Édition 35 – À déguster comme un cigare cubain

Chers amis,

Pour vous accompagner en vacances, nous sommes heureux de vous proposer une édition qui nous plaît. Elle nous plaît car elle est à la fois irrévérencieuse, drôle parfois, et sérieuse sur les sujets sérieux.

Nous espérons qu’elle vous permettra de regarder les choses d’en haut.

Bonne découverte à tous et, pour nos anciens clients en ligne sur la plateforme partager.io, n’oubliez pas : vos abonnements n’étant plus automatiquement reconduits, il est temps de passer dans notre nouveau système

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Le facteur sonne toujours deux fois

En lisant l’entretien de Christian Levrat dans le 24 Heures du 21 juin, j’ai eu une pensée émue pour Cyril, le facteur de mon enfance. Chaque jour, du lundi au samedi, il faisait le tour d’une kyrielle de villages et hameaux. Revêtu de l’uniforme et de la casquette règlementaires, il connaissait tout son petit monde, des nouveau-nés au vieillard à la barbe fleurie. Il prenait des nouvelles de chacun, partageait les soucis du quotidien, livrait des médicaments, amenait l’argent de l’AVS aux retraités et aidait à remplir des formulaires administratifs, tout cela en livrant courrier et paquets. Il n’hésitait pas à prendre un café et ne refusait jamais un petit coup de gnôle. Aujourd’hui, selon Monsieur Levrat, « La Poste s’adapte à l’évolution des besoins ».

Une question de lien social

Le libéralisme du camarade et ancien syndicaliste Levrat, confirme la triste constatation de Karl Marx et d’Engels dans le Manifeste du parti communiste : « La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire.
Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses « supérieurs naturels », elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. »

Et oui, il reste des choses à en tirer.

Dans son ouvrage Gemeinschaft und Gesellschaft (1887), le sociologue social-démocrate allemand Ferdinand Tönnies (1855-1936) explore les dynamiques du lien social et pose les bases d’une distinction fondamentale entre deux types de relations humaines : la communauté (Gemeinschaft) et la société (Gesellschaft). Tönnies met en lumière les transformations sociales et les tensions entre tradition et modernité, offrant une analyse profonde de la structure sociale et des interactions humaines.

De la communauté…

La communauté, selon Tönnies, se définit par des relations personnelles et durables. Elle est souvent associée aux structures sociales traditionnelles comme la famille, les villages ou les groupes ethniques. Dans la communauté, les interactions sont basées sur des liens affectifs et une solidarité naturelle : « La communauté est un groupe basé sur des sentiments d’appartenance et de coopération, où les individus se voient comme une fin en soi plutôt que comme un moyen ». Les exemples typiques de Gemeinschaft incluent la famille et les communautés rurales. Dans ces contextes, les relations sont caractérisées par une forte cohésion sociale et des valeurs partagées. Par exemple, la famille est un espace où les individus interagissent de manière altruiste et solidaire, avec des rôles clairement définis et des obligations réciproques.

La communauté joue un rôle crucial dans la socialisation et la transmission des normes et valeurs. Elle offre un cadre de sécurité et d’identité aux individus. 

… à la société

À l’opposé de la communauté, la société se caractérise par des relations impersonnelles, contractuelles et souvent temporaires. Les interactions sont basées sur des intérêts individuels et économiques : « La société est une agrégation d’individus indépendants où les relations sont fonctionnelles et utilitaires, basées sur des contrats et des échanges ». La société favorise l’innovation, la mobilité sociale et l’efficience économique. Cependant, elle peut aussi engendrer l’aliénation, l’individualisme exacerbé et la fragmentation sociale. Les relations impersonnelles peuvent conduire à un sentiment de solitude et à une perte de sens collectif. Tönnies avertit : « La société, en privilégiant les relations contractuelles et utilitaires, risque de déshumaniser les interactions sociales et d’éroder le tissu social »

Une saine tension

Les tensions entre communauté et société sont inévitables. La société actuelle doit trouver des moyens d’intégrer les valeurs communes pour maintenir le lien social. Les politiques publiques et les initiatives communautaires jouent un rôle crucial dans cette médiation pour le bien commun. Une chose est certaine, ce n’est pas en fermant des offices postaux que l’on y parviendra. Sinon, avec Céline, j’affirme que tout finira par la canaille.

A bon entendeur, salut !




Un 1er août de la division à Lausanne

Cet article est publié en partenariat avec l’organisation Pro Suisse.

« Célébrer l’engagement et la tradition humanitaire de la Suisse ». C’est avec cette volonté que la Ville de Lausanne a annoncé ce mercredi la personnalité de son invité d’honneur pour les festivités du 1er août : Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). « Personnalité́ suisse incontournable sur la scène diplomatique internationale », il est décrit comme incarnant « parfaitement l’engagement pour la paix et la tradition humanitaire de notre pays, partie intégrante de notre histoire et de notre cohésion nationale. » 

« De l’huile sur le feu »

À peine annoncé, ce choix a fait tousser. Sur les réseaux sociaux d’abord, avec près de 8000 vues sur X (ex-Twitter) et des commentaires virulents : « Aviez-vous vraiment besoin de jeter de l’huile sur le feu et d’attiser les divisions entre Lausannois un jour de fête nationale ? », tonnait un internaute le jour-même. Et un autre d’enchaîner : « Mes pensées vont à la communauté Juive de Lausanne qui appréciera votre initiative à sa juste valeur. » Il faut dire que depuis plusieurs mois, la neutralité de l’UNRWA dans le conflit au Proche-Orient fait débat. À tel point que le renouvellement du soutien de la Suisse à l’agence onusienne a suscité d’âpres débats au niveau fédéral, pour finalement déboucher sur une solution de compromis à dix millions. 

Cette semaine, cette défiance vis-à-vis de la posture de l’UNRWA a suscité un élan pétitionnaire. Diffusée par des milieux pro-Israël, chrétiens ou en encore laïcs, une lettre demande à la Ville de revenir sur un choix « désastreux », la neutralité suisse étant carrément « bafouée » un jour de la fête nationale. Parmi ses relais politiques, Patrizia Mori, de l’UDC Lausanne : conseillère communale « qui tient à sa ville et à la neutralité », elle dit s’être sentie « révoltée » à la lecture du communiqué de la Ville. « J’ai trouvé ça complètement incompréhensible. Il y a un lieu et un temps pour tout… »

Aurait-on assisté à une « faute morale » de Lausanne ? Le député Vert’libéral David Vogel n’ira pas jusque-là. Ces derniers mois, cet élu est souvent monté au front contre les occupations d’université ou la hausse des actes antisémites, mais il tempère « Les pratiques de l’UNRWA ont été et sont critiquées par certains et sont louées par d’autres. Libre à la Municipalité d’inviter qui elle veut et d’être de ceux qui la supporte, c’est son droit. »

Pas la bonne année

Le problème, à ses yeux, est de faire un tel choix cette année en particulier : « Dans un tel contexte très « chaud » sur la question israélo-palestinienne, vu les évènements à l’UNIL et à l’EPFL, vu les dérapages antisémites en hausse, c’est importer en terre vaudoise un conflit et créer des tensions dont on aurait largement pu se passer. Résultat ? Des partisans chauffés à blanc des deux bords vont venir avec des drapeaux israéliens et palestiniens pour soutenir leurs idées et on va oublier de parler de ce qui nous réunit. Le 1er août est et doit être une fête qui rassemble, qui unit. Là, la Municipalité fait le choix politique de diviser et de créer des tensions. C’est d’une rare sottise que de ne pas prendre cet élément en compte dans son choix des invitations. » 

Et de préciser qu’il aurait réagi de la même manière si Lausanne avait invité l’ambassadrice israélienne ou un représentant de l’Autorité palestinienne.

