Plus vit.e, plus haut.e, plus fort.e

L’Américain Jake Caswell (photo encadré) est heureux et fier. Il a fini à la première place lors du dernier marathon de New York, le 7 novembre dernier, et empoché un beau chèque de 5000 dollars. Un couronnement obtenu non pas dans la catégorie «hommes», à laquelle il devrait appartenir d’un point de vue physiologique, mais dans une catégorie toute nouvelle: celle des «non-binaires». Comme le souligne la presse américaine, le New-Yorkais de 25 ans, avec un temps de 2 heures et 45 minutes, aurait terminé 147e dans la catégorie masculine. Et 172e au classement général. Classements tout aussi honorables pour un solide gaillard comme lui.
Cinq des six plus grands marathons mondiaux — New York, Boston, Chicago, Londres et Berlin — ont récemment ajouté la catégorie «non-binaires» dans leur compétition. Seul celui de Tokyo n’a pas opté pour ce choix, avec des critiques virulentes à la clé.
Cette nouvelle inclusivité ne se traduit pas encore par la mise en place de catégories spécifiques en Suisse, même si l’idée ne semble clairement pas déranger. Patrice Iseli, chef du Service des sports de Lausanne et président du comité d’organisation des 20KM de la capitale cantonale n’a, par exemple, reçu aucune demande allant dans ce sens: «Plutôt que de nouvelles catégories, nous privilégions la mise en place de nouveaux parcours basés sur la distance où le chronométrage est absent ou peu important, comme «courir pour le plaisir» ou «l’apérorun». Nous souhaitons que toutes les personnes, même celles et ceux qui ne pratiquent pas ou peu la course à pied, puissent participer et se réunir autour d’un même évènement. Nous nous inscrivons pleinement en cela dans la politique municipale de développement de la pratique sportive pour toutes et tous.»

La faitière Swiss Running n’a pas non plus connaissance de demandes pour une catégorie «non-binaires». Sa porte-parole Marlis Luginbühl précise que si un tel besoin se manifeste, les organisateurs mettront en place une offre. Selon elle, «la course à pied est en soi un sport inclusif. A part une paire de chaussures de course, aucun équipement n’est nécessaire et tout le monde n’a qu’à sortir de chez soi pour s’entraîner. C’est pourquoi les courses devraient également être ouvertes à tous.»

Le risque de la fragmentation

Jake Caswell, heureux et fier après sa victoire au Marathon de New-York

Nous vivons tous, à des degrés divers, dans des projections de l’esprit. Tel ou tel se croira irrésistible, un autre excellent joueur de basketball, voire capable d’écrire des éditos stimulants. Dans une certaine mesure, c’est à développer en nous cette fiction que servent les arts, et la littérature en particulier. Qu’une personne biologiquement mâle «s’identifie» homme, femme ou «non-binaire», dès lors, ne mérite pas de jugement: des décalages entre notre réalité objective et notre «ressenti», comme disent les magazines féminins, font partie de la nature humaine.

Le problème survient lorsque, loin de se contenter de jouir de cette vie intérieure, des activistes entendent imposer à la société entière la reconnaissance de réalités qui n’existent que dans leur tête. Ainsi la fameuse cause des «non-binaires»: comme chacun le sait, il existe dans la nature des personnes intersexuées, dans des cas extrêmement rares. Mais ces hommes qui gagnent des catégories sportives qui leur sont dédiées au nom de leur prétendue «non-binarité», qui sont-ils ? Eh bien des hommes, précisément, dont on comprend mal en quoi l’orientation sexuelle ou affective devrait influencer leurs foulées et leurs capacités cardiovasculaires. Ne peut-on pas imaginer qu’il y ait, parmi les dizaines et dizaines de personnes qui passent des lignes d’arrivée de marathons avant eux, des homosexuels, des végétariens ou des roux qui ne comprennent pas l’intérêt de demander une catégorie rien qu’à eux dans une discipline où le seul dénominateur commun devrait consister à courir vite ? Derrière l’apparente tolérance qui consiste à choyer des imposteurs, pour ne surtout pas les stigmatiser ou discriminer, un danger guette: celui de renvoyer une majorité de gens qui n’ont rien demandé à des étiquettes dont ils aimeraient avant tout s’affranchir. RP




