Plaidoyer pour les vacances en Suisse

« Quand j’étais enfant, le glacier d’Aletsch remontait encore jusqu’au lac de Märjelen », lance un sexagénaire alerte, entouré de ses petits-enfants, tout près de la sortie du tunnel du Tälligrat, sur les hauts de Fiesch (VS). Alors que le grésil sévissait encore la veille, il fait bon en ce jeudi de la fin du mois de juillet, et les VTT électriques ne se privent pas de faire régner leur loi sur les chemins pédestres. Au risque, parfois, d’emporter un jeune garçon remuant ou une grand-mère trop pensive aux yeux des nouveaux caïds sur deux roues.

C’est pas mal et c’est chez nous.

Dans ces lieux peut-être davantage propices à la contemplation, le fun sévit comme partout, et la technologie poursuit son œuvre sinistre. Transformés en aventuriers, les adeptes des sensations fortes passent à côté de tout, mais ne voient plus grand-chose. Peu importe ! Dans vingt minutes, deux jeunes enfants, sept et dix ans, découvriront le plus grand glacier des Alpes, juste après avoir longé son petit frère de Fiesch dans une vallée parallèle durant deux premières heures de randonnée. Moraines, névés, pierriers… Tout un vocabulaire s’imprime dans leurs esprits, soudainement très éloignés des transformations de Pokémons. Pikachu se trouve assurément très loin, mais si la famille monte à l’Eggishorn, plus tard dans la journée, une figure autrement plus mythique fera son apparition : le Cervin, que le ciel dégagé permettra d’admirer dans toute sa majesté. Pour l’heure, on se contentera de s’amuser de l’interminable séance photo d’un couple d’amoureux déterminés à inonder les réseaux sociaux d’un bonheur reconnaissable à des poses aussi grandiloquentes qu’un slogan des Jeunes Socialistes Suisses.

Le sens de l’émerveillement

Tout au plus un peu de tristesse s’impose sur les visages lorsque l’ainé des enfants s’interroge sur l’étrange ligne qui indique l’endroit que touchait jadis le glacier sur la montagne en face. Que voulez-vous ? Sur cette autoroute à vacanciers, on vient voir un chef-d’œuvre de la nature, mais il faut bien avouer que l’on a parfois aussi l’impression de se trouver au chevet d’un mourant. Est-ce à dire que des vacances en famille près d’un glacier incitent forcément à basculer dans la vision la plus autoritaire de l’écologie ? Ce serait rendre politique une chose qui doit en être préservée : le sens de l’émerveillement. Ce précieux sens de l’émerveillement qu’il s’agit de transmettre aux enfants pour qu’ils décident librement du genre de vie qu’ils veulent adopter à l’âge de raison. Le propos peut sembler très général, d’accord, mais n’est-il pas plus à même de transmettre un souci environnemental que la mise en scène de 600 figurants nus naguère organisée en ces lieux par Greenpeace ?

Un pays en héritage.

Certains militants climatiques bloquent des routes puis prennent l’avion pour aller au Mexique. D’autres s’arrêtent devant un glacier et ne savent honnêtement plus quel serait le bon dosage entre respect des libertés individuelles et défense de la Création. Comment trancher ? Des vacances dans son propre pays ne donnent ni la solution ni une position de surplomb moral. Mais elles permettent de comprendre ce que les étrangers viennent trouver chez nous : une Suisse fière et protectrice de ses richesses naturelles, une Suisse qui n’a pas honte de ses dialectes ou de son patrimoine culturel et religieux. Partir en vacances dans son propre pays, par choix ou par contrainte, c’est redécouvrir un style de vie qui faisait la joie de nos anciens : gravir des cols, traverser des vallées, visiter des chapelles qui, à trois heures de train de chez soi, font partie de nos âmes. 

À trente minutes en train de Fiesch, un ossuaire – celui de Naters – annonce :« Was ihr seid, das waren wir / Was wir sind, das werdet ihr ».« Ce que vous êtes, nous l’étions / Ce que nous sommes, vous le serez ». Surmontant des milliers de crânes, la devise peut sembler terrible ; nous la trouvons pleine d’espérance. Quelques heures de rail nous ont permis de redécouvrir un lien avec des personnes reposant en ces lieux depuis 500 ans, et pour l’éternité.

Des vacances toutes bêtes, auxquelles on aurait d’abord préféré la dégustation d’un poulpe grillé sur une plage de Crète, nous ont rappelé que nous vivons dans un beau pays. Et qu’il faut, en trouvant un compromis entre nos diverses sensibilités, en préserver la grandeur.




En souvenir de notre héritage : « Le cuirassé Potemkine »

Le cuirassé Potemkine (1925), un des films les plus célèbres et mythiques du 7e art, demeure une œuvre clé de l’histoire du cinéma. Son réalisateur Sergueï Eisenstein (1898-1948) peut être considéré comme un des « inventeurs » (ou plutôt théoriciens) du montage, aux côtés de son alter-ego américain David Wark Griffith (1875-1948), metteur en scène du pionnier Naissance d’une nation (1915). Eisenstein s’est fait connaître grâce à ses films de propagande au rythme frénétique, faisant la part belle aux effets spectaculaires du montage. Sorti une année avant Le cuirassé Potemkine, La grève, son premier long-métrage, dépeint une grève violemment réprimée par les autorités tsaristes. Eisenstein est également l’auteur d’un biopic en deux volets (le premier en 1944 et le deuxième en 1958) consacré à la figure historique d’Ivan IV de Russie : Ivan le terrible.

Bien que Le cuirassé Potemkine soit avant tout un travail admiré pour ses qualités artistiques, il a aussi été considéré lors de sa sortie (et peut toujours l’être de nos jours) comme un outil de propagande politique. C’est un film qui met en avant une des idéologies qui a le plus influencé la tournure de l’histoire : le communisme. Dès lors, est-il concevable de faire la promotion d’un film en dépit d’idéaux délétères dont il fait la promotion ; idéaux qui ont causé près de cent millions de morts selon l’historien Stéphane Courtois, co-auteur de l’ouvrage Le livre noir du communisme (1997) ?

Lors de la sortie du film en 1925, la Russie a déjà traversé les violents événements de 1917 qui l’ont fait devenir communiste. En intellectuel confirmé, Vladimir Lénine (1870-1924), à la tête du nouveau gouvernement, avait appréhendé les vertus communicatives d’un médium comme le cinéma : ce dernier allait être très utile à la propagation de l’idéologie communiste au sein de la population russe.

De la même manière, le réalisateur Sergueï Eisenstein, lui-même soutien des bolchéviques, a fait usage de ses talents narratifs en exploitant un art qui n’avait que quelques décennies d’âge – les premières projections organisées par les frères Auguste et Louis Lumière (1862-1954 pour le premier et 1864-1948 pour le second) avaient eu lieu dans les années 1890. Il remarque instantanément que le montage est une manière puissante de susciter toutes sortes d’émotions chez le spectateur. Après s’être évertué à filmer de manière bouleversante la sanglante répression de la classe ouvrière dans La grève, c’est vers une mutinerie qui s’est déroulée sur un cuirassé russe en 1905 que le metteur en scène décide de tourner sa caméra. Les spectateurs sont captivés et se laissent porter par un cinéma de propagande au service d’un régime spécifique (soviétique dans ce cas).

Une scène fameuse de massacre de civils à Odessa.

