L’étrange décoration de la Police de Lausanne

On connaît l’engagement marqué de la Police Municipale de Lausanne (PML) en faveur du multiculturalisme, depuis de nombreuses années, avec des agents spécialisés dans le suivi de ces questions. Ces derniers jours, des passants ont été surpris de découvrir la place prise par cette thématique… dans la décoration même de certains bureaux.

Drapeau albanais, drapeau turc et – plus modeste par la taille – drapeau suisse ornent en effet un mur de l’hôtel de Police, parfaitement identifiable depuis l’espace public. Sur fond de célébration polémique de joueurs de foot d’origine albanaise, en 2018, ou de débats similaires dans le contexte de l’armée, il n’en fallait pas davantage pour que ces images se répandent comme une trainée de poudre sur WhatsApp.

J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Yohan Ziehli, Conseiller communal UDC

Sans surprise, c’est au sein de l’UDC vaudoise que la pilule passe le plus mal. Des interventions politiques sont d’ailleurs envisagées par certains pour demander des explications. Excessif? Légitime? On peut en effet se demander si des drapeaux suédois, ou valaisans, auraient provoqué un même agacement. Conseiller communal UDC lausannois, Yohan Ziehli préfère ironiser : «Je suis opposé à la surrèglementation des aspects les plus anodins de la vie ordinaire à laquelle la Ville de Lausanne nous a habitués. Je ne vais donc pas changer mon fusil d’épaule à cause de la décoration d’un bureau. J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Contactée, la PML ne s’exprimera pas sur la dimension problématique, ou non, de la présence d’étendards d’autres nationalités au sein de ses locaux: «La présence de drapeaux peut s’expliquer par l’attachement à certaines équipes de football ou à certains joueurs. Cela peut aussi avoir un lien avec l’origine de certain-e-s de nos collaborateurs-trices».




Un joueur de foot doit-il épouser les causes de l’époque?

NON, selon Raphaël Pomey
Posons tranquillement le décor: un footballeur musulman très pieux, dont le club est aux mains d’un représentant d’un État appliquant la peine de mort pour les homosexuels, suscite la polémique pour avoir refusé de porter un maillot aux couleurs de l’arc-en-ciel. Est-il vraiment nécessaire de développer pour saisir le ridicule de la situation? Non pas qu’il soit anodin que des personnes LGBT soient encore agressées dans la rue, insultées, ou bien évidemment condamnées par des États en raison de leurs inclinations propres. Simplement, il paraît tout de même doucement hypocrite que l’on demande à des sportifs de porter des causes qui les dépassent et dont on peut légitimement penser qu’elles ne hantent guère les nuits de leurs patrons du Golfe. Idrissa Gana Gueye n’est sans doute pas le plus tolérant des hommes, mais il se trouve que son travail consiste à taper dans un ballon, et non pas à porter le feu de l’égalité aux humains, tel un Prométhée post-moderne. A force de demander à des personnalités extérieures au jeu politique de s’engager sur des enjeux qui, eux, relèvent très clairement de la chose publique, un risque fait peu à peu surface: que l’engagement citoyen ou associatif de base, ciment de notre société, paraisse peu à peu inutile. A quoi bon s’exprimer à propos de la gestion des comptes d’une société de tennis si, de toute manière, il n’y a que des grandes causes dans ce monde, sur lesquelles n’importe quel avis fait autorité? Loin de permettre une «évolution des mentalités», comme on nous le promet toujours, la multiplication des «journées de» et des actions symboliques noie surtout les souffrances de ce monde dans une guimauve vaguement dénonciatrice qui ne sert à personne.

