Le Peuple en goguette à la Radio

C’est pourtant l’hypothèse plusieurs fois soulevée lors du passage du Peuple sur les ondes de la RTS, samedi 14 mai. Alors nous n’allons pas cracher dans la soupe – connue pour être pleine sur notre service public – et tenons à vivement saluer l’ouverture d’esprit de l’émission Forum qui, non contente de s’intéresser à notre cas, s’est également penchée sur celui de nos amis de Liber-thé et à diverses expériences libertariennes, dans la même édition. Reste une observation qui ne manque pas de sel: ainsi, parce qu’il défend une ligne qui n’est pas celle, hégémonique dans les médias, du progressisme sous perfusion étatique, Le Peuple serait du côté du pouvoir, des méchants capitalistes voire du trumpisme.
Suggérer une telle hypothèse, dans le jargon, s’appelle tenir un angle, et il n’est pas question pour nous de reprocher à notre confrère Renaud Malik d’avoir – autre terme jargonnant –bien vendu son interview. Impossible néanmoins de ne pas constater un glissement des rapports de force qui en dit long sur notre société : les personnes croyant incarner la pensée critique, les Blick, les RTS, les Tamedia… toutes, quelles que soient leurs qualités respectives, travaillent dans des conditions matérielles généralement plus confortables que les acteurs qui, comme L’Antipresse, Le Regard Libre ou La Nation, s’efforcent de rééquilibrer le paysage médiatique. Assez piquant, donc, de constater que ce sont souvent les journalistes qui travaillent en haut d’une tour (d’ivoire) qui voient chez leurs adversaires idéologiques les représentants du pouvoir.




Édito: en route vers la révolution lacrymale

D’abord ne pas tomber dans le panneau: la rénovation du parc immobilier suisse constitue sans doute un enjeu important, et il est admirable que des personnes d’horizons divers aient choisi de consacrer leur énergie à un dossier si technique, dont ils maitrisent certainement tous les enjeux. D’autres individus, dans notre société, s’engagent contre la précarité (y compris à travers des angles surprenants comme la précarité menstruelle), contre les souffrances des mères célibataires, contre les méfaits des addictions… Autres causes tout aussi honorables, chacun en conviendra, mais qui ne conduisent pas leurs défenseurs à empêcher la population de se rendre au travail en bloquant des autoroutes sous l’œil bienveillant des
journalistes de notre télévision d’État.

Entre tyrannie de l’émotion et révolte adolescente, les modes d’action et de
communication de ces activistes traduisent un affaiblissement du sens politique inquiétant.

Le Peuple

Dans ce premier numéro, nous avons notamment choisi de nous pencher sur le phénomène «Renovate Switzerland». Non pas que les objectifs du mouvement, visant à «sauver des vies» selon son ambitieuse description, nous soient foncièrement déplaisants. Simplement, entre tyrannie de l’émotion et révolte adolescente, il nous apparaît que les modes d’action et de communication de ces activistes traduisent un affaiblissement du sens politique inquiétant. Nous vivons dans un système de démocratie directe: il a certainement ses faiblesses mais il présente l’avantage de permettre à tout un chacun de briguer un mandat pour porter, sans danger pour sa sécurité et celle d’autrui, ses préoccupations dans des lieux de décisions politiques. Or que font ces activistes, dont la seule autorité repose sur le fait d’être «très inquiets» pour leur futur, pour l’avenir de leur famille, ou alors d’être des «grands-papas» et des «grand-mamans» (notez le niveau de langage infantilisante) préoccupés? Ils défient l’Etat en se collant la main sur des autoroutes, c’est-à-dire en faisant une grosse bêtise pour laquelle on gronderait n’importe quel enfant. Puis ils demandent à ce même Etat de venir les secourir (via des ambulances fonctionnant avec un moteur) et, ultimement, d’accéder à leurs revendications.

Quelque chose ne va pas très bien dans la santé morale d’un peuple quand se comporter comme un enfant capricieux, prompt à pleurer devant les caméras pour imposer sa cause, permet de peser sur le débat politique. La chose peut sembler surprenante, mais l’on viendrait parfois presque à regretter Extinction Rebellion, dont les militants avaient au moins pour eux de ne pas se liquéfier après chaque action choc. Les enjeux écologiques sont importants, et méritent mieux qu’une révolution lacrymale.