Ce qui est fascinant avec Le cuirassé Potemkine, et qui contribue manifestement à lui avoir garanti une place de choix au panthéon des classiques du 7e art, ce sont surtout ses qualités formelles et narratives. D’abord, le montage trépidant qui est devenu la marque de fabrique du réalisateur nous entraine dans un récit qui s’apparente à une tragédie des temps modernes : le destin des mutinés du Potemkine face aux colonels et autres gradés ; symboles du régime tsariste et donc oppressif. Même si cet aspect est propre aux films de propagande, voire typique des films à thèse (c’est-à-dire dont le but est de promouvoir un message social ou politique en particulier), on peut regretter le fait que les protagonistes fonctionnent davantage en tant que représentations de classes sociales plutôt qu’en tant que personnages attachants et profonds. En d’autres termes, les individus à l’écran servent surtout à incarner l’éternel lutte entre opprimés (les matelots) et oppresseurs (les commandants du navire). Ensuite, un effet de montage dont Eisenstein a le secret consiste à créer un nouveau sens en assemblant deux images de prime abord non liées. Cette association picturale (« d’idées » serait-on tenté de dire) a la vertu d’exprimer un message donné de manière plus éloquente en faisant usage du pouvoir des images. Par exemple, on peut citer la succession de plans entre le médecin du navire (clair antagoniste au sein du récit) qui est jeté par-dessus bord et celui des asticots logés dans la viande avariée ; par cette simple association, le film suggère que la classe dominante corrompt la société et qu’il faut à tout prix la renverser. Dernière chose mais non des moindres, l’usage des différentes échelles de plan est à relever. Le cuirassé Potemkine fait la part belle à des plans d’ensemble et larges (c’est-à-dire des plans où les personnages sont placés au sein de décors imposants). Ce choix pictural s’explique par la volonté du cinéaste d’insuffler une atmosphère grandiose et imposante au récit qu’il raconte : ces plans agissent en effet comme des fresques cinématographiques qui plongent le spectateur dans le feu de l’action. Le but de cette narration est bien sûr de le faire sympathiser avec le destin des personnages. À cela le metteur en scène mêle savamment des gros plans (c’est-à-dire cadrés sur le visage) de différents individus de « la masse » afin de susciter chez l’audience de vives émotions. Ces dialogues continuels entre différents types de plan représentent une démarche clé dans la promotion des idéaux communistes (par exemple la prise de pouvoir par la classe ouvrière). Il s’agit aussi d’un outil redoutable qui permet de légitimer la révolution de 1917, dont le résultat a été l’instauration d’un régime totalitaire.

Une affiche de 1927. Crédit: Russian Public Libray

Pourquoi encore voir aujourd’hui le film d’Eisenstein alors qu’il date d’il y a près de cent ans et que le « socialisme scientifique », pour citer Karl Marx (1818-1883), a été à maintes reprises fatalement discrédité par nombre de penseurs dont Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), le célèbre dissident soviétique et auteur de L’archipel du Goulag (1973) ? Parce qu’il demeure encore et toujours un cas d’école en ce qui concerne la parfaite maîtrise du montage dans l’art de raconter une histoire, dans celui de happer l’audience dans des événements tragiques qui ont concerné toute une nation à l’approche de la révolution de 1917. D’un point de vue mémoriel et moral toutefois, il est non seulement nécessaire de rappeler les horreurs du passé pour en tirer les leçons nécessaires (sans quoi nous sommes simplement condamnés à les répéter), mais aussi de garder à l’esprit que les bonnes intentions (en l’occurrence la volonté de voir émerger une société plus égalitaire) ne garantissent nullement des conséquences souhaitables pour les individus et les sociétés. « Le chemin vers l’enfer est pavé de bonnes intentions » comme le dit le proverbe. À cet égard, Le cuirassé Potemkine fonctionne aussi comme le témoignage d’un passé ténébreux.

La question des interactions entre forme et fond occupe depuis toujours les artisans du cinéma, de George Méliès (1861-1938), l’illusionniste pionnier des effets spéciaux, à Martin Scorsese (1942), l’une des légendes du cinéma hollywoodien. Sergueï Eisenstein pour sa part a sans doute apporté sa pierre à l’édifice dans la standardisation du montage. C’est avant tout pour cela qu’il est bon de (re)voir à l’envi son chef-d’œuvre. Il est en réalité tout à fait envisageable d’admirer un film pour ses qualités esthétiques, tout en condamnant si besoin son message politique, philosophique, ou social.




[Tribune] 5000 usines à gaz en Suisse…

Vous vous souvenez des « avions renifleurs » de Valéry Giscard d’Estaing ? Repérer des gisements pétroliers en survolant plaines, jungles et escarpements hostiles : telle était la belle promesse de deux habiles escrocs dans les années 1970. Quel rapport avec les parcs industriels éoliens ?

Le contexte énergétique d’abord

Ces miraculeux aéronefs ont décollé en période de crise pétrolière majeure, mais aussi de néocolonialisme. De saugrenus émirs verrouillent le robinet pétrolier, haussent le prix de l’or noir, annoncent l’épuisement des gisements ? Pas de panique ! Prenons de la hauteur ! Survolons les contrées déshéritées et localisons de nouvelles ressources, abordons ces peuplades misérables et incultes, faisons tinter quelque menue monnaie et luire mille promesses. Et surtout ne changeons rien aux Trente Glorieuses ! Vive la vie industrielle et l’avenir radieux ! Sans quoi, ce sera encore la misère ! C’est ce qui vient de se passer dans le Jura romand.

L’affaire des avions renifleurs. Texte intégral du rapport de la Cour des Comptes, paru dans « Libération » du 4 janvier 1984.

Les années 1970 n’étaient en effet que le prolégomène de 2020. Les avions renifleurs n’ont jamais flairé que les crédules, les naïfs et surtout les opportunistes tôt levés parmi les politiciens et les industriels. La leçon de l’histoire devrait avoir porté et nous épargner ça. Les éoliennes montrent qu’il n’en est rien. Parce que la psychose devant la nécessité d’un changement est toujours prête à faire trembler le citoyen lambda devant les urnes et parce que les consortiums en tous genres ont compris que l’on ne faisait désormais du profit qu’avec l’assentiment de l’émotion collective.

Le dilemme politique, ensuite

Le citoyen a eu peur du nucléaire ; les doux yeux de Doris Leuthard (ndlr ancienne conseillère fédérale démocrate-chrétienne) l’ont convaincu qu’il fallait interdire l’atome pour se sentir aimable. À peine la souriante Argovienne disparaît-elle des écrans que Greta Thunberg la remplace et soulève la jeunesse contre les émissions de CO2. Le tsunami vert déferle sur les calicots (en vidant les écoles tous les vendredis), dans les urnes, et aux rayons de la Coopé. Skolstrejk, flygskam : on apprend deux mots de suédois et on convoite des sièges ni à l’école, ni dans les avions, mais au parlement. 

Pendant ce temps, l’Allemagne ferme vertueusement ses centrales nucléaires et érige 28 000 éoliennes. Mâts gigantesques, hélices paresseuses, son et lumière garantis toute la nuit ! Tout comme dans les pays nordiques et au long de la côte atlantique. Ces machines, malgré leur nombre accablant, malgré des régimes de vent plutôt optimaux en plaine et en bord d’océan, peinent à dépasser 20 % de rendement et surtout échouent à satisfaire les besoins énergétiques réels. Car le vent ne souffle pas en permanence ! On le savait depuis toujours, mais le sénateur moyen est un animal d’intérieur qui pense que les statistiques et les powerpoint comportent un supplément de réalité et jettent les bases d’un monde neuf et frais, tiré par lui de son chaos ordinaire.