Le syndic de Lausanne maintient de la choix de la Ville: « Un message de paix et de dialogue ». (Photo: Ville de Lausanne)

Le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, réagit aux critiques

– Ces réactions surprennent-elles la Ville ?

Nous vivons une époque où l’actualité internationale, souvent tragique, nous préoccupe et occupe une place importante dans le débat politique en Suisse. C’est donc normal qu’il y ait des réactions. Philippe Lazzarini est suisse et a suivi une partie de ses études à Lausanne.

Engagé depuis trente ans dans l’aide humanitaire dans des zones de conflit, il est aujourd’hui commissaire général de l’UNRWA, poste auquel il a été nommé par le secrétaire général des Nations Unies. Il fait donc partie des citoyens suisses qui occupent parmi les plus hautes fonctions au niveau international. C’est dire s’il est légitime à être notre invité d’honneur à l’occasion de la fête nationale. Son engagement symbolise parfaitement la tradition humanitaire de la Suisse, constitutive de ce qu’est la Suisse. C’est un message fort de paix, de solidarité à l’égard de toutes les victimes civiles sur un terrain de conflit armé qui pourra être entendu le 1er août prochain.

Enfin, il convient de rappeler que la Suisse, comme de très nombreux États, a rétabli son soutien à l’UNRWA, après que l’organisation a été lavée de tout soupçon de complicité dans les atroces massacres commis par le Hamas le 7 octobre dernier.

– Depuis combien de temps cet invité était-il prévu ?

Les premiers contacts ont été pris il y a quelques semaines.

– Sur le fond, une telle invitation est-elle prudente dans la foulée des tensions qui ont notamment marqué les esprits à l’UNIL sur fond de conflit au Proche-Orient ?

Ne mélangeons pas tout. Philippe Lazzarini est un haut fonctionnaire de l’ONU, une des personnalités suisses les plus en vue sur la scène internationale et un acteur majeur de la solidarité avec les victimes civiles dans un conflit armé. C’est une figure dont l’engagement fait honneur à la Suisse et à sa tradition humanitaire. La Suisse a d’ailleurs été un acteur important de la paix au Proche-Orient avec son soutien à l’initiative de Genève en 2003.

 La fête nationale est un moment de rassemblement et de communion. C’est un message de paix et de dialogue qui sera porté le 1er août prochain, dans la tradition de notre pays.




Comprendre la décadence

Après avoir publié de nouvelles traductions de Max Scheller (L’homme du ressentiment) et de G.K. Chesterton (Orthodoxie), ainsi que la première version française de L’État servile d’Hilaire Belloc, les éditions Carmin poursuivent leur œuvre de salubrité intellectuelle en éditant deux œuvres de Théodore Darymple. Quel est l’intérêt de cet auteur britannique inconnu du public francophone ?

Depuis bien longtemps j’apprécie et goûte presque quotidiennement à la prose de Bossuet, l’intraitable et pourtant irénique évêque de Meaux. Je garde précieusement dans ma sabretache un petit volume de l’auteur du Grand Siècle, que ce soient les Oraisons funèbres, les Discours sur l’histoire universelle, les Elévations ou encore l’Histoire des variations des églises protestantes. Dans les transports publics, lors de pauses ou en compagnie de raseurs, je sors mon « Bossuet ». Il y a quelques semaines je suis tombé sur une phrase toujours mal citée et souvent tronquée du grand évêque : « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance ». Ce constat clair et sans appel n’a pas pris une ride et vaut pour nous aujourd’hui. Force est de constater que peu d’auteurs vont au-delà de la déploration de ce qui ne va pas. Les deux livres de Théodore Darymple : Life at the Bottom (Zone et châtiment) et Our Culture, What’s left of it (Culture du vide), que viennent de traduire et de publier les éditions Carmin, nous ouvrent un chemin sans concession ni prise de tête afin de comprendre les causes de la décadence de notre société.

Theodore Darlymple, de son vrai nom Anthony Malcolm Daniels est un auteur, psychiatre et critique culturel britannique. Loin de se contenter de théories et de vaticinations convenues, il nous propose des analyses profondément influencées par son expérience de médecin et de psychiatre dans les quartiers les plus défavorisés et les prisons anglaises. Il ne s’agit pas de résumer les ouvrages qui viennent de paraître en français, mais plutôt d’explorer les idées centrales de la pensée de Darymple.

Darlymple propose des analyses influencées par son expérience de médecin et de psychiatre dans les quartiers les plus défavorisés et les prisons anglaises

Littérature et philosophie

Bien que les écrits de Darymple fassent référence à ses riches expériences professionnelles, il s’appuie fréquemment sur des œuvres littéraires pour illustrer ses points de vue et fournir des perspectives plus approfondies tant sur la société que sur la nature humaine. Des auteurs tels que Fiodor Dostoïevski, Georges Orwell et Joseph Conrad comptent parmi ses influences clefs, offrant ainsi des perspectives sur la complexité de la condition humaine ainsi que les dilemmes auxquels sont confrontés les personnes et les sociétés.

L’utilisation de la littérature par Darymple n’est pas décorative mais elle sert à souligner ses arguments et à fournir un contexte plus riche à ses critiques. Par exemple, il fait souvent référence à Dostoïevski sur les questions existentielles, ceci afin de souligner l’importance de la clarté morale et les dangers du nihilisme. De même, la critique d’Orwell sur le totalitarisme et la manipulation de la vérité font échos aux préoccupations de Dalrymple concernant l’érosion des normes et l’impact du relativisme. Selon Darymple, « la littérature nous offre un miroir de la condition humaine, nous aidant à comprendre les profondeurs de l’âme et les enjeux moraux de nos actions ». (La Culture du vide – 2005)

Philosophiquement, Darymple s’inscrit dans la tradition conservatrice anglaise qui valorise la responsabilité individuelle, l’ordre social et la préservation de l’héritage culturel. Il est influencé par des penseurs tels qu’Edmund Burke, qui a mis en avant l’importance de la tradition et les dangers du changement radical. Darlymple partage le scepticisme de Burke à l’égard des grands projets utopiques et les réformes radicales, soulignant plutôt la nécessité de maintenir les structures sociales qui ont prouvé leur efficacité au fil du temps : « Les leçons du passé, incarnées par nos traditions, sont les guides indispensables pour affronter les défis du présent et du futur » (Spoilt Rotten : The Toxic Cult of Sentimentality – 2010)

Les malheurs de l’État-providence

La critique de l’État-providence est un thème récurrent de la pensée de Darlymple. Bien que l’État-providence soit conçu pour aider les nécessiteux, il crée souvent une culture de dépendance qui prive les individus de leur sens des responsabilités et de l’initiative personnelle. Dans Zone et châtiment, Darlymple illustre comment le système de protection sociale peut piéger les personnes dans un cycle de pauvreté et de désespoir, favorisant ainsi un microcosme où la dépendance à l’aide de l’État devient une façon de vivre.