OUI, selon Jérôme Burgener
Faisons fi des idéologies qui gravitent autour de cette affaire et revenons sur la réelle question qui se pose ici. Il s’agit simplement d’une relation contractuelle entre une entreprise et son employé. Revenons sur la définition d’un contrat. Il s’agit d’un accord volontaire entre deux ou plusieurs personnes, faisant naître des obligations entre elles. Pascal Salin, économiste et philosophe français, en donne une description encore plus précise dans «Libérons-nous», sorti en 2014: «Si un contrat existe, c’est évidemment parce qu’il est satisfaisant pour les deux co-contractants. Si le contrat est librement décidé et signé, il rend impossible toute domination des uns par les autres: les contractants partagent la même liberté et la même dignité.» Idrissa Gana Gueye a, en 2019, signé un contrat avec le PSG lui rapportant plus de sept millions d’euros par année. Nous pouvons bien imaginer que l’accord spécifie que le joueur doit porter le maillot, donc l’uniforme, du club qui l’a engagé. Un peu comme un employé de McDonald’s ou un agent de police. Si le joueur refuse de porter le maillot, même si celui-ci affiche les couleurs arc-en-ciel à titre exceptionnel pour la journée de la lutte contre l’homophobie, il n’honore pas les termes du document qui le lie à son club. Ce dernier peut donc prendre des sanctions contre Idrissa Gana Gueye. Une décision qui semble difficilement contestable, si elle a lieu. La pression exercée par Rouge Direct, qui dénonce l’homophobie dans le sport, est plus contestable. L’association a interpellé les deux parties ainsi que la ligue sur Twitter: «L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit. La ligue et le PSG doivent demander à Gana Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant.» On doute que cette ire résulte d’une rupture de contrat.




Pour une histoire méditative…

Il y a quelques années, un professeur d’université n’hésitait pas à affirmer que «c’est la pensée de l’historien qui crée le fait historique». L’éminent homme voulait faire comprendre à ses étudiants que l’histoire est une construction et non un fait. Il en va de même dans l’enseignement obligatoire, où les élèves doivent «construire» l’histoire, non sans l’avoir «déconstruite» au préalable, à l’aide de «situations problèmes». Est-ce étonnant ? Non, l’histoire est davantage devenue le lieu du «mémoriel». Comme l’écrivait déjà Dom Guéranger en 1858: «Le grand malheur de l’historien serait de prendre pour règle d’appréciation les idées du jour, et de les transposer dans ses jugements sur le passé.»

Mais qu’est-ce que l’histoire ? Pour l’historien et paléographe Charles Samaran (1879-1982), l’histoire est une «connaissance du passé humain fondée sur le témoignage». De plus, il n’y a «pas d’histoire sans documents, le mot document étant pris au sens le plus large: document écrit, figuré, transmis par le son, l’image ou toute autre manière.» Enfin, «il n’y a pas d’histoire sans érudition, c’est-à-dire sans critique préalable des témoignages.» Connaissance du passé, documents et érudition, mais où est «le devoir de mémoire» si cher à nos contemporains? Dans son brillant essai sur l’histoire des Européens, Dominique Venner (1935-2013) éclaire notre lanterne à ce sujet: «Bien que le domaine de l’histoire soit le mémorable, la «mémoire», tant invoquée à la fin du XXe siècle, se distingue de l’histoire. L’histoire est factuelle et philosophique alors que la mémoire est mythique et fondatrice.»

Fondateur du Grapo

Pio Moa illustre très bien cette démarche. Né en 1948, activiste antifranquiste, membre fondateur du mouvement terroriste GRAPO (l’aile armée du parti communiste espagnol), il se retire de l’action politique au début des années huitante. De 1988 à 1990, il dirige deux revues historiques espagnoles et devient bibliothécaire de l’Ateneo de Madrid. C’est en cette qualité qu’il a pu avoir accès aux archives de la Fondation socialiste Pablo Iglesias. Il vit là son chemin de Damas. Après une étude minutieuse des documents, il arrive à la conclusion que les responsabilités de la guerre civile incombent à la gauche. Il n’est plus question de «mémoire» mais de faits.
Outre une substantielle introduction pour le lecteur francophone, rédigée par Arnaud Imatz qui replace l’ouvrage dans son contexte, le livre se divise en deux parties. Dans la première partie, l’auteur présente les différents personnages politiques qui interviennent dans cette marche vers la guerre. Il clôt cette galerie de portraits par d’intéressantes considérations sur les causes de la guerre civile. La deuxième partie, quant à elle, répond à différentes questions précises telles que: «L’or envoyé à Moscou, un mythe franquiste?», «La plus grande persécution religieuse de l’histoire», «L’énigme Franco», etc.

