Effondrement

Lorsque nous avions cherché un thème pour la toute première édition de notre magazine, ce printemps, nous avions décidé de parler des volontés d’interdiction de la publicité dans l’espace public. Ce choix éditorial avait surpris, mais il nous avait permis d’aborder différents thèmes importants à nos yeux.
Des ballons roses dans une salle à autoportraits dominée par un pénis en néon: l’étonnante salle de jeu proposée à la clientèle majoritairement adolescente d’une nouvelle pâtisserie lausannoise. RP
image_pdfimage_print

Au premier rang de ces derniers, la tension permanente entre la liberté et la morale. Parmi les plus réfractaires à l’omniprésence d’annonces dans la rue, nombreux sont ceux qui réclamaient leur droit à la «décolonisation de leur imaginaire». Une liberté contre une autre, pourrait-on dire. Ce type de revendications justifie en effet, depuis des années, la lutte engagée par Lausanne, puis plus récemment par le canton de Vaud dans son ensemble, contre la publicité sexiste.
Depuis deux semaines, sans qu’aucun imaginaire soit visiblement colonisé, il est possible d’acheter à Lausanne des gaufres en forme d’organes génitaux dans une échoppe spécialisée. Qu’une adolescente gobe une sucrerie en forme de pénis ou qu’un garçon en pleine mue dévore un simili-vagin fluo, la presse unanime crie désormais au progrès. Dans l’un des nombreux reportages extatiques de nos confrères, de La Télé en l’occurrence, il nous a même été donné de découvrir une cliente jugeant que «c’est maintenant ou jamais» qu’il fallait faire ce genre de choses, tandis que son ami y voyait une occasion tombée du ciel d’«en finir avec les tabous autour des pénis et des vulves». Étranges tabous que ceux dont la classe médiatique est unanime à saluer la disparition sous prétexte d’une énième libération à mener.

Nous l’avons déjà dit, au Peuple, nous n’aimons pas beaucoup l’inflation juridique et, donc, étatique. Il n’en reste pas moins que les lois approuvées par la population ou ses représentants doivent être appliquées lorsqu’elles existent. Se pose donc la question du sort à réserver à un commerce qui, de façon assez évidente, contredit un règlement lausannois – le Règlement général de police – censé protéger «la décence». Bien sûr, on nous dira que cette notion évolue avec les mœurs. Reste qu’à moins d’admettre la réalité de l’épuisement civilisationnel en cours, on ne voit pas quelle vision du sacro-saint «vivre-ensemble» peut encore être respectée quand la transgression devient la norme.

Voir aussi

Inscription gratuite
close slider