Pour Dalrymple, l’État-providence encourage malgré lui une mentalité de droit plutôt qu’une mentalité de responsabilité. Il n’hésite pas à raconter de nombreuses anecdotes tirées de sa pratique médicale, décrivant des patients habitués à vivre des prestations sociales et perdant toute motivation pour améliorer leur situation. Cette dépendance éroderait la dignité et le respect de soi, conduisant à un sentiment d’apathie et de résignation inconscient. 

De plus, Darymple soutient que l’État-providence affaiblit les liens communautaires et familiaux. En effet, traditionnellement, les familles et les communautés locales fournissaient un soutien à leurs membres, développant un sens des obligations mutuelles et de l’interdépendance. L’État-providence remplace les réseaux traditionnels, conduisant à une atomisation sociale et à une diminution de la cohésion communautaire et sociale.  

Le relativisme comme nouvelle valeur

Un aspect significatif de la pensée de Dalrymple réside dans la critique sans concession de la décadence culturelle et morale de la société contemporaine. Il observe que l’érosion des valeurs traditionnelles telles que la discipline, le respect de l’autorité et la responsabilité personnelle a conduit à un malaise sociale généralisé. Dans La Culture du vide, Dalrymple déplore la montée du relativisme, qu’il considère comme une excuse et même une incitation aux comportements destructeurs.

Dalrymple soutient que l’abandon des normes mène à une société où tout est permis, ce qui entraîne une perte d’ordre et de cohésion sociale. Il critique les élites intellectuelles et culturelles autoproclamées, qu’il appelle les « mandarins », pour avoir promu le relativisme et sapé le tissu moral de la société. Ces pseudo-élites justifient trop souvent les comportements et les attitudes nuisibles sous prétexte de tolérance et de compréhension, affaiblissant ainsi les normes sociales qui maintiennent l’ordre et la civilité.

Les conséquences ne se font par attendre et sont évidente selon Dalrymple. L’auteur note une augmentation de l’incivilité, du manque de respect ainsi que de l’agressivité pure et simple dans la vie publique. Il attribue cela à l’affaissement de l’éducation et à l’absence de règles éthiques claires. A son avis, lorsque la société échoue à inculquer le sens du bien et du mal à ses membres, elle prépare le chemin à une augmentation des comportements antisociaux.

Dalrymple relève que cette décadence morale est souvent la plus visible dans les environnements défavorisés où il a travaillé. Pour lui, les attitudes permissives et l’absence de ligne éthique explicite contribuent à perpétuer les problèmes sociaux (toxicomanie, désintégration familiale, violence, etc.).

L’échec de la famille et de l’éducation

Dalrymple accorde une grande importance à la famille en tant que pilier de la stabilité sociale. Il critique les politiques et les « questions sociétales » qui sapent la structure familiale traditionnelle.  Dans un grand nombre de ses écrits, il souligne les effets néfastes de la désintégration de la cellule familiale, en particulier la montée des foyers monoparentaux, qu’il associe à divers maux sociaux, y compris la délinquance juvénile et l’échec scolaire.

N’en déplaise aux bien-pensants, Dalrymple croit que les enfants élevés dans des familles stables à deux parents sont plus susceptibles de développer les valeurs nécessaires à une vie réussie. Il soutient que la famille traditionnelle offre un environnement propice à l’apprentissage du respect, de la responsabilité et de la maîtrise de soi. Au contraire, la désintégration de la famille conduit souvent à des environnements où les enfants manquent de références et de soutien approprié : « La désintégration de la famille est à la racine de nombreux problèmes sociaux, privant les enfants d’un cadre stable et discipliné » (Spoilt Rotten : The Toxic Cult of Sentimentality – 2010)

En parallèle à la famille, l’éducation est un autre domaine où Dalrymple voit les problèmes les plus significatifs. Il critique les pédagogies modernes qui, selon lui, se sont éloignées de la transmission des connaissances fondamentales et des valeurs traditionnelles. Dalrymple est particulièrement critique avec les théories éducatives progressistes qui mettent l’accent sur l’expression et l’estime de soi au détriment des savoirs académiques et de l’éducation morale.

Il soutient que de telles approches n’arrivent pas à doter les étudiants des compétences et de la discipline nécessaires pour réussir dans la vie : « L’éducation moderne, centrée sur l’estime de soi plutôt que sur la rigueur académique, produit des individus mal préparés à affronter les défis de la vie» (idem). En fait, Dalrymple croit qu’un retour aux valeurs éducatives traditionnelles, accompagné d’une éthique du travail, de respect de l’autorité et de la transmission de l’héritage culturel sont essentiels pour inverser cette tendance mortifère.

Les causes de la délinquance

Dalrymple, ayant travaillé dans des prisons et des quartiers défavorisés, offre un autre regard sur les causes de la criminalité. Il rejette l’idée que cette dernière soit principalement causée par des facteurs économiques. Il soutient que la criminalité résulte bien souvent de déficiences éthiques et culturelles. Dans The Knife Went in (2014), examinant les parcours de vie des criminels, il trouve que beaucoup sont issus de milieux marqués par des dysfonctionnement familiaux et sociaux plutôt que par des difficultés économiques. Pour lui, « la criminalité n’est pas simplement une conséquence de la pauvreté, mais souvent le résultat de choix moraux et de contextes culturels défaillants ».

Dalrymple soutient que la vision habituelle des délinquants comme victimes de leurs circonstances ignore le rôle des choix individuels et éthique. Il soutient qu’en se concentrant trop sur les explications socio-économiques, on empêche la société de traiter les problèmes moraux et culturels sous-jacents qui conduisent à la délinquance. Cette constatation l’amène à plaide pour des actions sociales qui mettent l’accent sur la responsabilité personnelle et la réforme morale plutôt que sur une simple intervention économique.

Un thème récurrent dans l’analyse de la criminalité et de la délinquance est ce que Dalrymple appelle la « culture de l’excuse ». Il soutient que la société contemporaine cherche à excuser le comportement délinquant en l’attribuant à des facteurs externes tels que la pauvreté, le manque de chance ou des traumatismes psychologiques. Tout en reconnaissant que de tels facteurs puissent jouer un rôle, Dalrymple insiste sur le fait qu’ils ne déchargent pas les personnes de leur responsabilité.

Dalrymple n’est pas tendre avec le système de justice pénale ainsi qu’avec les services sociaux pour avoir adopté une approche thérapeutique bienveillante plutôt que punitive face à la criminalité. Cette tendance à excuser le comportement criminel conduit à un manque de responsabilité et perpétue un cycle de récidives. A rebours de la pensée dominante, il en appelle au retour d’une justice qui met l’accent sur la punition et la dissuasion, soutenant qu’une telle approche serait plus susceptible de réduire la criminalité et de préserver l’ordre social.