Le parc expérimental éolien offshore « Alpha ventus » en mer du Nord. Martina Nolte/Creative Commons

Enfin, l’addiction à la consommation

Comment permettre au Strasbourgeois de recharger son portable, sa tondeuse à gazon, sa Zoé ou sa Tesla ? Et sans plus toucher au nucléaire, hein ? En réactivant les usines thermiques, pardi ! Ah, en plus, il vaudrait mieux ne pas consommer du gaz russe ! Alors réchauffons les usines à charbon ! N’est-ce pas dans les vieilles marmites que l’on fait la meilleure soupe ? Et ne disons rien de ces monstres tousseux qui rejettent à pleines bouffées du CO2 et de la suie dans l’atmosphère ! Dame, les Chinois se gênent-ils ? Produire plein pot, ne rien dire, enfumer au propre et au figuré. Et se pâmer devant ces blanches et indolentes déesses surplombant de leur geste circulaire des paysages « renouvelés » qui ne semblaient attendre qu’elles !

Bref, l’échec éolien est constant dans les pays qui s’y sont lancés tête baissée. Pourtant la Suisse l’ignore obstinément. Conversez avec quelques députés vaudois. Vous les savez intelligents, amoureux de leurs concitoyens et de leur terroir. Ils vous répondent texto : « Moi, les éoliennes, je trouve ça beau ! ». Le parlementaire vaudois est un esthète, il a pour credo les goûts et les couleurs. D’ailleurs son parti est assez vert quand il ne l’est pas complètement. Et les dents de Mme Isabelle Chevalley sont blanches et longues, signe évident de vertu.

D’aucuns pensaient pourtant que le mandat politique vous plongeait dans des lectures, vous muait en vérificateur, en comparateur, en visionnaire critique et informé. Eh bien non ! Il semble que l’on puisse laisser parler ses goûts, son cœur, ses élans. Après « J’aime la beauté de l’éolienne !», on portera sans doute son dévolu d’élu sur les lignes pures et luisantes d’une culasse, on chérira le style dépouillé des courriers fiscaux, on frémira devant l’architecture sobre et digne des pénitenciers sur laquelle l’ombre du fer barbelé ajoute, en contrepoint, un je-ne-sais-quoi de baroque, ma chère !

Or si l’on vérifie les chiffres, le rendement des éoliennes est pitoyable, la force des vents mesurés s’affaisse, l’irrémédiable atteinte à la biodiversité alarmerait le meilleur actionnaire de Monsanto. Si l’on compare le bilan énergétique suisse avec celui des pays voisins, on découvre qu’il est parmi les meilleurs tandis que l’Allemagne et les autres pays éoliens affichent des résultats scandaleux. Si l’on évalue méthodiquement les solutions envisagées, on découvre, ébahi, que pour avoir les 5000 éoliennes nécessaires aux objectifs de 2035, il faudrait en planter une par jour alors que le secteur est en rupture de stock et que Siemens est en faillite. On notera encore que le démantèlement est estimé à 100 000 francs par les promoteurs (en 2050 !); tout le reste sera à charge du propriétaire de parcelle et probablement (même si tout cela est dangereusement vague) de la commune, du canton, de la Confédération. Si l’on projette une vision à long terme et qu’on la soumet à une réflexion critique, on réalise que l’une des seules ressources naturelles de cette Suisse citadine très densément peuplée tient en ses sites naturels, ses paysages, ses espaces de ressourcement. On se souvient d’ailleurs que le peuple s’est clairement prononcé en 2008 contre le mitage du territoire et que créer des parcs industriels ou photovoltaïques en altitude bafoue cette volonté démocratiquement exprimée. 

Ce qui brûle, ce sont les hectolitres d’huile de lubrification. D’ordinaire, ils se répandent en gouttelettes dans les environs.

Alors comment expliquer que l’on persiste à enfumer le public et à s’enivrer de l’illusion éolo-solaire ? Parce qu’on n’a rien d’autre sous la main en matière de politiquement correct ! Parce que la pression médiatique réclame aux élus des réponses immédiates qui les empêchent de faire un travail de fond ou de consulter des ONG sérieuses et indépendantes comme A Rocha, qui élaborent des solutions globales « aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire ». Mais plus affligeant, parce que l’action évidente, immédiate qui consiste à équiper de panneaux solaires tous les toits des bâtiments publics, puis les murs anti-bruit des bords d’autoroute semble plus difficile à réaliser que de semer des zones industrielles dans les hautes contrées inviolées de notre pays. Peut-être parce que les promoteurs avancent avec de gros budgets, parce que la planification fédérale confiée à l’Office fédéralde l’énergie sponsorise largement Suisse-Eole qui agit au profit des consortiums privés et supra-nationaux.

Peut-être encore parce que la panique climatique nécessite un sacrifice : chaque socle d’éolienne exige que l’on abatte des arbres, que l’on défonce des terrains restés dans leur état millénaire. Le promoteur éolien tient, avec la tronçonneuse et la pelleteuse – les coutelas sacrificiels d’aujourd’hui. Une fois la nature terrassée, on éprouve le sentiment profond qu’elle se calmera car elle aura vu que l’humain a fait tout ce qu’il a pu. Planter sur le Chasseron un peuple vrombissant d’éoliennes, c’est reprendre le chemin ancestral, archaïque des autels paléochrétiens que les archéologues ont mis au jour. L’aveugle admiration, la prosternation tremblante devant ces titans de métal et de fibres synthétiques sont liées à une pensée religieuse et magique fondée dans la mise à mort de ce qui sera leur environnement – et ne sera plus le nôtre. Nous précipiterons-nous à leurs pieds ?

Aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire… Il est urgent non pas d’attendre mais de ralentir, de pondérer, de discerner. Il est urgent de mesurer la valeur inestimable de la nature suisse. Il est urgent et surtout indispensable de décroître.

Il est urgent de résister.
Jean-Daniel Rousseil
Militant de la décroissance, ancien enseignant au gymnase, Jean-Daniel Rousseil préside l’association VOLauVENT.

Illustration principale: Photo montage de l’assoc. Des Gittaz, sur ce site opposé aux éoliennes. Vue place de la gare de Sainte-Croix

Les hélices ne sont pas encore arrivée que déjà, les pylônes confèrent quelque chose d’inquiétant à l’atmosphère de Sainte-Croix. DR/LP



Cathédrale outragée : le centre droit monte au front !

Alors que le parti conservateur UDC avait annoncé au Peuple en début de semaine qu’une interpellation serait déposée au Grand Conseil à la rentrée, un poids lourd entre dans la danse: le PLR, parti de la présidente du Conseil d’État Christelle Luisier. Dans un communiqué, la formation de centre droit n’hésite pas à parler de scandale et suggère même une baisse de la subvention contre le festival qui a organisé l’événement. Sa présidente répond à nos questions.

Florence Bettschart-Narbel, on n’a pas l’habitude de voir le centre droit se positionner sur ce type d’affaires. Pourquoi maintenant ?

Je crois que vous vous trompez. Le PLR s’est déjà positionné contre certaines prises de position politique des Églises vaudoises, notamment lors de l’initiative sur les multinationales responsables. Par ailleurs, lorsqu’il y a eu de la propagande syndicale au sein des gymnases, nous sommes aussi montés au créneau. Quand la neutralité politique de ces institutions n’est pas respectée, nous nous sommes à chaque fois positionnés. 

