Le jogging à l’ère de la non-mixité fluide

C’est peut-être l’un des plus grands paradoxes de l’époque : d’un côté, un discours féministe classique subsiste avec un accent placé sur les inégalités en matière de salaires, de discriminations ou de répartition des tâches domestiques. Mais de l’autre, des notions venues des sciences sociales s’imposent depuis quelques années en faisant du « genre » une réalité en perpétuel mouvement. Par exemple, depuis le premier janvier 2022, une simple déclaration permet de modifier les indications concernant son sexe et son prénom dans le registre de l’état civil. De même, l’irruption de personnalités dites « non-binaires » comme le chanteur Nemo a eu pour effet de ne plus présenter la répartition de l’espèce entre deux sexes comme une réalité infranchissable.

« Place des Pionnières »

Les deux circuits proposés par la ville de Lausanne.

Curieux défi pour les autorités politiques : comment continuer à combattre les inégalités dénoncées par le féminisme « à l’ancienne » tout en intégrant le concept de la fluidité du genre ? A Lausanne, un programme d’incitation des femmes à la course à pied s’est retrouvé au cœur de la problématique. Répondant aux résultats d’une enquête publique, il vise à aider les coureuses à se sentir à l’aise au centre-ville. En collaboration avec l’association DNH Hill Runners Lausanne, la Ville propose désormais deux parcours démarrant à la Place de Pionnières. Selon leur description en ligne, « les itinéraires empruntent des petites rues et traversent des quartiers résidentiels favorisant ainsi la sécurité, les espaces verts et la présence de points d’eau. » 

L’étrange figure de la femme astérisque

Drôle d’époque.

Pour le faire découvrir, cinq sorties ont été organisées pour le mois de juin, deux mixtes et trois réservées aux femmes. Si l’idée d’un entre-soi réservé aux dames dans le cadre sportif est sans doute vertueuse, la ligne de démarcation très claire hommes-femmes qu’elle implique peut interroger à l’aune des idéologies actuelles. Mais pas de souci, répond Yann Rod, de la Direction Sports et cohésion sociale : « Pour les personnes qui ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre, elles peuvent se rendre à la date et dans le groupe dans lequel elles se reconnaîtront le mieux et pourront se sentir à l’aise. » Quant aux sorties en non-mixité, il rappelle – le visuel de l’action le précise aussi discrètement – qu’elles sont certes réservées aux « femmes* » (ndlr notez l’astérisque) mais qu’il faut entendre par là « toute personne s’identifiant comme telle ». Et de préciser : « Dans tous les cas, et quel que soit le groupe choisi, toute personne y sera accueillie avec bienveillance. »

Rendre la non-mixité fluide pour encourager toutes et touxtes à mettre les baskets en ville… Peut-être que d’ici quelques années, la science aura montré que l’on court plus vite avec des nœuds au cerveau.




Après l’Eurovision, résister au nouveau catéchisme

Après de longs jours de matraquage médiatico-politique, il est temps de nous pencher sur le phénomène Nemo et ses sbires.




Édition 33 – Pour en finir avec le wokisme

Chers amis, chers abonnés,

Elle est partie ce matin à l’imprimerie, mais la voilà déjà en ligne pour vous : notre nouvelle édition, qui déborde de bonnes choses. A tel point que nous avons déjà dû en mettre de côté pour la suivante !

Bonne découverte à tous et, pour nos anciens clients en ligne sur la plateforme partager.io, n’oubliez pas : vos abonnements n’étant plus automatiquement reconduits, il est temps de passer dans notre nouveau système.  

Consultez la nouvelle édition numérique




« L’idée d’ ”université woke” n’a pas de sens ! »

« Un curieux progressisme autoritaire (…) colonise jusqu’aux assiettes des étudiants de l’Université de Neuchâtel. En ces lieux, plus question en effet de manger autre chose que du tempeh ou du tofu, bref des mets végétaliens, dans les cafétérias. Parce que tel est visiblement le sens de l’histoire. »

Voici ce que nous écrivions dans l’édito de notre dernière édition, à propos du virage vegan des cafétérias de l’Université de Neuchâtel. Dans la foulée, un étrange document devait commencer à faire le tour des réseaux sociaux, également venu de ce lieu de savoir.

Agenre, Bigenre, Pangenre… Le questionnaire demandait aux étudiants de se définir en fonction de catégories pour le moins baroques, et toutes solidaires des derniers développements de la théorie du genre. Conjuguée à la récente décision de se mettre en retrait de X (ex-Twitter) par opposition à la politique trop libérale du réseau social, n’était-ce pas là la preuve ultime d’un virage très à gauche – « wokiste » diront certains – de l’Université de Neuchâtel ? Nous lui avons posé la question.

