NON, selon Alec Von Barnekow
«Je trouve cette initiative très intéressante, parce qu’elle replace le consommateur au cœur du débat», entonne Alec von Barnekow, président des JLR fribourgeois. Sans parler au nom de son parti, ce dernier n’ayant pas encore pris position, le jeune libéral-radical se dit favorable à une «meilleure considération des habitudes de consommation de la population, d’autant plus qu’elles ont énormément évolué ces dernières années, en particulier chez les jeunes». Dans un tel contexte, ajoute-t-il, la redevance «doit être repensée pour définir plus précisément à quoi elle doit servir. Il ne s’agit pas, par exemple, de démanteler toutes les télévisions ou radios locales, qui peuvent avoir besoin pour survivre d’un certain soutien financier, et auxquelles les consommateurs sont attachés. Mais il n’est pas juste de maintenir un système dans lequel tout le monde doit payer cher – la redevance audiovisuelle suisse est plus élevée que celles de tous les pays voisins – pour un service qu’il ne souhaite pas forcément consommer.»
Selon le Fribourgeois, la baisse de la redevance à 200 francs proposée par l’initiative SSR apporterait des solutions à ce problème, tout en respectant l’attachement des Suisses aux médias de service public clairement exprimé en 2018 lors du rejet de l’initiative No Billag. Interrogé sur l’argumentaire très libéral des initiants, qui militent pour «plus de marché, moins d’état» et affirment que «seule une concurrence conforme aux lois du marché entre les producteurs médiatiques [serait apte à garantir] une démocratie vivante et performante», le jeune politicien acquiesce: «Les médias forment un marché dans lequel il est normal que s’applique une forme de concurrence». Et le jeune libéral-radical de conclure sur une note optimiste et habilement flatteuse: «En tant que partisan du modèle capitaliste, je crois qu’il existe un fort potentiel d’innovation dans un marché où est mise en œuvre une saine concurrence, c’est-à-dire où il n’y a pas seulement deux ou trois acteurs. La nécessité de satisfaire les consommateurs pousse à créer de nouvelles alternatives. Le Peuple, du reste, est un bon exemple de cette créativité, de cette volonté de proposer des offres nouvelles.»
OUI, selon Antoine Bernhard
Discuter du prix sans doute trop élevé de la redevance, se demander si elle n’est pas mal utilisée ou si les médias de service public font bien leur travail, ce sont certes des discussions pertinentes. Elles n’en demeurent pas moins anecdotiques au regard de l’enjeu majeur du débat dont il est question. Car le parti pris des porteurs de l’initiative «200 francs ça suffit» est résolument libéral: «Plus de marché, moins d’état» lit-on sur leur site. Privatisation, concurrence, indexation de la politique publique sur les habitudes de consommation, tout est là. Une question fondamentale est alors posée: souhaitons-nous libéraliser de plus en plus nos médias de service public ou non? Pour les initiants, la réponse semble évidente: seule une telle libéralisation garantirait une «démocratie vivante et performante». A titre personnel, je ne peux pas adhérer aux dogmes libéraux qui sous-tendent une telle position.
Une question de principe tout simplement: pourquoi les habitudes de consommation individuelles devraient-elles être la boussole de nos actions politiques? Il y a, je crois, dans la notion même de «service public» l’idée d’un espace qui doit échapper au marché, à la consommation et aux fluctuations des modes. Les acteurs privés, contrairement à l’état, ne sont pas soumis à ce même impératif. La concurrence leur impose de poursuivre d’autres objectifs, d’être prêts à sacrifier sur l’autel de leurs intérêts propres et du profit bien des valeurs morales comme la défense du pluralisme ou de la démocratie libérale, pourtant chère aux initiants. On ne doit jamais perdre de vue la question du bien commun. Il serait dangereux de confier complètement aux lois du marché la gestion de l’intégralité des médias. Une partie, au moins, doit en être préservée, afin de garantir certains services particuliers. Certes, l’initiative dont il est question aujourd’hui est très édulcorée, bien loin de la radicalité de sa prédécesseure No Billag. Dans le principe cependant, elle relève de la même volonté: démanteler progressivement les services publics au profit d’une logique de marché qui, à court terme, réglera peut-être le problème d’une politisation excessive de la SSR, mais en apportera bien d’autres par la suite.