Combat pour la liberté

Un profil psychologique fort actuel, la mort sociale ayant remplacé la peine capitale, mais dont Orwell a pourtant assez mal anticipé l’activité professionnelle. Car Syme, dans la dystopie, est un destructeur, pur et dur: «Vous croyez, n’est-ce pas, que notre travail est d’inventer des mots nouveaux? Pas du tout! Nous détruisons chaque jour des mots, des vingtaines de mots, des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu’à l’os», se réjouit-il.

Taillé jusqu’à l’os, notre langage l’est assurément. Comment pourrait-il en être autrement quand des leçons de respect mutuel prennent la place du français dans des classes d’école peuplées de petits illettrés? Mais c’est une des ruses de notre époque de contribuer aussi à cette décadence sous prétexte d’enrichissement du langage, à l’image de la récente introduction de l’angoissant «iel» dans le dictionnaire. Prenons la multiplication des «phobies»: comment préserver un langage commun lorsque le moindre désaccord avec le néo-puritanisme ambiant peut vous valoir d’être accusé d’un nouveau succédané de racisme tout juste sorti d’une faculté de sciences humaines? Comment garder le sens du réel quand de pures projections de l’esprit, comme la non-binarité des genres ou l’éco-anxiété, prennent davantage de place dans les médias classiques que le souci, très concret, du pouvoir d’achat? En résulte une tyrannie de l’émotion: les personnalités parlent avec leurs tripes, croquent dans la vie à belles dents ou se lâchent totalement. Mais qui tendra le micro à ceux qui voudront garder un peu de l’épaisseur de la tragédie antique ou de la Passion chrétienne, sur laquelle une civilisation admirable a pu être bâtie? Doit-on se résoudre à ce que la complexité des sentiments ne quitte une société tout entière tournée vers le progrès, assimilé à n’importe quelle lubie? Doit-on accepter que tout ce qui est ancien, tout ce qui est beau, comme chez Orwell, finisse par devenir suspect?

Au Peuple, nous faisons le pari du tragique. Nous donnons la parole à ceux, qu’ils soient de gauche ou de droite, qui refusent le manichéisme, le déterminisme et la caricature. Pas que nous soyons toujours d’accord avec eux, mais simplement parce qu’ils défendent un monde où l’on peut dialoguer en adultes. Parce qu’eux aussi refusent un avenir où, si le progrès l’exige, nous devrons nous résoudre à croire que deux et deux peuvent faire cinq.




De nouveaux mots pour de grands maux

Si vous n’avez pas encore songé à «chiller» avec votre «go», c’est sans doute que vous n’êtes qu’un «babtou fragile» qui n’a pas encore investi dans les «NFT». Vous êtes encore avec nous? Merci et bravo pour l’effort. Ne vous en faites d’ailleurs pas si vous n’avez rien compris à cette prose sous acide: c’est tout simplement que vous êtes un individu ordinaire, chose qui équivaut aujourd’hui à un titre de noblesse sous l’Ancien Régime.

Ces mots obscurs font partie des nouvelles entrées remarquées du Petit Robert 2023 qui, d’après Midi Libre, «s’enrichit chaque année pour répondre aux nouvelles habitudes de langage des Français». Et quelle richesse, en effet, que de voir apparaître dans un ouvrage de référence des expressions et des termes que n’importe quel parent à peu près normalement constitué interdit à ses enfants. Chroniqueur littéraire de votre publication préférée, et professeur de français dans la vie, Paul Sernine parait d’ailleurs un brin désabusé: «Jadis, on ne parlait pas tellement des nouveaux mots du dictionnaire. Actuellement c’est un passage obligé dans la presse. Je pense que cela ne va pas changer grand-chose, si ce n’est que cela enlaidit la langue (“go”, “woke”) et impose un cadre idéologique (“iel”). Pour moi la référence reste la seconde édition du Littré!», assène cet amoureux de la langue, fermement cramponné à son dico des années 1870.

Surtout, l’introduction du «iel» apparaît comme un coup dur porté à ceux qui, comme le député UDC valaisan Damien Raboud, s’engagent pour défendre une langue classique, reflet de la division de l’espèce en deux sexes sur le plan biologique, donc sans exotismes comme les «non-binaires» et autres personnalités «gender fluid». Un combat contre l’écriture inclusive qui s’est soldé par une victoire d’étape, dans son canton, avec une directive excluant désormais l’utilisation de la langue inclusive des services de l’administration. Enfin, en théorie: «Cette petite heure de gloire s’est révélée bien éphémère», constate le député, qui avait porté un postulat sur le sujet en 2021 avec son collègue Alexandre Cipolla. «De fait, avec les innombrables institutions paraétatiques, on sait bien que ce texte est constamment contourné.» Preuve en sont les nombreuses captures d’écran qu’il reçoit régulièrement de camarades zélés, et confrontés à la novlangue à leur poste de travail. «Parfois on ne sait plus quoi faire: prendre du recul et rigoler, ou continuer à se battre.»

