Les riches recommandations des autorités fédérales

L’ eau ça mouille, le feu ça brûle, et un grand nombre de voitures présentes simultanément sur la chaussée occasionne parfois des bouchons. Soyez heureux parce que l’on vous transmet ces précieuses informations sans les financer avec vos impôts, à la différence de l’Office fédéral des route (OFROU). Depuis quelques jours, ce dernier suscite des réactions que l’on dira pudiquement contrastées, avec un texte affiché sur les «panneaux à messages variables», comme l’on dit dans le jargon, situés au-dessus des voies autoroutières: «Évitez les heures de pointe pour échapper aux bouchons».

«Du pur génie, du foutage de gueule, de l’humour suisse allemand ou de l’incompétence totale?»

Un automobiliste vaudois

D’un côté, difficile de ne pas reconnaître une certaine logique à ce message, mais est-il vraiment utile ? Pas aux yeux de cet automobiliste vaudois qui l’a repéré à la fin du mois de mai près de la Cité de Calvin: «Du pur génie, du foutage de gueule, de l’humour suisse allemand ou de l’incompétence totale? Génie cela se saurait. Foutage de gueule peut-être. Humour? Impossible, c’est l’OFROU. Reste donc l’incompétence. Alors, bien sûr, cher OFROU, j’ai pris le panneau en photo et, ni une ni deux, lundi, je suis allé voir mon patron et je lui ai dit: «Patron, dès demain, je suis les conseils – les ordres? – de l’Autorité et j’évite les heures de bouchon. Je participe au Bien commun cher à Aristote. Donc je viendrai désormais travailler vers 10h30 et je repartirai à 15h au plus tard, 13h le vendredi.» Sur Facebook, où circule la photo d’un des panneaux assortis du message, certains évoquent encore «une connerie sans nom» ou, ironiquement, «l’œuvre de vrais génies».

Contacté, un communiquant du Touring Club Suisse (TCS) admet avoir également été surpris en découvrant cette recommandation alors qu’il était au volant: «D’habitude, ces moyens de communication sont utilisés à bon escient, pour annoncer un danger immédiat. Dans le cas présent, il est peut-être un peu trop générique.» La priorité, avec ce genre d’outils, est de diffuser des informations qui ne prêtent pas à confusion, précise le TCS. Gageons que cet écueil aura été évité dans le cas présent.

Alors, communication loupée? Benno Schmidt, de l’Office fédéral des routes, ne s’exprimera pas. En nous renvoyant à un communiqué de 2017, il souligne uniquement que «les messages directs aux conducteurs sont une des mesures de l’OFROU pour fluidifier le trafic.»
On l’aura compris, en évitant l’heure des bouchons.




Récit: Hier encore, nous avions vingt ans

Le mot «woke» n’était pas encore sur toutes les lèvres et on n’y parlait pas encore d’écriture inclusive. Une secrète complicité, toutefois, semblait unir les défenseurs de toutes les causes contre-culturelles, persuadés de participer à l’avènement d’un monde plus fluide et plus ouvert. Ainsi, une affiche sur un mur du B2 – le bâtiment des Lettres, où se trouvait déjà une cafétéria sans viande – pouvait-elle annoncer la présence, au sein d’un même espace de parole, d’un conférencier du Hezbollah, puis la semaine suivante d’une féministe universaliste ou d’un militant pacifiste. Le look punk était encore un peu tendance, même si la résurgence du tournant de l’an 2000 tirait déjà sur sa fin.

Dans cet univers, des débats opposaient parfois avec une certaine virulence des adversaires idéologiques et il n’était pas rare que l’un d’eux – même issu du corps professoral – cherche à épater l’auditoire avec un coup d’éclat. Quelques rencontres sur le thème du partenariat enregistré entre personnes du même sexe – l’ancêtre du mariage gay – avaient ainsi parfois fini en eau de boudin entre sociologues et experts du droit. Mais ces échanges avaient eu lieu, au moins l’espace de quelques instants, et nous pouvions faire notre marché entre des méthodologies diverses.

En vingt ans, les causes n’ont finalement pas beaucoup changé, à part que l’idéal de «convergence des luttes» semble avoir pris un peu de plomb dans l’aile sous l’effet des attentats de la dernière décennie. Le phénomène nouveau, en réalité, est que d’aucuns puissent croire lutter pour la liberté en niant à autrui la liberté de se confronter à des avis contraires. Ainsi s’est terminé l’esprit de 68, dont nous pensions encore être les héritiers: il est désormais bien souvent interdit de ne pas interdire. RP




Le boss des zemmouriens de Suisse dégomme Macron

Qui êtes-vous?

Je suis un pied-noir né en Algérie en 1962. Mon père s’y était rendu pour fuir le Service du Travail Obligatoire institué par le régime de Vichy lors de l’occupation allemande, et pour combattre avec les Forces Françaises d’Afrique du Nord pour libérer la France de son envahisseur. Nous y sommes restés jusqu’au pillage de notre maison le 14 juillet 1962. En retournant en France, ma famille n’avait plus rien, hormis son amour pour le pays. Nous avons dû tout reconstruire. Professionnellement, j’ai notamment fondé une entreprise en 1999, spécialisée dans les services pour les conférences et les salons internationaux, dont les activités se sont étendues dans plus de 50 pays. Depuis 2018, je vis en Suisse et suis le fondateur et président d’un cabinet de conseil aux banques centrales. Je vis à Lutry dans le canton de Vaud, suis marié et père de quatre enfants.

Quel est votre parcours politique ?

