À Genève, la culture de l’offense a encore frappé

Depuis lundi 9 août, l’UDC Éric Bertinat ne décolère pas. Figure de la politique locale et catholique traditionaliste, l’ancien député et président du Conseil communal est aussi l’animateur du mouvement Perspective Catholique, qui devait accueillir l’auteur Serge Abad-Gallardo. Au programme, une conférence au programme très clair : « Franc-maçonnerie et politique, les liaisons dangereuses ».

En sa qualité de « repenti », Serge Abad-Gallardo écume les plateaux télé français depuis plusieurs années pour dénoncer un milieu initiatique qu’il n’hésite pas à qualifier de « luciférien ». Cet antimaçonnisme virulent n’avait toutefois pas empêché le Centre Social Protestant (CSP) d’accepter depuis ce printemps la location d’une salle pour la tenue de la conférence.   

Mais ça, c’était jusqu’à au lundi 9 août. L’avant-veille de la conférence, Éric Bertinat a reçu un message du directeur Alain Bolle l’informant de la suppression de la location de la salle Forum qui lui était dévolue.  « Il semble que les propos tenus par votre conférencier fassent réagir des personnes qui m’ont alerté. Ses propos sont en décalage et contradiction complets avec les valeurs du CSP et celles du propriétaire des murs, la Maison de la Réformation SA », souligne ce courriel. D’autres considérations relatives au milieu du catholicisme traditionaliste, plus ou moins associé à l’extrême-droite, justifiaient cette décision subite.

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Une simple transaction commerciale

Tentons une expérience intellectuelle, maintenant : l’erreur d’avoir accepté un tel événement – du point de vue du CSP, s’entend – ayant été commise, le respect de la parole donnée ne devait-elle pas l’emporter sur la volonté de ne pas accorder de liberté à des adversaires idéologiques ? Mais Alain Bolle ne souhaite pas s’étendre sur la portée philosophique de son revirement : « La décision prise est tombée tardivement faute d’une attention suffisante de notre part ou d’une communication lacunaire de la part du locataire », glisse-t-il simplement, tout en reconnaissant la « profondeur » de ces questions.

Pas difficile, après deux minutes sur le Web, de savoir de quel bois se chauffe le mouvement Pespectice Catholique.

Abasourdi, Éric Bertinat doit l’admettre : ce camouflet atteint en lui l’être humain autant que le militant. « Ce qui me gêne, c’est qu’on te colle une étiquette et que tu ne peux plus d’en dépêtrer. Pourtant, cela fait des années que je siège dans des commissions au niveau politique, que je travaille sans problème avec tout le monde et que je respecte l’officialité. » En tant que catholique traditionaliste, il ne voit rien de saugrenu à organiser un événement dans un espace de la galaxie réformée : catholique « à la Suisse », il dit s’inspirer d’évêques qui étaient certes farouchement opposés à la Réforme, mais cultivaient des liens d’amitié avec des protestants. Et de toute façon, la location de cette salle « n’était qu’une transaction commerciale, qui n’implique pas une convergence des idées. »

Le droit d’offenser

La déception est compréhensible mais finalement, le CSP n’a-t-il pas le droit d’accepter ou refuser qui il veut en ses murs ? C’est l’appréciation de Jonas Follonier, rédacteur en chef du magazine Le Regard Libre. Profondément libéral, plutôt bien disposé envers la franc-maçonnerie, il estime qu’invoquer la liberté d’expression pour défendre l’intervenant n’a pas beaucoup de sens : « Cette notion n’implique pas qu’il y aurait un droit pour n’importe qui de s’exprimer partout où il le souhaite, mais simplement qu’il n’y a plus d’instance – comme autrefois l’Église – qui peut nous dire ce que l’on doit penser. »

Reste que l’argument servi par le CSP lui semble très faible : « Quand le directeur se justifie en disant « On a eu des réclamations « , on sent qu’il a eu plus peur du qu’en-dira-t-on que des idées de l’intervenant : on se retrouve à nouveau dans cette culture de l’offense qui fait tant de mal au débat démocratique. Un libéral, à l’inverse, accepte que l’on puisse offenser en parlant et n’y voit pas une justification pour faire taire son contradicteur. » A fortiori deux jours avant l’événement…

Éric Bertinat, pour sa part, n’en démord pas : « Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur le sujet et le conférencier proposés, les personnes attachées à la liberté d’expression devraient s’alarmer de cette basse action. » Une basse action, cela ne surprendra personne, qu’il attribue à l’action souterraine des loges…

Commentaire : Le débat, c’est mieux que les sales coups

Il y a quelque chose de détestable à observer le développement d’un monde où l’on « alerte » dans l’ombre sur les fréquentations des uns et des autres, ou sur leur radicalité, pour les empêcher de s’exprimer. Oui, si l’on est à ce point persuadé d’être dans la vérité, pourquoi ne pas simplement venir débattre et démonter avec courtoisie les arguments adverses ? A-t-on à ce point oublié que « celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit » (Saint-Exupéry) ?