Ce questionnaire, tout d’abord. N’y-a-t-il pas de quoi s’étonner devant les catégorisations toutes plus extrêmes les unes que les autres ? Pas pour Nando Luginbühl, chef du Bureau presse et promotion de l’Université, qui nous explique très en détails les vertus scientifiques de cet ovni : « Il s’agit d’un extrait d’un questionnaire élaboré dans le cadre d’un séminaire d’introduction à la recherche quantitative. Durant le semestre d’automne, les personnes qui suivent ce séminaire conçoivent un questionnaire, qui est ensuite envoyé aux membres du corps estudiantin durant la période d’intersemestre. Le semestre de printemps est consacré au traitement des résultats. Le but est d’enseigner la réalisation d’enquêtes sur des sujets de société et la maitrise des outils de sondage. » D’accord, mais pourquoi une telle insistance autour des questions de genre ? « Les résultats peuvent également être utilisés dans le cadre de publications. Cette année, l’enquête porte sur le thème des relations amoureuses et pratiques sexuelles. Sur ce thème, le fait de catégoriser les réponses en fonction du genre auquel les personnes sondées peuvent s’identifier permet d’affiner les résultats, et ainsi rendre l’exercice plus enrichissant. »

Une attitude citoyenne

Enrichissante, la lecture du document l’est assurément. Mais est-elle réellement de nature à nous rassurer quant au sérieux des savoirs qui s’acquièrent désormais à Neuchâtel ? À cette interrogation, le responsable comm’ répond que l’idée d’« université woke » n’a pas de sens. « L’Université ne prend pas de position politique et estime qu’avoir une attitude citoyenne ne dépend pas d’une couleur politique. Elle défend dans sa Charte des valeurs d’exigence, de créativité, de liberté et de responsabilité qui ne sauraient être revendiquées comme étant l’apanage de la gauche ou de la droite. »

D’accord, mais l’Université est-elle à ce point devenue « citoyenne » qu’elle ne peut plus comprendre que certaines de ses prises de position suscitent la surprise ? « Ce n’est pas de la surprise mais nous constatons que certaines décisions récentes suscitent des commentaires. Ce qui nous surprend, c’est que ces commentaires montrent que les personnes qui les relaient n’ont visiblement pas lu les informations qu’elles commentent (ou peut-être ont-elles pris la peine de le faire mais n’ont compris qu’imparfaitement ce qu’elles ont lu). Ainsi, l’UniNE n’a pas « quitté X » mais elle a mis en veille ses activités sur ce réseau social car il n’offre aujourd’hui plus les garanties minimales de vérification permettant de s’assurer qu’il y ait un contrôle-qualité suffisant de ce qui y est publié. » Quant au triomphe du tofu dans son institution, il refuse la notion de « passage généralisé au véganisme » : « Une lecture attentive des articles parus à ce sujet montre que l’offre d’une alimentation végétale vient compléter une offre dans des distributeurs qui proposent également des produits issus de l’élevage ou de la pêche. » C’est dire si le progrès fait rage.

Figurant parmi les personnes qui ont fait circuler l’image du questionnaire, David L’Épée, ancien étudiant de l’UniNE, n’est pas convaincu par ces explications : « L’université, qui fut pendant des siècles un lieu d’ouverture et d’émulation intellectuelle et dont l’histoire en Europe est liée à celle de la pensée humaniste, semble aujourd’hui prendre le contrepied de cette dynamique. S’enfermant de plus en plus dans un ghetto idéologique, elle semble ne pas percevoir le décalage abyssal qui est en train de se creuser entre ses nouveaux dogmes et la réalité dans laquelle vivent les gens ordinaires. Plus elle parle d’« inclusivité » et plus, au contraire, elle exclut, divise, atomise, catégorise, obsédée comme elle l’est aujourd’hui par des lubies identitaires qui paraissent ubuesques à 99% de la population. »

Anti-élitisme et populophobie

Ces dérives, selon cet auteur de la revue Éléments, vont finir par poser des problèmes profonds pour la société : « sur ce qui est attendu du financement des universités, sur la manière dont ces institutions sont censées préparer les jeunes à trouver du travail, sur la formation d’élites socio-culturelles de plus en plus déconnectées du vaste monde qui s’étend en dehors des campus. L’Université de Neuchâtel n’est pas forcément la plus engagée dans cet enfermement doctrinal mais elle a, comme d’autres, un pied sur cette mauvaise pente. Or le divorce entre les intellectuels et le peuple peut amener en Suisse à des tensions préoccupantes, d’autant qu’à l’anti-élitisme de certains dans la société civile répond, dans les milieux académiques, une certaine populophobie que ces nouvelles idéologies de la « déconstruction » font tout pour alimenter. »




Les CFF se lancent dans la discrimination positive à marche forcée

« Comply or explain », littéralement « appliquer ou expliquer » : c’est le nom d’un principe de gouvernance d’origine anglo-saxonne qui vient d’entrer en vigueur au sein des CFF. Le principe est simple : veiller à faire de la diversité une priorité lors du recrutement (c’est la partie « comply ») si une équipe de direction ne compte pas au moins deux femmes et n’est pas plurilingue. Et si ce n’est pas possible ? Alors l’entreprise utilisera les expériences de son collaborateur pour en « tirer des enseignements ». « HR (ndlr les ressources humaines en franglais technocrate) continuera à t’accompagner tout au long de la procédure, que ce soit pour un recrutement ou une nomination », précise un courriel récemment envoyé au sein de la compagnie.