Ma première campagne politique est une sorte de révolte intellectuelle. Je l’ai menée avec Charles Million (ndlr : ancien ministre de la défense sous Jacques Chirac) avec La Droite, le parti qu’il a fondé et présidé. Je suis allé jusqu’aux législatives de 2002. Par la suite, je me suis consacré à ma carrière professionnelle. En 2014, j’écoutais Nicolas Dupont-Aignan et j’ai décidé d’intégrer son mouvement, Debout La France. Je me suis rapidement rendu compte qu’il était incapable de faire grandir son mouvement. Il a de bonnes idées mais ne sait pas organiser une équipe, ni monter un financement. J’ai tout de même été colistier avec lui aux élections régionales en Ile-de-France, en 2015. Je suis ensuite passé par Oser la France dès 2018, en tant que membre du Bureau National. Puis Eric Zemmour est arrivé. Comme la plupart des personnes qui le suivent, j’ai approuvé ses diagnostics.

Reconquête!, à sa fondation, semblait très solide. Les meetings d’Eric Zemmour réunissaient des foules impressionnantes. Mais le premier tour s’est terminé avec un score assez faible de 7%. N’est-ce pas décourageant ?

Absolument pas. Je m’oppose aux termes que vous employez : faible et décourageant. Beaucoup de gens pensaient qu’Eric Zemmour allait être au second tour, voire qu’il serait élu président. Un tel cas de figure relevait du rêve éveillé. Les élections sont simplement venues nous ramener à la réalité. Par contre, si l’on se penche sur le chemin parcouru par Eric Zemmour, le résultat est extraordinaire. En décembre, il n’avait pas de parti, pas d’organisation, pas de militants. En six mois, il a réussi à construire un programme autour de valeurs et de convictions de droite et un parti politique présent partout en France et à l’étranger. Reconquête! est un mouvement qui attire les jeunes et qui a des finances saines. C’est déjà un énorme succès. Eric Zemmour a posé les bases de la reconquête.

Qu’est-ce qui a manqué pour aller plus loin ?

Selon moi, rien. Ce qui aurait, peut-être, pu être fait était d’arrondir les angles et dire aux électeurs ce qu’ils voulaient entendre. Mais dans ce cas, Eric Zemmour serait devenu un politicien comme les autres. Cela n’aurait eu aucun sens vu qu’il a dénoncé ces pratiques. Si l’on veut construire des bases solides, il faut établir un corpus d’idées et de valeurs et ne faire aucun compromis là-dessus. On peut, par contre, s’entendre ensuite sur leur mise en œuvre. Prenons l’exemple des retraités : il faut qu’ils puissent avoir un revenu digne, c’est une valeur forte et non-négociable chez Reconquête!.  Après, on peut en discuter les modalités.

46% des électeurs français en Suisse ont voté pour Emmanuel Macron au premier tour. Est-ce un terrain difficile pour Reconquête! lors de ces législatives ?

Je ne peux pas dire le contraire. Mais je crois que beaucoup d’électeurs ont choisi Macron, non pas par conviction mais par résignation. Il n’a pas fait de campagne, n’a pas présenté son bilan, il y a eu la guerre en Ukraine. Finalement, beaucoup se sont résignés à repartir pour 5 ans avec lui. Je ne peux pas leur en vouloir. Ce qui m’a surpris, par contre, ce sont les scores de Yannick Jadot, à 15% et Jean-Luc Mélenchon, à 20%.

Avez-vous également un engagement politique en Suisse ?

J’ai rejoint l’UDC du canton de Vaud en janvier dernier. J’ai choisi de m’impliquer en politique suisse pour des raisons d’intégration.

Une grande partie du programme d’Eric Zemmour est inspiré par la politique suisse.

Philippe Tissot

Reconquête et l’UDC représentent-elles la même droite à vos yeux ?

Je ne connais pas entièrement le corpus idéologique de l’UDC. Mais quand je regarde ce qui se passe en Suisse en matière de sécurité ou de contrôle de l’immigration, c’est exactement ce que demande Eric Zemmour. Une grande partie de son programme est inspiré par la politique suisse.  S’ils s’en rendaient compte, les Français qui vivent ici voteraient pour Eric Zemmour.

Quand on vit en Suisse, pourquoi voter et appeler à voter Zemmour ?

Parce que je suis français, que j’aime mon pays et que je veux le meilleur pour lui. Certains de mes enfants habitent encore en France, je vais y passer ma retraite. C’est une raison de plus de proposer aux Français de trouver la bonne solution pour améliorer leur quotidien.

Les partis de droite militent, souvent, pour un abandon de la double nationalité. Est-ce un combat auquel vous vous associez ?

Je n’ai pas encore tranché la question. J’ai une fille binationale franco-canadienne et je trouve que c’est un avantage pour elle. A vrai dire, je ne sais pas si la question porte plus sur la nationalité ou sur la capacité d’intégration. La France a tendance à donner trop facilement et rapidement la nationalité à un ressortissant étranger, sans chercher à savoir si c’est un bon citoyen.

Quelles sont vos revendications politiques pour les Français de l’étranger vivant en Suisse ?

Ce sont quasiment tout le temps les mêmes thématiques, chez Reconquête ou dans un autre parti. Il y a les retraites. Quand un Français la passe en Suisse, il doit se rendre chaque année au consulat pour obtenir un certificat de vie afin de toucher sa rente. Il faut faciliter tout ça. Ensuite, les personnes qui étudient à l’étranger sont une richesse pour la France, mais il est parfois difficile pour les parents de faire scolariser leurs enfants dans une école française. Il faut les aider financièrement, car ce n’est pas une dépense mais un investissement. La santé pose aussi des problèmes. Un Français qui revient au pays subit six mois de carence pour réintégrer le système de santé, alors que certains étrangers qui arrivent en France bénéficient immédiatement de soins, sans jamais avoir travaillé. Cela doit changer. Il y a également du travail à faire sur l’immobilier, les héritiers sont pénalisés par de trop lourdes taxes.