L’ouvrage de Pio Moa nous rappelle que le mot d’ordre de l’historien n’est pas de juger mais de comprendre. Il est commode de condamner mais il est plus difficile de comprendre. L’autre, celui qui ne pense pas comme nous, ne doit pas devenir nécessairement un suspect, un ennemi ou pire un monstre. Une fois de plus, il nous faut rencontrer l’humain dans toute son épaisseur, ses paradoxes et ses contradictions. En ce sens, l’histoire devient une compréhension méditative, j’oserais même dire contemplative du passé. A rebours de tout prêt-à-penser, l’histoire peut enfin être source d’identité, de sagesse ainsi qu’une aide pour supporter le présent.




Édito: en route vers la révolution lacrymale

D’abord ne pas tomber dans le panneau: la rénovation du parc immobilier suisse constitue sans doute un enjeu important, et il est admirable que des personnes d’horizons divers aient choisi de consacrer leur énergie à un dossier si technique, dont ils maitrisent certainement tous les enjeux. D’autres individus, dans notre société, s’engagent contre la précarité (y compris à travers des angles surprenants comme la précarité menstruelle), contre les souffrances des mères célibataires, contre les méfaits des addictions… Autres causes tout aussi honorables, chacun en conviendra, mais qui ne conduisent pas leurs défenseurs à empêcher la population de se rendre au travail en bloquant des autoroutes sous l’œil bienveillant des
journalistes de notre télévision d’État.

Entre tyrannie de l’émotion et révolte adolescente, les modes d’action et de
communication de ces activistes traduisent un affaiblissement du sens politique inquiétant.

Le Peuple

Dans ce premier numéro, nous avons notamment choisi de nous pencher sur le phénomène «Renovate Switzerland». Non pas que les objectifs du mouvement, visant à «sauver des vies» selon son ambitieuse description, nous soient foncièrement déplaisants. Simplement, entre tyrannie de l’émotion et révolte adolescente, il nous apparaît que les modes d’action et de communication de ces activistes traduisent un affaiblissement du sens politique inquiétant. Nous vivons dans un système de démocratie directe: il a certainement ses faiblesses mais il présente l’avantage de permettre à tout un chacun de briguer un mandat pour porter, sans danger pour sa sécurité et celle d’autrui, ses préoccupations dans des lieux de décisions politiques. Or que font ces activistes, dont la seule autorité repose sur le fait d’être «très inquiets» pour leur futur, pour l’avenir de leur famille, ou alors d’être des «grands-papas» et des «grand-mamans» (notez le niveau de langage infantilisante) préoccupés? Ils défient l’Etat en se collant la main sur des autoroutes, c’est-à-dire en faisant une grosse bêtise pour laquelle on gronderait n’importe quel enfant. Puis ils demandent à ce même Etat de venir les secourir (via des ambulances fonctionnant avec un moteur) et, ultimement, d’accéder à leurs revendications.

Quelque chose ne va pas très bien dans la santé morale d’un peuple quand se comporter comme un enfant capricieux, prompt à pleurer devant les caméras pour imposer sa cause, permet de peser sur le débat politique. La chose peut sembler surprenante, mais l’on viendrait parfois presque à regretter Extinction Rebellion, dont les militants avaient au moins pour eux de ne pas se liquéfier après chaque action choc. Les enjeux écologiques sont importants, et méritent mieux qu’une révolution lacrymale.