Ce message, qui s’adresse en « tu » aux collaborateurs d’une boîte de 34’200 collaborateurs, précise que l’approche « comply or explain » fera, « dans un premier temps », l’objet d’un projet pilote d’un an. Ses objectifs s’inscrivent dans l’horizon de la stratégie diversité et inclusion des CFF. La page internet consacrée à cet aspect de la politique interne nous en présente d’ailleurs la responsable, « personnalité dynamique, toujours optimiste », ainsi que le réseau Queernet, destiné aux personnes LGBTQIA+ au sein de la société. Un autre réseau, réservé aux femmes cette fois, « favorise les échanges, les enseignements et le soutien mutuels, de façon intersectorielle et indépendamment de toute hiérarchie ».

Présentation de la dynamique et optimiste responsable diversité sur le site des CFF.

Gare à la cravate

Selon diverses sources, une politique très progressiste a actuellement la cote au sein des CFF. Sans forcément ravir tout le monde, de haut en bas de la hiérarchie, elle s’impose peu à peu depuis quelques années, au point que certaines rencontres avec des responsables étrangers donnent lieu à des scènes cocasses où seuls les Suisses ne portent pas de cravates ! Sans surprise, l’écriture inclusive est désormais la norme dans la communication interne et externe, à part dans les rapports de gestion. 

Reste que l’on peut se demander si les CFF ne sont pas en train de soumettre les recruteurs à la tutelle des RH afin de garantir des objectifs certes nobles – la diversité et le plurilinguisme – mais pas forcément réalistes. Nous avons soumis cette réflexion à Sabine Baumgartner, porte-parole, ainsi que les questions suivantes : est-il vraiment raisonnable de penser que chaque équipe de direction pourra compter sur la présence de deux femmes d’ici 2025 ? Combien de postes cela représentera-t-il au total ? Et pourquoi ce « tu » ? 

Voici en bloc les réponses qu’elle nous a données : « Comme nous apprécions une collaboration collégiale d’égal à égal, nous nous tutoyons déjà en interne aux CFF depuis 2018 – à tous les niveaux hiérarchiques.
Diverses équipes ont une meilleure performance et un meilleur rendement. Les CFF soutiennent leurs cadres en conséquence : l’approche Comply or Explain soutient cette mesure et est intégrée en tant que projet pilote dans le processus de recrutement déjà standardisé. Soyez assuré que l’ensemble de nos 34 000 collaborateurs et collaboratrices s’engagent chaque jour pour nos client-e-s. » Et de nous renvoyer au portail statistique des CFF pour davantage de données chiffrées quant au nombre de postes concernés.

Moins d’un mois après une panne géante à Renens (VD), nous voici au moins rassurés sur un point : « L’ouverture et le respect de l’autre sont bel et bien le fondement de (la) philosophie d’entreprise des CFF », comme le clame leur site.




Macabre, sortilèges et non-binarité : encore un drôle de concert dans un temple vaudois

Après le fameux concert « Ejaculate » de la cathédrale de Lausanne, cet été, un nouvel événement artistique promet de faire rejaillir la question de l’ouverture des lieux de culte à tous les vents. D’après le site du festival Les Urbaines, un concert étonnant se tiendra le 2 décembre prochain au Temple de Chavannes, situé près de la gare de Renens.

La musique du duo est sombre et désespérée.

Au programme, .pastoral, un duo composé de ErmenX aka Gabi Pedrosa et St. Asterión Diamantista VII. D’après le site du festival, ce groupe « expérimente des perspectives aussi bien musicales que scénographiques et visuelles » dans un « style éclectique sorti de marécages ensorcelés, entre indie-folk exacerbé et post-metal ». Selon la description en ligne, « .pastoral adopte principalement les guitares, le chant et la batterie pour conter des narrations à la fois tendres et grotesques, habitées de mélodies sensibles, d’incantations macabres et de sortilèges. »

Macabre, sortilèges, ensorcellement… Le champ lexical de la présentation de cette première européenne laisse à penser que le cadre d’un temple chrétien n’est peut-être pas tout à fait le lieu idoine pour accueillir de telles expérimentations au fumet funèbre. Pourquoi, dès lors, ce « duo d’artistes et musiciennexs » – dont il faut visiblement parler en « iels », selon le site du festival – s’y produira-t-il ?

Pour redécouvrir la fameuse affaire de la cathédrale, nous vous offrons exceptionnellement ce lien vers notre édition du mois d’août (page 1 à 7).