Des autorités condamnées à parler dans le (co)vide

Début octobre, l’eurodéputé Rob Roos avait face à lui Janine Small, responsable des marchés internationaux de la société pharmaceutique Pfizer, lors de la session du Parlement européen. Le politicien de la droite conservatrice néerlandaise n’y est pas allé par quatre chemins pour lui poser la question qui fâche: «Le vaccin Covid de Pfizer a-t-il été testé sur l’arrêt de la transmission du virus avant d’être mis sur le marché ? Si non, veuillez le dire clairement. Si oui, êtes-vous prête à partager les données avec ce comité ? Et je veux vraiment une réponse franche, oui ou non. J’ai hâte de la recevoir.» «Connaissions-nous l’effet sur l’arrêt de la transmission avant la mise sur le marché? Non», a simplement répondu Janine Small, expliquant que Pfizer avait «vraiment dû avancer à la vitesse de la science» et «tout faire dans le risque» (ndlr: we had to do everything at risk). La suite de l’histoire est classique: la vidéo est devenue virale sur les réseaux sociaux, créant une certaine méfiance envers Pfizer auprès de certains publics.

Le Peuple s’est adressé à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) afin de connaître sa réaction aux déclarations de la représentante de Pfizer. Nous avons été redirigés vers l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic). Lukas Jaggi, son porte-parole, nous a confié que «les études initiales d’autorisation de mise sur le marché ont démontré une protection supérieure à 90% contre les infections symptomatiques», ajoutant que «dans le cadre des expériences avec des millions de personnes vaccinées et aussi en raison de l’évolution rapide des variants (changements du virus), nous avons observé que le vaccin protégeait moins bien contre les infections symptomatiques non graves, mais de manière toujours très fiable contre les évolutions graves (hospitalisation et décès) du Covid-19.» Enfin, il a tenu à rappeler que «bien que les vaccins ne garantissent pas une protection à 100% contre la transmission, ceux contre le Covid ont été le principal facteur qui a contribué à enrayer la pandémie et à réduire les décès et les hospitalisations. Sans les vaccins, il y aurait eu beaucoup plus de morts et de personnes qui auraient été affectées par le Covid long.»

Deuxième couac

Une autre information, plus troublante, devait être publiée le 2 novembre par Swissmedic: des bulles d’air venaient d’être découvertes dans le vaccin contre le variant Omicron par certains centres de vaccination. Deux jours plus tard, l’Institut suisse des produits thérapeutiques annonçait qu’il n’avait identifié aucun problème concret en rapport avec ce produit. Les bulles observées pourraient être dues à des facteurs physiques (écarts de pression ou de température notamment) lors de la préparation des doses. Or cette manipulation doit être impérativement réalisée selon les prescriptions du fabricant. Selon Lukas Jaggi, informer la population sur des lots suspects puis procéder à des analyses fait partie d’un processus standard: «Toutes les annonces d’anomalies concernant des médicaments présentent un intérêt pour Swissmedic. L’institut continue à suivre la situation de près ainsi qu’à prendre en compte tous les incidents annoncés, et publiera de nouvelles informations dès qu’il en disposera.»

Une simultanéité malheureuse

C’est dans ce contexte un peu tumultueux que fleurissent depuis quelques semaines des affiches encourageant à procéder à la vaccination de rappel. Et là encore, certains éléments peuvent surprendre: sur les supports, nous pouvons distinguer différents types de bras, des plus «jeunes» au plus «âgés». Or, la Confédération estime que la quatrième dose s’adresse aux «personnes de 65 ans et plus, personnes de 16 ans et plus atteintes d’une maladie chronique, aux personnes de 16 ans et plus atteintes de trisomie 21 et aux femmes enceintes». De plus, des personnes quarantenaires et en bonne santé ont également reçu des SMS de rappel de la part des autorités cantonales. De quoi s’interroger sur un éventuel décalage entre la communication et la réelle situation sanitaire. Pour l’OFSP et son porte-parole, Simon Ming, la campagne s’adresse à tous: «Outre les personnes vulnérables, pour lesquelles il existe une forte recommandation, toutes les personnes à partir de 16 ans peuvent recevoir une vaccination de rappel. Leur risque de développer une forme grave à l’automne 2022 est très faible. Le rappel offre une protection limitée et de courte durée contre une infection et une forme bénigne de la maladie. Cet aspect peut se révéler important particulièrement pour les professionnels de la santé et les personnes assurant la prise en charge de personnes vulnérables.»