Sur les pavés, le collage

Dans un café biennois, la responsable presse de Renovate Switzerland, Cécile Bessire, explique, non sans manifester à plusieurs reprises une anxiété palpable pour l’avenir, la raison d’être de ce nouveau mouvement citoyen: «Renovate Switzerland est constitué de personnes différentes, certaines d’entre elles se sont rencontrées auparavant dans d’autres organisations. Nos sympathisants ont constaté que toutes les précédentes actions n’ont pas réussi à amener les changements nécessaires. Ils ont ensuite réfléchi aux stratégies les plus pertinentes et efficaces à mener, afin que le gouvernement se mette à agir vraiment pour la cause climatique.»
Certains activistes sont donc des déçus d’autres mouvements écologistes connus tels que la Grève pour le climat ou Extinction Rebellion (XR). La Biennoise, pour sa part, est justement passée par la case XR: «On n’en fait pas vraiment «partie». Se rebeller contre l’extinction, c’est une activité.» Une activité à part entière, puisque Cécile Bessire a abandonné son emploi de logopédiste pour faire de la résistance civile son métier: «Si nous ne le faisons pas, nous risquons de perdre bien plus, à savoir tout ce que nous connaissons, tout ce que nous aimons» décrit-elle, pour le moins confiante quant à la capacité de son mouvement à redistribuer les cartes. «Face à ça, mon confort personnel n’a que peu d’importance.»

«LES JOURNALISTE SONT TRÈS CONTENTS QUE NOUS LES INVITIONS ET QU’ILS AIENT QUELQUE CHOSEÀ RACONTER.»

Cécile Bessire, Responsable presse Renovate Switzerland

Mais mener bataille sur le terrain a un coût, aussi bien matériel que juridique, lorsqu’il s’agit de faire face aux sanctions. La responsable presse énumère plusieurs sources de financement, comme des particuliers qui ne peuvent ou ne veulent pas se coller la main sur des routes. Renovate Switzerland perçoit également de l’argent d’un fonds international pour le climat soutenant des initiatives citoyennes, Climate Emergency Fund (lire en fin d’article).
Les revendications du mouvement sont simples. Il demande au Conseil fédéral de mettre en œuvre un vaste programme de rénovation des bâtiments, aussi bien publics que privés. Cela concerne, selon Renovate Switzerland, un million de constructions, à l’horizon 2040. Quand il s’agit de détailler le montant nécessaire pour mener à bien ce véritable nettoyage des écuries d’Augias, Cécile Bessire reste évasive: «Dans tous les cas, la somme sera moins élevée que les coûts engendrés par la crise climatique si nous n’agissons pas maintenant. Il faut voir la rénovation des bâtiments comme un investissement. Elle améliore le confort de vie, augmente la valeur de biens immobiliers, crée des emplois, etc.»

Tout le monde passe à la caisse

Pour accomplir cet ambitieux projet, Renovate Switzerland prévoit que tout un chacun passe à la caisse via l’impôt. Ainsi, c’est l’argent public qui viendrait augmenter la valeur des biens immobiliers détenus par des privés, souvent aisés.
Une problématique qui ne trouble pas la citoyenne biennoise: «Il faut se rendre compte que nous allons tous payer très cher ces prochaines années à cause de l’inaction du gouvernement durant les trois dernières décennies. Nous allons payer financièrement, mais aussi avec nos vies et notre confort. Il n’y a plus de bonne solution.»
Ce qui peut frapper, surtout lors de la première action menée le 11 avril à la hauteur de la sortie d’autoroute de Lausanne-Malley, c’est la présence de nombreux journalistes dont ceux de la télévision fédérale, avant le début de l’action.
Cécile Bessire explique que les représentants des médias avaient été mis au courant au préalable: «De manière générale, nous pouvons faire confiance aux journalistes. Il suffit d’être clair sur la nature des actions que nous menons. Ils sont, en général, contents que nous les invitions et qu’ils aient quelque chose à raconter.»
L’apparition de ce nouveau mouvement fait réagir Johann Dupuis, conseiller communal de la Ville de Lausanne et spécialiste des questions climatiques. Pour lui, ces formes d’actions coup de poing ne sont pas forcément la meilleure solution: «L’expérience nous montre que les rassemblements de masse avec des revendications clairement articulées sont bien plus susceptibles d’exercer un impact sur le monde politique et l’ensemble de la population. Dix mille citoyens dans les rues auront toujours plus d’impact sur les politiciens que douze personnes isolées. Les manifestations de masse dans l’espace public sont des leviers majeurs des changements démocratiques alors que de telles actions coup de poing s’inspirent en partie du registre militaire et peuvent provoquer du rejet chez celles et ceux qui les subissent.» Il souligne qu’un programme national d’assainissement du bâti est une urgence et que le but de Renovate Switzerland est louable, tout en déplorant que ces fonds alloués soient toujours des subventions aux propriétaires et qu’ils aboutissent souvent à des augmentations de loyer pour les locataires. Cécile Bessire précise que les demandes de Renovate Switzerland incluent la protection des locataires contre cette éventualité.
Les citoyens prenant part aux actions de Renovate Switzerland se revendiquent d’une démarche nécessaire, contraignante mais néanmoins pacifiste. L’est-elle vraiment? Pas si sûr selon Samuel Thétaz, avocat au barreau et associé chez Métropole Avocats à Lausanne: «Le terme terrorisme est sans doute trop fort, mais si on le définit comme l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique, on s’en rapproche.» Il justifie: «J’estime le blocage d’une voie routière comme relevant d’une violence inouïe faite aux usagers de la route, qui en sont des victimes. Ils ne roulent pas par plaisir, mais pour des nécessités que ces gens ne semblent pas connaître, ou pas vouloir reconnaître. » Si Samuel Thétaz devait un jour défendre un automobiliste impliqué dans un accident avec un membre de Renovate Switzerland, il ne ferait aucune concession: «Je n’aurais aucun scrupule à demander son acquittement pur et simple et à nier toute forme de faute de sa part.»

