« Je me fiche de passer pour un ovni »

N’avez-vous pas fait preuve d’un manque de sensibilité en affirmant qu’il n’y avait pas forcément un «droit à l’avortement»?

Tout d’abord, j’ai écrit «y a-t-il»! Je pose toujours une question parce que je veux ouvrir un débat, pas dire «moi j’affirme telle ou telle chose, et c’est comme ça un point c’est tout». Alors peut-être que je le fais avec certaines opinions, bien sûr, mais je recherche avant tout le débat. Dans le cas présent, j’ai écrit ce texte parce que j’étais révoltée et dégoûtée par les manifestations aux états-Unis où l’on voyait des femmes défiler en réclamant leur «droit à l’avortement», présenté comme une preuve de leur valeur et de leur liberté.

Révoltée, vraiment?

Oui, vous savez, je ne suis pas opposée de façon absolue à l’interruption de grossesse, qu’il faut encadrer légalement. Mais présenter ça comme la plus grande conquête de la femme, c’est quelque chose que je juge éthiquement insupportable.

Mais vous avez heurté des gens…

Je n’ai condamné personne, à ma connaissance, j’ai simplement souligné un problème éthique. Si ces manifestantes s’étaient promenées en demandant la possibilité de subir une interruption volontaire de grossesse et non pas un avortement, je n’aurais pas réagi de la même façon. Ce sont des finesses linguistiques, certes, mais au fond, cela aurait impliqué qu’on envisageait les choses sous l’angle de la détresse, du besoin d’aide. Parler de «droit à l’avortement», à l’inverse, cela signifie que lorsque j’ai en moi quelque chose qui me déplaît, eh bien je peux le supprimer à ma guise, au mépris d’une personne éventuelle.

Venir avec des subtilités byzantines en opposant avortement et IVG, est-ce vraiment bien senti?

Est-ce que vous voulez dire que cela devrait être interdit parce que mal «senti»? Ou alors demandez vous s’il ne faudrait plus aborder certains sujets parce que les gens sont devenus bêtes au point qu’on finira par passer pour un ovni si on ose le faire? Vous savez, cela m’est égal de passer pour un ovni, en revanche j’aimerais savoir pourquoi la sensibilité d’un sujet devrait entraîner l’interdiction d’en discuter. Si tel devait être le cas, autant tous rester au fond de nos lits avec un bon bouquin, mais les bons bouquins finiront par devenir eux aussi trop sensibles pour être publiés…

Vous n’aimez pas la notion de «droit à». Mais entre le droit et l’interdiction, existe-t-il un moyen terme?

Tout n’est pas un «droit à», dans la vie. Il existe aussi des autorisations…

On se bat tout de même sur des mots…

Parce qu’ils sont importants! On m’a par exemple reproché d’avoir «violé le droit» en utilisant le terme d’«enfant» futur. Mais je me plaçais dans le contexte éthique et pas juridique, et on ne demande généralement pas à une femme si elle attend un fœtus ou un embryon, mais bien un enfant. Sincèrement, je n’ai pas compris: selon certains, la loi nous obligerait-elle à demander «ah vous attendez un embryon» ou «un fœtus»? C’est d’une bêtise inimaginable! Une personne parmi mes commentateurs a même comparé l’embryon à un têtard. Je me suis quand même permis de l’informer qu’on ne donne pas naissance à une grenouille par la suite!

Que Le Temps vienne vous faire la morale, par la suite, ça vous a fait quoi?

Au téléphone, ils m’ont dit qu’avec mon nom et mon parcours, je ne pouvais pas me permettre d’écrire des choses contraires au droit. Et dans un courriel qu’ils m’ont envoyé, il m’ont aussi dit qu’il était impossible d’employer le terme de «mise à mort» dans un contexte légal. Vous savez, je suis opposée à la peine de mort, mais je leur ai tout de même demandé si, lorsqu’une personne est légalement exécutée, on peut ou non parler de mise à mort…

Vous prêtez quand même le flanc à la critique en vous exprimant sur le terrain de l’éthique alors que votre expertise est juridique…

Excusez-moi, mais ne pouvez-vous pas parler d’éthique alors que les cours d’introduction au droit montrent justement quelle est la surface commune des deux cercles, droit et éthique? Le droit, d’ailleurs, n’en reprend qu’une petite partie, l’éthique étant bien plus étendue…

Vous avez reçu du soutien au sein du monde politique?