Nasrat Latif, journaliste et expert en communication pour l’agence Nokté, rappelle que mener une nouvelle campagne de vaccination après des annonces plus ou moins gênantes ne se commande pas: «Les autorités doivent mener une campagne et elles le font. Il est donc logique qu’elles le fassent. Dans les deux cas que vous mentionnez, il est plutôt rassurant que les informations sortent. Si des choses ne vont pas, c’est la moindre des choses de le dire. Après, à chacun de penser ce qu’il veut de ces informations.»
Le communicant a tout de même des remarques à faire sur les nouvelles affiches: «Les images montrent effectivement différents «types» de bras. Il y en a autant des «jeunes» que des «âgés», également de la mixité sociale. En terme de communication générale, ça manque d’émotion mais c’est normal dès que l’on mène une campagne nationale.» La seule solution pour renforcer l’impact de la publicité pour le vaccin reste simple. «Il serait bon d’adapter les messages en fonction des régions, mais dans ce cas précis, le budget communication augmenterait de manière importante», juge Nasrat Latif. Et pas question de jouer sur la peur non plus: «En Suisse, cela ne fonctionnerait pas, d’autant que le danger ne se voit plus, pour le moment.»




Flou statistique sur le front de l’asile

En France, depuis quelques semaines, l’acronyme «OQTF» a tendance à s’insérer dans de nombreux articles de presse relatifs à des crimes, souvent violents et choquants. «OQTF», pour obligation de quitter le territoire français. Cette suite de lettres apparaît notamment dans l’affaire d’un Algérien ayant violé une jeune femme à Marseille dans la nuit du 21 au 22 octobre. Plus marquant encore, le terrible meutre de la jeune Lola, commis le 14 octobre à Paris par Dahbia B., Algérienne ultra-violente sous le coup d’une OQTF jamais mise à exécution. Et pour cause, Marianne nous apprend qu’en 2019, seules 12,4 % des OQTF étaient exécutées en France, c’est-à-dire 14 777 sur 122 839. Au premier semestre 2021, seules 5,6 % des OQTF avaient réellement conduit au départ des étrangers visés, soit seulement 3501 sur 62 207. Ratios étonnants, lorsque le document administratif contient «obligation» dans son intitulé.

Le Peuple a voulu savoir ce qu’il en était en Suisse, notamment dans la continuité de l’initiative sur le renvoi des étrangers criminels, acceptée par les citoyens en 2010. Anne Césard, porte-parole du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), nous indique qu’à la fin septembre, 4277 personnes en Suisse faisaient l’objet d’une décision de renvoi: «Les requérants d’asile dont la demande a été rejetée, mais aussi les personnes qui séjournent illégalement en Suisse, ont l’obligation de quitter le pays. Les cantons sont responsables de l’exécution des renvois. Le SEM soutient les autorités cantonales de migration dans l’exécution des renvois et des expulsions d’étrangers, c’est-à-dire dans la vérification de l’identité, l’obtention des documents de voyage et l’organisation du départ des personnes concernées.»

Yves Nidegger, conseiller national UDC de Genève, rappelle que le SEM n’a pas la compétence pour décider des renvois: «Le SEM passe souvent pour un organisme méchant mais il n’a pas de dents, ceux qui ont des dents ce sont les cantons. Et on peut constater une certaine disparité dans l’application du droit fédéral par ces derniers. Un canton comme Genève prononce peut-être un nombre important de renvois mais en applique peu alors que les Grisons, par exemple, en prononcent peu mais les font réellement appliquer.»
Nous avons également montré ces chiffres à Kevin Grangier, président de l’UDC vaudoise. Ce dernier embraie rapidement sur la question de l’immigration de manière générale: «Cette année est particulière avec l’introduction du permis spécial S (papier d’identité autorisant le séjour provisoire en Suisse pour les personnes à protéger). A l’UDC, nous estimons que c’est une erreur. 120 000 personnes sont arrivées cette année avec ce statut, couplées à 25 000 autres. Cela représente environ 3 milliards de francs de surcoûts, c’est très inquiétant. Nous serons particulièrement attentifs à ce que les décisions de renvoi soient appliquées par les cantons, surtout le mien, qui n’a pas toujours été très assidu avec le droit fédéral en la matière.»