Contactée, l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) botte gentiment en touche. « Ces questions relèvent de la compétence de la paroisse et de la Commune qui ont en charge l’utilisation des temples. » Quelques mois à peine après un scandale national au sujet d’un autre concert branchouille et peu en cohérence avec les valeurs chrétiennes à la cathédrale, on ne saura pas si cet étrange écho est bien assumé.

Malgré nos demandes, silence radio depuis mercredi dernier, aussi, du côté de la Commune, du festival et du pasteur responsable des lieux – il est vrai en formation.

Dans l’hypothèse que cette posture ne durera pas éternellement, voici quelques réflexions :

  • Ne serait-il pas temps, bientôt, d’accueillir dans les lieux de culte des artistes susceptibles de les fréquenter en temps normal ?
  • Pourquoi les seuls lieux de culte colonisés par les artistes « ensorceleurs », « non binaires » et révolutionnaires subventionnés sont-ils toujours des lieux de culte chrétiens ?
  • Combien de temps des institutions religieuses payées par nos impôts laisseront-elles des spectacles heurter la sensibilité des chrétiens au sein de nos édifices ?

Telles sont les questions que nous espérons aborder avec les acteurs concernés… Quand ils daigneront s’intéresser un peu au sentiment insupportable de christianophobie cool que nous devons feindre d’apprécier toute l’année.

On rappelle pour finir qu’après l’affaire de la cathédrale, le Conseil synodal (l’exécutif) de l’EERV avait réaffirmé « sa volonté que l’Eglise réformée vaudoise, dans ses lieux et propositions, serve à nourrir la dimension spirituelle de toutes et de tous. »




Combattre dans la joie

« Do you know Chesterton ? » me lançait sans ambages mon vénérable enseignant d’anglais en portant une tasse de thé à ses lèvres. Surpris par cette entrée en matière, l’adolescent que j’étais répondit par la négative. « It’s a mistake young fellow », murmura-il en regardant par-dessus ses lunettes. Je n’avais plus le choix. J’occuperai mon temps libre au Royaume-Uni à lire ce dénommé Chesterton. Je ne sais pas si je progressai réellement en anglais durant ce séjour linguistique. En revanche, j’entrouvris la porte du paradoxe.

Une vie paradoxale

 Imaginez, au détour d’une rue, un colosse jovial de cent trente kilos pour un mètre nonante, une cape flottant sur les épaules et ne quittant jamais sa canne-épée. Vous venez de rencontrer Gilbert Keith Chesterton et, à n’en pas douter, vous ne l’oublierez pas de sitôt.

Chesterton vient au monde à Londres en pleine époque victorienne. Après des études où il va, entre autres, développer des compétences artistiques, il s’oriente vers le journalisme. Ses talents de polémistes joints à son style d’écriture autant satirique que spirituel lui valent admiration et célébrité mais aussi quelques solides inimitiés.

Auteur prolifique, il ne cesse d’écrire essais, articles et romans touchant à des sujets divers et variés : poésie, politique, religion, philosophie et littérature.

Cet amateur de vin de Bourgogne aux écrits parfois délirants (Le nommé JeudiLe Napoléon de Notting HillL’inconvénient d’avoir deux têtes, etc.) est aussi une âme tourmentée par la vérité. Élevé dans un anglicanisme de convenance, il va s’essayer au spiritisme avant d’entreprendre un long chemin qui va le conduire à entrer dans le giron de l’Église catholique en 1922.

Amoureux de la liberté et de la justice sociale, défenseur du peuple dont la voix n’est pas entendue, Chesterton s’éteint en 1936 en laissant derrière lui le souvenir d’un bretteur passionné et courtois.

Autoportrait de l’auteur avec le slogan distributiste « trois hectares et une vache ».

A travers ses écrits, Chesterton nous invite à comprendre les faiblesses et les impasses de la pensée moderne. Suivons-le !

 Le mythe du progrès

Depuis le Siècle des Lumières, le mythe du progrès est une matrice idéologique qui justifie tous les changements et toutes les transformations. Chesterton s’attaque à ce mythe fondateur de la modernité qui postule un progrès cumulatif et indéfini s’affranchissant de l’ordre naturel. 

Chesterton critique cette idée qui n’est un sophisme car « même quand il y a progrès du fait qu’il y a développement, le progrès ne porte pas sur tous les points : il n’est jamais simple, ni absolu » (Chaucer).  Bien plus cette croyance en un progrès nécessaire représente une hérésie car elle est simpliste et nuisible. Elle néglige aussi la réalité qui est nuancée et complexe. Chesterton fait ici écho à Hamlet, dans la tragédie éponyme de Shakespeare, qui voyait plus de chose dans la réalité qu’il n’en est rêvé dans la philosophie.