Pas au sein du PLR vaudois, en tout cas, mais c’est normal, je n’en suis pas membre et j’y suis totalement persona non grata.

Cela vous plaît, ce rôle d’empêcheuse de tourner en rond? Vous vous rendez bien compte qu’il y a un sens du débat qui s’effondre dans notre société…

Oui et c’est précisément pour ça que j’aimerais le relancer.

N’y a-t-il pas une forme de jubilation?

Plutôt une recherche d’incitation à la réflexion, je dirais. Pourquoi ne pourrait-on pas dire que l’on réfléchit? On n’arrête pas de nous dire que nous sommes responsables de tout, du climat, de la guerre, des inégalités. On met le monde sur le dos de nos enfants à l’école et nous, comme adultes, nous ne pourrions pas poser une question sans que ce soit considéré comme une atteinte à la dignité des gens? Il y a là une dérive à laquelle je vais continuer à m’opposer.




«Le Peuple» s’engage pour Candyland!

Aujourd’hui, il a la possibilité de faire du plogging pour compenser sa fâcheuse tendance à sombrer dans le littering. Vous n’y comprenez rien? Sans doute parce que vous n’êtes pas assez modernes, mais nous allons vous aider. «Concept suédois», comme le hareng fermenté en canette ou l’hyper-judiciarisation de la vie privée, le plogging consiste à aller faire son jogging avec un sac destiné à recueillir les déchets sauvages trouvés sur le chemin. Enfin, soyons précis: «vos» déchets, selon les termes de la Capitale Olympique, tant il est vrai que ce sont toujours les sujets indisciplinés qui polluent, entre mille autres fautes, et jamais les employés des administrations publiques. Si la virée n’est pas chronométrée, une pesée du sac est organisée à l’arrivée de ce bel événement mis sur pied en collaboration avec une association lauréate du «budget participatif». Le noir et blanc de notre maquette actuelle nous empêche de pleinement apprécier le visuel proposé par la Ville de Lausanne, qui nous montre des sportifs aux cheveux fluos partir à l’assaut d’un monde meilleur, des déchets bariolés plein les mains. Le paradis des bobos ressemblera au jeu pour enfants Candyland. Peut-être même n’y sera-t-il plus nécessaire de payer un service de propreté urbaine avec nos impôts, tant le plogging aura remplacé la sinistre course au tour de biceps dans des fitness climatisés.

Faisant ici son devoir citoyen, votre journal vous invite chaleureusement à prendre contact avec nous via info@lepeuple.ch pour nous rejoindre le 18 juin prochain au Parc Mon-Repos afin de participer à l’avènement d’un monde meilleur.




forum d’économie planifiée

Le Forum économique Mondial de Davos vient de se terminer. Nous n’avons pas réellement eu l’occasion de lire beaucoup d’articles intéressants à son sujet dans les médias main-stream. 20 Minuten, toutefois, a fait preuve d’une certaine créativité en partant dans les méandres des annonces en ligne pour nous apprendre qu’un «appart’ à 18 000 francs la nuit» tendait les bras aux conférenciers ou qu’une chambre «sans salle de bains» s’y négociait à 10 000 francs la journée. Peut-être le seul exemple d’une économie de marché réelle durant cet événement.

Il faut dire que pour certains, comme Stéphane Geyres, président de l’Institut Mises France, le WEF n’a rien à voir avec une cérémonie dédiée au libéralisme ou au capitalisme: «Le Forum n’est que La Mecque d’une ploutocratie (oligarchie de la richesse indue) galopante n’ayant rien à voir avec la Liberté. Le capitalisme véritable, c’est notre boulanger du coin de la rue, celui qui risque la faillite si son pain ne nous satisfait pas. On y est libre d’entreprendre et de s’enrichir, mais parce qu’on y est aussi libre d’échouer. Échouer y est fréquent parce qu’on n’y reçoit aucun privilège ni aucune subvention accordée par quelque État. Où sont les authentiques entrepreneurs à Davos? Je ne vois que des mercantilistes masqués.»

«Le Covid est crucial car c’est ce qui convainc les gens d’accepter, de légitimer la surveillance biométrique»

Yuval Harari,auteur de Sapiens

Plus grave, les médias grand public ont largement fait l’impasse sur des propos tenus lors des diverses conférences, dont trois, particulièrement effrayantes, relevaient carrément de l’apologie du totalitarisme.

