gré dans la maison des fous », comme l’annonçait Nietzsche dans son Zarathoustra.

Portrait de Nietzsche par Munch en 1906. Quelque chose d’un prophète de la décadence.

Certains, heureusement, n’ont pas encore totalement désappris à penser. S’ils sentent le ridicule de notre épuisement civilisationnel, ils tentent de lui donner une cohérence sous l’appellation de « wokisme ». Nul ne sait vraiment où commence et où s’arrête le concept, et des notions aussi diverses que la « masculinité toxique », les « oppressions systémiques » ou la « non-binarité » lui sont généralement associées. Mais quid du combat pour la « libération animale », omniprésent dans les années 2010 ? Quid du transhumanisme ? Du sans-papiérisme ? Et que faire des contradictions internes d’un mouvement qui surinvestirait la portée de la biologie dans un sens (le Blanc naîtrait oppresseur et le Noir victime) tout en la niant dans un autre registre en préférant « l’expression de genre » au donné naturel du sexe ?

Le carnaval pour horizon

Peu importe, wokisme ! Ainsi naît un épouvantail bien pratique, mais qui ne nous aide pas à penser. Au contraire, il nous présente comme de radicales nouveautés des tendances à l’œuvre depuis des décennies. Dans son journal intime de 1994-1995, l’écrivain Philippe Muray ne s’énerve-t-il pas ainsi déjà contre la tendance à réécrire la vie des grands écrivains pour la rendre plus conforme à la moraline moderne ? Oui, ce qu’on appellerait plus tard la « cancel culture », ou « culture de l’annulation », est déjà bien là dans la volonté d’un scribouillard de dénoncer l’indifférence de Shakespeare devant les malheurs des paysans de son temps (p.161). Quant à la masculinité toxique, Muray la dénonce déjà en 1994 à propos du « mur de la honte » d’une importante université américaine où sont affiché les noms des harceleurs… et de ceux qui est suspectés de le devenir un jour (p.103). Et l’écrivain de résumer le tout en une formule lapidaire : « La persécution au nom de la lutte contre les persécuteurs » (p.83).

Que l’on cherche à englober tout cela dans l’idée plus générale d’un « wokisme » qui rongerait nos sociétés, pourquoi pas, après tout. Muray parle lui de « cordicolisme » ou de carnavalisation du monde. Peut-être cette dernière notion est-elle toutefois la plus efficace : moment hors du calendrier, moment d’inversion des hiérarchies naturelles, moment bruyant, sans doute le carnaval est-il bien la matrice du monde moderne.  

Puisse bientôt revenir un mercredi des Cendres.




Nous, « plumes de droite »

Un journaliste devrait toujours se considérer comme un peintre sans talent. Nous disons cela car ses œuvres, comme la plupart de celles qui sont menées sous le soleil, sont périssables. Qu’adviendra-t-il de l’édito du jour, du bon mot de la veille, de l’audace déjà dépassée de l’été dernier ? La réponse est très simple : il n’en restera bientôt rien, ou au mieux une vague estime chez les lecteurs les plus fidèles. Un artiste, au moins, a la consolation d’apporter un peu de beauté dans le monde. C’est en quoi son destin est sans doute plus enviable.

J. M. W. Turner, Tempête de neige en mer

Mais à sa façon, le journaliste est néanmoins un peu peintre. Pour peu qu’il ait choisi la liberté – chose qui se paie parfois cher – il renoncera à défendre la ligne d’un parti, d’un courant ou d’une chapelle pour se satisfaire de présenter au monde un tempérament, des doutes, parfois même des obsessions. Ceux dont les tableaux continuent de nous inspirer ont fait pareil avant nous. On pense ici à Georgia O’Keeffe (1887-1986) qui, rejetant l’interprétation freudienne que certains voulaient imposer à ses tableaux de fleurs, rappelait contre le monde entier qu’elle voulait simplement représenter la manière dont les pétales lui apparaissaient. On peut penser aussi à J. M. W. Turner (1775-1851) qui se fichait pas mal de la réception critique de sa célèbre œuvre Tempête de neige en mer réalisée en 1842, que d’aucuns jugeaient à peine digne d’un gribouillage : « Je ne l’ai pas peinte pour être compris mais je désirais montrer à quoi ressemblait une telle scène », avait déclaré le génie.

Le goût des listes

Notre époque a ceci en commun avec les pires régimes du siècle dernier qu’elle n’aime rien tant que dresser des listes, face à ceux qui souhaitent suivre leur propre chemin. Bien sûr, un éditorialiste ou un chroniqueur n’est ni fauviste ni dadaïste, mais beaucoup aimeront le faire entrer dans la liste des « plumes de droites » (nous l’avons vécu le 24 mars dernier dans Le Matin) ou de gauche, quand ce n’est pas la case infâmante des « conspis », des « mondialistes » ou des agents du Kremlin. Poursuivre un désir de liberté farouche ? Simplement vouloir écrire les choses comme on les ressent ? Voilà qui ne saurait être toléré par le troupeau bêlant. C’est pourtant notre seul moteur.