Le Peuple? Racines et ouvertures…

«Le Peuple? Certainement un média de la gauche ouvrière et révolutionnaire! Pourquoi? Parce que dans toute l’Europe, il y a des maisons du Peuple qui véhiculent ces valeurs détestables!»
Le Peuple. Un nom difficile à porter pour un nouveau média! Difficile, car il est associé à des idéologies que tout oppose. Un nom prometteur aussi. Car après Dieu, il est le premier de la constitution fédérale.
«Au nom de Dieu Tout-Puissant! Le peuple et les cantons suisses…»
Les Suisses ne sont pas les seuls à avoir placé «le peuple» au début de leur texte fondateur. Ainsi, la constitution américaine commence par ces mots: «We the People of the United States…».
J’entends déjà des railleurs dire: «Le peuple américain? Nous savons tous qu’il est profondément divisé entre démocrates et républicains. Ce n’est pas un exemple!»
Et j’entends d’autres murmurer : «La référence à un Dieu Tout-Puissant dans la constitution suisse? C’est parfaitement anachronique. Et puisque Dieu n’y a pas sa place, le peuple non plus!»
Et si au contraire «Dieu» et «le peuple» y avaient toute leur place ? Encore faut-il s’entendre sur le sens de ces mots.
Le préambule de la constitution fédérale commence par l’invocation du «Dieu Tout-puissant» et se termine par cette affirmation: «…la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres». Comme le rappelle la croix du drapeau suisse, en référence au Christ crucifié et ressuscité, la puissance de Dieu est celle qui permet au plus faible de sortir de son malheur. Seule cette toute-puissance au cœur de la faiblesse a une place dans nos vies. Tout autre «Dieu» est
dangereux.
Le peuple suisse, comme tout autre peuple, est une communauté plurielle avec des racines communes et des ouvertures à vivre. Dans la Bible, texte fondateur de la Suisse et de l’Occident, il est très souvent fait référence à «Dieu» (theos) et au(x) «peuple(s)» (laos), aux fondations et aux finalités, à savoir la liberté et la convivialité.
Le Peuple? Oui! Puisse ce nouveau média, au-delà des images caricaturales sur les partis de droite et de gauche, prendre au sérieux les racines et les ouvertures dont tout le peuple suisse a vitalement
besoin!
Shafique Keshavjee est théologien, auteur et pasteur.




Humeur express: l’alternative impossible

L’âge de toutes les libertés semble aussi celui des alternatives impossibles. Prenons le métier de publicitaire. Ces jours, la marque Samsung est prise dans la tourmente pour avoir représenté une femme courant dans la rue à deux heures du matin. Une honte! Un scandale! Une monstruosité! Ainsi rugissent les beaux esprits, qui estiment que le groupe coréen est manifestement très peu au fait de la réalité des femmes, si souvent en danger lorsqu’elles sortent courir à deux heures du matin. Inévitablement, une telle réclame se devait de quitter nos écrans. Des communicants s’y attellent, fournissant ainsi, dans le domaine du Web, un travail analogue aux liquidateurs sacrifiés à Tchernobyl. Reste une interrogation: comment représenter une femme moderne s’il est à la fois sexiste de lui prêter un rôle traditionnel, et scandaleux de ne pas mettre en évidence les drames qui l’assaillent quand elle s’en émancipe?




Humeur express: la redevance dans la peau

Imaginons un couple de retraités vivant dans une localité paisible, un peu rurale, où les écoliers apprennent encore des chants de Noël à Noël. Imaginons ce couple, sa tranche panée de porc déjà ingurgitée, s’installer devant «les nouvelles» de la télévision suisse avec toujours cette crainte diffuse de léguer un monde de moins en moins convenable à ses petits-enfants.

Imaginons désormais nos retraités découvrir, lundi 2 mai, le portrait d’une «tatoueureuse transnon-binaire» au 12h45. Une personne dont ils découvrent sans y comprendre grand-chose qu’elle souhaite qu’on l’appelle «iel» dans les «espaces safe», mais qui utilise également des «accords alternés» qui permettent de la «genrer» autant au masculin qu’au féminin.

Imaginons enfin nos retraités, peu friands de ce que Philippe Muray appelait déjà le «transexualisme de masse» en 1991, éteindre leur télé. Oui, imaginons-les partir en balade digestive dans les champs, reconnaissants d’avoir su traverser des orages à deux, d’avoir pu continuer à s’aimer malgré les déceptions et les maladies.

Imaginez-vous, alors, toquer à leur porte pour exiger qu’ils payent leur redevance. 




Notre manifeste

Nous étions quatre et nous avions faim. Faim parce que nous nous réunissions à la pause de midi, au milieu de nos obligations professionnelles respectives, mais faim, surtout, d’un autre journalisme. Un journalisme qui cesserait de crier au génie à chaque nouvelle lubie «sociétale», un journalisme qui défendrait une vision traditionnelle du bien commun, un journalisme, enfin, qui reconnaîtrait l’importance de l’héritage judéo-chrétien de notre civilisation. Nous étions quatre mais nous avions la foi. Issus de sensibilités politiques ou chrétiennes diverses – nous n’avions alors pas encore d’agnostiques ou d’athées à nos côtés – nous débutions nos séances de travail par une méditation biblique, et une prière.