« Être un ami de Macron ne transforme pas un âne en cheval de course. »

Philippe Tissot

Vous avez attaqué Marc Ferracci, le candidat macroniste des Français de l’étranger vivant en Suisse, qui n’aurait « jamais mis les pieds en Suisse ». Est-ce un problème qu’un candidat se présente alors qu’il ne vit pas sur le territoire?

Non. Je suis un légaliste: la loi en France autorise n’importe quel citoyen à se présenter dans n’importe quelle circonscription. Il a donc la légalité de se présenter en Suisse. Cependant, prétendre que l’on va représenter les Français de Suisse, quand on ne les connaît pas, c’est un mensonge. Mon opposition féroce et farouche contre Marc Ferracci tourne précisément autour de ce mensonge qui est la marque de fabrique du macronisme et dont les Français ne veulent plus. En outre nous savons tous très bien, qu’il ne vient pas par conviction mais pour la simple raison que c’est un copain d’Emmanuel Macron. Le Président lui a probablement conseillé de se présenter en Suisse pour être facilement élu, pensant que personne en Suisse ne s’y opposerait. Il y a ensuite un autre problème : il se dit économiste et a conseillé Emmanuel Macron et le premier ministre. Quand on voit à quel niveau la dette s’est envolée et à quel point s’élève le déficit du commerce extérieur de la France, on peut douter des compétences en économie de Marc Ferracci. Si on me dit qu’il est économiste et copain de Macron, je le crois. J’ai de plus gros doutes quand j’entends que c’est un bon économiste. Être un ami de Macron ne transforme pas un âne en cheval de course.

Quel est votre vision de l’avenir de la France avec Macron et le gouvernement Borne aux commandes?

Macron fait du Macron je ne suis pas surpris par sa politique de boutiquier. Par exemple, Pap Ndiaye est totalement instrumentalisé quand il se voit confier le poste de ministre de l’Éducation. Macron le présente à la fois pour aller piquer des voix à gauche et exciter la droite sur la question clivante de la racialisation. Le plus grave dans cette histoire, c’est que le véritable racisme est du côté de Macron qui exploite ce garçon durant un mois, et le remplacera certainement après les élections législatives.

Ces derniers jours, le gouvernement français ne cesse de parler de revalorisation du pouvoir d’achat. Est-ce là, un pas vers une économie planifiée ? J’ai été chef d’entreprise, je sais comment se construit le salaire d’un collaborateur. La rémunération va dépendre de sa capacité à dégager de la valeur pour l’entreprise. Quand Élisabeth Borne dit vouloir obliger les patrons à augmenter les salaires, elle contribue directement à faire grimper l’inflation. Par contre, comme le propose Eric Zemmour, certaines méthodes peuvent générer du pouvoir d’achat: en réduisant l’immigration immédiatement de manière drastique, on dégage rapidement des montants phénoménaux en économisant sur les charges salariales et patronales dédiés au logement, à la famille et à la santé. C’est sûrement trop simple pour qu’un macroniste puisse le comprendre.




Un anti-étatiste radical entre au grand conseil

Vous revendiquez une appartenance philosophique au libertarianisme, à l’anarcho-capitalisme. Expliquez-nous?
C’est venu naturellement. Je n’ai pas eu besoin de me pencher sur des ouvrages de Hans-Hermann Hoppe ou Ludwig von Mises pour comprendre que l’entité qui me prend la plus grande part de ce que je gagne est l’État. De plus en plus, d’ailleurs. À partir de cette constatation empirique, j’ai commencé à m’intéresser au mécanisme qui fait que cet argent est pris dans ma poche pour finir dans celle de l’État ou des monopoles qu’il détient, comme l’énergie, la santé, l’eau ou les assurances sociales. J’ai donc constaté qu’en tant qu’individu, je n’ai que peu de choix dans mes dépenses les plus élevées. Je pense que les idées libertariennes parlent beaucoup plus à des gens ayant un certain niveau intellectuel et une compréhension poussée du monde.

Les libertariens ne croient pas au jeu électoral et favorisent plutôt une approche sécessionniste. Pourquoi vous êtes-vous tout de même présenté en politique?
Nous vivons dans un monde très éloigné des idées libérales. Aujourd’hui, nous entrons dans un système de plus en plus étatiste, de plus en plus socialiste. Je pense qu’il est important d’avoir une ou plusieurs voix avec un réel esprit libéral qui s’expriment dans les différents parlements. Je peux aussi espérer que les médias, locaux ou nationaux, relaient ce type de messages afin qu’une réflexion s’installe parmi la population. C’est mon but premier et c’est un combat, intellectuel et philosophique, sur le long terme. Si les vrais libéraux lâchent ce terrain, on ne pourra que constater que nous n’avons rien fait pour inverser la tendance.

« Le PLR a fait plus de mal que de bien au libéralisme. »

Korab Rashiti

L’UDC est considérée comme un parti plus conservateur que libéral, pourquoi avoir rallié cette formation plutôt que le PLR?
En analysant les prises de position du PLR, au niveau des différents parlements, j’ai constaté que ce parti s’est éloigné des idées libérales. Ce parti a tendance à favoriser le capitalisme de connivence (ndlr: une économie capitaliste où le succès en affaires dépend de relations étroites avec les représentants du gouvernement) et c’est cette position qui cause le plus de dommages aux idées libérales. Le PLR a fait plus de mal que de bien au libéralisme. Prenons un exemple: ce parti, dans sa grande majorité, militait pour l’acceptation de la loi CO2 en juin 2021. C’est un pur exemple d’économie planifiée.