Certains trouveront désolant que notre édition de mars donne la parole, même de façon critique, à des personnes qu’ils considèrent comme des adversaires. Ils menaceront peut-être même de se désabonner pour nous faire rentrer dans le rang. Qu’importe ! Un journal n’est qu’un simple empêcheur de penser en rond. Cela impose une confrontation courtoise avec ceux qui nous semblent totalement différents.

Certains trouveront aussi étonnant qu’un tel désir de liberté puisse coïncider avec la propension de ce journal à tirer la sonnette d’alarme. Quand des institutions religieuses sont à côté de la plaque, par exemple lorsqu’elles organisent des soirées sur le « sadomasochisme éthique », ne devrions-nous pas les laisser faire ? La réponse serait peut-être « oui » si elles ne vivaient pas d’argent public et ne prétendaient pas faire vivre une foi nourrie par le sang des martyrs.

Voilà les choses comme nous les voyons. Voilà la modeste réalité d’une « plume de droite ».




La Suisse contre les robots

Covid, Ukraine, climat… Voilà bien des sujets pour lesquels nous n’avons jamais prétendu proposer une expertise particulière mais qui, pour bien des auteurs du livre, semblent centraux : ils seraient, estiment-ils, au cœur d’un vaste complot contre nos libertés associé à la notion un peu trouble de « mondialisme ». Lors du vernissage du livre au Club suisse de la presse, le 6 février dernier, le rédacteur en chef de l’Antipresse Slobodan Despot n’est-il pas allé jusqu’à dénoncer notre entrée dans une « époque nazie » parce que, dépourvu de l’« Ausweis » vaccinal, il n’avait pas pu boire un verre dans un bistrot après une randonnée effectuée au plus fort de la panique covidienne ?

Qu’on ne s’y trompe pas : né dans un régime autoritaire, socialiste en l’occurrence, l’auteur a bien raison de dénoncer une époque de « robots » qui nous plongerait, comme il l’explique, dans des enjeux métaphysiques et existentiels nouveaux. Nous ne partageons certes pas son pessimisme radical (ni la comparaison avec les méthodes du troisième Reich), mais il nous plaît que des opinions aussi tranchées puissent s’exprimer dans une époque qui, comme l’avait annoncé Bernanos dans Les Grands cimetières sous la lune, semble appartenir aux monstres mous. Et soyons reconnaissants : cette prise de position avait également précipité l’apéro.

Un danger nous guette toutefois : assimiler la liberté, dans le domaine médiatique, au choix systématique de positions en décalage, ou en opposition totale, avec la pensée dominante. Au risque de passer pour de dangereux modérés, il nous importe de rappeler qu’il arrive occasionnellement que la majorité ait raison. On voit mal comment l’on pourrait à la fois défendre, comme nous, une démocratie la plus directe possible – protégée du magistère moral des juges européens et des dames patronnesses d’Amnesty International – et nous complaire dans une posture romantique consistant à mépriser le sens commun.

En défense des gens ordinaires

Si les gens ordinaires étaient si bêtes que cela, le vote du peuple aurait conduit notre pays vers l’abîme depuis longtemps. En méprisant à notre tour les « moutons » sur un catalogue de sujets imposés, nous parlerions la même langue que ces élites qui réclament un effort supplémentaire de « pédagogie » à chaque fois que la population vote à droite, donc très mal selon eux. Or nous ne méprisons pas le peuple, mais préférons au contraire nous revendiquer des valeurs spontanées qui, chez lui, résistent encore au rouleau compresseur Netflix. L’immense Chesterton ne se disait-il pas lui-même « plus enclin à croire en la masse des travailleurs qu’en cette classe réservée et ennuyeuse des littérateurs » à laquelle il appartenait ? Cette humilité doit continuer à nous inspirer.

Oui, on peut être parfaitement libre comme intellectuel ou comme journaliste et estimer, en effet, que la Suisse doit entrer dans l’Union européenne, défendre inconditionnellement Israël et sanctionner la Russie. Telles ne sont pas nécessairement nos positions, mais un journal doit représenter un lieu de débat s’il ne veut pas sentir le renfermé. Dans cette édition, cette curiosité naturelle s’exprime dans notre rencontre avec Ifat Reshef, ambassadrice d’Israël en Suisse, ou dans le micro tendu à l’Université de Neuchâtel dont le responsable de la communication nous explique certains choix très progressistes de son institution.