Y a-t-il chez vous une volonté de dire stop à la politisation des Églises ?

En l’occurrence, c’est plutôt le non-respect du règlement de l’utilisation de la cathédrale qui prévoit notamment une utilisation non politique et non polémique et dans le respect de l’esprit des lieux qui nous a choqués.

Vous présidez le conseil de fondation de l’Arsenic, centre d’art contemporain. Auriez-vous accepté un tel spectacle dans ce cadre ?

Le contexte aurait été tout différent. Tout d’abord, le Conseil de fondation ne se prononce pas sur la programmation artistique d’un lieu, tant qu’elle reste dans le cadre de la mission du théâtre. De plus, j’ai un grand respect de la liberté d’expression et de la liberté artistique.  En l’espèce, c’est le fait que cette représentation polémique ait eu lieu dans le cadre de la Cathédrale de Lausanne qui pose problème.

Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui, sous couvert de tolérance et d’inclusivité, certains mouvements peuvent tout faire

C’est ce qui m’a particulièrement choquée dans cette affaire. Le Festival de la Cité se dit inclusif et bienveillant. Or, le caractère haineux du spectacle du Hot Bodies Choir ne vise pas du tout une société apaisée. Bien au contraire, en appelant à la haine contre certains groupes de personnes, il polarise la société.


L’impensé de la gauche

On se sent souvent bien seul, à défendre le sens commun. Généralement, les belles âmes nous reprochent de faire des montagnes pour un rien, d’être réactionnaire ou d’extrême-droite. Seulement, vient un moment où même des personnes fort éloignées des choses de la foi, ou juste attachées au minimum de règles informelles nécessaires à la vie en société, disent elles aussi stop face au scandale de trop.

Le PLR n’est pas un parti conservateur. Pourquoi aurait-il eu besoin de l’être en des temps où il ne serait jamais venu à l’idée de quiconque de chanter sa haine de la police, des bourgeois ou des assureurs dans une cathédrale ? L’époque a changé, et certains ont perdu leurs repères, enfermés dans la certitude d’incarner le progrès. Face au scandale qui éclabousse Lausanne et la gestion de sa cathédrale, il faut savoir gré au centre droit d’avoir pris les choses en main en appelant un chat un chat. On aurait aimé que les gens qui ont pour mission de représenter les croyants en fassent autant. Sans doute ont-ils un bilan de la consommation énergétique de leurs paroisses à établir.

Depuis plus d’une année, Le Peuple fait face aux caricatures. Qu’il n’ait jamais écrit pour dénigrer telle ou telle communauté d’origine étrangère, peu importe : beaucoup ont tenté de faire de nous l’épouvantail d’extrême-droite dont ils avaient besoin pour s’inventer des combats. Aujourd’hui, alors que des personnes parfois libérales, athées, et même souvent d’autres confessions nous rejoignent dans notre combat, le sol se dérobe sous leurs pieds. Oui, l’écrasante majorité des gens en a marre de voir l’insulte, la mauvaise humeur et le déni de démocratie érigés en vertus cardinales.

C’est l’heure de la confidence : insulter le capitalisme, le bon Dieu et la police, nous aussi nous l’avons fait, et longtemps. Mais il ne nous serait jamais venu à l’idée de nous indigner des retombées de nos provocations. Lorsque nous étions de petits punks enragés, nihilistes et désespérés, nous savions que nous avions peu de chances de recevoir des médailles. Plutôt des coups de pied au derrière. Certains nous ont fait du bien, quelques-uns ont même sauvé nos vies.

L’affaire de cette semaine, en vérité, est éprouvante. Elle est éprouvante car elle met en lumière le degré de mollesse des grandes Églises, si longtemps soucieuses de mendier la sympathie du monde qu’elles ont fini par accepter d’accueillir l’insulte entre leurs murs. Insultes pour les capitalistes, les bourgeois et même la police qui protège les manifestations culturelles révolutionnaires organisées avec l’argent des braves gens. Elle montre aussi qu’à force de faire tout sauf leur travail central – annoncer l’évangile –, elles ont fini par se trouver remplies de n’importe quoi.

Reste une ultime question : si l’on peut se féliciter de la réaction du centre droit, on peut aussi se demander ce qui empêche les socialistes de marquer à leur tour leur désapprobation. Pour avoir des idéaux égalitaires, ce qui n’est philosophiquement pas inconcevable, doit-on pour autant se solidariser de la haine du flic, du bourgeois et du mâle ? Il y a là un impensé qui, malheureusement, fait fuir quantité de gens tout à fait recommandables d’une gauche qui vaut mieux que cela.

Raphaël Pomey




GPT, responsabilité et darwinisme des médias

Quelle forme prendra la rédaction du futur, avec l’émergence de l’intelligence artificielle ? Notre chroniqueur Jean-Pierre Seyne livre son regard d’ingénieur.

Si nous sommes libres de dire ce que nous souhaitons, c’est parce que nous avons également des responsabilités. Animaux sociaux, les hommes communiquent dans le cadre d’une organisation : la société, qui leur permet d’être relativement libres en fonction des époques. Cette liberté est rendue possible parce que les hommes doivent naturellement rendre compte de leurs propos. Si ces derniers sont faux, erronés, offensifs ou diffamatoires, alors c’est l’image de l’auteur, sa réputation, voire ses droits civiques qui peuvent être atteints. Pour cela, la justice est censée faire régner un certain ordre. Même si ce n’est pas complètement le cas comme en témoigne l’actionnariat des principaux médias. 

Ce qui change, avec l’arrivée de GPT, c’est la facilité pour n’importe qui d’écrire sur un sujet particulier. Est-ce que cela remet en cause tout le principe de responsabilité ? Non.

En revanche, cela entraîne une nouvelle forme de gestion de ce principe moral et légal. Comme le parent est responsable des actes de ses enfants ou l’éditeur responsable de ses auteurs, ces derniers sont aussi responsables des sources auxquelles ils recourent, y compris de leur utilisation de GPT. 

La signature, gage de qualité et responsabilité… ou non

En peinture, l’artiste appose sa signature sur sa toile, indiquant sa paternité sur l’œuvre. De même, chaque mot que nous prononçons, chaque phrase que nous écrivons porte notre empreinte, agissant comme notre signature gravée à jamais dans la mémoire d’internet grâce à la plus grande archive du monde qu’est www.archive.org. C’est un gage de qualité pour certaines « marques », que celles-ci soient des auteurs confidentiels (Gauthier Dambreville) ou reconnus (Bernard-Henri Lévy), des titres (lemonde.fr), des infolettres (TimeToSignOff) ou des médias bien en place (TV5). Il peut aussi s’agir de médias célèbres pour leurs prises de parti (lecanardenchaine.fr) ou (liberation), voire des néo-médias YouTube.

Le système de partage sur les réseaux sociaux et de référencement par Google permet à ces médias de proliférer quelle que soit la qualité de leur travail ou l’objectivité de leur production. Ainsi, un large spectre d’idées se retrouvent amplifiées et propagées. Parmi tous ces signaux, beaucoup contiendront de plus en plus de sections générées par GPT. 

La question devient alors « à qui faire confiance ? » et « qui lire ? » dans ce monde où prolifèrera le spectre rampant d’un GPT à chaque ligne. 

Un label ? 