Lionel Walter, porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), tempère. Pour lui, il s’agit de préciser que les renvois ne concernent pas uniquement les individus ayant commis un acte illicite: «Le panorama est très varié. Certaines personnes sortent de la procédure d’asile après que leur demande a été rejetée et que les voies de recours ont été épuisées, mais d’autres peuvent avoir un autre passé: des travailleurs dont le permis n’a pas été renouvelé pour diverses raisons, des personnes qui ont toujours séjourné en Suisse de manière irrégulière (c’est-à-dire sans papiers), etc.» Lionel Walter précise que l’OSAR n’est pas un organe qui peut offrir du soutien à un étranger devant quitter la Suisse: «Notre activité se concentre sur les demandeurs d’asile, de sorte que nous ne sommes pas directement concernés par la situation des sans-papiers.»

Transparence difficile

Si le SEM a rapidement répondu à nos premières questions, il en va autrement lorsque nous cherchons à savoir combien des 4277 personnes faisant l’objet d’une décision de renvoi ont bel et bien quitté le territoire suisse au mois de septembre. Dans un premier temps, on nous a répondu que les chiffres consolidés jusqu’à octobre devaient arriver «en fin de semaine» ou «la semaine prochaine». Ceux-ci ne seront finalement disponibles qu’à la mi-novembre. Dès lors, nous avons demandé ceux des neuf premiers mois de 2022, qui devaient être facilement communicables. Réponse: «Nous répondrons à cette question (statistiques de janvier à septembre) lorsque nous vous fournirons les chiffres d’octobre, soit vers la fin de cette semaine ou en début de semaine prochaine.» Miracle! Les départs concernant le mois de septembre nous sont communiqués juste avant le bouclage. Le SEM nous apprend donc que 3608 départs ont eu lieu, de façon volontaire ou non.

Cette lenteur administrative inquiète quelque peu Kevin Grangier: «Je suis interpellé par le peu de transparence du SEM. Les chiffres pour le premier semestre devraient être facilement accessibles pour le public. On pourrait être tenté de se dire que la situation migratoire est hors de contrôle ou pénible à communiquer. Tout ceci n’est pas une bonne nouvelle et témoigne d’une certaine tension sur le front de l’asile en Suisse.»

Autre statistique difficile à obtenir de la part du SEM: le nombre de personnes devant quitter le territoire qui seraient «perdues dans la nature». Anne Césard nous gratifie d’une réponse fort évasive: «De par la force des choses, en cas de départ incontrôlé, les autorités ne disposent généralement pas d’informations sur le lieu exact où se trouvent les personnes tenues de quitter le pays. Le SEM part toutefois du principe que les personnes concernées ont, dans leur grande majorité, quitté la Suisse.»




Fracture numérique

Commençons par un aveu: je fais encore mes paiements sous forme papier.

À l’intention des personnes qui sont déjà entrées de plain-pied dans le XXIe siècle, je précise que cette marotte consiste à remplir un ordre de paiement, à y joindre ce qu’on appelait naguère des bulletins de versement, et à envoyer le tout à un établissement bancaire, de préférence en courrier A afin que l’enveloppe ne moisisse pas pendant une semaine dans un centre de tri.

Ce préambule vous aura fait deviner que l’introduction de la QR-facture m’a fortement déstabilisé. Le terme est déplaisant: on ne dit pas «orange jus», pourquoi devrait-on dire «QR-facture»? Il suscite en outre dans mon cerveau de boomer une confusion entre la facture proprement dite et le formulaire servant à la régler.

Passant récemment au bureau de poste d’une importante localité du Nord vaudois, j’ai cru bon de poser à ce sujet une question qui me taraudait: le titulaire d’un compte postal peut-il obtenir des formulaires préimprimés – des QR-factures, en somme – qu’il transmettra ensuite aux personnes appelées à lui verser de l’argent?