Chesterton n’est pas misonéiste pour autant. Il refuse que le progrès se fasse au détriment de la sagesse éprouvée par les siècles. Face au progrès aveugle et destructeur, Chesterton propose la prudence et le discernement. Il envisage toujours les conséquences d’un soi-disant progrès pour montrer son inanité. Le progrès ne peut se construire sur les cadavres de ce qui était bel et bon précédemment : « Il m’a paru inique que l’humanité trouve toujours mauvaises tant de choses qui ont été assez bonnes pour en rendre d’autres meilleures, et qu’elle repousse sans cesse du pied l’échelle qui lui a permis de monter. Il m’a semblé que le progrès devait être autre chose qu’un parricide continuel. » (Le Défenseur)

Rayon Chesterton de l’auteur.

La pensée captive

Fille du mythe du progrès, force est de constater que la pensée moderne n’est ni libre ni féconde et que « le monde moderne dépasse en bouffonnerie les caricatures les plus satiriques » (L’Homme éternel). En effet, il est courant aujourd’hui d’adopter des idées préconçues et des préconcepts sans remettre en question leur validité. Prisonnier de ses habitudes de pensée et de ses préjugés, l’homme moderne limite sa capacité de découvrir le réel, bien plus il impose sa propre grille de lecture à la réalité.

Pour libérer notre pensée, Chesterton invite tout un chacun à redevenir un homme ordinaire car ce dernier « a toujours été bien portant parce qu’il a toujours été un mystique. Il a permis le crépuscule. Il a toujours eu un pied sur la terre et l’autre dans le royaume des fées. Il s’est toujours gardé la liberté de douter de ses dieux, contrairement à l’agnostique moderne, libre aussi de croire en eux. Il est plus soucieux de vérité que de logique » (Orthodoxie).

 La folie intolérante

Il suffit de consulter les réseaux sociaux, d’allumer son téléviseur ou d’ouvrir le journal pour constater que l’homme ordinaire se trouve confronté à une forme de folie intolérante qui ne se dissimule plus.

Qu’est-ce que cette folie ? Selon Chesterton, la folie est « la raison utilisée sans racines, la raison dans le vide » (Orthodoxie).  Bien plus, il s’agit de « penser sans s’appuyer sur les principes premiers et authentiques », en inversant « les points de départ et d’arrivée ». (Orthodoxie)

Cette folie s’impose par l’intolérance de certains groupes qui tout en prônant le dialogue, deviennent intolérants envers ceux qui ne partagent pas leur vision du monde. Pire encore, cette intolérance est justifiée par le « droit » à la différence et elle conduit à l’exclusion des « dissidents ». Et Chesterton de considérer avec brio : « Les vieux fanatiques religieux ont torturé des hommes physiquement pour une vérité morale. Les nouveaux réalistes torturent des hommes moralement pour une vérité physique » (Tremendous Trifles).

La joie comme une arme

Confronté à ce monde, le risque est de devenir « un homme dont le cœur est sevré de toutes les joies ». Si tel est le cas « il ne reste plus que la folie » (Le Napoléon de Notting Hill). En pourfendant ce qui ne va pas, Chesterton ne critique pas seulement la pensée moderne ; il nous offre, par ses œuvres et sa vie, l’arme par excellence : la joie.

La joie n’est pas une simple émotion fugace, c’est une attitude fondamentale de l’être humain. Pour Chesterton, « l’homme est plus lui-même, l’homme est plus homme, quand la joie est en lui la chose fondamentale et la tristesse la chose superficielle » (Orthodoxie). Le cœur de cette joie c’est la louange, mystérieuse « pulsation de l’âme » ; c’est-à-dire l’action de grâce, la reconnaissance pour la beauté, pour la vie, pour l’amitié, pour une bière partagée dans un taverne enfumée. Par la joie, nous maintenons vivante notre capacité d’émerveillement et nous touchons au mystère même de Dieu. D’ailleurs Kafka ne s’était pas trompé quand il disait de Chesterton que sa joie donnait l’assurance qu’il avait rencontré Dieu.

Paul Sernine

Quand Chesterton annonçait le « wokisme » 

« La grande marche de destruction mentale va continuer. Tout sera nié. Tout deviendra objet de croyance. C’est une position raisonnable de nier l’existence des pierres dans la rue ; ce sera un dogme religieux de l’affirmer. C’est une thèse rationnelle que nous vivons tous dans un rêve ; ce sera une preuve de santé mentale mystique de dire que nous sommes tous éveillés. Des incendies seront allumés pour témoigner que deux et deux font quatre. Des épées seront tirées pour prouver que les feuilles sont vertes en été. Nous serons acculés à défendre, non seulement les incroyables vertus et le bon sens de la vie humaine, mais quelque chose de plus incroyable encore : cet immense et impossible univers qui nous regarde en face. Nous nous battrons pour des prodiges visibles comme s’ils étaient invisibles. Nous regardons l’herbe impossible et les cieux avec un étrange courage. Nous serons de ceux qui ont vu et qui ont pourtant cru. »

G.K. Chesterton, Hérétiques (1905)

Pour aller plus loin:

Biographies :

·      François Rivière, Le divin Chesterton, Rivages, 2015.