Journaliste et écrivain, Myret Zaki tempère: «Intégrer des mots dans le Petit Robert ne devrait pas faire polémique, car les inclure ne revient pas à les soutenir, sauf s’il y a désaccord avec la définition choisie.» Si cette dernière s’avère suffisamment neutre, elle y voit simplement un moyen de comprendre ce que veut dire un mot devenu omniprésent et donc difficile à ignorer. Et de poursuivre: «Il est cependant vrai qu’inclure un mot dans un dictionnaire de référence en légitime l’usage, confère une sorte de sceau de la république, mais encore une fois il s’agit surtout d’acter le fait que ces mots sont déjà très largement employés par les médias francophones, tant par leurs partisans que par leurs détracteurs.»

Journaliste économique, elle tente l’analogie suivante: «Les mots sont comme les monnaies, qui à force de circuler, ont cours légal. Le lexique woke ou les néologismes technologiques, c’est un peu comme l’argot des décennies passées, c’est une culture informelle qui se généralise au point qu’il lui faut devenir formelle pour que le dico serve son but.»

Au Peuple, nous opterons – une fois encore – pour la solution du combat des idées. Il consiste dans notre cas à privilégier une langue classique, dans la mesure de nos possibilités, quitte à susciter la «gênance». Un barbarisme que notre traitement de texte continue fort heureusement de surligner comme une erreur d’orthographe.

Grand moment de bravoure

Kim de l’Horizon», originaire de Suisse, qui vient de recevoir le Prix du livre allemand pour son premier roman Blutbuch (ndlr livre de sang). L’artiste non binaire a rasé sa tête (mais pas sa moustache) sur scène en signe de solidarité avec les femmes qui manifestent en Iran. Bravo à ielle

Nombreuses sont les manières de détruire les Lettres. On peut remplacer les cours de français à l’école par des leçons de respect des minorités ou maltraiter la langue à l’infini, mais on peut également mettre en avant des militants déguisés en artistes pour discréditer la littérature. Ainsi la figure de «Kim de l’Horizon», originaire de Suisse, qui vient de recevoir le Prix du livre allemand pour son premier roman Blutbuch (ndlr livre de sang). L’artiste non binaire a rasé sa tête (mais pas sa moustache) sur scène en signe de solidarité avec les femmes qui manifestent en Iran. Bravo à ielle! RP

Notre sélection

• Ecoanxiété : terme invoqué par des militants pour le climat qui paralysent les routes (voir p. 2) afin de réclamer une justice d’exception. Également utilisé pour réclamer des sous, sans travailler, aux contribuables.

• Iel : contraction de «il» et «elle» visant à donner une réalité à un phénomène quasi inexistant sur le plan biologique, à savoir la non-binarité de genre.

• Babtou fragile : expression d’origine africaine visant à dénigrer le mâle blanc, perçu comme physiquement faible et largement défaillant sur le plan de la virilité.

• Go : tiré de l’argot ivoirien, le terme désigne une jeune femme, voire une petite amie. Sans être péjoratif, il s’utilise en général dans des cadres très majoritairement masculins.

• Wokisme : nouvelle religion mondiale. L’apostasie entraîne la mort sociale.

• Brouteur : arnaqueur généralement africain. Très actif sur internet auprès des boomeurs, auxquels il promet richesse et luxure.

• Gênance : issu du langage adolescent, ce mot a le même sens que la «gêne», mais a l’utilité d’avilir encore un peu plus la langue.




Effondrement

Au premier rang de ces derniers, la tension permanente entre la liberté et la morale. Parmi les plus réfractaires à l’omniprésence d’annonces dans la rue, nombreux sont ceux qui réclamaient leur droit à la «décolonisation de leur imaginaire». Une liberté contre une autre, pourrait-on dire. Ce type de revendications justifie en effet, depuis des années, la lutte engagée par Lausanne, puis plus récemment par le canton de Vaud dans son ensemble, contre la publicité sexiste.
Depuis deux semaines, sans qu’aucun imaginaire soit visiblement colonisé, il est possible d’acheter à Lausanne des gaufres en forme d’organes génitaux dans une échoppe spécialisée. Qu’une adolescente gobe une sucrerie en forme de pénis ou qu’un garçon en pleine mue dévore un simili-vagin fluo, la presse unanime crie désormais au progrès. Dans l’un des nombreux reportages extatiques de nos confrères, de La Télé en l’occurrence, il nous a même été donné de découvrir une cliente jugeant que «c’est maintenant ou jamais» qu’il fallait faire ce genre de choses, tandis que son ami y voyait une occasion tombée du ciel d’«en finir avec les tabous autour des pénis et des vulves». Étranges tabous que ceux dont la classe médiatique est unanime à saluer la disparition sous prétexte d’une énième libération à mener.

Nous l’avons déjà dit, au Peuple, nous n’aimons pas beaucoup l’inflation juridique et, donc, étatique. Il n’en reste pas moins que les lois approuvées par la population ou ses représentants doivent être appliquées lorsqu’elles existent. Se pose donc la question du sort à réserver à un commerce qui, de façon assez évidente, contredit un règlement lausannois – le Règlement général de police – censé protéger «la décence». Bien sûr, on nous dira que cette notion évolue avec les mœurs. Reste qu’à moins d’admettre la réalité de l’épuisement civilisationnel en cours, on ne voit pas quelle vision du sacro-saint «vivre-ensemble» peut encore être respectée quand la transgression devient la norme.