Je déteste l’idée de ces labels qui permettent aux consommateurs de s’acheter une bonne conscience. Est-ce vraiment utile de créer un label « Sans GPT » alors qu’il suffit de le mentionner dans la signature de l’article ? Alors qu’il est difficile de savoir si des enfants ont ou non participé à la production d’aliments (par exemple dans les plantations de cacao), il est en revanche facile de se rendre compte de la qualité d’un texte. Il est donc bien plus simple que les clients se fassent leur propre opinion sur la qualité du média qu’ils consomment. L’authenticité ou la qualité sont des valeurs que chacun peut ressentir. En tant que lecteur du Peuple, vous y êtes très certainement sensibles.

Darwinisme des médias

Prendre du contenu généré par GPT et le publier avec une faible relecture ou vérification sera un jeu dangereux. Cela devrait théoriquement anéantir les titres les moins scrupuleux en raison du départ de leur audience. Ce serait être naïf d’imaginer que le darwinisme s’appliquerait ainsi aussi simplement dans le monde des médias. Malheureusement, personne ne peut prédire ce qui adviendra. En effet, les nouveaux enjeux ne concernent pas uniquement la qualité des contenus. Il y a, entre autres, la force des logos ou « marques » (tels Le MondeLibération), mais aussi la force des personnalités qui contribuent régulièrement auprès de ces titres. Bref, il se pourrait bien que les médias se retrouvent dans un fonctionnement hybride avec des auteurs connus pour avoir quelques références et conservant ainsi un attrait pour leur audience. Et que, pour le reste, des contenus purement informatifs et simples soient développés par des fermes de pigistes GPTistes qui seraient là pour donner de la chair autour du backbone central d’auteurs et de personnalités à succès.

Seul l’avenir nous dira ce qui se passera. Et Le Peuple, journal engagé dans la réinformation, vous informera avec plaisir des dernières tendances afin que vous puissiez mieux comprendre ce qui se déroulera dans l’arène médiatique.  

Jean-Pierre Seyne

Rédigé sans AI




Pourquoi Macron se soumet-il devant Elon Musk ?

Choose France. Voilà le nom du sommet annuel, inauguré en 2018 par le président français, consacré à l’attractivité de l’Hexagone sur la scène internationale. Le but est d’encourager les entrepreneurs privés à investir dans son pays et ainsi participer à sa réindustrialisation. Le dernier en date a eu lieu le 15 mai et a réuni plus de 200 chefs de différentes multinationales qui ont fait le déplacement au château de Versailles et à l’Élysée. L’événement a permis au gouvernement français d’obtenir des promesses d’investissements à hauteur de 13 milliards d’euros de la part de Pfizer, Ikea ou encore du fabricant de batteries taiwanais ProLogium. D’heureuses perspectives qui devraient mener à la création de 8000 emplois.

Si l’événement a été particulièrement scruté, la cause principale en est la venue d’Elon Musk. Reçu en véritable star par le gouvernement français, cet homme d’affaires surpuissant possède un véritable empire avec ses entreprises Tesla, SpaceX ou Twitter. Pourtant, l’entrepreneur n’a, pour l’instant, annoncé aucun investissement en France. Pour sa part, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a évoqué des négociations positives qui concernent Tesla. La venue de Musk peut être comprise à l’aune des projets concernant les usines de batteries, éléments indispensables pour ses voitures électriques, qui pourraient être implantées en France.

Qui sert qui ?

Depuis quelques années, les acteurs privés semblent avoir de plus en plus l’ascendant sur les chefs d’État. Musk est omniprésent en politique, et ne crache d’ailleurs pas sur une petite pique contre les wokes de temps en temps. Un récent sondage réalisé par le Harvard Harris Poll place le milliardaire comme personnalité politique préférée des Américains. Ce 24 mai, sur Twitter, il a lancé la campagne présidentielle de Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride. Mais il n’est pas le seul patron à évoluer vers un statut de quasi-rock star. L’influence des GAFAM se renforce même à mesure que de nouveaux chefs d’entreprise émergent avec l’intelligence artificielle. Sam Altman, fondateur de ChatGPT, rencontre lui aussi les politiciens du monde entier afin d’évoquer cette nouvelle technologie. Macron l’a reçu à l’Élysée quelques jours après Musk.

Avec son regard de libéral assumé, Nicolas Jutzet juge que « c’est plutôt un bon signe » si les chefs d’entreprise surpassent les gouvernements, car cela prouve leur « indépendance ». Le co-fondateur du média Liber-thé rappelle d’ailleurs que « c’est l’État qui doit être au service de l’économie et non l’inverse ».

Une séance d’humiliation

Dans le cas de Choose France, il déclare que « ce qui est marquant, c’est qu’Elon Musk a négligé son rendez-vous avec le président français, en arrivant en retard, et en étant mal rasé ». En agissant de la sorte, il démontre que sa rencontre avec les dirigeants français n’était pas un événement important dans son agenda. Les dirigeants français sont « inférieurs » au pouvoir de l’homme le plus riche au monde. Durant le sommet, Bruno Le Maire n’a pas pu s’empêcher de publier un selfie de lui et du milliardaire sur son compte LinkedIn. Cette photo révèle « une proximité inquiétante avec les politiciens ». Celle-ci peut « mener à des privilèges pour certaines grosses entreprises et ainsi nuire à la concurrence ». Néanmoins, cette photo s’apparente surtout à « une tentative un peu grossière de communication », « qui ressemble à un selfie d’un fan avec son idole ». 

Quant à l’impact de l’événement, Nicolas Jutzet relativise. En réalité, « les investisseurs n’attendent pas ce sommet pour prospecter le marché français ». Ils n’ont pas besoin du gouvernement pour « chercher des locaux ou une main-d’œuvre qualifiée par exemple ».  En somme, Choose France est un « coup marketing » d’Emmanuel Macron, selon lui.

Opération séduction

Elon Musk scrute l’actualité française. En janvier dernier, il avait publié un tweet soutenant la position de Macron concernant la très contestée réforme des retraites. Ce soutien de poids, certainement très bien accueilli par le président français, a même été renouvelé en mars lorsqu’il s’est exprimé une nouvelle fois en faveur des changements prônés par le maître de l’Élysée. 

À la suite de son entrevue avec les autorités de l’Hexagone, Musk a déclaré « je ne ferai pas d’annonce aujourd’hui, mais je suis très impressionné par le président Macron et le gouvernement français, à quel point ils sont accueillants pour l’industrie ». Quant à Macron, il a annoncé sur Twitter plusieurs accords avec diverses multinationales. Cependant, l’unique photo postée sur ses réseaux ce jour-là le met en scène avec le patron de Twitter, bien que ce dernier ne participe pas aux investissements pour l’instant. Il ne se gêne d’ailleurs pas pour lui faire les yeux doux : « Avec Elon Musk, nous avons parlé de l’attractivité de la France et des avancées significatives dans les secteurs des véhicules électriques et de l’énergie. De régulation numérique également. Nous avons tant à faire ensemble ».




La résistance s’organise contre les Drag Queen Story Hours

Les séances de lecture pour enfants menées par des créatures de cabaret suscitent régulièrement la polémique. Mais, jusqu’ici, sans action politique concrète. Plus pour longtemps.