Surveillance et rationnement

On commence avec la déclaration de Yuval Harari, auteur du best-seller Sapiens: «Le Covid est crucial car c’est ce qui convainc les gens d’accepter, de légitimer la surveillance biométrique totale. Si vous voulez stopper cette épidémie, vous n’avez pas seulement besoin de surveiller les gens, vous devez surveiller ce qui se passe sous leur peau.» Une deuxième pour la route? C’est parti avec le président du groupe Alibaba, J. Michael Evans. Ce charmant personnage s’est vanté de la mise au point d’un «traceur d’empreinte carbone individuel» permettant de surveiller ce que vous achetez, ce que vous mangez ou encore où et comment vous voyagez. La société libérale paraît bien lointaine…

Pour terminer ce petit catalogue, on ne peut s’empêcher de citer Julie Inman Grant. La commissaire (déjà, tout est dans le titre) australienne chargée de l’e-sécurité s’est attaquée à un des piliers, si ce n’est LE pilier du libéralisme: la liberté d’expression. Elle a déclaré que cette dernière devait être «recalibrée». Une déclaration qui fait bondir Stéphane Geyres: «Parler de «liberté d’expression recalibrée» n’est autre qu’un déni de Liberté. Tout «oui, mais» à la liberté est toujours contradictoire. Jordan Peterson nous l’a rappelé avec raison: accepter le débat, c’est prendre le risque de la contradiction. Comme vivre, c’est accepter le risque de vivre, «recalibrer» la liberté d’expression, c’est recalibrer la Vie. Qui peut donc oser se prendre pour ce dieu qui pourrait recalibrer nos vies?»

liberalie.substack.com & mises-fr.org




Elle veille sur nous

Christine Lagarde, ex-directrice du Fonds Monétaire International (FMI) et désormais présidente de la Banque Centrale (BCE) a déclaré, durant une apparition télévisuelle aux Pays-Bas, que «les cryptomonnaies ne valent rien», puisqu’elles «ne reposent sur rien». Pas d’inquiétude, c’est pour vous materner qu’elle s’attaque à vos portemonnaies numériques, puisqu’il faut «les réglementer dans l’intérêt des personnes qui n’en comprennent pas les risques».

La présidente avait déjà craché son fiel en mars dernier, jugeant que Bitcoin et autre Ethereum «étaient une menace» dans le contexte de la guerre en Ukraine. Il est bien évident que pour la commandante des sous européens, un bien qui subit les fluctuations d’un marché libre et consentant, et surtout décentralisé, représente une menace.

Alors certes, Madame Lagarde considère les cryptomonnaies inutiles mais demande deux choses, de tout son petit cœur de technocrate. D’abord les taxer, bien entendu. Et deuxièmement, puisque celles-ci ne sont pas sous contrôle, lancer un «euro-numérique». Ainsi, les transactions pourront être scrutées par des gens qui ne veulent que votre bien. On imagine bien les conséquences: en cas de désamour de la BCE pour ce que voudrez vendre ou acheter, alors vous ne pourrez plus le faire. Cette monnaie de banque centrale est prévue pour 2025 si les expérimentations sont concluantes. Un prototype est envisagé fin 2023. Combiné avec le traçage de votre empreinte carbone et le flicage de ce qui se passe sous votre peau (lire ci-contre), l’«ultralibéralisme» commence à avoir du plomb dans l’aile.




Récit: Hier encore, nous avions vingt ans

Le mot «woke» n’était pas encore sur toutes les lèvres et on n’y parlait pas encore d’écriture inclusive. Une secrète complicité, toutefois, semblait unir les défenseurs de toutes les causes contre-culturelles, persuadés de participer à l’avènement d’un monde plus fluide et plus ouvert. Ainsi, une affiche sur un mur du B2 – le bâtiment des Lettres, où se trouvait déjà une cafétéria sans viande – pouvait-elle annoncer la présence, au sein d’un même espace de parole, d’un conférencier du Hezbollah, puis la semaine suivante d’une féministe universaliste ou d’un militant pacifiste. Le look punk était encore un peu tendance, même si la résurgence du tournant de l’an 2000 tirait déjà sur sa fin.