·      Ian Ker, G.K. Chesterton – A Biography, OUP Oxford, 2012.

Romans :

·      Le Napoléon de Notting Hill, trad. Jean Florence, Gallimard, 2001.

·      L’Auberge volante, trad. de Pierre Boutang, L’Age d’Homme, 1990.

·      Les enquêtes du Père Brown, Omnibus, 2008.

Essais :

·      Hérétiques, trad. Jenny S. Bradley, Éditions Saint-Rémi, 2008.

·      Orthodoxie, trad. Radu Stoenescu, Carmin, 2023.

·      Saint Thomas d’Aquin, trad. Maximilien Vox, Éditions Saint-Rémi, 2006.




Barbie : une quête de soi acidulée

Après les films salués par la critique Lady Bird (2017) et Les filles du docteur March (2019), la réalisatrice et actrice Greta Gerwig (1983) signe sa quatrième mise en scène en adaptant à l’écran la poupée la plus célèbre du monde : Barbie. Tourner un film autour d’un jouet pour fille ? L’entreprise a de quoi étonner ! Venant de dépasser le milliard de recettes au box-office mondial, le phénomène Barbie est en marche, imposant sa fameuse couleur rose au firmament. Le film est même devenu la plus grosse sortie de l’entreprise Warner Bros. en Amérique du Nord (deuxième au niveau mondial derrière l’ultime volet d’Harry Potter), dépassant The Dark Knight (2008) de Christopher Nolan (1970). Mais que dire du film en lui-même ? Simple expression de vertu ostentatoire ou véritable perle cinématographique ?

Barbie raconte en substance la quête identitaire des protagonistes Barbie (jouée par Margot Robbie) et Ken (incarné par Ryan Gosling), et plus précisément leur entrée dans « l’âge adulte » si on les considère tels des enfants sur le point de murir. Le film tente de dépeindre les paradoxes et autres complexités que cette période de l’existence implique, tout en fonctionnant comme une critique sociale au message plus nuancé qu’il n’y paraît.

Il s’agit d’un véritable récit d’apprentissage, genre traité depuis la naissance du cinéma et toujours aussi plaisant à voir. Les spectateurs prennent du plaisir à être les témoins des péripéties de Barbie stéréotypée (c’est-à-dire la Barbie typique à la chevelure blonde) qui est contrainte à sortir de son état de naïveté pour se plonger dans la « réalité » dominée par la grisaille et le cynisme.

Barbie exprime une critique sociale totalement assumée, se présentant pour l’occasion comme un film à thèse. Toutefois, elle n’est pas manichéenne pour autant : un message nuancé suggère que le matriarcat, modèle sociétal de cette utopie qu’est Barbie Land, n’est peut-être pas souhaitable. En effet, vivre de manière candide en évitant consciemment la tragédie de l’existence (dont la mort fait partie) ne permet assurément pas l’épanouissement de l’individu ; Barbie a besoin de murir en faisant face au monde réel, et ce afin de devenir une femme à part entière. D’un point de vue visuel, la photographie et la production design (c’est-à-dire les décors et les costumes) contribuent magnifiquement à cet univers enfantin d’une part, et rendent le film visuellement onctueux d’autre part. L’esthétique kitsch et outrancière contribue assurément à son charme. Le film est drôle dans l’ensemble, saupoudré de scènes culte et de références aux classiques du 7e art. L’audience s’investit sans peine dans cette fable haute en couleur.

Tout n’est cependant pas rose dans le monde de Barbie. Même si les personnages sont en général amusants malgré un clair manque de complexité – surtout Ken campé par un Ryan Gosling au plus haut de sa forme dramatique, Barbie stéréotypée est en comparaison moins captivante. On peut supposer qu’il s’agit des contraintes inhérentes au rôle que Margot Robbie interprète ; Barbie est après tout le cliché de la femme parfaite, de prime abord superficielle et dénuée d’âpreté. On peut cependant être étonné de voir une protagoniste aussi peu travaillée alors qu’elle est censée subir la transformation la plus radicale. La conclusion du film est d’ailleurs plutôt convenue : un happy-end qui conserve toutefois le message essentiel du film : le patriarcat est chaotique ; les femmes n’ont pas besoin des hommes. En d’autres termes, la princesse se sauve toute seule ; le prince charmant peut allégrement aller se recoucher. Une autre façon d’expliquer ce manque général de profondeur dans le jeu a trait au fait que Barbie est malheureusement avant tout un film au service d’une idéologie ; l’esthétique est au service du féminisme actuel, qui ne s’efforce pas seulement de nier toute différence entre les sexes, mais insiste également sur l’inutilité des hommes : « Barbie est toutes les femmes ; toutes les femmes sont Barbie. Barbie peut tout faire, donc les femmes le peuvent aussi » comme il est déclaré au début du film. L’un des défauts des œuvres qui souhaitent absolument imposer un message à l’audience est le sacrifice de la profondeur des personnages sur l’autel de l’idéologie : ces derniers deviennent des incarnations de concepts comme « la masculinité toxique » ou « la féminité bienveillante », au lieu d’agir comme des individus à la psychologie riche et complexe (ce qui les rendrait plus passionnants).