«Au fond, il s’agit d’une forme de misanthropie. L’homme est mauvais parce qu’il pollue, il convient donc de le haïr.»

Samuel Thétaz, Avocat au barreau associé Métropole Avocats

Une justice complaisante?

Si Samuel Thétaz estime que le cadre juridique suisse est suffisant, il déplore un certain laxisme vis-à-vis des actions climatiques: «Des juges de première instance ont reconnu l’an passé la légitimé politique d’actions de membres d’Extinction Rebellion, en tordant la notion juridique de l’état de nécessité et en faisant prévaloir leurs opinions privées dans leurs jugements. Certains magistrats ne peuvent pas se résigner à faire inscrire une ligne au casier judiciaire d’un prévenu alors que sa lutte leur paraît juste. Nous assistons parfois, stupéfaits, à des acquittements de délinquants au nom d’une loi supérieure, aussi quelquefois, parce que des retraits de plainte sont intervenus.»
Il souligne que l’état de nécessité n’a jamais été retenu par le Tribunal fédéral dans ces cas d’espèce, ni, à sa connaissance, par des Cours pénales de deuxième instance: «Cette rectitude des autorités pénales supérieures ne procède pas simplement de garanties de la sécurité du droit, mais elle permet à la société de ne pas devenir l’objet des tenants de la force. J’appelle de mes vœux la poursuite des manifestants également pour contrainte, dans la mesure où, par leurs actions, ils entravent les usagers dans leur liberté d’action. La contrainte, infraction d’une gravité certaine, relevant d’un délit contre la liberté, est poursuivie d’office, ce qui rendrait d’éventuels retraits de plainte inopérants. Je suis certain que, si ces manifestants étaient condamnés aussi pour contrainte, nous verrions le nombre de candidats à ces navrantes opérations diminuer en flèche.»
La virulence de ce type d’interventions n’est pas de nature à décourager la Biennoise Cécile Bessire: «Je les comprends, car ce que nous faisons est désagréable, aussi bien pour les personnes prises dans les bouchons que pour nous. Les gens sont fâchés car nous les perturbons dans leur routine et c’est compréhensible. Nous y sommes préparés et nous savons que nous ne sommes pas là pour être appréciés. La plupart des participants n’ont pas envie de faire ça. Nous sommes forcés de le faire.»

Qu’est ce que Climate Emergency Fund?