Dans cet univers, des débats opposaient parfois avec une certaine virulence des adversaires idéologiques et il n’était pas rare que l’un d’eux – même issu du corps professoral – cherche à épater l’auditoire avec un coup d’éclat. Quelques rencontres sur le thème du partenariat enregistré entre personnes du même sexe – l’ancêtre du mariage gay – avaient ainsi parfois fini en eau de boudin entre sociologues et experts du droit. Mais ces échanges avaient eu lieu, au moins l’espace de quelques instants, et nous pouvions faire notre marché entre des méthodologies diverses.

En vingt ans, les causes n’ont finalement pas beaucoup changé, à part que l’idéal de «convergence des luttes» semble avoir pris un peu de plomb dans l’aile sous l’effet des attentats de la dernière décennie. Le phénomène nouveau, en réalité, est que d’aucuns puissent croire lutter pour la liberté en niant à autrui la liberté de se confronter à des avis contraires. Ainsi s’est terminé l’esprit de 68, dont nous pensions encore être les héritiers: il est désormais bien souvent interdit de ne pas interdire. RP




Le prof attaqué à Genève règle ses comptes

Eric Marty, avez-vous déjà vécu une attaque similaire à celle qui s’est déroulée le 17 mai dernier à l’Université de Genève?

Comme intellectuel et écrivain jamais.

Était-il concevable pour vous de vous faire attaquer en venant donner une conférence en Suisse?

Je crois que désormais tout est possible et surtout l’inattendu, qui est devenu semble-t-il la règle des relations sociales, politiques, symboliques. La Suisse n’échappe pas à cette nouvelle règle. Le paradoxe est que la semaine suivante j’ai fait la même présentation de mon livre à l’Université Paris 8 de Saint-Denis, haut lieu LGBT, située dans ce qu’on appelle en France familièrement le 9.3, présenté par la presse réactionnaire et raciste comme un endroit dangereux, et que tout s’est parfaitement passé, dans un amphi de 200 personnes, dans une ambiance chaleureuse, amicale, intelligente, où tout le monde faisait confiance au langage, aux actes de pensée pour dénouer les différends et sceller les accords. Pour reprendre une formule du groupe qui m’a attaqué, je dirais volontiers Saint-Denis – Genève: 2-0!

«Face à cette petite bande de ‘pseudo-trans’, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à des petits-bourgeois»

Eric Marty, auteur du livre Le Sexe des Modernes

Comment avez-vous vécu la chose?

Personnellement je n’ai pas peur de la violence physique. J’ai été dans ma jeunesse militant d’extrême gauche et j’ai eu à affronter ce qu’on appelait les «stals», les communistes staliniens, et les «fachos», l’extrême droite d’une redoutable violence. Face à la petite bande de «pseudo-trans», j’ai eu l’impression d’avoir affaire à une bande de petits-bourgeois apparemment aisés qui se donnaient beaucoup de mal pour jouer aux «activistes», tout juste capables d’imiter ce qui se fait ailleurs, incapables de véritable insolence, parfaitement stéréotypés, et dont l’unique efficacité tenait à la pire chose qui soit: l’effet de nombre. La bêtise, l’ignorance, le refus absolu de savoir rendaient le spectacle tout à fait abject. Et c’est là où, sans jamais avoir peur, j’ai eu un vaste sentiment de lassitude.

Une telle censure est-elle effrayante et dangereuse pour le combat d’idées?

Oui. J’ai l’air de minimiser l’événement en décrivant cette petite bande comme je viens de le faire, mais je ne minimise nullement la gravité de ce qui s’est produit: en effet, une censure. C’est la forme qui m’est apparue dérisoire et médiocre, mais le résultat a été de m’empêcher de parler, et, en cela, ce groupe de petits-bourgeois hurlant a eu les mêmes effets qu’un groupe fasciste, guidé par la même haine de la pensée, la même haine de la parole: l’aspiration au néant.

Pensiez-vous que votre livre, Le Sexe des Modernes, allait susciter de telles réactions?