Que l’antimaçonnisme catholique soit excessif ou suranné, libre à chacun de le penser. De même, n’importe qui peut bien accueillir ou non en ses murs qui il le souhaite. Mais couper l’herbe sous les pieds de partenaires loyaux deux jours avant un événement validé depuis des mois, cela ne se fait tout simplement pas. Question d’élégance.

Souvent, lorsque l’on dénonce une injustice dont serait victime un mouvement comme Perspective Catholique, d’aucuns y voient l’expression d’une adhésion entière aux idées. C’est ne pas voir que nous nous situons à une autre échelle : celle du principe. Et dans un monde libre, les principes fondamentaux n’évoluent pas en fonction de leurs bénéficiaires du moment.




À marche forcée vers l’Île aux enfants

Jusqu’à la récente transformation de notre civilisation en parc d’attractions géant, les enseignants avaient pour mission de transmettre aux enfants l’art de lire, écrire et compter. Ce temps semble définitivement révolu. Dans le Canton de Vaud, malgré un département tenu par ce qu’il est convenu d’appeler la droite, des membres du corps professoral nous ont rapporté un ordre nouveau : leur mission, ont appris certains la semaine dernière, consiste aussi et surtout à « œuvrer au bien-être émotionnel des enfants » désormais. Mieux, pour « fluidifier la communication avec les familles », pour se montrer « efficace et efficient » (propos authentiques rapportés par l’agence ATS), les huiles vaudoises ont mené de puissantes réflexions qui ont entre autres abouti à la mise en place de « congés joker ». Entendre par là : la possibilité pour les parents de poser des demi-journées de congé à la carte, sans justification, deux jours avant l’absence en question. Pas certain que cela résolve les problèmes qui inquiètent réellement les profs, comme le peu de moyens à disposition pour transformer en réalité le grand rêve d’une école inclusive.

La dénaturation festive du réel

Il ne nous appartient pas de livrer des verdicts à l’emporte-pièces sur des décisions qui comportent leur part d’utilité. Par exemple : un « congé joker » bien placé permettra d’éviter quelque leçon de catéchisme sur les questions de genre. Ce qui nous intéresse, ici, est un mouvement de société qui, dans le fond, constitue la matière première de notre réflexion : comment réagir face à la multiplication des approches ludiques et infantilisantes des questions complexes ? Comment rester équilibré, pour dire les choses plus simplement, quand notre environnement prend les allures d’une vaste farce ? Aurait-on imaginé, il y a encore dix ans, qu’un jour l’armée suisse mènerait un sondage au sujet du bien-être de ses incorporés non-binaires ? Aurait-on cru qu’un jour, aux Jeux Olympiques, un speaker demanderait aux spectateurs de se lever « s’ils le peuvent » (comme si les tétraplégiques avaient besoin qu’on leur rappelle leur condition) ? N’aurait-on pas rigolé à l’idée que Libération, un média censé porter des idéaux égalitaires, finirait par multiplier les articles au sujet du plaisir prostatique chez les messieurs ?

Le problème de l’autoritarisme

Ces différents exemples pourraient simplement susciter des haussements d’épaules. Il y a bien pire, après tout. Mais c’est négliger un fait essentiel : à savoir que le voyage vers l’Île aux enfants comporte un versant inévitable, qui est l’autoritarisme. Ainsi, en même temps qu’il imposait sa métaphore du jeu de cartes pour nous parler de congés scolaires, le Canton de Vaud annonçait sa volonté très claire de serrer la vis aux personnes susceptibles de se trouver hors de son orbite. Dans le texte, « le Conseil d’État veut mieux encadrer les écoles privées et l’enseignement à la maison dans un souci de qualité ». Ceux qui possèdent un minimum de culture historique – par exemple parce qu’ils se sont intéressés à l’histoire soviétique – sauront traduire : « Il faut surveiller et imposer ses idées, même lorsqu’elles mènent à la médiocrité pour tous ». Cette réalité a maintes fois été évoquée dans nos réflexions, mais les Églises sont aussi des exemples absolus d’institutions où l’autoritarisme et les pires déviances ont accompagné l’introduction de chants gnangnans et un sentimentalisme digne de La Petite maison dans la prairie.

