Notre manifeste

Nous étions quatre et nous avions faim. Faim parce que nous nous réunissions à la pause de midi, au milieu de nos obligations professionnelles respectives, mais faim, surtout, d’un autre journalisme. Un journalisme qui cesserait de crier au génie à chaque nouvelle lubie «sociétale», un journalisme qui défendrait une vision traditionnelle du bien commun, un journalisme, enfin, qui reconnaîtrait l’importance de l’héritage judéo-chrétien de notre civilisation. Nous étions quatre mais nous avions la foi. Issus de sensibilités politiques ou chrétiennes diverses – nous n’avions alors pas encore d’agnostiques ou d’athées à nos côtés – nous débutions nos séances de travail par une méditation biblique, et une prière.

Nous le disons sans honte, nous avons toujours placé ce projet dans les mains de l’Éternel

Le Peuple

Nous le disons sans honte, nous avons toujours placé ce projet dans les mains de l’Éternel et, si d’aventure le succès devait être au rendez-vous, nous Lui rendrons encore grâce, car tout vient de Lui, et tout Lui retournera.

Mais il nous fallait un nom. Alors nous avons choisi «Le Peuple». Une notion qui sonne très à gauche pour certains, très à droite pour d’autres; un nom omniprésent dans l’Ancien Testament en tout cas, et qui figure parmi les premiers mots de la Constitution suisse. Oui, nous sommes «Le Peuple»: non pas que dans la société tout le monde réfléchisse comme nous, mais simplement parce que nous pensons que les intérêts de la majeure partie de la population se trouvent à l’écart d’un étatisme étouffant ou d’une course effrénée au profit. En cela, nous croyons porter ses préoccupations, alors même que ce peuple subit un véritable matraquage médiatique sur des thèmes ultra-marginaux. Avec ce premier numéro, nous avons l’assurance de déplaire à beaucoup de lecteurs. La perspective ne nous effraie pas, tant nous préférons prendre des coups plutôt que produire du prêt-à-penser pour grimper les échelons en taisant nos propres convictions.

Nous étions quatre, mais aujourd’hui nous sommes un peu plus nombreux. Nous prions toujours avant nos séances, parce que nous chérissons nos racines, mais nous savons aussi que les choses du monde sont compliquées, et que toutes nos différences sont fécondes. Pour quelques semaines, nous ne sommes encore qu’une association, qui vit surtout de dons. Mais très bientôt, nous serons beaucoup plus que cela.




Faire de l’affiche une bonne affaire à la bonne image

Un centre-ville historique doit veiller à son charme. Sa prospérité, comme son bien-vivre, passe par l’entretien de ce charme, son attrait. Pour le touriste, certes, mais aussi pour ses habitants. Sans tourisme, sans habitants, ou sans entreprises attirées par le cadre, un centre-ville historique se meurt peu à peu, au profit de villes sachant rester plus authentiques. Face aux villes grises, pierres et colombages conservent à la fois valeur et valeurs.

On sait que la publicité est nécessaire au commerce, mais trop de publicité peut nuire au charme. Nous avons tous traversé ces endroits où fleurissent des affiches sauvages en toutes saisons, apportant des couleurs criardes pouvant heurter l’œil. Sans publicité pourtant, comment promouvoir les commerces et produits locaux? Comment attirer le regard de ceux pour qui la ville se fait belle? Savoir-faire sans faire savoir trouve vite ses limites, on le sait bien.

La publicité est aussi une source de revenus qui peut être importante, les supports peuvent être précieux pour le commerce local. Le propriétaire d’une surface n’est pas en cause quand la publicité affichée choque: comment justifier sans arbitraire de le priver de revenus venus de notre meilleure information?

Sous prétexte de laideur, souvent ponctuelle, certains proposent d’interdire la publicité. Mais sans plus de nuances, l’interdiction nuirait à la prospérité de tous. Parce que faire-savoir est un besoin fort légitime, toute interdiction serait bien vite détournée par l’imagination créative. Qui imaginait que les affiches deviendraient des écrans géants pouvant jouer à cache-cache avec tout règlement? Comme lors de la prohibition de l’alcool dans les années 30, interdire est le meilleur moyen de voir la jungle tant redoutée se mettre en place.

De plus, la question reste ouverte de savoir qui interdirait et selon quels critères. On dira qu’au contraire, c’est facile, puisqu’il s’agit de ne favoriser que le commerce local. Mais quid de la publicité pour un parfum, une voiture ou un téléphone, tous vendus dans quelque boutique du centre? Faut-il proscrire la publicité pour un vin étranger, même servi à nos tables?

Bien sûr, on dira qu’il suffit de monter un comité des commerçants devant lequel les plans publicitaires devront passer. Mais un commerçant, ça travaille, tout le monde n’a pas de temps pour un comité Théodule. La corruption, du moins la connivence, ne peut donc être exclue et elle n’est pas connue pour être un gage de beauté, ni d’équité.

Alors comment faire?