Non. Mon livre est un livre d’histoire des idées et qui n’est en aucun cas polémique. J’essaie de décrire d’où nous viennent toutes ces nouvelles catégories qui nous gouvernent désormais (genre, LGBT, trans, etc.), et mon analyse associe ces émergences à des ruptures dans l’espace du savoir, et des savoirs concernant ce qui est en jeu ici, le sexe. Le sexe comme lieu de savoir, comme ce qui suscite notre désir de savoir. A mes yeux, tous les faits sociaux sont pensables comme des scènes qui mettent en jeu des conflits, des ruptures dans notre espace de savoir. Telle est ma perspective. La question «trans», qui n’occupe qu’une infime partie dans ce gros livre de plus de 500 pages, est traitée de la même manière. Je montre comment, dès le départ, Butler rate la question «trans» en parlant dans Trouble dans le genre de «transsexuels» et en étant donc incapable de penser la question dans les termes de sa propre pensée, celle du genre. D’ailleurs, elle aussi a subi l’insulte d’être traitée de transphobe, à coups de «Fuck you Judith Butler!»… On le voit, mon propre propos, lui, n’a rien de transphobe. Et si je parle à un moment du contexte de «violence» qui entoure l’émergence du fait «trans», c’est dans le contexte général de la violence liée d’une part à tout trouble dans le genre quel qu’il soit, et d’autre part aux discriminations et aux humiliations que subissent en effet les «trans»: je parle bien sûr des trans réels et pas des petits-bourgeois excités qui ont voulu empêcher à l’Université de Genève la pensée de se diffuser dans le dialogue de tous avec tous.




L’étrange décoration de la Police de Lausanne

On connaît l’engagement marqué de la Police Municipale de Lausanne (PML) en faveur du multiculturalisme, depuis de nombreuses années, avec des agents spécialisés dans le suivi de ces questions. Ces derniers jours, des passants ont été surpris de découvrir la place prise par cette thématique… dans la décoration même de certains bureaux.

Drapeau albanais, drapeau turc et – plus modeste par la taille – drapeau suisse ornent en effet un mur de l’hôtel de Police, parfaitement identifiable depuis l’espace public. Sur fond de célébration polémique de joueurs de foot d’origine albanaise, en 2018, ou de débats similaires dans le contexte de l’armée, il n’en fallait pas davantage pour que ces images se répandent comme une trainée de poudre sur WhatsApp.

J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Yohan Ziehli, Conseiller communal UDC

Sans surprise, c’est au sein de l’UDC vaudoise que la pilule passe le plus mal. Des interventions politiques sont d’ailleurs envisagées par certains pour demander des explications. Excessif? Légitime? On peut en effet se demander si des drapeaux suédois, ou valaisans, auraient provoqué un même agacement. Conseiller communal UDC lausannois, Yohan Ziehli préfère ironiser : «Je suis opposé à la surrèglementation des aspects les plus anodins de la vie ordinaire à laquelle la Ville de Lausanne nous a habitués. Je ne vais donc pas changer mon fusil d’épaule à cause de la décoration d’un bureau. J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Contactée, la PML ne s’exprimera pas sur la dimension problématique, ou non, de la présence d’étendards d’autres nationalités au sein de ses locaux: «La présence de drapeaux peut s’expliquer par l’attachement à certaines équipes de football ou à certains joueurs. Cela peut aussi avoir un lien avec l’origine de certain-e-s de nos collaborateurs-trices».




Humeur express: ton bouquin, on l’a pas lu!

En l’occurrence, c’est celle de Genève qui a fort à faire, ces temps, avec des « militant-x-e-s » désireux de faire régner, sans qu’ils y aient réellement été encouragés, une certaine pureté doctrinale parmi les invités de l’institution. Dernier en date à avoir vu sa conférence sabotée, un intellectuel français,
Eric Marty, venu présenter son livre, Le sexe des Modernes. Pensée du Neutre et théorie du genre. «L’ouvrage remet en question l’accès des mineur·es à la transition au nom de la protection de l’enfant», dénoncent les personnes venues empêcher la conférence (la même mésaventure était déjà arrivée à deux conférencières moins d’un mois auparavant). Un reproche que l’on imagine nécessairement fondé dans la mesure où, lors de son petit happening, le «collectif» a scandé «ton bouquin c’est de la merde, on l’a pas lu». Ainsi va le wokisme: muni de casseroles et de la certitude d’incarner la vérité, nul besoin désormais d’avoir potassé la production littéraire de ses adversaires idéologiques pour la dénoncer comme infâme.