Vous avez obtenu un siège au Grand Conseil bernois en tant que quatrième viennent-ensuite. Comment justifiez-vous que les candidats précédents aient pris part à l’élection en sachant qu’ils ne voudraient pas du siège. Jugez-vous normal d’avoir été élu avec moins de voix que des candidats d’autres partis?
L’idée était tout d’abord de remplir la liste francophone de l’UDC car il existe un électorat romand dans notre région. Ensuite, nous voulions avoir une voix romande au Parlement cantonal bernois.

Vous comprenez les envolées lues dans la presse suite à ces manœuvres?
Il s’agit plutôt d’une manœuvre politique de la part de nos adversaires, afin de discréditer la liste ou le représentant élu de celle-ci. Je me suis plongé dans les archives d’autres partis, comme le PS par exemple. J’ai constaté qu’il s’est déjà passé des permutations du même type. Comme mes adversaires n’arrivent pas à me cerner politiquement ni à répondre à mes arguments, le seul moyen qu’ils ont trouvé est de déclarer mon élection illégitime. C’est une insulte faite au système en lequel ils croient tant: la démocratie.

Suite à cette élection, on a pu lire sur les réseaux que vous étiez ingérable au sein de votre parti.
Ce sont, à nouveau, des accusations lancées par des opposants politiques, je ne vais pas citer ici les noms. Si j’étais vraiment ingérable, je ne pense pas que je serais devenu le président de l’UDC Gerolfingen-Täuffelen-Hagneck. Mes positions peuvent parfois trancher avec la ligne générale de mon parti, mais c’est une bonne chose, ça créé une dynamique. La liberté d’expression est respectée au sein de cette formation, bien plus que dans d’autres partis.

Vous êtes très présent sur les réseaux, apportant une analyse sur bien des sujets. Parfois en ratant un peu le coche, non?
Vous faites référence à mon commentaire sur la non-élection de Michaël Buffat qui visait un siège au gouvernement vaudois. J’ai voulu apporter une analyse critique. Je ne pense pas que l’UDC vaudoise a fait une mauvaise campagne. J’estime seulement que cette formation, et les autres en Romandie, ne sont pas suffisamment libérales et n’ont pas un socle idéologique solide, ce qui explique leurs échecs alors que l’UDC s’en sort très bien dans les cantons germanophones.

Une personnalité biennoise vous a qualifié de «fascistoïde». Étant libertarien, cela vous fait sourire?
Les mots ont un sens. Il faudrait déjà que cette personne comprenne ce qu’est le fascisme, soit : «Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État!», selon Mussolini. Je me positionne comme un défenseur de la liberté individuelle et de la propriété privée et je prône une réduction du pouvoir de l’État. Mon accusateur rate totalement le coche. En réalité, ces gens-là n’ont strictement aucun argument à m’opposer quand on leur met des faits sous les yeux. Quand ils n’ont plus rien à dire, ils balancent des qualificatifs comme celui que vous avez cité.

Selon vous, personne ne comprend l’anarcho-capitalisme?
Effectivement, cela demande de s’émanciper de tout ce que l’on a entendu au cours de sa vie: à savoir que l’État a son mot à dire dans tous les domaines. S’extirper de ce schéma demande de la réflexion et de la volonté. C’est pour cela qu’une grande partie de la population n’y arrive pas. Maintenant, c’est à nous, les libéraux, de vulgariser les concepts philosophiques et de ne pas jouer le jeu de l’entre-soi.

La propriété privée peut résoudre tous les soucis selon vous?
Elle ne pourra pas tout résoudre. Mais si elle est comprise et véritablement respectée, nous nous dirigerons vers une société beaucoup plus apaisée et sereine. Si le monde est sous tension aujourd’hui, c’est parce que l’on bafoue ce concept. Nous avons pu le constater avec le droit à disposer de son corps librement, qui a été foulé aux pieds durant le pic de la crise du Covid-19. Il faut redonner un sens au droit naturel: soit le respect de la propriété de chacun, dont le corps lui-même.

Avec vos positions radicales, pensez-vous pouvoir changer des choses au niveau cantonal bernois?
Dire que ce que je gagne m’appartient et que je suis seul à décider quoi faire de cette somme ne me semble pas radical.

Quels sont vos projets en tant qu’élu?
Premièrement, faire en sorte que le canton de Berne redevienne attractif au niveau fiscal. Nous avons le taux d’imposition le plus élevé pour les entreprises au niveau national et nous nous situons à la troisième place concernant les personnes physiques. Le canton de Berne a une carte à jouer, au niveau national et international. Deuxièmement, je souhaite voir une institution cantonale se délocaliser dans le Jura bernois. Ainsi, nous verrons qui, dans ce nouveau parlement, prend vraiment position pour les Romands du canton. Enfin, il faut ouvrir le débat sur l’autonomie des institutions scolaires. Si nous payons des impôts pour financer l’éducation, nous devons avoir la possibilité de scolariser nos enfants de la manière dont nous le souhaitons. Il est aberrant de ne pouvoir bénéficier que d’un seul programme d’enseignement unifié.

Qu’allez-vous faire pour modifier cette fiscalité?
Quand on veut baisser les impôts, surgissent immédiatement des réfractaires, généralement des fonctionnaires. Le PS travaille pour cette catégorie de la population et joue la carte du clientélisme. Je crois qu’il va falloir faire de la pédagogie en démontrant que si la fiscalité élevée est maintenue, de plus en plus de personnes vivront grâce à l’impôt tandis que d’autres souffriront à cause de l’impôt.