Un remède pour notre temps.

On peut vouloir remédier à tout cela à travers l’engagement politique. Mais pour nous, qui n’avons pour vocation ni de déposer des motions, ni de guider les âmes, une autre exigence s’impose : faire la paix avec une forme d’anarchisme. Non pas l’anarchisme stérile du révolté de 17 ans, mais celui qui n’entend pas renoncer au réel pour plaire aux puissances du moment, même lorsqu’elles jouent la carte cool (ou joker). Comme l’écrivait Ernst Jünger dans son Traité du rebelle, « Quand toutes les institutions deviennent équivoques, voire suspectes, et que dans les églises même on entend prier publiquement, non pour les persécutés, mais pour les persécuteurs, c’est alors que la responsabilité morale passe à l’individu ou, pour mieux dire, à l’individu qui ne s’est pas encore laissé abattre. »

Restons rebelles. Restons inclassables. 




L’anticonformisme, le vrai

Et s’il était excessif de hurler au blasphème 
à propos de la fameuse cérémonie des JO ?

C’est en tout cas que ce que soutient Claude Laporte, auteur au Peuple, orthodoxe engagé et avocat, dans la dernier vidéo mise en ligne sur notre chaîne YouTube. Tournée en studio, cette discussion est la première d’un cycle de trois. Les prochaines aborderont le réalité de la démocratie directe en Suisse, puis l’état de crise du système politique de nos voisins français.

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Chouchoutage des soldats non-binaires : l’UDC va taper du poing sur la table

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« Notre Armée manque de moyens. Elle en a assez, toutefois, pour financer un sondage sur la « non-binarité dans l’Armée suisse » ». C’est sur ce ton, un brin agacé, que débute l’interpellation concoctée par le conseiller national UDC Jean-Luc Addor après une drôle d’audace de l’Armée suisse. Alors que l’existence d’un genre dit « non-binaire » n’est pas reconnue par le droit suisse (n’en déplaise au chanteur Nemo), l’institution a lancé la semaine dernière un questionnaire visant à connaître le degré de bien-être des membres de cette communauté sous les drapeaux.

« Cela va nous permettre de mieux comprendre votre réalité et vos besoins », précise la page officielle du site de la Confédération. Les résultats, nous dit-on, « constituent une sorte de baromètre de l’interaction avec les militaires non binaires. » D’une durée de cinq à dix minutes, le sondage nous demande « quels sont les plus grands défis dans l’Armée suisse pour une personne non-binaire ? », si nous avons déjà vécu des discriminations dans ce contexte et, le cas échéant, si nous les avons dénoncées. 

Mais pourquoi écrire « nous », au fait ? Simplement parce que le sondage est ouvert à tous, une simple « information sur le sexe administratif selon la carte d’identité » étant requise à sa fin. Autant dire que pour la scientificité des résultats obtenus, des doutes sont permis. En revanche, niveau progressisme, toutes les garanties sont là.

Supprimer la diversité

C’en est de toute façon trop pour Jean-Luc Addor. Pour lui, il convient maintenant d’en savoir plus sur le budget du Service Femmes dans l’Armée et diversité (FdAD), à l’origine de cette enquête, ainsi qu’à propos du coût de l’enquête elle-même.

Proposant rien de moins que la suppression du volet « diversité » du FdAD, il livre le fond de sa pensée : « Au moment où Conseil fédéral et Parlement se retrouvent face au défi de moderniser notre Armée à temps pour faire face à des risques grandissants pour la sécurité du Pays, le moment n’est-il pas venu de revoir l’affectation de certains des moyens au demeurant insuffisants qui lui sont alloués ? »

En 2019, l’armée avait déjà fait sensation en ouvrant un bureau centré sur l’intégration des personnes transgenres. Des mesures avaient été annoncées pour « s’affranchir des règlements actuels qui discriminent les personnes transidentitaires », rapportaient Le Matin Dimanche et la SonntagsZeitung. On parlait alors de 18 personnes concernées au sein de l’armée. La ministre de la Défense Viola Amherd avait également présenté des objectifs de réduction des émissions de CO2 de son département. 

Commentaire : Soldat Bozo au rapport !