« Que faire face aux interventions de drag-queens dans les bibliothèques ? » C’est le thème d’une invitation reçue par un panel de personnalités issues de la société civile et du monde politique suisse romand, au milieu du mois de mai. Au menu : prise de contact et élaboration d’une stratégie pour faire face à la présence de plus en plus régulière d’activistes LGBTQIA+ dans des moments de lectures arc-en-ciel destinées aux enfants, généralement dès six ans. « Nous déplorons tous la puissance clivante et antidémocratique de ces mouvements qui poussent notre société dans une voix unique, sans retour en arrière possible et qui musèle tous les contradicteurs », explique Philippe Karoubi, membre de la direction du parti UDF. Et le politicien de poursuivre : « Un groupe Telegram sera créé, groupe auquel toute personne désirant participer à cette lutte pourra se joindre et apporter sa contribution. Le but est de grandir et de le faire vite ! D’être capables de constituer un moyen de pression suffisamment large pour perturber les démagogues écolo-gauchistes qui veulent nous entraîner dans leur chute. »

Vaste programme. D’ici-là, deux objets déposés par l’UDC, à savoir une motion et une question écrite, devraient être traités au Grand Conseil valaisan ces prochaines semaines. Cynthia Trombert, députée et candidate au National cet automne, explique les raisons de cet engagement. 

Pourquoi cette contre-attaque maintenant ?

Au sein du Parlement et sur ces questions de genre, nous avons déjà agi par le passé. En ce qui concerne les Drag Queen Story Hours (DQSH), ce qui nous paraissait inimaginable il y a encore quelques mois, lorsque nous regardions d’un air lointain et abasourdi les délires wokes américains, arrive désormais chez nous. On sait les Américains à l’avant-garde du « progrès », mais force est de constater aujourd’hui qu’il ne faut plus attendre longtemps pour en profiter de ce côté-ci de l’Atlantique ! 

Concrètement, ce qui nous a fait réagir est que des Drag Queens Story Hours commencent à être organisées dans des lieux publics de notre canton, avec comme premier rendez-vous celui de la bibliothèque municipale de Martigny, avec la drag-queen Tralala Lita (David Vincent). 

Les Drag Queen Story Hours sont généralement facultatives et proposées uniquement aux familles qui le désirent. Est-ce le rôle de l’UDC de s’opposer à des choix effectués librement ?

L’UDC ne demande pas que la pratique soit interdite !  Notre parti prône la liberté, si des parents se réclamant du « progressisme » estiment qu’il est bon de mélanger des drag-queens ou drag-kings à leurs enfants, grand bien leur fasse. Mais ces DQSH n’ont certainement pas à être financées avec l’argent du contribuable et n’ont selon nous certainement pas à être affichées fièrement dans l’agenda culturel valaisan. Ces lectures, payées 500 francs de l’heure à leur conteur, n’ont selon nous pas à être, de près ou de loin, subventionnées ni payées par de l’argent public. Que celui-ci soit cantonal ou communal d’ailleurs. Quant à moi, maman de six enfants à qui j’essaie de transmettre au mieux le respect de tous et de chacun, je n’aurais pas l’idée de les confronter à des drag-queens, et en disant cela, je pense m’exprimer pour l’essentiel de mes collègues UDC.  

Mais quelle est votre crainte sous-jacente : que de tels événement « rendent » les enfants homosexuels ? 

Notre crainte n’est pas de « rendre » les enfants homosexuels. Il ne faudrait pas tout mélanger ou confondre. La question est plutôt de savoir si nous devons mettre la charrue avant les bœufs et travailler à expliquer la théorie ou l’identité de genre ainsi que les différentes sexualités à de jeunes mineurs qui n’ont rien demandé et dont les interrogations viennent pour la plupart plus tardivement. Nous ne nions pas qu’il existe une infime proportion d’enfants qui ne sont pas nés dans le bon corps et qu’il existe diverses dysphories ou problèmes liés aux identités de genre ou sexuelles, mais il ne faudrait pas troubler le développement du plus grand nombre à cause d’une minorité qui de toute manière est aujourd’hui prise en charge comme il se doit. 

Simplement, nous estimons que l’entreprise de déconstruction de la biologie des enfants, enfants qui je le rappelle sont dans cette phase de leur vie en construction, n’est pas, pour nous et selon un grand nombre d’experts, la panacée. Les pays qui sont allés trop loin avec ce qu’on appelle la « théorie du genre » (USA, pays du Nord, etc.) ces dernières années commencent à voir les incidences que cela a sur la jeunesse et tentent maintenant de revenir en arrière. À nous de ne pas commettre les mêmes erreurs. 

Le Peuple reviendra plus longuement sur cette thématique, son histoire et ses perspectives dans son prochain numéro.




Ce bâtard n’est pas de mon Église

Qui a dit que le christianisme n’intéresse pas les habitants du Pays des Merveilles ? Qui peut le penser ? L’engouement publicitaire et médiatique autour du dernier roman de Metin Arditi semble être là pour nous le rappeler. Une question taraude notre chroniqueur : est-ce encore le christianisme ou son abâtardissement ?

Pâques venues, une étrange agitation animait le monde de l’édition. Un roman allait nous apprendre « quelle a été la vraie vie de Jésus ». L’auteur, Metin Arditi, lauréat du prix de l’Université catholique de l’Ouest, émoustillait la curiosité des futurs lecteurs avec un titre aguicheur : « Le bâtard de Nazareth ». Il fallait oser ! Ne nous arrêtons pas au titre et ouvrons le livre. 

L’idée de monsieur Arditi est de considérer Jésus comme un « mamzer », c’est-à-dire comme un bâtard, un enfant né hors mariage. Dans le judaïsme de l’époque, le « mamzer » représente la lie de la société et il est traité comme un paria par ses coreligionnaires. De cette exclusion, dans laquelle va grandir Jésus, va sourdre une colère et une révolte qui vont le pousser à vouloir « exclure l’exclusion ». Metin Arditi va revisiter tous les épisodes des Évangiles, dans cette perspective, jusqu’à la crucifixion. Et le christianisme dans tout cela ? L’imagination de l’auteur en fait une imposture voulue par Judas.

Après les séries d’émissions de Mordillat et Prieur, notamment Corpus Christi en 1997-1998 et le livre de Daniel Marguerat (Vie et destin de Jésus de Nazareth) paru en 2019, pour ne citer qu’eux, on pourrait dire « rien de nouveau sous le soleil ». Metin Arditi reprend l’histoire d’un Jésus fruit du viol de Marie par un soldat romain. Il s’agit en fait d’une légende datant vraisemblablement du IIe siècle de notre ère, les Toledot Yeshu.

Monsieur Arditi nous donne l’explication psychologique de l’action de Jésus et de son message : une blessure d’enfance provoquée par l’exclusion. Il ne suffit pas de coucher Jésus sur le divan pour le comprendre. N’est pas Freud qui veut ! La bouillabaisse indigeste qui nous est servie fait passer Marie pour une simplette ; Marie-Madeleine pour une amante ; Jésus est un rebouteux ; les apôtres un ramassis de mamzers, de lépreux et d’estropiés ; les Béatitudes sont des paroles en l’air dont certaines suscitent l’hilarité et, touche finale, Judas est l’inventeur du christianisme.

Le style est fait pour plaire. Les dialogues sont indigents, les phrases simples, le vocabulaire basique ; un scénario idéal pour Netflix ou pour succéder à feu Barbara Cartland. Seule la page 194 échappe au naufrage du fond et de la forme, il s’agit de celle des remerciements… 

Monsieur Arditi peut écrire ce qu’il veut sur qui il veut. La liberté de parole existe et c’est fort heureux ainsi. La liberté d’apprécier et de critiquer ses écrits aussi. 