UNIGE se met au Vert (lib)

« De manière générale, les Vert’libéraux s’engagent pour une politique écologique, progressiste et ouverte sur le monde. Ils sont convaincus qu’une autre façon de faire de la politique, éloignée des éternels clivages gauche-droite, est possible. »

Voici un extrait de l’offre de stage reçue par bon nombre d’étudiants de l’Université de Genève, ces derniers jours. Transmise par voie officielle, elle porte sur un poste à 80%, au salaire non précisé, sur une période minimale de quatre mois. Au menu: tâches de secrétariat, gestion des réseaux sociaux ou encore organisation de stands. « Nous vous rappelons que si vous décidez de choisir ce stage en intra-cursus, vous devrez avoir acquis 60 crédits ECTS dont ceux du tronc commun avant de débuter », précise ainsi le courriel envoyé par le secrétariat des étudiants du « Global Studies Institute ».

Ci-dessus, l’offre de stage reçue par les étudiants.

Une proposition très éloignée du champ d’études

Parmi les destinataires de cette missive, un étudiant un peu déboussolé : « J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique. Qui plus est, pour un engagement intra-cursus dans un domaine éloigné du champ d’études des relations internationales. En tout cas, c’est la première fois ce que ça m’arrive.» Domaine éloigné, mais relations assez proches puisque la personne de contact au sein des Vert’libéraux, secrétaire général du parti genevois, est un habitué de la maison, titulaire d’un doctorat obtenu en 2019 à l’Unige, ancien vice-président du thinktank Foraus. 

J’ai été surpris de recevoir une offre de stage partisane relayée par la messagerie d’une Université publique.

Un étudiant en relations internationales

« Cela ne me choque pas, à la condition que la même possibilité soit donnée à tous les partis de l’UDC aux Verts », réagit Barry Lopez, étudiant en droit à l’Université de Lausanne et élu PLR. « Pour moi ce qui est le plus important c’est qu’un salaire digne de ce nom soit versé, ce que ne mentionne pas l’annonce. » Un survol des offres de stages proposés par son université offre un certain contraste avec la proposition de stage genevois. On y trouve la possibilité d’aider des dames âgées à faire leurs courses, la veille documentaire au profit de l’institution ou l’accompagnement de futurs élèves. Bien loin, donc, de la participation à la campagne d’un parti politique, aussi honorable soit-il.

Couleur politique indifférente selon l’UNIGE

Contactée, l’Unige ne se démonte pas : « Dans le cadre de leur cursus, les étudiant-es du Global Studies Institute ont la possibilité de réaliser un stage professionnel pour lequel ils obtiennent des crédits. C’est le cas de l’offre de stage à laquelle vous faites référence, qui émane d’un parti mais aurait tout aussi bien pu provenir d’une organisation internationale ou d’une PME », explique Luana Nasca, assistante presse. 

Une telle offre de stage aurait-elle été diffusée au profit d’un parti moins consensuel, UDC ou MCG, voire même PLR ? « Ce n’est évidemment pas la couleur politique qui rend un stage acceptable ou non dans ce contexte, mais bien la nature des activités envisagées qui doit répondre aux critères d’études, comme le fait que le stage soit rémunéré. »

Commentaire

On lit toute l’année, et particulièrement à droite, que les sciences humaines sont l’antichambre du chômage et que ces « usines à ânes » fonctionnent en vases clos. A ce titre, on peut se réjouir qu’un institut cultive des liens avec des partis politiques, tout comme l’on peut saluer certains partenariats public-privé, dans les sciences dites dures, lorsqu’ils contribuent au développement économique de nos régions.

Restent plusieurs questions dans la situation que nous traitons ici : une université, tout d’abord, peut-elle relayer une offre de stage qui ne précise pas le salaire qui sera versé à ses étudiants ? Sans cette garantie, ne risque-t-elle pas de les plonger dans les eaux glacées de la loi du marché, sans bénéfice évident pour la suite de leur formation ?

De surcroit : en rédigeant un courriel à une flopée d’étudiants, pour une seule place de stage, le secrétariat du Global Studies Institue ne fait-il pas tout simplement de la communication politique ? Les liens étroits entre la personne de contact au sein du parti et l’UNIGE, au sein de laquelle il a été chercheur, devraient en tout cas inviter à davantage de vigilance, même au cœur de l’été.

Il ne s’agit pas de jouer aux pères-la-pudeur. Tant mieux si les études peuvent faciliter la prise de contact entre les élèves et ceux qui, au sein du jeu politique, font vivre la démocratie. Espérons donc que l’UNIGE réservera un aussi bel accueil aux propositions de partis qui, habituellement, ne font pas tellement leur marché dans les amphithéâtres.