En somme, Barbie est dans l’ensemble un bon film. Son histoire globalement agréable à suivre, enrichie de situations cocasses et hilarantes, contribue largement au charme de cette aventure colorée, au caractère mordant. Toutefois, sa trame à la conclusion convenue, forçant les bons sentiments, ainsi que la morale féministe trop présente rebuteront plus d’un spectateur – en dépit d’un message plus nuancé que ce que certains détracteurs veulent concéder. Établir une claire distinction entre idéologie et esthétique ? Possible mais loin d’être aisé tant la première semble avoir un impact sur la deuxième. Un message politique adouci, placé davantage en filigrane, aurait sans doute bénéficié au dernier travail de Greta Gerwig.




Le navire et le Scrabble

L’homme, qui se savait minuscule sur ses bateaux, pouvait tout car il se souciait davantage du salut de son âme que de sa facture d’électricité ou de son cholestérol. Ainsi découvrait-on des peuplades exotiques, des éléphants et des passages impossibles à travers la Patagonie, quand notre modernité ne découvre plus guère que le «charme discret de l’intestin», pour citer un succès d’édition de la décennie écoulée.

Vous avez peut-être remarqué ces tatouages de caraques et caravelles qu’aiment à se barbouiller les jeunes urbains de notre époque. C’est une mode intéressante, car notre société ne prend plus guère la mer. Et en particulier pas ceux pour lesquels la transition vers une nourriture essentiellement végétale, grâce à trois tomates cultivées sur le balcon d’un appartement situé sous-gare, constitue la grande aventure d’une vie. Ramuz le disait déjà, dans son essai Besoin de grandeur, à la fin des années 30: «Il nous manque une moitié de l’existence qui est celle qu’offrent les ports d’où partent tant de routes vers partout et vers nulle part.» Il faisait alors référence à la réalité géographique de notre petits pays, encastré entre ses montagnes. L’observation, un siècle plus tard, pourrait pourtant prendre un tout autre sens: psychologique cette fois.

Car les frontières physiques – hors cas de grippes mondiales, bien sûr – peuvent bien avoir été abolies contre l’avis des peuples, notre incapacité à prendre le large se révèle dans notre incapacité à accepter le tragique de l’existence. Par exemple, il y a encore un an ou deux, l’existence de sensitivity readers aux états-Unis faisait rire tout le monde chez nous. Quoi? Des personnes ayant pour mission de lire préventivement les romans afin d’avertir les éditeurs à propos des passages susceptibles d’offenser des minorités? Cela ne pouvait se passer qu’aux états-Unis, là où le souvenir du prohibitionnisme puritain n’avait jamais totalement disparu. Nous étions alors fort naïfs, comme ceux qui pensaient, au siècle dernier, que le communisme ne quitterait jamais les frontières de l’URSS.
Dans ce numéro, nous traitons une offensive que personne n’a vu venir, contre les mots problématiques du Scrabble. Eh oui, le bon vieux Scrabble, où l’on pouvait jouer à peu près n’importe quel mot, pourvu qu’il appartienne à la langue française. L’on se souciait alors, dans notre innocence, d’utiliser des consonnes et des voyelles qui, mises bout à bout, formaient un mot. Erreur: il aurait fallu que le terme soit gentil, «bienveillant» et à faible taux de calories, nous dit désormais le fabricant du jeu, Mattel. Le progrès a fait de telles avancées que nous voilà, même au niveau du Scrabble, «en pleine obsession préventive, en plein ravage prévisionnel, en pleine civilisation prophylactique» (Philippe Muray). Qui l’aurait cru?

Lorsque l’on vit dans un horizon fini, la nature humaine a ceci de particulier qu’elle cherche avant tout à le protéger. Au Peuple, notre appel est le suivant: prenons le large, même si nous avons le mal de mer. Car cette société thérapeutique, cajolante, ne nous dit rien de bon. Nous n’apprécions guère que l’on vienne nous supprimer des libertés aussi anodines que jouer un mot peu élégant au Scrabble, sous couvert de libération en tous genres. Ceux que nous combattons le plus âprement sont ceux qui invoquent des valeurs auxquelles nous croyons pour nous priver des aventures les plus humbles: celles de l’esprit, qui sont aussi les plus sacrées.




Le Scrabble essuie les plâtres du capitalisme woke

Vous pensiez vous livrer à une activité tout à fait innocente en jouant au Scrabble au lieu de regarder des tueurs en série dissoudre les corps de leurs victimes dans de l’acide sur Netflix? Eh bien vous aviez tort, à moins de vous en tenir à un choix de mots garantis sans discrimination de quelque nature que ce soit. Par un vent de puritanisme qui sent délicieusement l’air d’outre-Atlantique, la société Mattel a en effet décidé de bannir toute une série de mots qui, indépendamment de leur valeur morale, entraient jusqu’ici dans l’arsenal des aficionados du célèbre jeu de société. Parmi ces derniers, des termes comme «lopette», «travelo» ou «pouffiasse», qui deviendront inutilisables à l’horizon 2024.