Ce qui m’a le plus étonné et interrogé, ce sont les éloges dithyrambiques des milieux chrétiens et de la presse : « Un hymne au courage de Jésus, bâtard et si humain » (La Libre Belgique), « La vraie vie de Jésus » (Le Point), « Jésus, héros inclusif » (La Vie), « Un Jésus humain, si humain » (Le Temps), « Jésus est à tout le monde » (Le Matin).

Bien plus, Metin Arditi, invité sur tous les plateaux de télévision et de radio, est reçu comme le théologien qu’il n’est pas. Et de nous expliquer, fort doctement, « en toute humilité », qu’au temps de Jésus le concept d’Immaculée conception n’existait pas, confondant au passage ce dogme catholique avec la conception virginale de Jésus. 

Le livre de Metin Arditi est le signe de ce christianisme abâtardi, de ce christianisme sans Dieu, de ce christianisme non religieux. Le message de Jésus se trouve réduit, pour le plus grand bonheur des chrétiens de salon, à une vague solidarité sans substance. La théologie se résume à une sorte d’anthropologie au rabais, de sociologie de bazar et de psychologie du développement personnel. Dans ce sens, le livre de monsieur Arditi pourrait être le nouvel évangile d’un monde sans transcendance.

Ce Jésus selon le cœur de Metin Arditi n’est pas le Jésus des martyrs, des anachorètes, des cénobites, des grands théologiens et des saints.

Ce Jésus tourmenté n’est pas celui de Charles Martel à Poitiers, de Jeanne d’Arc à Orléans, de Don Juan d’Autriche à Lépante et de Jean Sobieski sous les murs de Vienne.

Ce Jésus de conte oriental n’est pas le Jésus de mon catéchisme, ni celui des hymnes et des prières que je récite quotidiennement.

À ce Jésus du Pays des Merveilles, je préfère celui que je rencontre dans la pénombre d’une antique chapelle avec les mots de Péguy : « Il est là. Il est là comme au premier jour. Il est là parmi nous comme au premier jour. Il est là parmi nous comme au jour de sa mort. Éternellement il est là parmi nous autant qu’au premier Jour. Éternellement tous les jours. Il est là parmi nous dans tous les jours de son éternité. Son corps, son même corps, pend sur la même croix ; Ses yeux, ses mêmes yeux, tremblent des mêmes larmes ; Son sang, son même sang, saigne des mêmes plaies ; Son cœur, son même cœur, saigne du même amour. Le même sacrifice fait couler le même sang. » (Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc)

Paul Sernine




En route pour l’impunité

La justice française n’a toutefois pas retenu la troisième raison invoquée par les avocats des militants: le fait que se coller la main sur le bitume et nuire à la vie des usagers de la route serait l’unique moyen de faire face au changement climatique. Mais tout cela risque de changer, bientôt, puisque le juge a précisé que sa position pourrait «évoluer d’ici quatre ou cinq ans»…

S’il admet qu’il est délicat pour lui de commenter un jugement français et qu’il s’agit d’un droit étranger qu’il ne connaît pas, Philippe Nantermod, vice-président du PLR Suisse et avocat, se dit «surpris que l’on prétende que ces actions sont ʻpacifiquesʼ». Et le Valaisan de continuer: «Bloquer le trafic constitue une action violente de contrainte, une atteinte à la liberté des gens.» Valaisanne également, la députée écologiste Magali Di Marco n’approuve pas la désobéissance civile affichée par les militants français: «Je ne suis pas juriste mais il me semble que quand on parle de mise en danger d’autrui ou d’entrave à la circulation, ça peut être évidemment problématique, notamment pour les urgences médicales, mais bien moins que l’augmentation de la température terrestre de 3 ou 4 degrés qu’on subira d’ici la fin du siècle.»

Un acte signé et revendiqué

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos canons à neige. Durant les nuits du 30 au 31 décembre 2022, puis du 2 au 3 janvier 2023, des dispositifs de ce type ont été vandalisés aux Diablerets. Lors de la seconde action, un logo du groupuscule écologiste radical Extinction Rebellion a été trouvé.

Concernant ces actes de vandalisme, les deux politiciens sont sur la même longueur d’onde. «Les délinquants qui ont commis ces actes doivent être punis. Je ne vois aucune circonstance atténuante qui justifie ces actions violentes», glisse Philippe Nantermod. Magali Di Marco estime quant à elle que ces actes sont ceux «de personnes désemparées, mais contrairement aux jets de soupe sur des œuvres d’art préalablement protégées, qui sont des actes symboliques, il s’agit là de dégâts coûteux.»

D’autant plus coûteux que la branche souffre particulièrement cette année. Sur ce point également, les élus s’accordent malgré leurs conceptions très divergentes du militantisme climatique. L’élue verte détaille: «Je le répète, c’est un acte de vandalisme qui doit être condamné pour ce qu’il est. Si on crève les pneus de ma voiture, on ne va pas condamner plus fermement les auteurs si je viens de subir un divorce ou si je sors d’une dépression.» Le libéral lui emboîte le pas: «La loi est la même pour tous, que vous soyez fort ou faible. C’est un acte d’autant plus méprisable qu’il est anonyme et ne tient pas compte de ses conséquences pour les citoyens, mais il ne se justifierait pas davantage s’il était commis contre des entreprises très prospères.»

Rester droit dans ses bottes

Maintenant, avec le précédent de l’acquittement en France, doit-on craindre qu’une certaine souplesse se manifeste dans les jugements rendus en Suisse face aux militants du climat ou de toute autre cause pouvant nuire à la propriété privée, sous prétexte d’un motif plus grand? Pas forcément pour Philippe Nantermod: «Cela fait longtemps que ces milieux marxistes méprisent la garantie de la propriété, pourtant un des droits fondamentaux les plus importants. J’espère sincèrement que la justice reste solide (ou se ressaisisse quand elle dérape) et se souvienne que son rôle n’est pas de soutenir des causes militantes.» Il nuance: «Ces milieux restent marginaux. Et je ne crois pas qu’ils parviennent à réunir suffisamment de monde pour transformer fondamentalement notre société pour un fascisme vert. Au contraire, ils créent un sentiment de rejet chez une majorité silencieuse qui ne supporte plus les leçons de morale et l’agenda socialiste à peine voilé de ces mouvements.» L’inquiétude de Magali Di Marco se situe ailleurs: «Avec les tensions qui vont s’accumuler ces prochaines années, si on ne veille pas à une bonne répartition des efforts à faire entre riches et pauvres, ou qu’on continue à faire comme si de rien n’était, on va assister à des révoltes. Ça commence déjà avec l’aviation, où des décisions sont prises pour développer ce secteur en totale contradiction avec les objectifs fixés.»

Reste désormais à voir si la justice suisse préfère préserver la propriété privée ou si elle cédera, peu à peu, aux sirènes électoralistes et populistes de toutes les nouvelles causes qui verront le jour dans les prochaines années.

Justice à deux vitesses

D’un côté il y a des militants climatiques acquittés alors que leurs actions peuvent tout simplement provoquer la mort. Leur propre mort, d’abord, mais aussi celle d’un automobiliste surpris par un blocage de route ou d’une personne ayant réellement besoin de soins d’urgence. Une personne dont, tristement, l’ambulance resterait par exemple bloquée par un commando d’altermondialistes.