Humeur express: Mépris et préjugés

La journaliste s’y réjouit carrément du malheur des autres. «Cryptos, enfin le krach», titre-t-elle. Il y a quelques mois, aurait-elle osé un «Covid-19: enfin le million de morts»?
Pour justifier sa prise de position, elle avance que «les valorisations époustouflantes de la tech en bourse n’étaient pas le fruit d’une prescience géniale, mais plus sûrement le résultat d’une politique monétaire laxiste comme jamais». Ensuite, elle estime que se rendre sur un forum de discussion dédié aux cryptomonnaies ressemble à une «expérience ésotérique» pour le «néophyte, ce ringard» et qu’il s’y crée un «écosystème de l’absurde». Reste que les pratiquants de cet «ésotérisme», vivant «dans l’absurde» sont, parfois, des spéculateurs novices, tentant de mettre un peu de beurre dans les épinards en plaçant leurs économies. Pas certain que ces derniers se soient dit «enfin le krach», la semaine dernière, lorsque le cours de Luna, une des milliers de cryptomonnaies, s’est effondré, provoquant la fonte de leur portefeuille. JB




Un joueur de foot doit-il épouser les causes de l’époque?

NON, selon Raphaël Pomey
Posons tranquillement le décor: un footballeur musulman très pieux, dont le club est aux mains d’un représentant d’un État appliquant la peine de mort pour les homosexuels, suscite la polémique pour avoir refusé de porter un maillot aux couleurs de l’arc-en-ciel. Est-il vraiment nécessaire de développer pour saisir le ridicule de la situation? Non pas qu’il soit anodin que des personnes LGBT soient encore agressées dans la rue, insultées, ou bien évidemment condamnées par des États en raison de leurs inclinations propres. Simplement, il paraît tout de même doucement hypocrite que l’on demande à des sportifs de porter des causes qui les dépassent et dont on peut légitimement penser qu’elles ne hantent guère les nuits de leurs patrons du Golfe. Idrissa Gana Gueye n’est sans doute pas le plus tolérant des hommes, mais il se trouve que son travail consiste à taper dans un ballon, et non pas à porter le feu de l’égalité aux humains, tel un Prométhée post-moderne. A force de demander à des personnalités extérieures au jeu politique de s’engager sur des enjeux qui, eux, relèvent très clairement de la chose publique, un risque fait peu à peu surface: que l’engagement citoyen ou associatif de base, ciment de notre société, paraisse peu à peu inutile. A quoi bon s’exprimer à propos de la gestion des comptes d’une société de tennis si, de toute manière, il n’y a que des grandes causes dans ce monde, sur lesquelles n’importe quel avis fait autorité? Loin de permettre une «évolution des mentalités», comme on nous le promet toujours, la multiplication des «journées de» et des actions symboliques noie surtout les souffrances de ce monde dans une guimauve vaguement dénonciatrice qui ne sert à personne.

OUI, selon Jérôme Burgener
Faisons fi des idéologies qui gravitent autour de cette affaire et revenons sur la réelle question qui se pose ici. Il s’agit simplement d’une relation contractuelle entre une entreprise et son employé. Revenons sur la définition d’un contrat. Il s’agit d’un accord volontaire entre deux ou plusieurs personnes, faisant naître des obligations entre elles. Pascal Salin, économiste et philosophe français, en donne une description encore plus précise dans «Libérons-nous», sorti en 2014: «Si un contrat existe, c’est évidemment parce qu’il est satisfaisant pour les deux co-contractants. Si le contrat est librement décidé et signé, il rend impossible toute domination des uns par les autres: les contractants partagent la même liberté et la même dignité.» Idrissa Gana Gueye a, en 2019, signé un contrat avec le PSG lui rapportant plus de sept millions d’euros par année. Nous pouvons bien imaginer que l’accord spécifie que le joueur doit porter le maillot, donc l’uniforme, du club qui l’a engagé. Un peu comme un employé de McDonald’s ou un agent de police. Si le joueur refuse de porter le maillot, même si celui-ci affiche les couleurs arc-en-ciel à titre exceptionnel pour la journée de la lutte contre l’homophobie, il n’honore pas les termes du document qui le lie à son club. Ce dernier peut donc prendre des sanctions contre Idrissa Gana Gueye. Une décision qui semble difficilement contestable, si elle a lieu. La pression exercée par Rouge Direct, qui dénonce l’homophobie dans le sport, est plus contestable. L’association a interpellé les deux parties ainsi que la ligue sur Twitter: «L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit. La ligue et le PSG doivent demander à Gana Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant.» On doute que cette ire résulte d’une rupture de contrat.