Derrière cette purge, des négociations extrêmement tendues entre Mattel et le comité de rédaction de l’Officiel du Scrabble (CR ODS), le dictionnaire officiel du jeu édité par Larousse. «Mattel souhaitait initialement mettre plus de cent mots sur la sellette et le CR ODS consentait à en sacrifier cinq», explique un passionné ayant vécu ces échanges âpres de l’intérieur. «Mattel a arrêté une liste de vingt-six mots (soixante-deux en comptant les féminins et pluriels) à faire sortir de l’ouvrage de référence et c’est la «solution» vers laquelle on se dirige à l’heure actuelle, si aucun élément nouveau ne vient changer la donne», témoigne ce joueur, très en colère face à des velléités de censure parfois peu compréhensibles du point de vue francophone. «L’exemple de CHICANO (n.d.l.r. appellation péjorative des latinos chez l’Oncle Sam) montre bien que la demande de suppressions de mots est inspirée par les états-Unis», déplore-t-il. «Nous nous sommes opposés à l’éviction de BAMBOULA, dont les sens multiples (fête, tambour) sont manifestes, et ce mot-là n’est plus «menacé». En revanche, le très courant NABOT est toujours incriminé, alors que ce n’est pas l’insulte la plus inqualifiable qui soit…»

La moraline ou le jeu, il faudra choisir

Mais pourquoi ce soudain besoin d’épurer la langue au niveau d’un jeu qui, jusqu’ici, voyait essentiellement – et encore, très rarement – disparaître des noms propres? Mattel SA répond à cette inquiétude directement sur le site de la Fédération Internationale de Scrabble Francophone. Et la société y cache à peine sa volonté de participer à l’élaboration d’un monde si doucereux que les Télétubbies y passeraient presque pour un programme horrifique: «Lorsque l’on joue au Scrabble® – comme dans la vie –, les mots que nous choisissons sont importants. Les mots ont le pouvoir de renforcer, d’encourager et d’honorer, mais ils peuvent aussi être utilisés pour affaiblir, décourager et manquer de respect. En tant que marque tournée vers la famille et consciente de l’impact des mots et de leur évolution, Mattel a fait appel à un linguiste indépendant pour identifier les mots à caractère haineux afin de revoir la liste officielle de mots autorisés à être joués lors des compétitions de Scrabble®.» Soit l’intrusion des sensitivity readers, ces personnes payées pour décréter quelles pages de roman effacer afin de ne choquer personne, jusque dans les jeux de société. Elle n’est pas belle, la liberté moderne?

«Personnellement, j’éprouve un tiraillement entre le choix personnel de ne pas utiliser ces mots insultants dans mon vocabulaire, et le sentiment que l’Officiel du jeu n’a pas pour mission de moraliser la société», témoigne le Vaudois Hugo Delafontaine, multiple champion du monde. «Dans la forme du jeu que je pratique, le Duplicate, il s’agit d’optimiser chaque tirage pour réaliser un maximum de points au coup par coup. On ne peut donc pas s’abriter derrière une stratégie globale, comme dans d’autres règles, afin de contourner certains mots plus ou moins agréables.» De quoi donner parfois lieu à des scènes cocasses: «On en rigole parfois après coup entre joueurs, lorsqu’on a dû utiliser quelques termes salaces ou péjoratifs dans une partie, mais cela pose une réelle question: devrait-on, au nom de la morale, avoir la droiture de ne pas les utiliser? J’ai choisi, pour ma part, d’accepter qu’ils existent et peuvent servir dans ce cadre.»
Pourquoi dès lors, s’aligner sur les désirs de moralisation de la langue de Mattel? Simplement parce que les nombreux passionnés du jeu n’ont pas vraiment le choix: «Le CR ODS subit la pression du fabricant, de même que les fédérations, qui reçoivent des subventions de la marque et doivent donc s’aligner sur ses exigences». A noter cependant que l’interventionnisme à tous les niveaux de Mattel suscite désormais des réactions dans le monde anglophone, touché par une saignée de centaines de mots: «Certains jouent avec l’ancien dictionnaire et appellent le jeu ʻWord gameʼ, pour ne pas utiliser l’appellation Scrabble. En français, on voit s’esquisser quelques velléités similaires, sur les réseaux sociaux notamment», souligne un observateur averti de la scène mondiale. Malgré la polémique, il estime que les joueurs francophones s’aligneront sans doute sur le résultat de cette purge en 2024.

Jusqu’au moment, sans doute, où l’idée de s’adonner à un jeu au lieu de sauver la planète dans une ZAD deviendra elle-même trop subversive.