Nous le disons sans honte, nous avons toujours placé ce projet dans les mains de l’Éternel

Le Peuple

Nous le disons sans honte, nous avons toujours placé ce projet dans les mains de l’Éternel et, si d’aventure le succès devait être au rendez-vous, nous Lui rendrons encore grâce, car tout vient de Lui, et tout Lui retournera.

Mais il nous fallait un nom. Alors nous avons choisi «Le Peuple». Une notion qui sonne très à gauche pour certains, très à droite pour d’autres; un nom omniprésent dans l’Ancien Testament en tout cas, et qui figure parmi les premiers mots de la Constitution suisse. Oui, nous sommes «Le Peuple»: non pas que dans la société tout le monde réfléchisse comme nous, mais simplement parce que nous pensons que les intérêts de la majeure partie de la population se trouvent à l’écart d’un étatisme étouffant ou d’une course effrénée au profit. En cela, nous croyons porter ses préoccupations, alors même que ce peuple subit un véritable matraquage médiatique sur des thèmes ultra-marginaux. Avec ce premier numéro, nous avons l’assurance de déplaire à beaucoup de lecteurs. La perspective ne nous effraie pas, tant nous préférons prendre des coups plutôt que produire du prêt-à-penser pour grimper les échelons en taisant nos propres convictions.

Nous étions quatre, mais aujourd’hui nous sommes un peu plus nombreux. Nous prions toujours avant nos séances, parce que nous chérissons nos racines, mais nous savons aussi que les choses du monde sont compliquées, et que toutes nos différences sont fécondes. Pour quelques semaines, nous ne sommes encore qu’une association, qui vit surtout de dons. Mais très bientôt, nous serons beaucoup plus que cela.




Faire de l’affiche une bonne affaire à la bonne image

Un centre-ville historique doit veiller à son charme. Sa prospérité, comme son bien-vivre, passe par l’entretien de ce charme, son attrait. Pour le touriste, certes, mais aussi pour ses habitants. Sans tourisme, sans habitants, ou sans entreprises attirées par le cadre, un centre-ville historique se meurt peu à peu, au profit de villes sachant rester plus authentiques. Face aux villes grises, pierres et colombages conservent à la fois valeur et valeurs.

On sait que la publicité est nécessaire au commerce, mais trop de publicité peut nuire au charme. Nous avons tous traversé ces endroits où fleurissent des affiches sauvages en toutes saisons, apportant des couleurs criardes pouvant heurter l’œil. Sans publicité pourtant, comment promouvoir les commerces et produits locaux? Comment attirer le regard de ceux pour qui la ville se fait belle? Savoir-faire sans faire savoir trouve vite ses limites, on le sait bien.

La publicité est aussi une source de revenus qui peut être importante, les supports peuvent être précieux pour le commerce local. Le propriétaire d’une surface n’est pas en cause quand la publicité affichée choque: comment justifier sans arbitraire de le priver de revenus venus de notre meilleure information?

Sous prétexte de laideur, souvent ponctuelle, certains proposent d’interdire la publicité. Mais sans plus de nuances, l’interdiction nuirait à la prospérité de tous. Parce que faire-savoir est un besoin fort légitime, toute interdiction serait bien vite détournée par l’imagination créative. Qui imaginait que les affiches deviendraient des écrans géants pouvant jouer à cache-cache avec tout règlement? Comme lors de la prohibition de l’alcool dans les années 30, interdire est le meilleur moyen de voir la jungle tant redoutée se mettre en place.

De plus, la question reste ouverte de savoir qui interdirait et selon quels critères. On dira qu’au contraire, c’est facile, puisqu’il s’agit de ne favoriser que le commerce local. Mais quid de la publicité pour un parfum, une voiture ou un téléphone, tous vendus dans quelque boutique du centre? Faut-il proscrire la publicité pour un vin étranger, même servi à nos tables?

Bien sûr, on dira qu’il suffit de monter un comité des commerçants devant lequel les plans publicitaires devront passer. Mais un commerçant, ça travaille, tout le monde n’a pas de temps pour un comité Théodule. La corruption, du moins la connivence, ne peut donc être exclue et elle n’est pas connue pour être un gage de beauté, ni d’équité.

Alors comment faire?

Une alternative contre-intuitive consiste à rendre les propriétaires de supports totalement libres de leur affichage. Mais en créant une place de marché de l’affichage publicitaire local et en laissant le qu’en-dira-t-on agir pour réguler. Je possède un panneau, je mets une semaine de location en vente sur l’application locale. Tous les afficheurs peuvent faire une offre, y compris les étrangers à la ville.