La faillite des élites

Dalrymple est très critique avec les élites intellectuelles et culturelles. Il les accuse d’avoir joué un rôle significatif dans la promotion d’idées et de politique qui ont sapé et affaibli les valeurs traditionnelles et l’ordre social. Il soutient que ces élites vivent de vies isolées, déconnectées de la réalité à laquelle sont confrontées les classes populaires. Cette déconnexion les conduit à endosser des idéologies et des politiques progressistes qui exacerbent les problèmes sociaux au lieu de les atténuer.

Dans Le Nouveau Syndrome de Vichy : pourquoi les intellectuels européens abdiquent face à la barbarie (2010), Dalrymple décrypte comment les intellectuels européens, animés par un sentiment de culpabilité et un désir de paraître compatissant, ont embrassé le relativisme culturel et l’anti-occidentalisme. Il soutient que cet état d’esprit affaiblit l’identité culturelle de l’Europe et sa capacité à relever efficacement les défis sociaux.

Les valeurs traditionnelles

La pensée de Dalrymple est fondamentalement conservatrice. Elle met l’accent sur l’importance des valeurs traditionnelles et la méfiance envers les grands projets « sociétaux ». Il croit que des principes tels que l’éthique du travail, l’autodiscipline et le respect de l’autorité sont essentiels pour maintenir une société stable et prospère. 

Le conservatisme de Dalrymple se méfie aussi de l’implication étendue de l’État dans la vie des personnes, soutenant que de telles interventions font souvent plus de mal que de bien. Il préconise des solutions plus petites et locales aux problèmes sociaux, mettant l’accent sur le rôle de la communauté et la responsabilité personnelle plutôt que sur les approches bureaucratiques centralisées.

La pensée de Dalrymple offre une critique profonde et provocatrice de la société moderne. Une chose est certaine on ne sort pas indemne d’un de ses ouvrages.

Paul Sernine

Commander sur le site de l’éditeur : https://editions-carmin.com

Darlymple explique de façon fascinante comment les intellectuels progressistes aiment à nier les vérités encombrantes. Pour le découvrir, merci de vous connecter ou de prendre un abonnement.

« Les mécanismes mentaux utilisés par les intellectuels progressistes pour se cacher la vérité à eux-mêmes et aux autres » 

Tout d’abord, il y a le déni pur et simple. L’augmentation de la criminalité, par exemple, a longtemps été considérée comme un simple artefact statistique, avant qu’il devienne impossible de la nier sous le poids des preuves. À l’époque, on nous disait que ce n’était pas tant la criminalité qui augmentait que la volonté ou la possibilité pour les gens de la signaler — par la diffusion du téléphone. Quant à la baisse du niveau scolaire, elle a longtemps été niée par le recours aux statistiques montrant que de plus en plus d’enfants réussissaient les examens. Cette demi-vérité omettait de dire que ces examens avaient été délibérément rendus si faciles qu’il était pratiquement impossible d’y échouer (le concept d’échec ayant été aboli), sinon en refusant de s’y présenter. Cependant, même le plus progressiste des professeurs d’université ne peut plus nier que ses étudiants ne maîtrisent ni l’orthographe ni la ponctuation. 

Deuxièmement, on trouve la comparaison historique tendancieuse avec une lointaine époque. Oui, on l’admet, violence et vulgarité font partie intégrante de la vie britannique moderne, mais cela a toujours été le cas. Lorsque les supporters anglais se sont déchaînés en France pendant la finale de la Coupe d’Europe de football (comportement désormais systématiquement attendu de leur part), même le très conservateur Daily Telegraph a publié un article affirmant qu’il n’y avait là rien de nouveau et que l’Angleterre hanovrienne avait été une époque de révoltes et d’ivrognerie — laissant ainsi entendre qu’il n’y avait dès lors pas lieu de s’inquiéter. Pour quelque étrange raison, la persistance ininterrompue, durant des siècles, de comportements antisociaux est censée faire office de réconfort, voire de justification. De la même manière, les intellectuels décrivent le sentiment d’insécurité́ comme irrationnel (et ceux qui l’expriment comme manquant de connaissances historiques), parce qu’il n’est pas difficile de trouver des époques historiques où la criminalité́ était pire qu’aujourd’hui. J’ai même vu des gens moquer l’inquiétude causée par l’augmentation du taux d’homicide, au prétexte que, dans l’Angleterre médiévale, ce taux était bien plus élevé qu’actuellement. Ainsi donc, la comparaison historique avec une période remontant à plusieurs siècles est jugée plus pertinente que celle avec une période remontant à trente ans, ou même seulement dix ans — du moins, tant que cette comparaison relativise la gravité de phénomènes sociaux indésirables. 

Troisièmement, une fois les faits finalement admis sous la pression de l’accumulation des preuves, on en nie ou pervertit la signification morale. Vous vous inquiétez que les enfants sortent de l’école aussi dépourvus de connaissances qu’ils y sont entrés ? Enfin, voyons, c’est parce qu’on ne les oblige plus à apprendre par cœur, mais qu’on leur apprend à trouver par eux-mêmes les informations dont ils ont besoin. Leur incapacité à écrire lisiblement ne diminue en rien leur capacité à s’exprimer, bien au contraire. Au moins, ils ont évité l’horreur de l’apprentissage de règles arbitraires. La vulgarité ? C’est la libération des carcans malsains qui déforment le psychisme ; c’est simplement le renouveau vivifiant de la gouaille populaire, et ceux qui s’y opposent sont des rabat-joie élitistes. Quant à la violence, on peut la justifier, quelle qu’elle soit, par la « violence structurelle » de la société capitaliste. 

Théodore Dalrymple, Zone et châtiment, p. 29-31.




Le pèlerinage de Chartres fait un petit en Suisse

15’000, puis 16’000 puis 18’000… Chaque année depuis la fin de la pandémie, le pèlerinage de Chrétienté, plus communément connu sous le nom de pèlerinage de Chartes, mobilise des foules de jeunes catholiques en France. Entièrement réservé à la liturgie tradionaliste (la fameuse « messe en latin ») et marqué par l’omniprésence de drapeaux régionaux, cet événement très patriotique a connu un coup de projecteur inespéré cette année : une rediffusion de sa messe de clôture sur CNews !

Le pélerinage de Chartres, rassemblement d’une jeunesse avide de transmission. (Photo: Eichthus)

Quoique très ancré dans l’histoire française, l’événement attire aussi chaque année des pèlerins venus du monde entier, dont de Suisse. Mais pour certains, il était temps d’en proposer une déclinaison couleur locale à l’intérieur de nos frontières. C’est chose faite avec une première édition, les 21 et 22 septembre prochains, qui se déroulera entre la Basilique Notre-Dame de Fribourg, et le sanctuaire de Notre-Dame des Marches, du côté de Broc. Au programme, beaucoup de prières, quelque 42 kilomètres de marche et une nuit en bivouac « pour vivre un moment spirituel fort sous le regard de la Sainte Vierge », comme le promettent les organisateurs.