« Se soucier de ses soldats, leur montrer qu’on se préoccupe de leur bien-être et de leur moral, c’est central. Donc l’armée a en effet tout intérêt à s’y intéresser. Alors quel est le problème ? » Ainsi s’exprime un militant socialiste vaudois, Nicolas Schnorhk, sur X (ex-Twitter). Et à vrai dire, la question mérite d’être posée. Mais peut-être pas en temps de crise géopolitique majeure. 

Tandis que la guerre sévit en Europe et que la menace de terrorisme reste élevée, doit-on vraiment consacrer de l’argent public à une cause si marginale que le bien-être d’une minorité inexistante aux yeux de la loi au sein de l’armée ? Pourquoi pas, pendant qu’on y est, former les recrues au respect des accords toltèques et à l’ouverture des chakras, si le bien-être des soldats est « central » ?

Nous aurons peut-être, un jour, l’armée la plus morale du monde. Le seul problème est qu’elle servira à faire rire des enfants russes ou chinois dans des chapiteaux de cirque. 

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L’observatoire du progrès // Juillet 2024

Une comparaison qui nous fait bien Marguet

Le graphiste du peuple est encore en stage.

Peut-être ne le saviez-vous pas, mais le Requiem de Mozart est « une vraie merde ». Eh oui ! Il n’y a pas à douter de cette analyse puisqu’elle est le fait de l’humoriste Yann Marguet, fierté de Sainte-Croix, dans un entretien à Libé. On y découvre que le chroniqueur de l’émission Quotidien a des goûts autrement plus pointus puisqu’il apprécie aussi bien les rappeurs du Wu-Tang Clan que le punk rock de NOFX. Bon, petite concession de l’ancienne gloire du service public suisse : à ses funérailles, nous dit-il, il aimerait que l’on passe Le Dernier Repas de Brel, même si « certaines paroles ne sont plus vraiment en accord avec la société moderne ». Que voilà un garçon soudainement bien progressiste comme il faut ! Si ça continue, il finira par nous expliquer que Virgile ne tient pas la distance face à ses nouvelles audaces germanopratines.

Le Château de mammaire

On a dit et écrit beaucoup de choses, l’an dernier, à propos du fameux concert Ejaculate de la cathédrale de Lausanne, dans le cadre du Festival de la Cité. Rien de tel, cette année, et nous n’avions d’ailleurs pas la tête à chercher la petite bête. Reste que le concert Friction, de Sophia Rodriguez, mérite quand même une petite mention pour ses tétages généreux. Répétons-le goulûment : à Lausanne, l’art contemporain s’apprécie comme du petit lait.

La création contemporaine se porte bien.

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La cancel culture nous fait une fleur

Très belle entreprise d’épuration éthique dans le domaine des sciences naturelles ! Le Parisien nous apprend que le mois dernier, des experts réunis en congrès « ont voté pour l’abolition de plus de 200 noms d’espèces de plantes, de champignons et d’algues jugés racistes ». En cause, des appellations comme Erythrina Caffra ou Dovyalis Caffra ou encore Protea Caffra. Oui, le problème n’est pas évident pour nous mais il faut savoir que dans le contexte sud-africain, le mot « Caffra » a longtemps été utilisé pour désigner péjorativement les Noirs. Le mot incriminé sera désormais remplacé par « Affra » afin de rappeler les origines de ces espèces. Le coup sera assurément très dur à supporter pour les hordes de crânes rasés férus de botanique.

Vraiment beaucoup döner

Attention ça chauffe entre l’Allemagne et la Turquie ! Et pas à propos de n’importe quoi, mais à propos de la paternité du döner kebab. Alors pour ceux qui ne nourrissent pas de passion particulière pour la Street Food (à la différence sans doute de Yann Marguet), cette précision : le kebab désigne à l’origine la viande grillée, et le döner est sa variante, hyper populaire en Allemagne, consommée en sandwich. Mais là où ça se corse – même sans sauce piquante – c’est que « des producteurs turcs ont déposé à Bruxelles une demande pour faire du döner kebab une marque protégée », nous apprend le correspondant à Berlin du journal Le Soir. La chose est carrément perçue comme « une attaque contre la culture gastronomique nationale » en Allemagne, selon le journaliste. Diantre ! Admettons que ça ouvre des perspectives intéressantes : d’ici quelques décennies, verra-t-on la France se battre pour qu’on reconnaisse qu’elle est à l’origine de la burka ?