Pour rendre le propriétaire responsable de la beauté de ce qu’il affiche, on encourage les habitants à voter chaque jour pour l’affiche la plus belle et décider des plus affreuses. Les meilleurs emplacements aux plus belles affiches monteront leurs prix. Ils seront bien plus attentifs à leur esthétique. Les autres devront réagir pour rester rentables.
Laissons faire.

Le podium de l’affiche, en somme: que l’affichage soit tant une bonne affaire qu’une bonne image.

Stéphane Geyres est Président de l’Institut Mises France et cofondateur des Lettres de Libéralie. Amoureux de la Liberté et des Hommes, il s’attache à partager un autre regard sur le monde. Humble mais aux convictions fermes, il s’adresse à ceux qui se cherchent dans le brouhaha actuel confus, tumulte haineux et irrespectueux qui peut faire douter.

liberalie.substack.com

mises-fr.org

Légende : Stéphane Geyres est Président de l’Institut Mises France et cofondateur des Lettres de Libéralie.




Humeur express: Macron situationniste

«Merci à Emmanuel #Macron pour cette nouvelle télé-réalité. L’émission #LesMarseillais risque d’être déprogrammée, elle ne pourra rivaliser sauf si vous lancez #LesMarseillais à l’Élysée…»

Valérie Boyer, Twitter, 14 mars 2022

Guy Debord avait écrit que «dans un monde réellement inversé, le vrai (était) un moment du faux». On ne saurait dire si Emmanuel Macro est un grand lecteur du fameux situationniste mais toujours est-il que le locataire de l’Elysée vient de se distinguer avec une jolie mise en pratique de la pensée de l’auteur de la «Société du spectacle». Il est vrai qu’il faut une certaine dose de culot pour se choisir un look militaire – un sweatshirt de commando parachutiste sur le dos – dans un palais du 18ème quand, à quelques heures de vol de là, d’autres peuples que le sien s’entretuent à proximité de centrales nucléaires. Cette audace, du reste, n’a pas manqué de faire réagir de nombreux adversaires politiques de «Jupiter» qui se sont immédiatement lâchés sur les réseaux sociaux en établissant un parallèle avec les pires heures de la télé-réalité. De son côté, mal rasé, l’air hagard, ses dossiers sous le bras, Emmanuel Macron semble en tout cas travailler très dur, non seulement au niveau diplomatique, mais aussi pour casser son image de jeune premier. Après François Hollande, Emmanuel Macron » voudrait-il lui aussi devenir un  «président normal»?




Un ennemi public nommé publicité

On entend souvent dire que nos sociétés sont en proie au doute et à l’incertitude. Osons l’hypothèse qu’au contraire, elles ne doutent plus assez et étouffent dans leurs certitudes. Comment pourrait-il en être autrement alors que la seule question du sens de notre présence ici-bas, à l’origine de toute philosophie, n’est déjà plus susceptible d’être évoquée dans nos très laïques classes d’école?

Dans ce climat de progrès perpétuel, tout juste contrarié par quelques sorties de route covidiennes ou ukrainiennes, nous voyons apparaître de jeunes étoiles politiques, souvent d’un idéalisme sincère, qui plaident des interdictions, des étoiles dans les yeux. Ainsi, pour ne plus permettre la « colonisation de nos imaginaires », les voilà qui intensifient par exemple leur lutte contre la présence des publicités dans l’espace public, sans d’ailleurs guère s’émouvoir de celles qui s’affichent sur nos écrans.

Il ne s’agit pas de bannir toutes les réclames de nos rues, évidemment, mais celles qui – à leurs yeux – ne «font pas sens». Qu’est-ce à dire? Qu’en format mondial, l’entreprise locale est à défendre, et le capitalisme mondialisé à combattre, très certainement. Malheureusement, à moins d’être naïf, comment ne pas songer à ce moment où le petit commerçant qui voudra recourir à l’affichage public sera un spécialiste de la vente de pneus, ou de boutefas? Gageons qu’alors, d’autres considérations morales entreront en jeu…

Il ne s’agit pas ici de défendre toute publicité, disposée n’importe où, par simple esprit de contradiction. On peut comprendre ces milieux, attachés à une certaine pudeur, qui ne trouvaient pas très réjouissant de voir des images de couples en pleins ébats sexuels disposées à côté d’écoles dans le cadre des anciennes campagnes «Stop Sida». Et qui saurait s’enthousiasmer de la présence de publicités pour des fast-foods américains dans des cités médiévales?

Dans ce débat complexe, rappelons toutefois qu’une affiche pour un garagiste rédigée dans un français correct est aujourd’hui autrement plus subversive qu’un tag en anglais à la gloire d’une ZAD.