Bien sûr, je me suis exprimé avec mes mots à moi. Ma scolarité s’est pour l’essentiel déroulée dans les années 60, époque à laquelle l’enseignement du français n’en était encore qu’à ses balbutiements. Toujours est-il est que je n’ai pas réussi à me faire comprendre. La jeune guichetière, visiblement contrariée d’avoir affaire à un débile profond, m’a expliqué qu’il fallait soit «aller sur Internet», ce qui constitue toujours une expérience enrichissante, soit faire le paiement au guichet de la poste, où l’on s’occuperait de tout. Comprenant que ma question avait été mal interprétée, j’ai tenté de la reformuler en insistant sur le fait que l’idée était d’obtenir une réserve de formulaires préimprimés auprès de la poste. La dame m’a répété sa réponse précédente en martelant qu’il fallait bien se mettre dans la tête qu’il n’y avait plus de formulaires papier.

J’ai alors remercié la guichetière avec effusion en la gratifiant de mon sourire le plus niais, puis j’ai pris le volant de ma conduite intérieure pour aller tenter ma chance dans un bureau de poste de la périphérie, alourdissant d’un trajet de 5 km une empreinte carbone déjà consternante.

Et là, la chance m’a souri. Je suis tombé sur une employée d’âge mûr qui m’a expliqué avec un sourire réconfortant que oui, on peut très bien se procurer des formulaires préimprimés au guichet de la poste. Pour 12 fr. 90, on y recevra une série de dix QR-factures munies d’un ingénieux système de perforations. Seul bémol, le caractère légèrement dissuasif du prix, qui avoisine celui d’un bon pinot noir des Côtes de l’Orbe.

Il me reste à vue de nez une quinzaine d’années à vivre. Quelque chose me dit que je n’ai pas fini de poser des questions débiles.




Doit-on réellement défendre Carl Vogt?

Grande est, pour tous les courants que peut compter le peuple de droite – volontiers conservateur, souvent bercé de pensée classique et nourri de valeurs chrétiennes – la tentation de prendre la défense d’un Carl Vogt. Réflexe pavlovien, sans doute, si l’on se dit que les idées nouvelles du «wokisme» semblent attaquer quelque chose d’ancien, de familier, qu’il faudrait défendre, conserver, à une époque à qui tout – surtout les certitudes – semble glisser entre les doigts. Réaction épidermique, causée par l’antipathie et le malaise qu’inspire à tout homme libre la meute hurlante, la foule sans visage, vociférante et figée dans une grande grimace totémique.

Mais, pour qui ose plonger son regard dans les yeux du totem, et le fixer jusqu’à ce que, le temps ayant fait son œuvre, il n’en reste plus au sol qu’un petit tas de pulvérulence moisie, il existe une autre voie, infiniment plus féconde. C’est la voie que proposent Le Pacte des Idoles et L’Amnésie de l’ogre.

«Carl Vogt était un « progressiste », un pur produit de la pensée moderne, athée et matérialiste.»

Raphaël Baeriswyl

La réalité que les «wokistes» ignorent, et à laquelle il faut les confronter comme on leur tendrait un miroir, c’est qu’ils sont les cousins de tous les Carl Vogt que le XIXe siècle a connus. Carl Vogt était – sur les idées qu’à juste titre on lui reproche aujourd’hui – un «progressiste», un pur produit de la pensée moderne, athée et matérialiste. Il a lutté contre la pensée classique et contre l’enseignement de l’Église, et sa pseudoscience a colonisé le monde académique. Comment ne pas percevoir que les «wokistes» sont, en tout point, les Carl Vogt d’aujourd’hui, la version 2.0 de ce même programme «progressiste» que Carl Vogt appliquait déjà à son époque?

C’est donc un tour de passe-passe prodigieux – j’irai jusqu’à dire diabolique – que les «wokistes» réalisent s’il se trouve aujourd’hui de prétendus conservateurs, surtout chrétiens et plus encore catholiques, pour défendre un Carl Vogt. Prodigieux? Pas vraiment. Ou peut-être seulement dans le monde des idées. Car dans la réalité des faits, leurs adversaires leur facilitent grandement la tâche. Il semble en effet que les conservateurs se retrouvent souvent à défendre, croyant y reconnaître la patine des choses anciennes, tout «progrès» pour peu qu’il soit déjà démodé. Ils se font alors remettre, sans s’en rendre compte, le pouilleux, la carte fatale, dans le dernier tour du jeu, perdent systématiquement la partie, et offrent ainsi une contribution déterminante à la marche triomphante du «progrès».