Les menaces pour rattraper les erreurs

Ce «portefeuille de mesures», préparé par l’OSTRAL (Organisation pour l’approvisionnement en électricité en cas de crise), comprend notamment, si les réserves d’énergie venaient à être compromises, l’interdiction d’utiliser les jacuzzis, les saunas, voire les ascenseurs. Fabrice Moscheni, ingénieur EPFL et élu UDC au Conseil communal de Lausanne, juge que de telles mesures sont une manière très cavalière pour le Conseil fédéral de ne pas prendre ses responsabilités: «Se passer de jacuzzis ou de saunas, pourquoi pas. Mais interdire l’utilisation des ascenseurs aux personnes handicapées est une mesure stigmatisante.»

Ce chef d’entreprise demande dès lors que le gouvernement explique quelles sont les mauvaises décisions qui nous ont menés jusque-là et comment il entend assumer ses responsabilités. Un devoir de transparence nécessaire au moment de diminuer le niveau de vie des Suisses.

“Remplacer le réflexe du thermostat que l’on pousse vers le haut au premier ressenti de froid par un pull supplémentaire porté dans le logement, permettra d’économiser des quantités non négligeables de gaz naturel.”

Philippe Petitpierre, président du Conseil d’administration des sociétés du Groupe Holdigaz SA

Philippe Petitpierre, président du Conseil d’administration des sociétés du Groupe Holdigaz SA, basé à Vevey, est moins critique. Il estime que le plan d’action de l’OSTRAL est cohérent lorsqu’il en appelle aux économies d’énergie pratiquées prioritairement sur les appareils de nécessité accessoire comme la climatisation, les ascenseurs ou les télévisions: «Il devrait en aller de même pour le gaz, quand bien même les applications sur lesquelles nous pourrions avoir prise sont nettement moins nombreuses que pour l’électricité, soit: le chauffage, la cuisson, la production d’eau chaude, la mobilité, les applications industrielles, pour les principales.» Pour le spécialiste en énergie, la seule aide de la part de la population serait d’abaisser le chauffage de un à plusieurs degrés: «Remplacer le réflexe du thermostat que l’on pousse vers le haut au premier ressenti de froid par un pull supplémentaire porté dans le logement, permettra d’économiser des quantités non négligeables de gaz naturel. Une baisse de 1°C correspond à une diminution de la consommation de 7%.»

Dans son catalogue de mesures, l’OSTRAL prévoit, en dernier recours, des interruptions cycliques d’une durée de quatre à huit heures. L’organisation précise qu’une telle éventualité aurait de lourdes conséquences pour l’économie et les citoyens. Les experts demandent donc à tout un chacun d’apporter sa pierre à l’édifice: «Economiser ensemble suffisamment et de manière solidaire pour empêcher à tout prix les coupures!», point d’exclamation à l’appui.

Pourquoi cette situation?

Mais comment la Suisse en est-elle arrivée à une situation telle que le rationnement devient une option? L’Office fédéral de l’énergie (OFEN) déclenche la machine à langue de bois: «En Europe, la situation est de plus en plus tendue en matière d’énergie, principalement en ce qui concerne le gaz. Depuis mars 2022, le Conseil fédéral et l’industrie gazière suisse œuvrent conjointement à renforcer l’approvisionnement en gaz de la Suisse pour l’hiver prochain en s’assurant des capacités de stockage dans les pays voisins et en prenant des options sur des livraisons supplémentaires de gaz.»

“Je suis atterré par la manière dont les analyses concernant les perspectives énergétiques ont été menées. Le Conseil fédéral doit prendre ses responsabilités et se rendre compte qu’il s’est trompé en permettant l’abandon du nucléaire.”

Fabrice Moscheni, Ingénieur EPFL et élu UDC au Conseil communal de Lausanne

Pour Fabrice Moscheni, c’est surtout la politique d’approvisionnement de la Suisse, depuis plusieurs années, qui doit être questionnée: «Je suis atterré par la manière dont les analyses concernant les perspectives énergétiques ont été menées. Le Conseil fédéral doit prendre ses responsabilités et se rendre compte qu’il s’est trompé en permettant l’abandon du nucléaire. Nous devons diversifier les sources énergétiques: hydraulique, renouvelable mais aussi nucléaire, qui est une énergie à bas taux carbone et pilotable.» Discours militant ou simple constat objectif? «La décision prise par Bruxelles le 6 juillet de considérer le nucléaire et le gaz naturel comme des énergies contribuant positivement à faciliter et améliorer la transition énergétique répond à la question», appuie Philippe Petitpierre. Néanmoins, il juge que tous les problèmes ne doivent pas être imputés aux militants anti-nucléaire: «Ce serait un peu facile de désigner les écologistes comme portant une responsabilité dans ce qui nous arrive en matière d’approvisionnement en gaz naturel. Par contre, l’idéologie est mauvaise conseillère quand elle est monolithique, et que l’on ne prend pas le soin d’analyser la situation sur un plan plus large que la seule défense de l’environnement.»

