Pourquoi Macron se soumet-il devant Elon Musk ?

Reçu en grande pompe par le président français, le boss de Twitter a fait à peine semblant de prendre la rencontre au sérieux. Au point de sembler plus puissant que les États modernes.
La photo partagée sur son Twitter par le président Macron.
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Choose France. Voilà le nom du sommet annuel, inauguré en 2018 par le président français, consacré à l’attractivité de l’Hexagone sur la scène internationale. Le but est d’encourager les entrepreneurs privés à investir dans son pays et ainsi participer à sa réindustrialisation. Le dernier en date a eu lieu le 15 mai et a réuni plus de 200 chefs de différentes multinationales qui ont fait le déplacement au château de Versailles et à l’Élysée. L’événement a permis au gouvernement français d’obtenir des promesses d’investissements à hauteur de 13 milliards d’euros de la part de Pfizer, Ikea ou encore du fabricant de batteries taiwanais ProLogium. D’heureuses perspectives qui devraient mener à la création de 8000 emplois.

Si l’événement a été particulièrement scruté, la cause principale en est la venue d’Elon Musk. Reçu en véritable star par le gouvernement français, cet homme d’affaires surpuissant possède un véritable empire avec ses entreprises Tesla, SpaceX ou Twitter. Pourtant, l’entrepreneur n’a, pour l’instant, annoncé aucun investissement en France. Pour sa part, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a évoqué des négociations positives qui concernent Tesla. La venue de Musk peut être comprise à l’aune des projets concernant les usines de batteries, éléments indispensables pour ses voitures électriques, qui pourraient être implantées en France.

Qui sert qui ?

Depuis quelques années, les acteurs privés semblent avoir de plus en plus l’ascendant sur les chefs d’État. Musk est omniprésent en politique, et ne crache d’ailleurs pas sur une petite pique contre les wokes de temps en temps. Un récent sondage réalisé par le Harvard Harris Poll place le milliardaire comme personnalité politique préférée des Américains. Ce 24 mai, sur Twitter, il a lancé la campagne présidentielle de Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride. Mais il n’est pas le seul patron à évoluer vers un statut de quasi-rock star. L’influence des GAFAM se renforce même à mesure que de nouveaux chefs d’entreprise émergent avec l’intelligence artificielle. Sam Altman, fondateur de ChatGPT, rencontre lui aussi les politiciens du monde entier afin d’évoquer cette nouvelle technologie. Macron l’a reçu à l’Élysée quelques jours après Musk.

Avec son regard de libéral assumé, Nicolas Jutzet juge que « c’est plutôt un bon signe » si les chefs d’entreprise surpassent les gouvernements, car cela prouve leur « indépendance ». Le co-fondateur du média Liber-thé rappelle d’ailleurs que « c’est l’État qui doit être au service de l’économie et non l’inverse ».

Une séance d’humiliation

Dans le cas de Choose France, il déclare que « ce qui est marquant, c’est qu’Elon Musk a négligé son rendez-vous avec le président français, en arrivant en retard, et en étant mal rasé ». En agissant de la sorte, il démontre que sa rencontre avec les dirigeants français n’était pas un événement important dans son agenda. Les dirigeants français sont « inférieurs » au pouvoir de l’homme le plus riche au monde. Durant le sommet, Bruno Le Maire n’a pas pu s’empêcher de publier un selfie de lui et du milliardaire sur son compte LinkedIn. Cette photo révèle « une proximité inquiétante avec les politiciens ». Celle-ci peut « mener à des privilèges pour certaines grosses entreprises et ainsi nuire à la concurrence ». Néanmoins, cette photo s’apparente surtout à « une tentative un peu grossière de communication », « qui ressemble à un selfie d’un fan avec son idole ». 

Quant à l’impact de l’événement, Nicolas Jutzet relativise. En réalité, « les investisseurs n’attendent pas ce sommet pour prospecter le marché français ». Ils n’ont pas besoin du gouvernement pour « chercher des locaux ou une main-d’œuvre qualifiée par exemple ».  En somme, Choose France est un « coup marketing » d’Emmanuel Macron, selon lui.

Opération séduction

Elon Musk scrute l’actualité française. En janvier dernier, il avait publié un tweet soutenant la position de Macron concernant la très contestée réforme des retraites. Ce soutien de poids, certainement très bien accueilli par le président français, a même été renouvelé en mars lorsqu’il s’est exprimé une nouvelle fois en faveur des changements prônés par le maître de l’Élysée. 

À la suite de son entrevue avec les autorités de l’Hexagone, Musk a déclaré « je ne ferai pas d’annonce aujourd’hui, mais je suis très impressionné par le président Macron et le gouvernement français, à quel point ils sont accueillants pour l’industrie ». Quant à Macron, il a annoncé sur Twitter plusieurs accords avec diverses multinationales. Cependant, l’unique photo postée sur ses réseaux ce jour-là le met en scène avec le patron de Twitter, bien que ce dernier ne participe pas aux investissements pour l’instant. Il ne se gêne d’ailleurs pas pour lui faire les yeux doux : « Avec Elon Musk, nous avons parlé de l’attractivité de la France et des avancées significatives dans les secteurs des véhicules électriques et de l’énergie. De régulation numérique également. Nous avons tant à faire ensemble ».

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