La France arrivée à bon porc

Gastronomie toujours, mais cette fois en France : « Mantes-la-Jolie : au Val-Fourré, le dernier commerce qui vendait du porc et de l’alcool a fermé. » Voilà le titre d’un article du Parisien consacré à la fermeture d’une supérette causée, nous dit-on, à un ras-le-bol général et à l’inflation. Ras-le-bol de qui ? De quoi ? en tout cas pas des produits proposés puisque l’enseigne était la seule du coin à vendre encore du cochon et de la gnôle. Mais le journal ne nous prend pas pour des imbéciles et admet pudiquement que cette disparition « marque aussi un changement dans les habitudes culinaires du quartier ». La faute à cette obsession pour le summer body, très certainement. 

Le jour le plus con

Voilà que le stagiaire nosu massacre des photos des troupes britanniques.

« Nous incarnons une rébellion nécessaire face au fascisme ». Voici le titre de la tribune signée par pas moins de mille artistes drag queens dans les colonnes de Libération. On n’entrera pas beaucoup plus avant dans le contenu de leur prose. Suffit d’imaginer les hauts talons et les faux cils de La Briochée, Paloma ou Minima Gesté sur les plages de Normandie en 44 pour comprendre qu’en matière de résistance au totalitarisme, ces créatures de boîtes de nuit ont effectivement tout à nous apprendre.




La violente crise Miss.Tic d’Avignon

Elle voulait « la France au Maliens », ne croyait qu’en « un Éternel féminin » et partageait volontiers les dernières nouvelles de ses organes reproductifs avec le monde entier. « Elle », c’est Miss.Tic, Radhia Anouallah de son vrai nom, dont l’œuvre est à l’honneur tout au long du parcours de visite du palais des papes d’Avignon jusqu’en janvier 2025. C’est ici, dans ce bâtiment somptueux que la tête de l’Église catholique avait fui l’instabilité politique de Rome entre le XIVème et le premier quart du XVème siècle. 

Spectaculaire collision, cette première exposition post-mortem de l’artiste parisienne est présentée comme son « ultime provocation » sur un panneau disposé au début de la visite, à quelques pa(pe)s de la machine à café Lavazza. Mieux, l’obligation de se coltiner l’œuvre de cette « enragée » nous est même assénée comme « un dernier pied-de-nez à l’histoire et au pouvoir dans un lieu de la puissance masculine ».  Preuves indubitables du caractère sulfureux du programme : les logos de soutiens étatiques de l’exposition, ainsi que celui de la FNAC.

Quand le misérable rencontre le colossal.

Face à un menu si peu alléchant, le visiteur un brin délicat se décidera peut-être à contourner les créations de cette « poétesse de la ville et artiste dans la cité ». Espoir rapidement déçu : dès la première chapelle, sublime, une vidéo tourne en boucle où la nouvelle maîtresse des lieux explique puiser son inspiration « dans son vécu ».  Quelle audace ! Comment se concentrer sur des fresques qui ont traversé les siècles quand une artiste au nom de sorcière (le pseudo de l’artiste est tiré des aventures de Picsou) nous dit cent fois que son œuvre est éminemment subjective et qu’elle fait la part belle à quelque synergie ? Alors on se force, et on se dit que l’on pourra faire abstraction de l’écran pour se noyer dans la beauté des lieux. Mais si la beauté sauvera le monde (d’après Dostoïevski et beaucoup de tatouages de ceux qui ne l’ont pas lu), elle ne nous libèrera pas de Miss.Tic. Au vrai, l’artiste n’est de toute façon pas la seule nuisance de l’endroit, qu’il convient de visiter en portant un histopad, sorte d’iPad encombrant et reproduisant la réalité médiévale des pièces grâce à des QR codes situés sur des bornes.

L’histopad porte l’estocade

Remarquable, ce travail de restitution n’en a pas moins pour effet de rendre les visiteurs totalement étrangers à la réalité qui les entoure, particulièrement les plus jeunes. Ainsi la figure de cet enfant, dans un minuscule escalier médiéval, qui s’engage sans prêter attention à l’endroit où se poseront ses pas – sans doute dans le vide. Mourir pour des idées, ironisait Brassens, l’idée est excellente, mais mourir pour un histopad, voilà qui jetterai un froid chez les modernes. 

Rien que ça.