Une occasion de découvrir le rite « tradi »

Parmi ceux-ci, Colombe Ackermann, jeune paroissienne jurassienne : « Nous sommes attachés à l’unité de l’église, précise-t-elle d’emblée. L’événement vise à rassembler des chrétiens de tous bords et tant mieux s’il y a des habitués du rite ordinaire. Ce sera pour eux l’occasion de découvrir la beauté de la liturgie traditionnelle. » Les croyants évangéliques ou réformés qui voudraient mieux comprendre cette expression de la foi seront également les bienvenus. Outre une veillée d’adoration, Colombe ne cache pas que la nuit pourrait être marquée par quelques bouteilles qui sortent des sacs à dos, comme souvent dans ce type de cadres. 

Le logo de l’association aux manettes.

« J’étais à Chartres et je me suis dit qu’il nous fallait organiser quelque chose de similaire en Suisse », renchérit Théophane Gaillard , président de l’association organisatrice, Notre-Dame de la Foi. Habitué d’une paroisse « tradi » de Lausanne – la Chapelle Saint-Augustin, sur l’avenue de Béthusy – il en a alors parlé à son curé et s’est rapidement retrouvé à présenter son projet à l’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Morerod. « Il s’est tout de suite montré très ouvert et a même manifesté son désir de marcher avec nous », se souvient le jeune militaire. Malheureusement, le calendrier ne permettra pas de concrétiser cet objectif, du moins pas cette année. « L’évêque nous a dit que ce n’était en tout cas pas lui qui allait décourager les jeunes qui veulent lancer des pèlerinages », se réjouit néanmoins le président, qui a monté son projet avec des amis dont plusieurs sont Gardes Suisses.

Un exemple d’unité

Alors que les tensions entre conservateurs et libéraux remontent à un niveau particulièrement élevé dans l’Église, sur fond de craintes d’interdiction quasi-totale de la liturgie traditionnelle, un bel exemple d’unité viendra-t-il à nouveau de Suisse ? Peut-être, à écouter Théophane qui rappelle que la priorité « n’est pas la politique, mais bel et bien Jésus-Christ. » Il ne cache toutefois pas sa volonté de « dédiaboliser le monde tradi » et d’œuvrer, par la prière, à la « conversion de la Suisse, comme le faisaient nos ancêtres ».

Recteur du sanctuaire où s’achèvera le pèlerinage, l’abbé Joseph Gay ne boude en tout cas pas son plaisir. Du moment où il a appris que l’événement se déroulerait avec l’accord de l’évêché (ndlr. Évêché qui n’a toutefois pas répondu à nos questions après une semaine), le jeune prêtre n’a pas hésité à donner sa bénédiction à la manifestation. Même s’il sera lui aussi absent à la fin du mois de septembre, il prédit que les habitués des lieux ne seront pas déboussolés par cette jeunesse avide de liturgie traditionaliste… et d’identité !

Pour s’inscrire : https://notredamedelafoi.ch/#inscription
Pour soutenir l’association : https://notredamedelafoi.ch/#nous-aider

Sur le même thème:
Notre reportage à « Tradilland »: https://lepeuple.ch/visite-a-tradiland-reportage/
Le malaise grandissant des jeunes chrétiens : https://lepeuple.ch/le-malaise-grandissant-des-jeunes-chretiens/




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Est-il interdit de ne pas interdire ? La question est abrupte mais n’importe quel Martien ou n’importe quel représentant de lointaine tribu isolée se la poserait certainement s’il mettait le pied dans un pays occidental, ces temps. Sans y comprendre grand-chose, il verrait de bonnes âmes – généralement de gauche, il faut bien le dire – s’acharner à sauver la planète et nos poumons en faisant la chasse aux cigarettes électroniques, aux pubs pour le tabac ou à l’usage de véhicules de type SUV. Puis, à droite, il verrait de jeunes gens pas tout à fait secs derrière les oreilles se présenter – comme Bardella en France – en « bons pères de famille » déterminés à redresser le pays sans n’avoir jamais rien dirigé d’autre qu’un personnage dans un jeu vidéo. D’un bout à l’autre du spectre politique, une même arrogance, une même vanité, une même farce.

Le gamer qui veut vous apprendre à vivre.

Notre visiteur, certainement, se demanderait alors : mais où est passée la fameuse liberté dont ces peuples se gargarisent ? Ils ont un système dont ils sont très fiers : cette fameuse démocratie qu’ils n’hésitent pas à exporter à coups de canon. Mais leurs libertés réelles, qu’en ont-ils fait ? Pourquoi, alors qu’ils se croient au pic de leur civilisation, n’osent-ils même plus dire ce qui leur passe par la tête de peur de perdre leur boulot ? Et pourquoi cet enthousiasme obligatoire parce que leurs enfants peuvent choisir leur genre avant même d’avoir appris à faire leurs lacets ?

Un Dieu, pas de maître

En même temps qu’il est un observatoire d’un progrès en roue libre, ce journal se veut un repère pour les hommes libres. Ce précieux sens de la liberté qui nous anime vient du fait que nous avons encore un Dieu. Oui, un Dieu, et pas de maître. En tout cas pas au sein de cette hyperclasse d’élus censés porter la volonté de leurs électeurs mais qui sont surtout obsédés par l’idée de les rééduquer. Si au moins ils avaient la décence, comme les dictateurs du siècle dernier, de ne pas faire semblant d’être démocrates ! Mais non, il faut encore qu’ils soient doucereux, pédagogues et intéressés par nos ressentis ! Certains lecteurs, nous ne les ignorons pas, puisent leur indépendance à d’autres sources philosophiques que nous mais partagent avec nous ce désir farouche de ne plus subir le catéchisme hygiéniste, légaliste et égalitaire de l’époque. 

Jeudi 20 juin à la radio, sur La Première, une étrange chanson est passée aux alentours de 19h50. Interprétée par un groupe suisse nommée WolfWolf (l’anglais étant devenu une langue nationale), elle évoquait complaisamment des usages très étranges de l’eau bénite des catholiques. On y décrivait, dans un blues un peu macabre, des individus s’en servant pour tirer la chasse d’eau, préparer le thé ou arroser les plantes… Cette créativité dans l’outrance, à vrai dire, aurait presque mérité le respect à une période de l’histoire où moquer la religion des chrétiens représentait encore une prise de risques. En des temps moins grotesques que les nôtres, où le nihilisme ne s’apprenait pas encore en garderie à grands coups de Drag Queens Story Hours, peut-être même aurions-nous trouvé tout cela audacieux. 

Un extrait du clip des Wolfwolf, dont la chanson passait récemment sur le service public.

« Paternalisme total d’un côté, régression subventionnée de l’autre », voilà ce que conclurait notre visiteur désabusé. Mais à ceux qui, comme nous, ont gardé le précieux sens de la liberté, nous voulons rappeler la belle devise de la ville d’Yverdon-les-Bains : ce fameux Superna quaerite, inscrit sur le fronton du temple pour nous appeler à « rechercher les choses d’en haut ».