Pas des martyrs, des entrepreneurs

Alors la presse suisse manque-t-elle réellement de diversité ? Cette question, chez beaucoup, appelle une sorte de jugement moral auquel nous sommes étrangers. On ne lance pas un journal par goût du martyr, mais parce que l’on croit qu’il y a peut-être un marché. On le fait parfois aussi parce que, quitte à ne jamais devenir fortuné, on estime qu’on sera plus heureux qu’en continuant à publier des diaporamas débiles sur le site d’un éditeur qui ne se privera pas de nous virer à la première occasion de dégraisser.

En bref, on le fait d’abord parce qu’on le sent. Hurler au complot mondial pour montrer à quel point l’on est indispensable avec notre feuille de chou n’apparaît pas comme l’idée marketing du siècle.

Bien sûr, certains se plaindront que la plupart des journalistes aient le cœur à gauche. Mais cela, encore, ne dit rien de leur qualité intrinsèque. On connaît des gens parfaitement droitiers, souverainistes comme nous, mais dépourvus de déontologie, sectaires, et qui secrètement méprisent notre beau métier.

S’il y a un clivage, il est sociologique et non pas idéologique : métier populaire, à l’origine, le journalisme s’est transformé depuis quelques années en chasse gardée d’une certaine élite sociale, particulièrement depuis qu’il s’apprend à l’université. Défendre la diversité, dès lors, ne consiste pas à choisir le contre-pied à tout prix sur l’Ukraine ou le Covid : c’est oser se positionner en défenseur de valeurs de liberté, de courtoisie, et de cette glorieuse irresponsabilité qui fait le sel de notre vocation.




La tyrannie du tofu

Mais un cœur rebelle ne se commande pas. Et déjà, à vingt ans, quelque chose en nous rêvait d’une destinée plus haute : rejoindre Ernst Jünger dans les tranchées de 14-18, Sylvain Tesson au sommet de l’Himalaya, Jean Raspail quelque part au loin, très loin, dans une Patagonie crépusculaire.

Bien sûr, il nous fallait tout de même remplir notre canard et nous acceptions de traiter de sujets absurdes, des absences de Miss Suisse en cours, des balbutiements de Facebook ou encore des actions des premiers militants vegans. Ces derniers ne menaçaient du reste pas grand-monde, à l’époque. À la fin d’un entretien, certains avouaient même craquer de temps en temps pour un bout de fromage, sur le ton de la confidence. Telles étaient nos vies de jeunes journalistes : nous rigolions, nous finissions le boulot très tard et nous remettions chaque soir les Orages d’acier au lendemain.

Quelque quinze ans plus tard, notre Verdun de l’esprit se fait toujours attendre. Les raisons de rester rebelles, en revanche, ne manquent pas. Dans ce numéro, nous vous présentons le combat du diacre fribourgeois Daniel Pittet contre les abus sexuels, qui ont détruit tant de destins dans l’Église et ailleurs. Mais nous évoquons aussi l’un des étranges produits de notre époque : un curieux progressisme autoritaire, qui colonise jusqu’aux assiettes des étudiants de l’Université de Neuchâtel. En ces lieux, plus question en effet de manger autre chose que du tempeh ou du tofu, bref des mets végétaliens, dans les cafétérias. Parce que tel est visiblement le sens de l’histoire.

Bien sûr, voilà une affaire qui sonne moins dramatique que le bruit des schrapnels dans une

bataille en Lorraine ou les vies brisées par des pervers. Ne sous-estimons toutefois pas la portée du symbole : d’autorité, voici un lieu dédié aux études – bon nombre de futurs journalistes y sont d’ailleurs formés – qui décide pour toute une population ce qu’elle peut moralement se permettre de manger. Comment imaginer qu’elle se privera de dire demain à ces gens ce qu’ils ont le droit de penser ?

Une paresse terrible pousse le camp conservateur à voir du wokisme partout. C’est une erreur car on ne sait pas bien au juste ce que renferme cette notion, la plupart du temps inopérante. Ce qui nous menace, c’est un autoritarisme qui ne se cache même plus, et que l’odeur du progrès ne suffit plus à rendre désirable.

Le tofu n’est pas un aliment désagréable. Il se périme toutefois vite, comme les idéologies sorties d’un chapeau progressiste. Mais frit et nappé d’une sauce aromatique – on peut penser à la préparation « général Tao » – voici un mets qui peut se révéler agréable. Pour peu évidemment qu’il ne nous soit pas imposé.

Pour peu, aussi, qu’il ne s’impose pas comme le symbole d’une époque désespérément sans saveur.

Ernst Jünger vers 1920. Guerrier héroïque, anarchiste conservateur, écologiste avant l’heure.