Et modernes, nos jeunes visiteurs le sont assurément, à croire ce garçon de huit ou neuf ans qui demande à sa génitrice « il porte quoi le monsieur » devant une représentation du Portement de la Croix. Plus facile, en effet, de comprendre la prose de Miss.Tic qui, avec ses pochoirs, nous indique sur un mur voisin qu’on n’est « ni de droite ni de gauche » mais bel et bien « dans la merde ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! Les plus politisés apprécieront aussi à sa juste valeur l’affirmation selon laquelle « nous sommes tous en situation irrégulière ». On regrettera simplement que la glorieuse épopée créatrice de la dame, décédée en 2022, ait eu lieu à une période où le masculin générique sévissait encore librement. Mais peu importe puisqu’une touriste aux cuisses de dinosaure s’enthousiasme pour tant de vista, au point de discuter de la portée philosophique de chaque slogan avec un mari à moustache dépassé par les événements. Lui qui espérait une ambiance Da Vinci Code, quelle douleur de se retrouver face à sa moitié désormais investie d’une mission de rééducation ! 

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De quoi se souviendront les hommes…

Il est temps de nous diriger vers la grande chapelle, non sans avoir appris en route que le sexe est « au cœur de la vie » et l’amour « au cul de l’existence ». Le ton reste cru, mais c’est qu’à l’époque où elle réalisait cette nouvelle série, Miss.Tic exposait en galerie, mais en ayant abandonné « ni la rue, ni la révolte », comme l’indique un nouveau panneau. 

Nous découvrons l’espace rituel principal du palais des papes, immense vaisseau de pierre débarrassé des symboles de l’ancienne religion. Tout autour de nous, des pièces reproduites sur de faux murs recréent une ambiance de Street Art. Dans une sacristie, des enfants regardent une vidéo de l’artiste en train de réaliser des découpages de sa seule main valide tandis que, réduits au silence pour l’éternité, des gisants de papes se trouvent à quelques centimètres. L’un d’eux – un enfant, donc, pas un pape – se réjouit soudain : sur son histopad, il vient de remporter un trophée d’enquêteur en herbe. Non pas pour avoir bien observé les fresques ou l’architecture des lieux, mais parce qu’il a trouvé des éléments cachés dans la recomposition 3D des pièces qu’il a visitées par écran interposé. 

Le monde comme il ne va pas.

Anesthésiés par la transformation de l’histoire en jeux vidéo, abreuvés de révolte conformiste, de quoi se souviendront les plus jeunes ? Sauront-ils qu’à une époque, des hommes affreusement cisgenres sont morts sur les chantiers d’édifices religieux aujourd’hui colonisés par les poncifs contre la domination masculine de Miss.Tic ? Comprendront-ils que notre civilisation était plus belle lorsque les artistes croyaient toucher le Ciel avec le pinceau ou la truelle ? Sauront-ils encore rêver de temps où des tableaux commandés avec de l’argent public ne servaient pas à appeler à la « turlutte générale » et à « arrêter de tout avaler » ?  Toute époque, sans doute, s’achève en carnaval. Mais le nôtre est triste. 

La visite, saccagée par l’acouphène Miss.Tic, touche à sa fin. Les enfants, trois par trois, sont encore invités à perdre un peu de leur part de rêve sur l’autel de la rébellion ludique.  Une dernière pièce est consacrée à une œuvre collaborative. L’expérience se déroule sous la férule d’une jeune collaboratrice – une saisonnière sans doute – certaine de participer à l’avènement d’un monde meilleur en portant plus loin le message d’une Miss.Tic sans réaliser qu’il est aujourd’hui le discours dominant des castes lettrées. Un message boboïsant, sans frontièriste, sans passé et sans futur. Un message que l’on aimerait jeter dans la même benne que l’ histopad qui vient de nous cogner deux heures contre les genoux.

Tuer le réel ne suffisait pas

Une fois sortis de la boutique souvenirs, nous regardons vers le sommet des murs de l’édifice, en quête de nuages bien absents en cette fin juillet. Et l’on se dit qu’aux dimensions colossales des réalisations de nos ancêtres, notre époque n’a de cesse d’opposer l’intime, le minuscule, quand ce n’est pas le misérable. Quelque part, une commissaire d’exposition s’est-elle dit « On va leur faire payer leur machin hétéronormé, à ces touristes » ? Nul doute en tout cas que quelque tête pensante à anneau dans le nez a dû trouver un tel projet « disruptif » lors d’une discussion de café avec son collègue vegan.

L’écrivain Philippe Muray, dès les années 1990, avait annoncé la « festivisation du réel », c’est-à-dire sa colonisation par un mélange de régression enfantine et de judiciarisation des rapports sociaux pour les réfractaires. À ce virage dans une hyperréalité de substitution s’ajoute aujourd’hui un processus de destruction systématique et quasiment industriel de la longue mémoire des peuples. Alors que les autres civilisations se refusent à entrer dans un tel processus suicidaire, la permanence d’un fond culturel commun semble pourtant seule à même de permettre aux Européens de traverser les temps d’épreuves auxquels ils semblent destinés. 