En haut, tout en haut, nous voulons croire qu’il n’y a plus d’élus pour tenter de nous interdire la dégustation de modules cubains. Nous voulons aussi croire qu’il n’y a plus personne pour prétendre nous représenter dans un hémicycle. 




Matlosa, l’étranger

Ce roman de Daniel Maggetti raconte l’histoire de son grand-père maternel, un charbonnier italien des Préalpes lombardes, qui a fini par émigrer au Tessin où sa descendance s’établit. Le « je » du texte est l’auteur lui-même, Daniel Maggetti, né en 1961 dans un village suisse, dans les Cento valli, Borgnone, au pied de « la montagne qui hurle ». Il n’en parle pas par pudeur ici, mais Daniel Maggetti devra émigrer à son tour pour faire des études universitaires, destin de tout Tessinois embrassant cette voie. Il ira à Lausanne et y accomplira une brillante carrière le menant à son poste de professeur de littérature romande à l’université de Lausanne et de directeur du Centre des littératures en Suisse romande. Il aura aussi émigré dans une autre langue, le français, dont la maîtrise est devenue limpide. Lui-même a dû quelque part procéder à un périple d’expatriation semblable à celui de son grand-père, Cecchino, de son épouse, Rosa, et de sa mère, Irma. Changement de lieu, de culture, de mondes, de langues presque surtout. On pourra noter incidemment que la vie d’un expatrié n’est pas forcément, de nos jours en particulier, plus dure que celle d’un autochtone, car la vie présente des défis et des périls autres que ceux du déracinement. Et si sur les autres plans, il y a plutôt réussites, développement et équilibre, que ce soient sur les plans professionnels, du développement personnel, d’un épanouissement psycho-affectif, etc., le défi d’être déraciné peut être moins pénible à gérer, bien moins lourd à porter que ce que Cecchino, Rosa et Irma durent porter, affectés de leur statut de matlosa pour le dire dans le dialecte tessinois, emprunt à l’allemand « Heimatlos », qui signifie « sans partrie », « étranger », venu de nulle part dans une époque où la xénophobie était plus ou moins violente selon l’autochtone concerné, parfois absente par l’éclat de personnes humanistes. 

L’auteur indique précisément qu’une des questions qui l’a beaucoup travaillé fut celle de l’appartenance et de l’identité. Et, ce jeune homme qu’il était, après être allé quelques jours dans le village d’origine des Bologne, celui de ses grands-parents et de sa mère, à Mura, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Brescia, et donc à une bonne centaine de kilomètres à vol d’oiseau du Tessin, vécut une sorte d’« initiation », cette visite, dit-il, « m’obligea à me questionner sur l’appartenance et l’identité, sur leur réalité et leurs intermittences, puis à interroger mon lien jusque-là indiscuté avec la vallée tessinoise où j’étais si enraciné qu’il me semblait y être à ma place autant que les pierres du chemin » (p. 128).

Cette chronique est très vivante et enseigne une foule de choses au lecteur de manière subtile et claire, avec un esprit on pourrait dire maupassantien, et l’auteur de reconnaître parfois pêcher par « excès de réalisme » (p. 98), mais le réalisme n’est-il pas fondamental pour qui veut voir le réel tel qu’il est, sans illusion, faux-semblant ou autres hypocrisies ? Ce roman se lit d’une traite grâce à sa langue intelligente et fluide.

Une communauté doit conserver sa culture, son ethos, mais celui-ci mérite d’évoluer aussi, peut-être plutôt lentement, et la communauté doit être capable d’accueillir l’étranger, de bien traiter le matlosa.

Enfin, son message est certainement humaniste en ce qu’il incline à trouver peut-être un équilibre entre identité et différence, entre enracinement et déracinement, amenant à de nouveaux enracinements. L’homme est comme une plante, il a besoin de racines. Et cet arbre que nous sommes aussi a besoin de respect, d’amour, d’eau, de bonne terre, pour bien s’enraciner et se développer, allonger et épaissir ses branches, avoir un beau feuillage et donner de beaux fruits. 

L’identité est un tissu subtil qui lie tradition et nouveauté, qui lie paradoxalement identité et altérité. Une communauté doit conserver sa culture, son ethos, mais celui-ci mérite d’évoluer aussi, peut-être plutôt lentement, et la communauté doit être capable d’accueillir l’étranger, de bien traiter le matlosa. Assimilation, enrichissement réciproque et chaleur humaine, pour ne pas dire amour. Du reste, l’importance de ce thème dans ce témoignage est finement montrée par son début qui présente la xénophobie de l’Eufemia — une forme de la méchanceté —, une femme habitant le village suisse de Verscio, près de Locarno, où le grand-père fit venir sa famille. C’est la grande question de l’identité culturelle. Une communauté semble avoir besoin d’une certaine culture partagée et traditionnelle, et l’étranger devra s’y assimiler petit à petit. Mais la communauté doit aussi être accueillante et veiller à ne pas être xénophobe, ni raciste. La communauté doit être humaniste pour tout homme venant d’ailleurs, tout matlosa, qui a décidé de « suspendre son chaudron à polenta » là où il est, ici, dès lors qu’il se comporte bien avec la communauté qui l’accueille aussi. Et le matlosa, le déraciné, devient alors un ami, un frère.

Daniel Maggetti, Matlosa, éd. Zoé, 2023.
Sur le site de l’éditeur : https://editionszoe.ch/livre/matlosa




Pour apaiser l’université, faut-il mieux encadrer ses Semaines d’Actions contre le Racisme ?

« Les femmes et le Coran », « Expériences, résistances et mobilisations des femmes musulmanes »« Boîte à outils antiracistes » destinée aux « étudiant·exs racisé·exs de l’UNIL et de l’EPFL »… 

Avec une ribambelle de propositions de ce genre, la Semaine d’Action contre le Racisme de l’Université de Lausanne avait suscité quelques interrogations, fin mars. En cause : l’oubli de la question de l’antisémitisme, une idéologie fortement « décoloniale » et la participation du très antisioniste Kehinde Andrews, titulaire de la chaire d’études noires à la Birmingham City University. Un intellectuel, rappelait Watson, qui invitait à ne pas confondre « terreur » et « révolution » à propos de la lutte armée du Hamas.

Présentation de l’événement sur le site de l’Unil.

De nombreux articles ont été écrits à propos des événements qui ont suivi sur le campus : occupation militante, chants controversés, fichage de professeurs collaborant avec des universités israéliennes… Aujourd’hui, le calme semble rétabli mais selon certains récits qui nous parviennent régulièrement, toutes les plaies ne sont pas encore guéries entre collègues. Alors que faire pour éviter que l’histoire ne se répète ? Et quelles leçons tirer de cet épisode ? Les réponses d’Amina Benkais-Benbrahim, Déléguée à l’intégration et Cheffe du Bureau cantonal vaudois pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI).

– Pensez-vous que la Semaine d’actions contre le racisme de l’Unil aurait mieux dû intégrer la question de l’antisémitisme ?