Une précocité politique qui divise

Initiative «99%» de la jeunesse socialiste, légalisation de la polygamie proposée par les Jeunes PLR, gratuité des transports publics voulue par les Jeunes Verts… l’implication croissante de la jeunesse en politique semble entraîner une forme de radicalité. Cet engagement militant très marqué – que de nombreux observateurs voient d’un bon œil – est-il réellement souhaitable?

Nicolas Jutzet, ancien membre du PLR – dans lequel il s’était engagé à 20 ans – et ancien coordinateur de la campagne «No Billag» en Suisse romande, parle d’expérience: «Avec le recul, je conseillerais à un jeune de ne pas s’engager dans un parti politique pour ne pas s’imposer de carcan collectif et demeurer un esprit libre.» Pour le Neuchâtelois, actif maintenant dans la sphère métapolitique avec son média Liber-thé, le problème vient de la structure des partis politiques : «Elle mène nécessairement à une forme de conformisme, puisque le parti a intérêt à ce que tous ses membres aient la même ligne.»

Plus à droite, l’ancien président de l’UDC du Valais romand Cyrille Fauchère nuance: «Le cas est différent dans chaque parti. Il est vrai qu’on encourage parfois trop les jeunes à développer un esprit militant sans être suffisamment versés dans la culture du débat d’idées.» Un défaut qui, selon le Valaisan, touche surtout les partis bien implantés dans le tissu local – comme les partis réputés au centre – qui ont moins besoin de faire valoir leurs idées. Pour éviter cet écueil, il convient, ajoute-t-il, «d’encourager les sections de jeunes à fonctionner comme les partis traditionnels, en allant par exemple au contact des autres partis pour ne pas se complaire dans un entre-soi autour d’une position unique.»

« Quand je ne suis pas d’accord avec mes camarades de parti, je le dis clairement. »

Abdelmalek Saiah, PS Yverdon

Qu’en pensent les militants eux-mêmes? La problématique n’inquiète pas Abdelmalek Saiah, Vaudois de 16 ans: «Je ne ressens pas ce problème au PS. Quand je ne suis pas d’accord avec mes camarades de parti, je le dis clairement. Tout comme lorsqu’un autre parti partage une idée que je trouve bonne.» Pour lui, l’engagement des jeunes devrait même être reconnu via un droit de vote à 16 ans déjà. L’Yverdonnois justifie cette revendication par le fait que les jeunes «sont beaucoup plus conscients des enjeux importants, comme le climat et l’égalité, sur lesquels notre société doit se bouger», comme il l’écrivait en substance dans un billet publié le 18 mai dans 24 heures.

En tous les cas, l’abaissement de la majorité civique à 16 ans pose une question cruciale: celle de la maturité nécessaire à l’engagement politique. La frontière qui sépare les opposants et les partisans d’une telle mesure dessine les contours de deux visions opposées de «l’engagement jeune». Pour Cyrille Fauchère, «on a un déficit de maturité à 16 ans, qui fait qu’on ne peut pas appréhender certains sujets de société avec le recul nécessaire. On est encore en pleine formation professionnelle, mais aussi intellectuelle et émotionnelle». Une position qui tranche radicalement avec celle de la présidente du parti socialiste vaudois, Jessica Jaccoud, pour qui «le fait de considérer que les jeunes de 16 ans doivent être en mesure de chercher un travail, de trouver une place d’apprentissage, de gérer leur vie, tout en leur disant qu’ils ne sont pas matures pour voter, est une aberration totale. D’autant plus que les jeunes générations ont montré leur volonté de s’exprimer sur les sujets qui les concerneront dans le futur.»

Après un refus dans les urnes zurichoises à la mi-mai, les Bernois auront bientôt l’occasion de voter à leur tour sur le droit de vote dès 16 ans.

Commentaire

La question de l’engagement politique s’est posée pour moi lorsque j’avais quinze ans. J’étais, à l’époque, traversé par quelques velléités d’adhésion à un parti, que mes parents ont eu le bon sens de raisonner à temps. Du haut de mes vingt ans, je revois avec amusement ces ardeurs juvéniles, et j’observe avec une certaine circonspection les jeunes de mon âge qui ont fait ce choix du militantisme.

J’ose le dire: ces jeunes ne sont pas à leur place. Un adolescent, quoi qu’on en dise, n’a pas encore le recul nécessaire à l’engagement politique. Et ce pour une raison simple: il n’a pas encore pu faire l’expérience de la fragilité de ses propres convictions. Il est encore la victime de ce que les psychologues appellent «l’effet Dunning-Kruger», qui veut qu’un novice dans un domaine surestime nécessairement ses compétences, avant que l’expérience ne lui enseigne que le chemin de la maturité est encore long.
L’adolescence est encore l’âge de l’éducation, où l’on apprend l’engagement associatif, la fidélité à son club sportif ou à sa fanfare par exemple, le tout dans l’humilité et le respect des anciens. Les partis politiques qui s’appuient sur la détermination naïve des jeunes à s’engager se rendent coupables de les en empêcher, car ils en font trop tôt les adultes qu’ils ne peuvent pas encore être. AB




« Certaines conseillères d’État se sont montrées indignes de leurs fonctions »

C’est un mercredi un peu plus agité que d’habitude, surtout hors session, sous la Coupole fédérale. Tout juste de retour de Kiev, la fameuse délégation de parlementaires va bientôt débuter sa conférence de presse et Yves Nidegger, collègue de parti de Michaël Buffat, nous fait ses adieux tandis que nous nous apprêtons à quitter le bar pour une table. Sans grande surprise, le conseiller national vaudois n’optera pas pour le muffin vegan. Nous non plus. 