On peut lire sur le site de Climate Emergency Fund que le fonds a été créé par «un groupe prestigieux de philanthropes ayant des liens avec le monde des affaires et de la politique».
Parmi ces fondateurs, on retrouve Trevor Neilson. Il a officié en tant que directeur exécutif de «Global Business Coalition», un groupe de santé mondiale créé grâce aux investissements de Bill Gates, George Soros et Ted Turner.
Toujours selon le site, le fonds a été inspiré, en partie, par des étudiants protestataires comme Greta Thunberg. Ses organisateurs ont déclaré qu’ils travaillaient avec de jeunes militants aux États-Unis, comme Katie Eder, qui dirige la Future Coalition, pour offrir des «kits de démarrage pour militants». Ils recevront des outils tels que des porte-voix et des documents imprimés.
Le message de Trevor Neilson est clair: «Si vous êtes un enfant qui veut lancer quelque chose, nous vous soutiendrons. Les adultes vous ont laissé tomber dans la lutte contre le changement climatique.» Il faut toutefois noter la présence de Willy, Pascale, Eric ou encore Christian dans les rangs de Renovate Switzerland, les quatre un brin plus âgés que des «enfants».
Climate Emergency Fund explique avoir déjà financé 83 organisations, formé près de 20 mille activistes climatiques et mobilisé plus d’un million de militants, depuis sa création en 2019. Rien que cette année, 1,7 million de dollars ont été engagés pour 23 formations qualifiées de «courageuses et ultra-ambitieuses».
Parmi ces formations, quelques noms connus figurent: Scientists Rebellion, un Extinction Rebellion constitué de scientifiques. Une action avait été menée au début du mois d’avril à Berne. Just Stop Oil est aussi financé par le fonds. La demande du collectif est très claire: l’abandon de l’utilisation des énergies fossiles.




Le peuple ? Racines et ouvertures…

«Le Peuple? Certainement un média de la droite nationaliste et xénophobe! Pourquoi? Parce que dans toute l’Europe, il y a des partis du Peuple (Volksparteien) qui portent ces valeurs immondes!»

«Le Peuple? Certainement un média de la gauche ouvrière et révolutionnaire! Pourquoi? Parce que dans toute l’Europe, il y a des maisons du Peuple qui véhiculent ces valeurs détestables!»

Le Peuple. Un nom difficile à porter pour un nouveau média! Difficile, car il est associé à des idéologies que tout oppose. Un nom prometteur aussi. Car après Dieu, il est le premier de la constitution fédérale.

«Au nom de Dieu Tout-Puissant! Le peuple et les cantons suisses…»

Les Suisses ne sont pas les seuls à avoir placé «le peuple» au début de leur texte fondateur. Ainsi, la constitution américaine commence par ces mots: «We the People of the United States…».

J’entends déjà des railleurs dire: «Le peuple américain? Nous savons tous qu’il est profondément divisé entre démocrates et républicains. Ce n’est pas un exemple!»

Et j’entends d’autres murmurer : «La référence à un Dieu Tout-Puissant dans la constitution suisse? C’est parfaitement anachronique. Et puisque Dieu n’y a pas sa place, le peuple non plus!»

Et si au contraire «Dieu» et «le peuple» y avaient toute leur place ? Encore faut-il s’entendre sur le sens de ces mots.

Le préambule de la constitution fédérale commence par l’invocation du «Dieu Tout-puissant» et se termine par cette affirmation: «…la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres». Comme le rappelle la croix du drapeau suisse, en référence au Christ crucifié et ressuscité, la puissance de Dieu est celle qui permet au plus faible de sortir de son malheur. Seule cette toute-puissance au cœur de la faiblesse a une place dans nos vies. Tout autre «Dieu» est
dangereux.

Le peuple suisse, comme tout autre peuple, est une communauté plurielle avec des racines communes et des ouvertures à vivre. Dans la Bible, texte fondateur de la Suisse et de l’Occident, il est très souvent fait référence à «Dieu» (theos) et au(x) «peuple(s)» (laos), aux fondations et aux finalités, à savoir la liberté et la convivialité.

Le Peuple? Oui! Puisse ce nouveau média, au-delà des images caricaturales sur les partis de droite et de gauche, prendre au sérieux les racines et les ouvertures dont tout le peuple suisse a vitalement
besoin!