Le BCI ne fixe pas le programme de la Semaine contre le racisme, ne définit pas de thématique spécifique à chaque édition. Concrètement, il coorganise des événements, soutient les actions proposées par les acteurs de terrain (souvent des initiatives associatives ou communales), les coordonne, participe à leur financement et les relaie, notamment en publiant des informations sur la Semaine sur son site. Dans le cadre de l’édition 2024 de la Semaine d’Action contre le Racisme (SACR), 18 actions ont été soutenues par le BCI. Chaque porteur de projet -l’UNIL en est un parmi d’autres- est libre de son programme.

Cette approche ne se limite pas à la Semaine contre le racisme, le BCI est également en soutien de diverses actions en faveur de l’intégration et le vivre ensemble tout au long de l’année.

L’antisémitisme, à l’instar de toutes formes de racisme, doit être combattu et pas seulement pendant la Semaine contre le racisme ou à l’occasion de crises au Proche-Orient.  Le BCI est attentif à cet aspect du racisme. Ainsi en mai dernier, dans le cadre d’une séance réunissant 150 partenaires du BCI, une conférence sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a explicité les différentes notions et définitions 

Image tirée d’une vidéo partagée sur les réseaux sociaux par le président du PS Vaudois, Romain Pilloud, au pic de l’occupation.


– Pensez-vous qu’il peut y avoir un lien entre cette semaine qui avait alerté pas mal de personnes engagées contre l’antisémitisme et les événements subséquents évoqués ci-dessus ?

Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. En revanche, nous savons à quel point le conflit israélo-palestinien est extrêmement sensible. Ce qui me parait essentiel c’est de rester attentif à toutes les manifestations de racismes quel qu’elles soient, de continuer à sensibiliser le public et à accompagner les personnes confrontées à ces manifestations. 

– Allez-vous suggérer de resserrer la vis au niveau du programme de cette semaine l’année prochaine ?

Le BCI ne fixe pas le programme de la Semaine contre le racisme. Il soutient, notamment financièrement, les initiatives et actions proposées par les acteurs de terrain (en particulier communes et associations). 

Aussi, nous encourageons vivement les organisations et associations qui luttent contre l’antisémitisme à déposer des projets dans la perspective de la Semaine contre le racisme.

Le regard de Nadine Richon, blogueuse au Peuple et membre fondateur du Réseau laïque romand

Antisémitisme et actions contre le racisme

Je pense (…) que cette semaine contre le racisme a complètement raté la cible de l’antisémitisme, alors même qu’on était déjà face à une recrudescence du phénomène, en partie liée à la guerre de Gaza. Je ne sais pas si une information sur l’antisémitisme, à ce moment-là, aurait pu atténuer l’actuel recours décomplexé à une critique d’Israël fondée sur sa caractéristique de petit État juif dans l’océan du Proche-Orient, mais on peut penser que oui.

Il me semble que le politique doit inviter les enseignants actuels et en formation à éclairer la jeunesse de notre pays sur le lien entre l’antisémitisme et le slogan « de la rivière à la mer », emprunté à l’OLP des années 1960, et banalisé aujourd’hui par les occupants de nos universités. Si bien qu’on a vu un dirigeant du Hamas comme Khaled Mechaal féliciter les « étudiants américains et européens » pour leur reprise du fameux slogan, en y ajoutant lui-même « et du nord au sud » pour faire la jonction avec le Hezbollah.

Il faut rappeler une chose, cependant : ces étudiants représentent une minorité bruyante et faussement pacifiste, mais très marginale en Suisse. En outre, il faudrait se demander pourquoi la lutte contre l’islamophobie a pris une telle ampleur de nos jours, alors même que l’hostilité envers les musulmans de Suisse n’est pas plus flagrante qu’envers les juifs. Cela dit, aucune société n’est totalement immunisée contre le racisme et il y aura toujours du boulot dans ce domaine.

Il convient cependant de ne pas confondre racisme et critique d’une religion. Si l’expression publique de l’islam est absolue en Iran, par exemple, aucune religion ne peut se prévaloir de tous les droits dans une société démocratique. Une telle revendication risque d’accentuer le racisme envers des personnes tout à fait paisibles, et même pas forcément religieuses, mais identifiées comme appartenant à cette religion qui serait jugée pour le coup un peu trop remuante.




L’observatoire du progrès // juin 2024

Les dents de l’amertume

« C’est de l’apocalypse cognitive. C’est quasiment de la fake news. On importe une problématique qui n’a jamais existé dans l’Hexagone ». Fondateur du Groupe Phocéen d’Étude des Requins, Nicolas Ziani n’a pas de mots assez forts pour dénoncer le blockbuster du moment de Netflix. Il faut dire que la machine à broyer les cerveaux fait une bien vilaine pub à ses protégés avec le film « Sous la Seine », qui met en scène un gang de requins mako croqueurs de triathlètes. Un scénario qui n’a « aucune crédibilité scientifique », tonne l’amoureux des squales dans les colonnes du Parisien

Seulement sur Netflix.

Que l’on ne s’y méprenne pas, il y a quelque chose de touchant à voir un homme faire pareillement corps avec son sujet d’étude. Mais l’on se prend tout de même à redouter les réactions de la communauté scientifique pour un prochain remake des Gremlins. 

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Garde la pêche

Il restait peut-être un ultime domaine de l’existence où un bataillon de communicants n’avait pas encore entrepris de nous rééduquer : la manière dont nous tentons de satisfaire discrètement nos besoins naturels en randonnée. C’en est terminé puisque le Club Alpin Suisse et l’association Suisse Rando ont eu la judicieuse idée de lancer la campagne « Pose ta pêche » sur les réseaux sociaux, soutenue par des vidéos « humoristiques » et un hashtag aussi élégant que #scheissmoment dans la langue de Goethe. 

Qu’est-ce qu’on y apprend ? À préférer les WC des cabanes plutôt que le bord du chemin, à ne pas se vautrer en se planquant derrière un sapin ou encore à ne pas polluer les cours d’eau. Avec 3400 vues pour la vidéo en français qui a eu le plus de succès, à la mi-juin, on peut se demander si la campagne a trouvé son public. Peut-être qu’une saison 2 consacrée aux bons spots pour vomir sur les glaciers aura davantage de succès.

Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites.

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Terre et Sororiture

Après la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie du 17 mai, c’était au tour du mois de juin entier d’être consacré aux fiertés, avec en point d’orgue une manifestation sur plusieurs jours à Zurich. Mais face à l’avalanche des libérateurs-teufeurs, une étrange espèce résiste : la femme en colère, qui défile le 14. Le journal Terre et Nature a d’ailleurs donné la parole à l’une d’entre elles dans son édition du 13 juin. Soucieuse de faire « évoluer les mentalités » et d’en finir avec la « division genrée du travail », Aline Chollet y raconte l’histoire personnelle qui l’a poussée à cofonder l’association Les Femmes de la Terre: en clair, un affreux conflit familial lié à la reprise du domaine (et amplifié par sa prise de contact avec une avocate). Mais pour le reste, ambiance au top et on a vraiment envie de la suivre dans sa défense des « intérêts de toutes les femmes et personnes non binaires (ndlr et Dieu sait combien elles sont nombreuses) dans le secteur ». D’ailleurs on ne va pas se mentir : loin des chars technos des Pride en tous genres, il y a quelque chose de rafraîchissant à voir une travailleuse de la terre qui sait encore tirer une bonne gueule d’enterrement pour réclamer des évolutions sociétales.

