Mater dolorosa

Chaque minute, quarante-quatre femmes subissent une fausse couche dans le monde. Au niveau suisse, les estimations avancent qu’une grossesse sur quatre serait concernée. Malgré cela, le silence autour de cet événement douloureux et les lacunes dans l’accompagnement persistent. Enquête.
« On n’oubliera jamais ces enfants qui nous traversent » Image Micaël Lariche
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Les sentiments des femmes en images
Les illustrations de cette enquête reflètent l’état d’esprit des témoins au moment de leur perte de grossesse. Il leur a été demandé de le décrire, si possible, par une image. Elles ont ensuite été réalisées à la demande de la journaliste par Micaël Lariche, illustrateur et designer indépendant. Partie prenante du projet dès le début, l’illustrateur a cherché, en concertation avec l’auteure de l’enquête, à rendre plus tangibles des sentiments que l’immatérialité d’un tel événement peuvent rendre difficile à appréhender.

« Elle se tint là, la mère endolorie toute en larmes, auprès de la croix, alors que son Fils y était suspendu. » Cette première strophe, tirée du Stabat Mater dolorosa, appartient par essence à la musique sacrée et dépeint la douleur d’une mère devant l’agonie de son fils. Cette mère, c’est Marie, archétype de la figure maternelle dans la chrétienté, et bien au-delà. Mais quelles étaient les pensées et sentiments de cette maman à la mort de son fils ? Bien peu de choses nous sont rapportées dans les textes concernant son état d’esprit, alors qu’elle assiste à la mort de son enfant. Sans doute de la sidération, peut-être de l’incompréhension, et certainement de l’impuissance. 

D’autres femmes ont aussi éprouvé, dans leur chair, ces mêmes sentiments. La différence avec Marie ? Aucune d’entre elles n’a jamais connu l’enfant qu’elle a porté, que cela soit de quelques semaines à plusieurs mois. Une souffrance amplifiée par l’absence de souvenirs de l’être aimé. Toutes ces femmes ont subi ce que l’on qualifie communément de « fausse couche », qu’elle soit précoce ou tardive.

Cette enquête fait place à ces femmes dans leur combat pour être reconnues en tant que mères en deuil. Dans leur chemin de croix administratif avec les assurances maladies, contre les « fausses croyances » qui subsistent face à la perte de grossesse, dans leur volonté de faire comprendre que ce n’est pas au nombre de semaines de grossesse que l’on échelonne la douleur. Et que par conséquent, elles devraient pouvoir bénéficier d’un accompagnement psychologique, spirituel, voire ecclésial si elles en ressentent le besoin, indépendamment du moment où survient la perte. 

Même si les langues se délient peu à peu, le sujet reste tabou. Il dérange, bien au-delà de ce que nous imaginions. Malgré tout, le besoin et l’envie de témoigner sont bien présents. Si certaines portes nous sont restées désespérément fermées, cela ne nous a pas empêché d’aller regarder par la fenêtre. Des réticences, certes, mais aussi des soutiens, sans lesquels cette enquête n’aurait certainement pas pu voir le jour, tels que JournaFonds, qui a permis la réalisation de ce travail d’investigations.



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