La culture comme entreprise de démolition.

À la Révolution française, les nihilistes arrachaient les têtes des saints pour se faire quelques sous et souiller les Églises de leurs pas. C’était encore bien artisanal. Désormais, des expositions parallèles et des écrans effectuent un travail remarquable pour que jamais plus un enfant sache où ceux qui l’ont précédé avaient placé leurs espérances. On peut bien sûr juger ces espérances absurdes, quand on n’a pas la foi, mais elles avaient fait traverser des océans, peindre la chapelle Sixtine et bâtir des cathédrales.   

Ce n’est donc pas à une exposition un peu audacieuse que nous avons été soumis. Elle est le symptôme des moyens colossaux dont disposent aujourd’hui les rebelles subventionnés pour qu’à la sortie d’un édifice religieux, les enfants en sachent davantage sur le sexe oral que sur la figure fondatrice de leur civilisation, un homme qu’on appelle le Christ.  




Le TF a tranché : pas de procession pour la Fraternité Saint-Pie X

Pas de baptêmes dans le lac pour les uns, pas de procession de la Fête-Dieu pour les autres : Les expressions de la foi et les théologies diffèrent fortement, mais le verdict est le même. Faute de soumission totale à l’État, concrétisée par la signature d’une déclaration d’engagement aux accents progressistes, de modestes expressions de la foi dans l’espace public sont définitivement interdites à Genève. « Christian pride », la procession n’avait pourtant jamais suscité de difficulté depuis 1993… Jusqu’à ce que la nouvelle loi genevoise sur la laïcité produise ses effets

« La religion est désormais a priori suspecte », s’indigne l’Abbé Jean de Loÿe, de l’oratoire Saint-Joseph de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX). Peu coutumier du fait, le jeune prêtre n’y va pas avec le dos de la cuillère pour dénoncer la décision du TF dans un courrier envoyé aux médias. Dans son message, il dénonce une déclaration d’engagement qui empêcherait, de facto, l’Église catholique de faire état de ses positions au sujet des « actes homosexuels » ou de l’avortement. L’affirmation de la « primauté de l’ordre juridique suisse », sans précision ni nuance, est également attaquée dans son texte, une juste désobéissance civile motivée par la foi ayant parfois constitué un rempart précieux à la barbarie. Un argument pas très éloigné de ceux du pasteur Jean-René Moret dans nos colonnes encore récemment.

La FFSPX fera-t-elle recours auprès de la cour européenne des droits de l’homme ? Non, car en Suisse c’est au TF d’avoir le dernier mot au niveau juridique, à ses yeux, et pas une instance plus lointaine. Quant à la prochaine procession, elle se fera sur le parking de l’oratoire, comme depuis 2022. « Nous revendiquons une certaine filiation avec les catholiques genevois qui ont souffert durant le Kulturkampf au 19ème siècle, avec d’ailleurs une continuité des positions. »

Qui aurait cru que le triomphe du progrès s’accompagnerait de la destruction des libertés religieuses minimales…

Sur le même thème:
Visite à « Tradiland » : https://lepeuple.ch/visite-a-tradiland-reportage/
Le pèlerinage de Chartres fait un petit en Suisse : https://lepeuple.ch/le-pelerinage-de-chartres-fait-un-petit-en-suisse/




La droite a bien raison d’attaquer l’Eurovision


La bête immonde bouge encore ! Si, si, on l’a vue cette semaine, à Berne et à Zurich. Elle y menace le financement massif (respectivement 30 et 20 millions de francs) de l’organisation du concours remporté par l’activiste non-binaire suisse Nemo en mai dernier. Comment ? En proposant de soumettre au vote des citoyens ce déluge de gros sous pour un événement qui, il faut bien le dire, ne fait pas l’unanimité. L’UDC n’est d’ailleurs pas seule à monter au front puisque le parti de droite évangélique UDF se joint à l’action.

Il n’en fallait pas plus pour que toutes les bonnes âmes, comme le président du Parti Socialiste vaudois Romain Pilloud, fassent connaître leur indignation. « L’UDC refuse qu’on lui colle l’étiquette « d’extrême droite », explique ce dernier sur X (ex-Twitter). Pourtant, un des éléments centraux qui permet de la définir est le contrôle de la culture : définir la culture considérée comme légitime, et censurer celle qui ne va pas dans son sens. » 

Intéressante analyse : n’est-ce pourtant pas la gauche, dans les principales villes du canton de Romain Pilloud ainsi qu’à l’échelon fédéral, qui tient la culture ? Et pourquoi, dès lors qu’il s’agit de culture, le peuple ne devrait pas avoir le droit de s’exprimer sur la manière dont on utilise l’argent qu’il ramène à l’État ? La censure ne serait-elle pas plutôt dans son camp ?