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Les blagues les plus courtes…

Au Bürgenstock, dans les alpes suisses, un sommet pour la paix entre la Russie et l’Ukraine a été organisé en juin sans que la Russie ne soit invitée. Nul besoin de chute, c’en est déjà une.


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Footage de gueule

Le comité central de l’Association suisse de football (ASF) compte désormais deux femmes parmi ses élus : la conseillère nationale bernoise Aline Trede et surtout la présidente du Conseil d’État vaudois Christelle Luisier Brodard ! Hourra ! Flonflons ! Il faut dire que la Payernoise a de solides raisons de s’engager dans le monde du ballon rond : la volonté de promouvoir le sport féminin, d’abord, mais aussi la conviction que le sport est carrément « l’un des ciments de notre société », comme elle l’explique sur le site de l’ASF.  Vu comme ça, on comprend qu’elle rajoute du boulot inutile à une tâche de ministre réputée éreintante. 

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Tout pour le Peuple, tout par le peuple !

« Une église n’est pas la maison de Dieu, mais la maison du peuple ». Non vous ne rêvez pas, cette déclaration n’est ni de Lénine, ni de Staline (ni de Nabilla) mais bien de Jean-Marie Duthilleul. Si son nom ne vous dit rien, sachez que cet architecte est connu chez nous pour son travail du côté de l’abbatiale de St-Maurice (VS), au Sacré-Cœur à Genève ou encore chez les cisterciens de Hauterive (FR) en ce moment. Une église « révèle d’abord la fraternité entre les humains, mêmes s’ils ne sont pas croyants » ose encore le créateur sur le site de l’Église catholique genevoise. Et on se dit que si on avait appliqué d’aussi beaux principes au siècle dernier, on aurait bâti des goulags aux lignes très épurées !

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Au moins, c’est une femme

« Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux.» – Guy Debord, La Société du spectacle, 1967.

Autrefois, les élections de Miss étaient assez simples. Il s’agissait de choisir une très jolie fille en espérant qu’elle soit capable d’articuler deux propositions, dans une ambiance décrépie et un peu glauque. Il y avait une dimension de foire animalière, d’accord, mais tempérée par le côté chic. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, pour des concours inclusifs et « inspirants », certains concours de beauté ont la particularité de déboucher sur des élections de personnes à la plastique quelconque, pour autant qu’elles aient un message à donner au monde. Ainsi Sara Milliken, élue Miss National American Alabama 2024 non pas « malgré » mais grâce à un surpoids manifeste, qu’elle vit bien. De quoi agacer la gagnante du « vrai » titre de Miss Alabama, une blonde au physique plus caractéristique de ce genre d’événements. Il n’y a pas de raison pourtant : libre à elle de se laisser pousser quelques mentons pour tenter d’obtenir la gloire qu’elle mérite.




Il y a des indexations en enfer #blog

Mon premier souvenir de Lausanne doit dater de 1991. C’était la fin de l’année, les décorations de Noël réchauffaient admirablement le climat et une tante m’avait emmené voir La Belle et la Bête, sauce Walt Disney, au cinéma. À moi qui venais d’un petit village comme Vallorbe, la ville me semblait majestueuse et féérique.

Plus tard, dans ma vie, j’ai vécu à Lausanne. J’aimais mon quartier, très multiculturel, et je m’y sentais bien. Mais la féérie avait disparu : parfois, des gens s’asseyaient sur le bord de la fenêtre de mon salon pour dealer, et il arrivait aussi que ma femme et moi soyons réveillés par la police qui sonnait chez nous alors qu’elle venait arrêter le voisin du dessous. Les cambriolages étaient aussi fréquents. 

Une caste bloquée au Pays imaginaire

C’est la nature des choses : en grandissant, on guérit des illusions de son enfance et on accède à des réalités plus crues. L’épreuve est souvent douloureuse, mais elle vaut mieux qu’une existence entière à Neverland, le Pays des rêves. Le malheur étant qu’aujourd’hui, la belle ville de Lausanne semble administrée par des gens qui n’ont pas complètement rompu avec la Fée Clochette, Peter Pan et le Capitaine Crochet. Y a-t-il, en effet, un autre univers où des municipaux peuvent se regarder tranquillement dans le miroir avec des salaires indexés à hauteur de +11 et +12k (pour le syndic) le soir-même où des comptes déficitaires (3,5 millions, quand même) sont approuvés par leur législatif ? A part ces grandes banques où faire n’importe quoi débouche sur une prime ou une prudente mutation, je ne vois pas d’autre exemples d’une même obscénité.

Neverland dans un livre de 1911 illustré par Francis Donkin Bedford. On observe que l’argent n’y pousse pas sur les arbres.

Mais oui je sais : dans le privé, on trouve des gens qui n’ont pas le quart des responsabilités du syndic de Lausanne et de son collège et qui gagnent tout autant, voire plus. Mais vu que la gauche nous parle d’exemplarité du secteur public à chaque fois qu’elle accorde de nouveaux privilèges à son administration (congés menstruels, longues semaines de congé paternité, grève des femmes salariée…) que ne donne-t-elle pas l’exemple ? Que ne commence-t-elle pas par demander à ses élus de se serrer la ceinture en tentant de survivre avec le revenu annuel de trois familles normales, sans indexation ?

Petite pause dans ce texte pour vous inviter à soutenir notre travail avec un abonnement au Peuple ou avec un don

Un ami me dit qu’il y a, dans le canton de Vaud, 2% de contribuables (9000 au total donc) qui gagnent davantage que Grégoire Junod et ses camarades. Soit. Mais la vocation du socialisme consiste-t-elle à caler ses avantages sur ceux de l’hyperclasse qu’elle dénonce toute l’année ? Je me souviens d’un slogan qui disait « Pour tous, sans privilèges ». S’est-il transformé en « Nous aussi on a le droit de copier les pires dérives » ?

Et surtout ne changez rien. © Ville de Lausanne – Noura Gauper

Du besoin de morale dans la vie publique

Jusqu’ici, j’imagine que ce texte fait le plein chez mes amis droitards qui seront ravis de pouvoir se faire une Muni de gauche. Mais que l’on ne s’y méprenne pas : mon propos n’est pas partisan. Il est celui d’un chrétien qui ne juge pas concevable qu’une société survive à l’écart d’un sens minimal de la décence. 

Que la morale soit violée dans le public ou le privé ne change rien à l’affaire pour qui n’a pas d’œillère idéologique, mais simplement le sentiment que notre monde est très malade.

« Si tu vois, dans le pays, l’oppression du pauvre, le droit et la justice violés, ne t’étonne pas de tels agissements ; car un grand personnage est couvert par un plus grand, et ceux-là le sont par de plus grands encore. »

Ecclésiaste 5 : 8

Texte issu du blog En enfer il y a…