Trois semaines après le résultat des urnes, quel est votre état d’esprit ?

On est forcément déçu, quand on a raté une élection. Mais j’ai un œil qui rit et un œil qui pleure : je suis content que nous ayons pu renverser la majorité de gauche avec l’Alliance vaudoise, et je crois y avoir participé. D’un autre côté, j’aurais aimé continuer à porter ce projet avec mes colistiers. La population en a décidé autrement. C’est comme ça.

Vous pensez vraiment avoir «raté» cette élection ?

Logiquement, je n’ai pas réussi puisque je n’ai pas été élu.

Mais pouviez-vous réussir, surtout avec des villes clairement à gauche ?

C’est une bonne question. Je dirais que si on se lance dans une élection, c’est qu’on a la foi de pouvoir réussir. Moi je me suis lancé avec un projet pour le pouvoir d’achat des Vaudois. A l’évidence, je n’ai pas réussi à convaincre que je pouvais être la personne capable de le mener à terme, même si en tant qu’équipe, encore une fois, nous avons gagné. Ce qui me met du baume au cœur, c’est de savoir que les quatre personnes élues seront capables de construire l’avenir du canton. Pour le reste, je dois encore analyser les résultats des votes, mais il est vrai que nous avons un sacré potentiel d’amélioration dans les villes.

Parmi vos partenaires élues, il y a Valérie Dittli, du «Centre»…

Depuis le début de la campagne, nous savions que nos alliés PLR étaient quasiment assurés d’avoir leur siège, mais que nous deux devrions nous battre. La pire des situations aurait été que ni elle ni moi ne soyons élus. Sincèrement, je suis content pour elle : c’est une personne très compétente, solide, brillante (ndlr voir son portrait en page 5). On a eu un bon feeling depuis le début de la campagne. Je ne me fais pas de souci pour elle.

Pour vous, la campagne a été très dure. Vous avez été particulièrement ciblé. Vous l’avez vécu comment ?

Cela faisait partie du plan de la gauche dès le début des élections. En décembre, déjà, on m’avait averti que je serais l’homme à abattre. Cela s’est amplifié au vu des résultats du premier tour. Dès ce moment, il a fallu me coller dessus tous les adjectifs négatifs de la terre.

Parmi ceux-ci, il y a eu «climato-sceptique»

Oui, et que j’étais le parlementaire le plus à droite de la délégation vaudoise, aussi, ce qui n’est d’ailleurs pas compliqué comme UDC. On a aussi dit que j’étais d’extrême-droite, bref, tout ce qu’on peut dire pour décrédibiliser une personne. 

Y a-t-il des choses que vous ne pouvez pas pardonner ?

Peut-être que c’était une erreur de ma part, mais j’ai préféré faire le dos rond. Les critiques me paraissaient grotesques tant elles étaient extrêmes. J’aurais peut-être dû réagir un peu plus fort par moment. J’ai préféré défendre mon projet, sans m’abaisser à attaquer les personnes.

De toutes les critiques, laquelle vous a le plus touché ?

Comme politicien, j’ai appris à avoir le cuir épais, c’est surtout pour ma famille que certaines choses ont été difficiles à vivre. Je pense en particulier à des détournements qui nous visaient, Valérie et moi, sur Instagram. Ce que j’ai trouvé regrettable, c’est que des conseillères d’Etat en place se mêlent aux attaques basses. La présidente Nuria Gorrite, en particulier, a momentanément « liké » cette page dont certains éléments relevaient à mon sens du pénal. Ce n’est pas l’image que je me fais d’une personne à un tel poste, surtout quand son gouvernement investit massivement dans la prévention du harcèlement. Certaines attaques de madame Amarelle, dans la presse, m’ont également semblé indignes de sa fonction. En tout cas moi, je ne me suis pas laissé aller à faire ce genre de choses.

Ce que j’ai trouvé regrettable, c’est que des conseillères d’État en place se mêlent aux attaques basses.

L’avenir, pour vous, il est plutôt dans la politique ou dans le privé ?

On ne fait pas de politique pour poursuivre un plan de carrière. On en fait parce qu’on a ça dans les tripes, parce qu’on a besoin de défendre des idées. Je veux continuer. Si la question est : «Vais-je me présenter aux élections fédérales l’an prochain», la réponse est positive. Tant que j’aurai la foi de pouvoir être utile à mon pays, je continuerai.

N’y a-t-il pas des moments où vous vous dites que votre carrière professionnelle pourrait être plus riche sans un «frein» politique ?

Si on est du genre à calculer, on ne s’engage pas, et particulièrement pas à l’UDC. Il n’y a du reste pas que la carrière qui peut pâtir d’un tel mandat, il y a la famille également. Là, par exemple, je sors de trois mois sans l’avoir vue. Être en campagne, c’est rentrer à minuit pendant que ses proches dorment et repartir tôt le matin tandis qu’ils dorment encore. C’est une vie parfois éprouvante mais c’est plus fort que nous.




Elle a mis les Vaudois dans ses petits souliers

La survie en politique passe sans doute par la capacité à placer l’urgence avant les sentiments. À ce jeu-là, Valérie Dittli fait déjà montre d’une certaine maturité puisque c’est sans elle que nous avons dû nous résoudre à rédiger ce portrait au début du mois. Contexte politique étouffant, répartition hyper-complexe des rôles au sein du futur Conseil d’État, surveillance de l’inévitable service comm’… Il faut dire que la rentrée s’annonçait chargée pour la future ministre d’origine zougoise. Pas facile, d’un moment à l’autre, de reconfigurer une jeune existence pour les cinq prochaines années.