Fruit de l’enthousiasme écologique de la dernière décennie, le non à l’énergie atomique, décidé par votation populaire en mai 2017, n’est pas irrévocable selon Fabrice Moscheni: «Persister dans l’erreur n’est pas acceptable pour le futur de la Suisse. Le Conseil fédéral doit prendre l’initiative de proposer de relancer l’énergie nucléaire. A l’instar du droit de vote pour les femmes qui a nécessité plusieurs essais avant d’être accepté, le peuple peut changer d’avis et s’approprier l’idée que l’énergie nucléaire est nécessaire dans notre mixe énergétique.»

Les Verts suisses n’ont visiblement pas apprécié le revirement pro-nucléaire de l’UE. Ils l’ont fait savoir sur Twitter.

Un fumet soviétique

Si le catalogue de mesures est déjà dans les tuyaux, quand et comment celles-ci seront-elles déployées? Réponse de l’OFEN: «En cas de contingentement de la consommation d’électricité, le respect serait contrôlé par les gestionnaires de réseau de distribution, le contrôle du respect des restrictions de consommation dépend des interdictions et restrictions concrètement prescrites.» Des perspectives qui sentent bon le triomphe de la bureaucratie et la surveillance des gestes les plus anodins. L’OFEN précise qu’en cas d’infraction aux mesures d’intervention fondées sur la loi sur l’approvisionnement du pays (LAP), l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) pourra prendre des mesures administratives et, par exemple, réduire les attributions. Les infractions sont en outre punies conformément à l’art. 49 LAP. La poursuite pénale incombe aux cantons.

Art. 49 LAP

Infractions aux dispositions régissant les mesures d’approvisionnement économique du pays
1 Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement:
a. enfreint les prescriptions sur les mesures d’approvisionnement du pays édictées en vertu des art. 5, al. 4, 28, al. 1, 29, 31, al. 1, 32, al. 1, ou 33, al. 2;
b. viole une décision qui se fonde sur la présente loi ou sur ses dispositions d’exécution bien qu’il ait été averti de la peine prévue par le présent article, ou
c. viole un contrat qui se fonde sur la présente loi ou sur ses dispositions d’exécution et auquel il est partie, bien qu’il ait été averti de la peine prévue par le présent article.
2 Si l’auteur agit par négligence, il est puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.




Un réac nommé Lovecraft

Adolescent, je fréquentais une librairie d’occasion. C’était une sorte de caverne d’Ali-Baba. Le propriétaire, tel Jabba le Hutt, trônant au fond du magasin dans une imposante chaise, fumait cigare sur cigare en buvant des litres de café. L’honneur était d’être invité à sa table, une sorte de petite cour des miracles, pour se voir attribuer un surnom et offrir un livre. Un jour d’automne, il m’interpella en me tendant un volume de la collection «Présence du futur»: H.P. Lovecraft, Dans l’abîme du temps. Le soir même je dévorai d’une traite ce livre. J’ai découvert Lovecraft (et Cthulhu) qui ne m’a plus jamais réellement quitté.

C’est un bien étrange personnage que ce H.P. Lovecraft. Auteur sans succès qui meurt inconnu du grand public à Providence dans le Rhode Island en 1937. Après sa mort, il sera publié, sous l’impulsion d’August Derleth, par une petite maison d’édition «Arkham House». Il faudra attendre les années huitante pour que sa notoriété quitte le cercle de ses admirateurs avec le célèbre jeu de rôle L’Appel de Cthulhu. Aujourd’hui, l’auteur de Providence est devenu une véritable icône de la culture pop: site internet, jeu de rôle, bande dessinée, manga, jeu vidéo, littérature, cinéma, etc.

Lovecraft nous fait éprouver l’horreur de la fin d’une civilisation et nous fait expérimenter le cauchemar d’un monde sans Dieu.

Celui que la légende peint comme «le reclus de Providence», un misanthrope ou même un grand initié à je ne sais quelle secte occulte est en fait, aux dires de ses proches, quelqu’un d’affable qui entretient une très grande correspondance que l’on estime à environ 100’000 lettres. Il n’hésite pas à proposer ses services pour réviser des textes en vue de publication qu’il réécrit parfois complètement. Pour celui qu’on a qualifié de «reclus», il a tout de même vécu à New-York quelques années et une fois revenu à Providence, il se lance dans de longs voyages (Charleston et Québec). Eh oui! Lovecraft vivait, et même souriait.