Shafique Keshavjee est théologien, auteur et pasteur




La bête noire de l’industrie du sexe débarque à Vevey

L’un des fers de lance de la lutte contre le coût humain de la pornographie sera l’invité des acteurs chrétiens des médias. RAPHAËL POMEY

Vous n’avez pas encore entendu parler de Benjamin Nolot? Alors vous ne lisez probablement pas le «New York Times». A la fin de l’année 2020, le prestigieux quotidien a en effet salué dans une chronique le combat de ce producteur, réalisateur et activiste américain, ennemi juré de la plateforme «Pornhub». A la suite de ce coup de projecteur, le site pornographique, jusqu’alors tout puissant, s’est retrouvé sous les feux des projecteurs, accusé d’héberger non seulement des contenus impliquant des personnes mineures, mais aussi des contenus issus de scènes non consensuelles. En français clair: de viols. Retrait de 80% de son contenu, paiements bloqués par Visa et Mastercard, consommateurs en colère… les conséquences n’ont pas manqué.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’un des autres aspects de l’engagement de ce chrétien fervent, dans le domaine de la prostitution cette fois-ci, lui a été révélé… dans notre pays! Il raconte: «J’ai reçu cette vision d’une abolition générale alors que je me trouvais en Suisse. Durant un séjour à Thoune, je contemplais les rues pavées, un soir. Et au cours d’une balade, je me suis retrouvé au milieu du quartier chaud. Je pouvais voir une femme asiatique et une lampe rouge dans la fenêtre d’une maison close. On comprenait que cette femme était à vendre. Je n’en croyais pas mes yeux. Je me trouvais dans une des plus belles villes que j’aie jamais visitées, nichée dans les Alpes suisses… et même ici se trouvait un quartier chaud avec des signes évidents de trafic sexuel! La nuit suivante, j’ai marché dans un autre secteur de la ville et j’ai encore découvert un autre secteur où des femmes de l’Est devaient se prostituer. Plus tard, j’ai réfléchi à tout cela et j’ai réalisé que la seule raison pour laquelle ces zones de prostitution se trouvaient là est que personne n’avait tenté de les proscrire. La plupart des gens ne comprennent pas le sort de ces femmes et comment elles en sont arrivées là. On ferme les yeux et on l’accepte comme une partie de notre ‹culture›. C’est à ce moment que j’ai commencé à avoir cette vision de mettre en place un mouvement d’abolition global. Un mouvement au sein duquel nous pourrions mobiliser des personnes à travers le monde pour éveiller les consciences concernant l’injustice du trafic humain.»

Un ministère sous pression

Si le combat de Benjamin Nolot en faveur de droits humains fondamentaux semble inattaquable, certains lui reprochent d’être sous-tendu par des objectifs trop chrétiens, trop conservateurs. Une critique comprise mais nuancée par Christophe Hanauer, de Millenium-Production, l’un des artisans de sa venue à Vevey, le 21 mai prochain, dans le cadre d’un événement sur plusieurs jours réunissant des acteurs des médias chrétiens romands. «On est au cœur de certains paradoxes de notre société. Les personnes qui critiquent Nolot pour ses positions personnelles ou pour ses opinions politiques devraient être les premières à défendre ce qu’il fait avec son organisation ‹Exodus Cry›».

Estelle Romano, dont «Fragrance of faith» sera diffusé au cinéma Rex le 21 mai, estime quant à elle que certaines attaques, portant sur un aspect «trop business» de Benjamin Nolot, doivent aussi être relativisées, tant «Jésus reste au centre de son ministère».

Des émules en Suisse

En Suisse aussi, certains suivent les pas de Benjamin Nolot, dont Nicolas Frei, qui propose notamment un cours en ligne pour se débarrasser de l’addiction au porno via son site innocence.ch. Il ne cache cependant pas que des différences de sensibilités, politiques par exemple, peuvent exister à l’égard d’un acteur parfois montré du doigt par la presse pour ses «Trump ties», soit un soutien jugé trop prononcé pour le tribun républicain:  «Nolot a milité durant des années pour que certains contenus soient retirés, notamment des vidéos impliquant des victimes de trafic humain. Je pense que c’est bien plus important que l’idéologie qui sous-tend ce qu’il fait.»

Diffusion de «Fragrance of Faith» le 21 mai prochain au Cinéma Rex de Vevey, en présence de Benjamin Nolot (Exodus Cry), Claude Ziehli (Mercy Ships) et Roberto Agosta (SwissLimbs).