Et de l’autre côté il y a deux jeunes gens qui risquent de passer dix ans derrière les barreaux. Pourquoi donc? Ont-ils tabassé un inconnu? Dépouillé de pauvres passants de façon répétée? Non, non, ils ont simplement imité leurs autorités. Je vais vous éclairer avec le titre d’un article de France Info, posté le 20 novembre dernier: «Statue de Victor Hugo dégradée à Besançon: deux étudiants sont poursuivis et risquent une peine de dix ans de prison». Les deux hommes ont effectivement agi de manière idiote en repeignant le visage de la statue en blanc. Repeindre? Oui, car quelques jours plus tôt, à l’occasion des bientôt vingt ans de son installation, la Ville avait voulu que la statue, bien usée par le temps, soit de nouveau patinée. Elle a donc procédé à une restauration en «africanisant» le visage de l’auteur. Le tout, cela va sans dire, en ne respectant absolument pas l’œuvre de l’artiste sénégalais Ousmane Sow. «On dirait un Victor Hugo noir, ce qui n’a jamais été l’intention d’Ousmane. Et puis, je n’ai pas été prévenue par la Ville de cette intervention», peste d’ailleurs sa veuve Béatrice Soulé.

On résume. Des militants mettent des vies en danger: pas de problème. Une ville sabote une œuvre en sachant qu’elle ne risque rien: pas de problème. En revanche, des étudiants – dont les actes manquent cruellement de finesse – tentent de provoquer un peu: drame national et risque de prison ferme. On se demande ce qu’en dirait Victor Hugo.




Le blues du bâtisseur

Emmanuel Poularas, pourquoi voulez-vous taper du poing sur la table?

On fête cette année le dixième anniversaire du vote sur la révision de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT). C’est un projet qui découlait d’une volonté du Conseil fédéral et qui manifestait une volonté que je peux comprendre: freiner l’étalement urbain. Aujourd’hui, cependant, il faut avoir le courage d’admettre que la LAT n’a pas atteint les objectifs fixés à l’époque.

Sur quels points jugez-vous que la loi a failli?

Je parle du canton de Vaud car c’est là que mon groupe est essentiellement actif. Dix ans après le vote sur la LAT, on y empêche une majorité de communes d’accueillir de nouveaux habitants. Sur un total de 309, 180 sont totalement bloquées: il est impossible d’y déposer un permis de construire. Jugées surdimensionnées, elles doivent déposer un plan d’affectation communal (PACom), dont seuls 26 ont été validés ou sont en cours de validation.

Et dans les communes restantes?

Des plans d’affectation sont en train d’être élaborés, ou alors le travail n’a même pas été lancé tant tout est devenu terriblement compliqué pour les élus.

Ce qui débouche, selon vous, sur une course à la densification…

Oui, parce que l’accès à la propriété est devenu terriblement compliqué. On a créé une «mauvaise rareté» avec le foncier, qui a pris l’ascenseur. Rien qu’au niveau de notre entreprise, nous comptons 1200 familles, souvent de jeunes couples, qui nous demandent de trouver une solution pour qu’elles puissent s’établir. Or nous pouvons tout au plus construire une septantaine de villas par an pour répondre à cette demande.

Vous vous sentez plus libre de parler aujourd’hui que par le passé?

À bientôt soixante ans, il est certain que le gros de ma carrière est derrière moi, même si ma société est florissante. Je lui prête un avenir radieux grâce à l’implication de mes fils, auxquels je remettrai les clefs. En fait, je m’expose car j’aimerais qu’un vrai constat d’échec soit enfin dressé au niveau politique. Quand on parle de «densification», je veux rappeler que cela signifie d’immenses barres d’immeubles dans lesquelles les gens n’ont pas forcément envie d’aller s’installer. Il ne suffit pas de mettre des fleurs sur les façades, planter quelques arbres et recouvrir le béton de bois pour que ces bâtiments deviennent miraculeusement écologiques. En France, en Italie ou en Espagne, plus personne ne veut de ces grandes cités. Le désastre visuel avec lequel on nous faisait peur au moment de la LAT, il est aujourd’hui dans nos grandes villes.

Attendez-vous quelque chose en particulier de la part de la droite, désormais majoritaire au gouvernement?

Je ne fais pas de politique; c’est vraiment un appel citoyen: aujourd’hui, je voudrais expliquer qu’une villa avec un jardin aussi peut devenir une zone de biodiversité. La grande majorité des propriétaires, actuels ou futurs, sont d’ailleurs dans cette tendance-là. Plutôt que de tout interdire, pourquoi ne pas favoriser l’apparition de tous ces ilots de verdure?

Le problème du canton de Vaud c’est qu’un jour, on a décidé pour lui qu’il devait réduire fortement la zone à bâtir, ce sur quoi je n’entends pas revenir, s’agissant du verdict des urnes. Là où je ressens un malaise, c’est au niveau de la méthode qui a été choisie par nos autorités cantonales: à savoir le faire en fonction du nombre d’habitants. Quand la révision de la LAT a été votée on s’est dit que les petits villages ne pourraient grandir que de 0,7 %, mais que tout ce qui se trouvait au centre ou dans les agglomérations pourrait aller bien au-delà. Quand on pense qu’on a voté contre la limitation de 1 % de la population au niveau fédéral, je demande comment on peut imposer ce 0,7 % à tous nos villages? C’est un manque flagrant d’équité.

Un écologiste vous reprocherait certainement de défendre vos intérêts avec ce discours…

Non, je défends une qualité de vie pour nos citoyens. C’est une position philosophique: je revendique le choix. C’est clair que la société doit cadrer, mais on ne peut pas gérer l’aménagement du territoire avec un simple tableur Excel.

Derrière ce combat dans lequel vous vous engagez, il y a donc une philosophie?

Oui, c’est évident. Je suis un promoteur de la famille, quelle qu’elle soit, et j’aime qu’elle puisse vivre dans des lieux adaptés.

Vous avez le sentiment que le canton de Vaud devient laid?

Au-delà de la LAT, je dirais que le pouvoir de l’architecte devient de plus en plus réduit. Quand je me promène en ville ou dans ces nouvelles banlieues que l’on construit, je ne vois que des cubes, avec parfois des fleurs ou du bois certes, mais des cubes quand même. Parce qu’aujourd’hui, il faut d’abord tout connaître de la législation bien avant de penser au projet. Cette situation ne me séduit guère.

Du point de vue de ceux qui les défendent, ces grands cubes d’habitation favorisent néanmoins la mixité sociale…

Parfait, pour autant qu’elle soit volontaire! Mais pourquoi la mixité ne vaudrait-elle que pour les individus et pas pour les habitats?

Comme promoteur…

…Constructeur! La nuance est importante pour moi.

Alors disons comme constructeur, vous avez le sentiment d’être constamment dans le rôle du salopard?

Aujourd’hui, on a un droit à l’opposition dont les uns et les autres font de plus en plus usage. Comme constructeur, on peut répondre à toutes les normes, les législations et autres polices des constructions, mais on doit désormais faire face à des oppositions philosophiques. De plus en plus, des voisins nous disent qu’ils veulent sauver la planète et qu’il ne faut dès lors pas construire pour d’autres. Ils sont eux-mêmes propriétaires mais nous font passer pour les méchants parce que nous aidons d’autres à le devenir.
Dernièrement, des gens se sont opposés à un projet parce qu’il y avait un arbre qui était mal placé sur la parcelle. J’ai dit que non seulement nous allions le compenser, mais que j’étais prêt à créer un verger chez eux. Ils m’ont répondu qu’ils allaient tout de même faire opposition parce qu’ils considéraient, en tant qu’éco-anxieux, qu’il ne fallait plus construire dans le pays. Traiter ce genre d’opposition peut prendre deux ans et vient encore renchérir le coût de la construction.