Ni reclus ni misanthrope, Lovecraft est en fait un réactionnaire, et ce jusque dans son style. En parcourant quelques extraits de sa correspondance, on est étonné de découvrir certains archaïsmes orthographiques volontaires dans le but d’être assimilé à un conservateur anglais du XVIIIe siècle. On raconte même qu’il chantait le «God save the King» le jour de la fête de l’Indépendance des États-Unis! Il décrit sa sensibilité conservatrice dans une lettre datée de 1925: «Il se trouve que je suis incapable de trouver du plaisir […] ailleurs que dans une re-création mentale des jours passés et des jours meilleurs […]; donc, pour éviter la folie qui mène à la violence et au suicide, je dois me raccrocher aux quelques lambeaux des jours anciens et aux anciennes manières qui me restent. Par conséquent, personne ne doit s’attendre à ce que je me débarrasse des meubles, des tableaux, des pendules et des livres […]. Quand ils s’en iront, je m’en irai, car ils sont tout ce qui me permet d’ouvrir les yeux le matin ou d’envisager consciemment un autre jour sans hurler de désespoir et sans frapper les murs en criant frénétiquement afin d’être réveillé du cauchemar de la ʻréalitéʼ […].» Lovecraft s’oppose au mythe du progrès technique et économique issu des Lumières. Dans une lettre à Robert E. Howard il relève que son «propre archaïsme provient d’un manque d’intérêt pour le monde actuel si emmêlé par les lois complexes et trompeuses des relations industrielles.» Bien plus, pour Lovecraft «le monde ne peut s’empêcher de devenir plus terne à mesure qu’il devient plus complexe.»

Cthulhu, Nyarlathotep, Azathoth

Alors pourquoi lire Lovecraft? Pourquoi se plonger dans des histoires de goules, de vampires de créatures monstrueuses, aux noms imprononçables telles que Cthulhu, Nyarlathotep, Azathoth? Pourquoi se poser la question de l’existence du livre qui rend fou, le Nécronomicon? Peut-être lit-on encore Lovecraft parce que, en décrivant l’indescriptible, l’homme de Providence nous fait expérimenter la terreur d’un monde sans espoir de bonheur et de justice, d’un monde livré à d’obscures forces qui nous dominent. L’univers de Lovecraft est autant marqué par le rejet de toute consolation que par le déni de toutes les formes de mythes et de religion. Il n’y a pas d’âme immortelle ni d’au-delà meilleur. Le monde de Lovecraft est celui d’une philosophie matérialiste et antihumaniste où l’être humain n’est rien. En fait, Lovecraft nous fait éprouver l’horreur de la fin d’une civilisation et nous fait expérimenter le cauchemar d’un monde sans Dieu.

Bibliographie

Intégrale Lovecraft aux éditions Mnémos:
Tome 1: Les Contrées du Rêve.
Tome 2: Les Montagnes hallucinées et autres récits d’explorations.
Tome 3: L’Affaire Charles Dexter Ward.
Tome 4: Le Cycle de Providence (à paraître).
Tome 5: Récits horrifiques, contes de jeunesse et récits humoristiques (à paraître).
Tome 6: Essai, correspondance, poésie et révisions (à paraître)

Une biographie:
S.T. Joshi, Je suis Providence, actusf 2021. (2 tomes)

Un ouvrage de référence:
Lovecraft – Au cœur du cauchemar, actusf 2017

Un essai:
Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft – Contre le monde, contre la vie, Editions du Rocher 2005.




La famille traditionnelle prend l’eau

Oui, vous avez bien lu: désagréable, et nous assumons ce mot. «Mais n’êtes-vous pas ce média qui ose enfin défendre des valeurs traditionnelles?», nous direz-vous sans doute. Oui, c’est le cas, à ceci près que nous ne pensons pas que l’on puisse fêter une telle décision de justice comme Nadal célèbre un point gagné à Roland-Garros. Lorsqu’il est question de vie ou de mort, ou de la souffrance de mères célibataires dans un ghetto, la réaction de ceux qui prétendent porter fièrement des valeurs civilisationnelles doit être digne, et à la hauteur des enjeux.

La famille, aujourd’hui, prend l’eau. Il faut être parent, peut-être, pour comprendre la dérive d’une société dont les petits écoliers croient désormais que les hommes peuvent «être enceints». Comment ne pas être effrayé, aussi, par la façon dont des concepts comme la masculinité «toxique» ou «la non-binarité» se sont imposés, alors qu’ils renvoient à des réalités qui n’existent que dans l’esprit d’universitaires militants. On peut comprendre, dès lors, le retour de balancier actuel, et les excès qu’il suscite. Reste qu’une décision de justice de la nature de celle qui ébranle les états-Unis doit être accueillie avec une certaine circonspection.

Y aura-t-il moins d’avortements après la décision de la Cour suprême américaine? Peut-être. Y aura-t-il moins de misère, de détresse et de promiscuité? Assurément pas. Car ce qui tue, ce qui nous tue en tant que société, n’est pas la dimension plus ou moins permissive de nos lois. Ce qui nous tue, c’est l’obligation qui nous est faite à tous de «prendre notre pied» en permanence. Ce qui nous tue, c’est cette idée que l’autre, le partenaire, n’est là que pour être consommé, et que l’on pourra jeter le fruit de notre union en cas de désagrément. Ce qui nous tue, c’est que l’idée de transmettre un héritage, des traditions, une foi, est désormais suspecte.

Les états-Unis ont pris une décision qui semble consacrer la victoire des chrétiens conservateurs. A ceux-ci de ne pas se laisser berner en pensant que la messe est dite, et les bébés sauvés. S’ils ne savent plus être le sel de la terre, et porter dignement un nouvel idéal pour ce monde, leur triomphe sera de courte durée.