«Une centriste zougoise, par définition, est plus conservatrice que bien des UDC vaudois»

Un élu agrarien

Arrivée sur la scène politique vaudoise en 2021, la native d’Oberägeri incarne une droite décomplexée, dont l’étiquette politique est jugée trompeuse par certains: «Une centriste zougoise, par définition, est plus conservatrice que bien des UDC vaudois», glisse un élu du parti agrarien. Ses adversaires, durant la campagne pour l’exécutif, ne s’embarrassaient pas de tant de subtilités, eux qui la dépeignaient tranquillement en «réac» sur les réseaux sociaux. Mais plus que son positionnement politique, influencé par sa pratique du droit, c’est la poigne de la future édile qui a rapidement fait sa renommée: «Il fallait du courage pour pousser Neirynck et Béglé vers la sortie, admet un élu de gauche, je ne crois pas que beaucoup de gens auraient été capables d’en faire autant à son âge» (29 ans, 28 au moment des faits). Au micro de la RTS, Jacques Neirynck avait alors dénoncé «un jeunisme peu respectueux des anciens». Un jugement qui, à l’évidence, n’aura pas retourné l’électorat contre la présidente de l’ex-PDC.

Une bonne camarade
De la poigne, donc, et un certain sens de l’opportunisme. Sympathique et bonne camarade au quotidien, la future ministre s’est plusieurs fois illustrée par sa capacité à prendre tout l’espace disponible en débat télévisé. Un show dans lequel elle semble se lancer sans grande appréhension concernant la qualité, remarquable pour une deuxième langue, de son français. Reste une question: comment gouverner sans groupe politique derrière soi au Grand Conseil, et en portant les couleurs d’un parti qui se trouvait en grandes difficultés jusqu’aux dernières élections? Interrogé sous la Coupole fédérale (voir page 5), son colistier malheureux Michaël Buffat, emballé par la campagne menée à ses côtés, ne se montrait pas du tout inquiet. C’est d’ailleurs au sein de l’Alliance vaudoise que certaines de ses idées, comme la réalisation de vidéos décalées et plus ou moins réussies sur TikTok, ont fait émerger le visage d’une femme qui n’a peur ni de faire sourire, ni du succès. Une impression renforcée par son choix de baskets blanches, détonnantes face aux talons vertigineux de certaines de ses collègues.

Comment se déroulera sa vie de ministre ? Souvent alimentées par une condescendance à peine masquée, les prédictions apocalyptiques abondent. «Elle va exploser en vol», entend-on souvent, comme si la jeune femme ne devait son élection qu’au hasard, et pas un minimum à son talent propre. Chez ceux qui ont appris à la découvrir en campagne, le pronostic, quel qu’il soit, est généralement bien moins définitif. Reste à voir, désormais, si Valérie Dittli gouvernera en chaussures velcro.




Le PS Suisse et le coup de la grande dixence

«Est-ce qu’on est bien sur la page Facebook du PS Suisse?». Voici, en substance, le cœur des réactions suscitées par un message publié le 22 avril dernier sur le réseau social. Dans le contexte du duel Macron-Le Pen, la formation politique appelait à se rendre aux urnes «pour une France antifasciste». Et le PS de préciser: «Si l’extrême-droite arrive au pouvoir, les fondements de la démocratie et de l’État de droit seront en danger. Évitons que l’abstention serve ses intérêts. Votez Macron, faites barrage à l’extrême-droite.» La fin du message, toutefois, masquait difficilement un certain malaise à l’idée de soutenir l’ancien banquier d’affaires: «S’il est élu, il sera possible de combattre toute attaque contre l’État social et la démocratie dans les institutions.» Comprendre: Macron n’est pas le roi des bons types, mais au moins il n’est pas totalement un dictateur, contrairement à son adversaire.
Ces recommandations font dresser les cheveux sur la tête de Yohan Ziehli, collaborateur scientifique de l’UDC Suisse: «Si Madame Le Pen avait été élue, nous nous serions retrouvés avec un parti gouvernemental qui aurait fait face à une personne qu’il avait traitée de fasciste au préalable. Cela me semble inadmissible en matière de bons offices et montre une nouvelle fois que le Parti socialiste est déterminé à miner toute neutralité helvétique, toute capacité, aussi, à jouer notre rôle historique de médiateurs.»
Jean Romain, député PLR genevois, est moins radical, si l’on peut dire. Ce qui ne l’empêche pas de jeter un regard amusé sur les contradictions intrinsèques d’un tel appel: «La posture politique ne m’intéresse guère, c’est la posture idéologique qui me semble curieuse. On peint le diable sur la muraille et derrière on soutient un opposant politique.» Il lui semble en effet assez «cocasse» que le PS appelle à voter pour un représentant de la droite orléaniste alors que Marine Le Pen est politiquement davantage tournée vers les nécessiteux que son rival, à ses yeux.
«Je suis membre d’un parti qui se veut profondément internationaliste, conclut Pierre Dessemontet, «co-syndic» socialiste d’Yverdon-les-Bains: «Je le suis moi-même: je me sens éminemment européen, et quand bien même mon pays a choisi de ne pas rejoindre le processus d’intégration européenne, c’est un point où je suis fondamentalement en désaccord avec lui. Je me sens profondément concerné par ce qui se passe, politiquement, dans les pays européens, et plus encore quand c’est le grand pays voisin avec qui nous avons tant de choses en commun, à commencer par l’histoire.»
Un point de vue forcément partagé par le co-président du parti et conseiller national argovien Cédric Wermuth: «Se prononcer sur les affaires politiques d’autres pays ne date pas d’hier, surtout lorsqu’elles ont un impact potentiel sur la politique internationale. En l’occurrence, les liens de madame Le Pen avec des banques proches du Kremlin inscrivaient cette élection dans le contexte international.» Il précise bien que le PS a appelé à voter Macron non pas par conviction politique, «mais bien pour appeler à faire barrage à l’extrême-droite. Chaque alternative démocratique est meilleure.»
Ingérence ou non? Le débat dépasse le cadre des élections présidentielles, et s’inscrit dans un changement de perception de la notion de neutralité suisse. Un mot, en tout cas, semble de plus en plus avoir fait son temps: «faire barrage». Comme en rigole l’humoriste français Franjo, «maintenant on fait barrage tous les cinq ans; apparemment on est devenus des castors.»