Bambie Thug, visage de l’Irlande à l’Eurovision 2024. (Crédit photo : Pedro J Pacheco)

On nous dira peut-être que l’Eurovision est un moment de grande communion pacifique entre les peuples. En mai dernier, toutes ces vertus du concours de l’Eurovision ne sautaient pas aux yeux. En plein week-end de l’Ascension, il fallait voir déferler sur nos écrans une délégation irlandaise conjuguant activisme pro-Gaza, non-binarité et intérêt pour la sorcellerie ! Il fallait voir une candidate de vingt ans chanter sous les huées parce qu’elle avait le tort d’être née en Israël. Il fallait subir, enfin, le catéchisme politique incessant de notre Nemo national. 

Oui la droite a raison de taper du poing sur la table. Et l’on regrette que les seules formations qui osent s’engager dans le combat culturel – avec des armes pourtant parfaitement démocratiques ! – soient les plus à droite. Aura-t-on un jour un centre-droit qui, lui aussi, ne prenne pas froid aux pieds au moment de dire qu’un spectacle qui coûte des millions d’argent public doit convenir au plus grand nombre ? Pourquoi tant de pudeur ?




Le jogging à l’ère de la non-mixité fluide

C’est peut-être l’un des plus grands paradoxes de l’époque : d’un côté, un discours féministe classique subsiste avec un accent placé sur les inégalités en matière de salaires, de discriminations ou de répartition des tâches domestiques. Mais de l’autre, des notions venues des sciences sociales s’imposent depuis quelques années en faisant du « genre » une réalité en perpétuel mouvement. Par exemple, depuis le premier janvier 2022, une simple déclaration permet de modifier les indications concernant son sexe et son prénom dans le registre de l’état civil. De même, l’irruption de personnalités dites « non-binaires » comme le chanteur Nemo a eu pour effet de ne plus présenter la répartition de l’espèce entre deux sexes comme une réalité infranchissable.

« Place des Pionnières »

Les deux circuits proposés par la ville de Lausanne.

Curieux défi pour les autorités politiques : comment continuer à combattre les inégalités dénoncées par le féminisme « à l’ancienne » tout en intégrant le concept de la fluidité du genre ? A Lausanne, un programme d’incitation des femmes à la course à pied s’est retrouvé au cœur de la problématique. Répondant aux résultats d’une enquête publique, il vise à aider les coureuses à se sentir à l’aise au centre-ville. En collaboration avec l’association DNH Hill Runners Lausanne, la Ville propose désormais deux parcours démarrant à la Place de Pionnières. Selon leur description en ligne, « les itinéraires empruntent des petites rues et traversent des quartiers résidentiels favorisant ainsi la sécurité, les espaces verts et la présence de points d’eau. » 

L’étrange figure de la femme astérisque

Drôle d’époque.

Pour le faire découvrir, cinq sorties ont été organisées pour le mois de juin, deux mixtes et trois réservées aux femmes. Si l’idée d’un entre-soi réservé aux dames dans le cadre sportif est sans doute vertueuse, la ligne de démarcation très claire hommes-femmes qu’elle implique peut interroger à l’aune des idéologies actuelles. Mais pas de souci, répond Yann Rod, de la Direction Sports et cohésion sociale : « Pour les personnes qui ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre, elles peuvent se rendre à la date et dans le groupe dans lequel elles se reconnaîtront le mieux et pourront se sentir à l’aise. » Quant aux sorties en non-mixité, il rappelle – le visuel de l’action le précise aussi discrètement – qu’elles sont certes réservées aux « femmes* » (ndlr notez l’astérisque) mais qu’il faut entendre par là « toute personne s’identifiant comme telle ». Et de préciser : « Dans tous les cas, et quel que soit le groupe choisi, toute personne y sera accueillie avec bienveillance. »

Rendre la non-mixité fluide pour encourager toutes et touxtes à mettre les baskets en ville… Peut-être que d’ici quelques années, la science aura montré que l’on court plus vite avec des nœuds au cerveau.




Après l’Eurovision, résister au nouveau catéchisme

Après de longs jours de matraquage médiatico-politique, il est temps de nous pencher sur le phénomène Nemo et ses sbires.