L’absentéisme ravage l’administration genevoise

Le personnel du mammouth (67 000 employés) croule sous les lois, les règlements et autres ordonnances. Cette glu administrative multiplie le travail, les rendez-vous médicaux et complique les relations humaines. Selon un récent communiqué de presse du Conseil d’État, chaque jour, mille fonctionnaires sont en arrêt maladie : ils ne répondront pas à votre appel téléphonique ni à votre courrier, leur guichet sera fermé et votre rendez-vous reporté.

Ils ne sont donc pas à leur travail. Ils sont «pas bien» comme on dit à Genève. Principalement pour des raisons de maladie. Le taux moyen d’abstentionnisme en Suisse se situe à 3%, ce chiffre pouvant varier d’une branche à l’autre. Il est le double dans l’administration genevoise et bien supérieur pour quelques services. Un résultat récurrent pour ce canton en comparaison nationale, que l’on parle d’absentéisme ou de chômage, de mobilité, de surpopulation, de dette astronomique, etc.

Nathalie Fontanet veut s’attaquer au problème

Ces absences trop nombreuses font mal au porte-monnaie de l’État, donc des contribuables. Les pertes dues aux absences atteignent la modique somme de 100 millions de francs par an. La cheffe des finances Nathalie Fontanet s’est donc saisie du problème. Elle vient d’annoncer son envie de «renforcer le dispositif actuel» et de «l’améliorer par des mesures complémentaires». Les quatre axes de son dispositif sont les suivants : mieux prévenir les absences, améliorer leur suivi, lutter contre celles qui paraissent injustifiées, et entourer les présents. Au total: vingt-sept mesures concrètes. Va-t-elle faire mieux que ses prédécesseurs, David Hiler, Micheline Calmy-Rey ou Martine Brunschwig Graf ? En leur temps, ces barons de la politique cantonale, et parfois fédérale, n’avaient pas manifesté beaucoup d’intérêt face à un problème qui n’a fait qu’empirer.

Mais au moins semble-t-il que la magistrate ait écouté les députés de la commission des finances qui, depuis 25 ans, se plaignent de ce dossier. C’est ce que confirme Boris Calame, député vert. Pour lui, Nathalie Fontanet empoigne correctement ce dossier. Avec un bémol: le communiqué du département des finances est trop orienté sur le coût des absences. Pour l’élu, celles-ci relèvent d’un réel mal-être, hormis les absences «perlées», ces absences trop nombreuses voire parfois régulières. «Souvent, on trouve à la base un problème relationnel. Il faut donc rencontrer, comprendre et accompagner ces personnes, y compris dans leur retour à l’emploi».
Thomas Bläsi, député UDC, tient un discours semblable. «Dans ce taux d’absentéisme incroyable, il y a les vrais malades mais aussi ceux qui n’ont pas trop envie de bosser ou ceux qui souffrent de contraintes professionnelles excessives.» Pour lui, l’attribution d’un poste de travail doit tenir compte des spécificités d’un employé pour maintenir sa motivation intacte.

Quant à Cyril Aellen, député PLR, fidèle à la ligne politique de son parti, il estime que la lutte de l’État contre l’absentéisme devrait aller de pair avec la conclusion d’une assurance perte de gain externe et la réforme du statut de la fonction publique. Et de conclure: «A défaut, c’est beaucoup d’énergie pour des chances de succès modestes».

Les députés inquiets de longue date

La lecture des questions écrites déposées depuis près de vingt ans par les députés et les réponses du Conseil d’État éclairent d’une lumière pour le moins tamisée la volonté réelle de l’exécutif d’empoigner la question. Retour en 2004, avec une intervention du député libéral Pierre Weiss : il y dénonçait déjà «un révélateur de dysfonctionnement dans la gestion du personnel» et indiquait que «certains indicateurs parcellaires», dont la commission des finances avait eu connaissance, montraient que l’absentéisme pouvait atteindre des hauteurs inquiétantes à l’État de Genève. L’exécutif avait rétorqué que les mesures en vigueur maintenaient le taux d’absentéisme dans des marges comparables à celui des autres cantons.

Boris Calame s’était penché à son tour sur ce problème en 2020. Le Conseil d’État, toujours aussi serein, lui avait répondu que l’Office du personnel ne disposait pas «des données détaillées des structures publiques autonomes du Grand État», à savoir les transports publics, les hôpitaux universitaires ou l’aéroport, par exemple (50’000 employés). Pour le «Petit État», soit l’administration publique au sens strict (18’000 employés), l’exécutif pouvait se targuer d’un suivi plus fin avec une alarme déclenchant une analyse de cas à partir d’un taux de 5% d’absentéisme, et une approche globale de la structure dès 7%.

Cet immobilisme a toutefois connu une exception notable : l’audit contre le management de Pierre Maudet au plus fort de la crise déclenchée par son voyage à Abu Dhabi. Le seul depuis le début de la législature, en 2018, à en croire une réponse adressée par l’État à une question posée l’an dernier par le MCG Patrick Dimier.