Une alternative contre-intuitive consiste à rendre les propriétaires de supports totalement libres de leur affichage. Mais en créant une place de marché de l’affichage publicitaire local et en laissant le qu’en-dira-t-on agir pour réguler. Je possède un panneau, je mets une semaine de location en vente sur l’application locale. Tous les afficheurs peuvent faire une offre, y compris les étrangers à la ville.

Pour rendre le propriétaire responsable de la beauté de ce qu’il affiche, on encourage les habitants à voter chaque jour pour l’affiche la plus belle et décider des plus affreuses. Les meilleurs emplacements aux plus belles affiches monteront leurs prix. Ils seront bien plus attentifs à leur esthétique. Les autres devront réagir pour rester rentables.
Laissons faire.

Le podium de l’affiche, en somme: que l’affichage soit tant une bonne affaire qu’une bonne image.

Stéphane Geyres est Président de l’Institut Mises France et cofondateur des Lettres de Libéralie. Amoureux de la Liberté et des Hommes, il s’attache à partager un autre regard sur le monde. Humble mais aux convictions fermes, il s’adresse à ceux qui se cherchent dans le brouhaha actuel confus, tumulte haineux et irrespectueux qui peut faire douter.

liberalie.substack.com

mises-fr.org

Légende : Stéphane Geyres est Président de l’Institut Mises France et cofondateur des Lettres de Libéralie.




Humeur express: Macron situationniste

«Merci à Emmanuel #Macron pour cette nouvelle télé-réalité. L’émission #LesMarseillais risque d’être déprogrammée, elle ne pourra rivaliser sauf si vous lancez #LesMarseillais à l’Élysée…»

Valérie Boyer, Twitter, 14 mars 2022

Guy Debord avait écrit que «dans un monde réellement inversé, le vrai (était) un moment du faux». On ne saurait dire si Emmanuel Macro est un grand lecteur du fameux situationniste mais toujours est-il que le locataire de l’Elysée vient de se distinguer avec une jolie mise en pratique de la pensée de l’auteur de la «Société du spectacle». Il est vrai qu’il faut une certaine dose de culot pour se choisir un look militaire – un sweatshirt de commando parachutiste sur le dos – dans un palais du 18ème quand, à quelques heures de vol de là, d’autres peuples que le sien s’entretuent à proximité de centrales nucléaires. Cette audace, du reste, n’a pas manqué de faire réagir de nombreux adversaires politiques de «Jupiter» qui se sont immédiatement lâchés sur les réseaux sociaux en établissant un parallèle avec les pires heures de la télé-réalité. De son côté, mal rasé, l’air hagard, ses dossiers sous le bras, Emmanuel Macron semble en tout cas travailler très dur, non seulement au niveau diplomatique, mais aussi pour casser son image de jeune premier. Après François Hollande, Emmanuel Macron » voudrait-il lui aussi devenir un  «président normal»?




Un ennemi public nommé publicité

On entend souvent dire que nos sociétés sont en proie au doute et à l’incertitude. Osons l’hypothèse qu’au contraire, elles ne doutent plus assez et étouffent dans leurs certitudes. Comment pourrait-il en être autrement alors que la seule question du sens de notre présence ici-bas, à l’origine de toute philosophie, n’est déjà plus susceptible d’être évoquée dans nos très laïques classes d’école?

Dans ce climat de progrès perpétuel, tout juste contrarié par quelques sorties de route covidiennes ou ukrainiennes, nous voyons apparaître de jeunes étoiles politiques, souvent d’un idéalisme sincère, qui plaident des interdictions, des étoiles dans les yeux. Ainsi, pour ne plus permettre la « colonisation de nos imaginaires », les voilà qui intensifient par exemple leur lutte contre la présence des publicités dans l’espace public, sans d’ailleurs guère s’émouvoir de celles qui s’affichent sur nos écrans.

Il ne s’agit pas de bannir toutes les réclames de nos rues, évidemment, mais celles qui – à leurs yeux – ne «font pas sens». Qu’est-ce à dire? Qu’en format mondial, l’entreprise locale est à défendre, et le capitalisme mondialisé à combattre, très certainement. Malheureusement, à moins d’être naïf, comment ne pas songer à ce moment où le petit commerçant qui voudra recourir à l’affichage public sera un spécialiste de la vente de pneus, ou de boutefas? Gageons qu’alors, d’autres considérations morales entreront en jeu…

Il ne s’agit pas ici de défendre toute publicité, disposée n’importe où, par simple esprit de contradiction. On peut comprendre ces milieux, attachés à une certaine pudeur, qui ne trouvaient pas très réjouissant de voir des images de couples en pleins ébats sexuels disposées à côté d’écoles dans le cadre des anciennes campagnes «Stop Sida». Et qui saurait s’enthousiasmer de la présence de publicités pour des fast-foods américains dans des cités médiévales?

Dans ce débat complexe, rappelons toutefois qu’une affiche pour un garagiste rédigée dans un français correct est aujourd’hui autrement plus subversive qu’un tag en anglais à la gloire d’une ZAD.