Portrait: rebelle de Parlement

Deux jours avant les élections cantonales vaudoises, Mathilde Marendaz, à l’origine du thème du premier numéro du Peuple (!), commande un chocolat chaud accompagné d’un espresso bien serré dans un charmant café alternatif de la Cité thermale. Quand on lui demande pourquoi elle s’est engagée en politique, l’élue Ecologie et Solidarité de 24 ans énumère tous les combats actuels des partis d’extrême gauche: défense du climat, féminisme, justice sociale, antiracisme, etc. «Depuis toute jeune, je suis affectée par les inégalités. Durant ma dernière année de gymnase, mon professeur de géographie nous a beaucoup encouragés à nous engager et construire le monde de demain. Avec des amis, nous avons organisé un festival écologique à Yverdon, AlternatYv, et des associations d’entraide avec les migrants.»

C’est seulement ensuite que Mathilde Marendaz décide d’adopter une étiquette politique: Les Verts d’Yverdon-les-Bains et les Jeunes Verts vaudois, pour ensuite devenir coordinatrice romande de la formation nationale: «J’étais très motivée et engagée. Il fallait que les choses avancent!»

Elle participe en 2018 aux grèves du climat et aux mouvements de blocage des banques. «M’engager dans ces groupes m’a apporté de fortes réflexions politiques et philosophiques à propos du système économique dans lequel nous vivons et qui ne profite qu’à une petite partie de la population et ravage la planète», souligne la politicienne.

Pourquoi, avec un tel élan, quitter Les Verts pour rejoindre Solidarité & Ecologie? «Durant la ZAD de la Colline du Mormont, je me suis sentie abandonnée par la ministre (ndlr Verte) Béatrice Métraux, qui n’a pas affiché clairement son soutien à la ZAD, et a dit que la production de béton était un résultat de la demande. Alors qu’on a besoin d’une vraie planification écologique. Je comprends qu’elle était obligée d’obéir à une décision de justice, mais l’opération de police a violé plusieurs droits fondamentaux des militants »

Elle déplore le manque de courage politique de son ancienne formation: «Il faut redéfinir notre économie et l’orienter sur autre chose que la croissance du PIB et du profit. Les Verts ne veulent pas le dire pour ne pas entrer en conflit avec certains intérêts privés et capitalistes.»

Enfin, l’élue préfère mettre en avant ce qu’elle appelle une «écologie populaire»: «Les transports publics, coûteux, doivent être gratuits. Les aliments biologiques, coûteux eux aussi, doivent être accessibles pour les moins fortunés. Pour cela, nous prônons un salaire minimal et une taxation plus élevée pour les multinationales du canton de Vaud.»

Tous ces engagements politiques ne sont pas du goût de tous. Samedi 12 mars, une inscription «Mort aux communistes Marendaz, Dridi, & Co.» a été découverte sur la façade de l’hôtel de ville de Lausanne. «J’ai tout d’abord été surprise et choquée. J’ai ensuite compris que mon soutien aux différents mouvements sociaux ne plaisait pas à certains groupes fascistes ou néo-nazis. Je pense que ces formations sont énervées parce que nos revendications prennent une place importante dans le débat public. Je ne tolère pas ces menaces de mort et j’ai donc porté plainte contre inconnu.»

Au soir du 20 mars, Mathilde Marendaz a rassemblé un peu plus de 9000 voix lors du premier tour des élections au Conseil d’Etat. Un score qui la place en 14e position. En parallèle, elle a obtenu un siège au Grand Conseil.




Humeur express: Macron situationniste

«Merci à Emmanuel #Macron pour cette nouvelle télé-réalité. L’émission #LesMarseillais risque d’être déprogrammée, elle ne pourra rivaliser sauf si vous lancez #LesMarseillais à l’Élysée…»

Valérie Boyer, Twitter, 14 mars 2022

Guy Debord avait écrit que «dans un monde réellement inversé, le vrai (était) un moment du faux». On ne saurait dire si Emmanuel Macro est un grand lecteur du fameux situationniste mais toujours est-il que le locataire de l’Elysée vient de se distinguer avec une jolie mise en pratique de la pensée de l’auteur de la «Société du spectacle». Il est vrai qu’il faut une certaine dose de culot pour se choisir un look militaire – un sweatshirt de commando parachutiste sur le dos – dans un palais du 18ème quand, à quelques heures de vol de là, d’autres peuples que le sien s’entretuent à proximité de centrales nucléaires. Cette audace, du reste, n’a pas manqué de faire réagir de nombreux adversaires politiques de «Jupiter» qui se sont immédiatement lâchés sur les réseaux sociaux en établissant un parallèle avec les pires heures de la télé-réalité. De son côté, mal rasé, l’air hagard, ses dossiers sous le bras, Emmanuel Macron semble en tout cas travailler très dur, non seulement au niveau diplomatique, mais aussi pour casser son image de jeune premier. Après François Hollande, Emmanuel Macron » voudrait-il lui aussi devenir un  «président normal»?