Commentaire

Nathalie Fontanet ne s’attaque pas seulement à l’absentéisme, elle s’attaque aussi aux mauvaises habitudes du gouvernement cantonal qui a laissé s’installer cette situation. Et aussi à celles prises par les Ressources Humaines (RH), ces imaginatifs services de l’État qui complexifient avec volupté les processus d’engagement mais n’ont pas trouvé la parade pour lutter contre un absentéisme massif. Les certificats maladies pleuvent, et pas seulement pour une mauvaise grippe. Burn-out, surmenages et autre dépressions nerveuses sont bien réels dans le paysage public sans être désignés comme tels. Le plus gros employeur du canton doit revoir en profondeur ses codes de travail, y compris ses RH et ses cadres pas tous à leur place.




Les hommes des cavernes, ces chauds lapins

«L’époque qui commence représente la plus grande attaque contre le fond culturel juif de l’Occident, c’est-à-dire contre les suites de l’exil du Jardin d’Eden.» Ainsi s’exprimait l’écrivain Philippe Muray, en 2000, refusant l’invasion des professions inutiles mais cools, des Prides et des trottinettes sur nos trottoirs. Deux décennies plus tard, les trottinettes sont devenues électriques et la marche forcée vers l’infantilisation générale s’accélère à tel point que l’on se demande souvent ce qu’aurait écrit le père de Festivus Festivus s’il était encore parmi nous. Qu’aurait-il pensé, par exemple, de la réflexion proposée par la RTS, vendredi 27 mai vers 21 h 00, au sujet de la sexualité dans les abris rocheux? «Est-ce que les hommes de Cro-Magnon pratiquaient la levrette?», en voilà une question passionnante!
Prenons le pari de répondre pour Muray. Sans doute aurait-il jugé que l’humanité se donne vraiment bien du mal pour réintégrer le Jardin enchanté dont elle n’aurait jamais dû être expulsée. Pensez donc! En des temps où le judéo-christianisme ne sévissait pas encore, notre espèce était festive et portée sur la chose. Vite, faisons comme nos ancêtres et finissons-en une bonne fois pour toutes avec cette idée lamentable de culpabilité!

Festivocrature

Au fond, l’on pourrait se contenter d’ironiser si nous n’avions pas conscience, grâce à la lecture des Exorcismes spirituels de Muray, de ce qui se joue devant nous. Ainsi, «la fouille hallucinée des archives» n’a-t-elle plus uniquement pour vocation de «donner du travail aux SDF de l’indignation». Dans la «permutation néo-carnavalesque» des valeurs à laquelle participe cette exploration du passé, il s’agit désormais de ramener les morts dans la morale de notre temps et d’étendre un peu plus l’obligation de ne garder que la sexualité comme horizon. «Qui songerait», disait l’auteur, «à se révolter contre une oppression qui ne communique, au fond, que l’ordre de s’amuser?»

Souvent réduite à sa critique de la «festivocrature», la pensée de Muray n’est pas seulement indispensable pour comprendre les rouages de la pensée unique actuelle. Elle nous permet aussi, en prolongeant les analyses de La Société du Spectacle de Guy Debord, de ne plus être acteurs d’un effondrement sans précédent de la pensée critique.




L’étrange décoration de la Police de Lausanne

On connaît l’engagement marqué de la Police Municipale de Lausanne (PML) en faveur du multiculturalisme, depuis de nombreuses années, avec des agents spécialisés dans le suivi de ces questions. Ces derniers jours, des passants ont été surpris de découvrir la place prise par cette thématique… dans la décoration même de certains bureaux.

Drapeau albanais, drapeau turc et – plus modeste par la taille – drapeau suisse ornent en effet un mur de l’hôtel de Police, parfaitement identifiable depuis l’espace public. Sur fond de célébration polémique de joueurs de foot d’origine albanaise, en 2018, ou de débats similaires dans le contexte de l’armée, il n’en fallait pas davantage pour que ces images se répandent comme une trainée de poudre sur WhatsApp.

J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Yohan Ziehli, Conseiller communal UDC

Sans surprise, c’est au sein de l’UDC vaudoise que la pilule passe le plus mal. Des interventions politiques sont d’ailleurs envisagées par certains pour demander des explications. Excessif? Légitime? On peut en effet se demander si des drapeaux suédois, ou valaisans, auraient provoqué un même agacement. Conseiller communal UDC lausannois, Yohan Ziehli préfère ironiser : «Je suis opposé à la surrèglementation des aspects les plus anodins de la vie ordinaire à laquelle la Ville de Lausanne nous a habitués. Je ne vais donc pas changer mon fusil d’épaule à cause de la décoration d’un bureau. J’espère toutefois que la même tolérance serait de mise au sein du personnel communal envers des personnes qui afficheraient un patriotisme fervent, mais suisse!»

Contactée, la PML ne s’exprimera pas sur la dimension problématique, ou non, de la présence d’étendards d’autres nationalités au sein de ses locaux: «La présence de drapeaux peut s’expliquer par l’attachement à certaines équipes de football ou à certains joueurs. Cela peut aussi avoir un lien avec l’origine de certain-e-s de nos collaborateurs-trices».