Cette spirale de la défaite n’est pas une fatalité. Mais – si l’on veut gagner (et pas seulement se chamailler d’un côté ou de l’autre du bac à sable politique) – il faut refuser de découpler le passé et le présent, et affronter dans toute son extension diachronique l’adversaire, qui est toujours le même, bien qu’il se présente successivement sous des formes différentes, au fil des époques.
Les Carl Vogt du XIXe siècle étaient les hérauts de l’idole nationaliste, aujourd’hui déchue, mais à laquelle on a sacrifié des millions d’êtres humains jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, notre idole régnante est l’individualisme, pour laquelle militent aujourd’hui, parmi d’autres, les courants «woke». Ainsi, lorsqu’à Neuchâtel il a fallu renommer l’espace consacré au glaciologue Louis Agassiz (l’un de nos innombrables Carl Vogt), on a choisi de mettre à l’honneur, à sa place, une femme qui s’était distinguée dans la lutte pour l’avortement. Une erreur «progressiste» en a tout simplement remplacé une autre.

S’il faut donc se réjouir que Carl Vogt soit déboulonné, il faut aussi, simultanément, exiger des garanties – car c’est là que réside tout l’enjeu – de ce que valent ceux ou celles qui le remplaceront dans notre panthéon social. Oui, Carl Vogt faisait, au nom du «progrès», de la pseudoscience dans nos universités. Et, à ce propos, quelles garanties nos universités nous donnent-elles aujourd’hui quant à la durabilité, par exemple, de la théorie du genre et des autres nouvelles théories «progressistes» dont les rhizomes colonisent notre monde académique et étouffent notre société?

La pensée classique ne craint aucune vérité, d’où qu’elle vienne. Elle attend, patiemment, que tombent en poussière les grimaçants totems que les «progressistes» dressent sur son chemin pour cacher leurs méfaits. Combien de temps encore pourra-t-on faire semblant d’être dupe? C’est la question que devraient se poser ceux qui croient, un tant soit peu, à nos institutions.

L’auteur

Raphaël Baeriswyl est passionné par l’anthropologie de la violence. Il est l’auteur de deux publications sur le sujet: Le Pacte des Idoles – trois essais girardiens, Ad Solem, Paris 2019 et L’Amnésie de l’ogre, Révélateur, Chêne-Bougeries 2021. Il travaille actuellement sur un recueil d’essais qui devrait être intitulé Lobbyisme, clientélisme et activisme – La fin de l’État de droit.




Une impunité qui déroute

E ntre le 4 et le 19 octobre, Renovate Switzerland a frappé sept fois. Dernière cible en date: la sortie de l’autoroute A3 à Zurich.
Contacté juste après le sixième blocage, le mouvement refusait de qualifier ses actions d’actes terroristes. «Il est évident que voir des citoyens et citoyennes ordinaires sacrifier leur liberté et leur confort peut faire peur. Parce que cela nous confronte à l’ampleur de l’urgence et de la catastrophe», affirmait Cécile Bessire, responsable presse pour RS. Et de poursuivre sur un ton larmoyant et catastrophiste: «Se confronter à la réalité est terrorisant. Se confronter à un monde à +5 degrés est terrorisant, parce que cela signifie 3,5 milliards de personnes sur les routes, des famines, de la violence, des conflits armés, la mort et la souffrance tout autour de nous. Penser à l’irresponsabilité du Conseil fédéral est terrorisant, car en ne prenant pas de mesure climatique à la hauteur, il cautionne le pire crime de l’histoire de l’humanité et nous condamne à un futur invivable.»

Maxime Meier, ancien président des Jeunes PLR vaudois, évoque lui aussi la peur, mais d’une autre nature: «J’ai été choqué par les images des militants de RS qui se lançaient sur la route depuis la bande d’arrêt d’urgence. De telles actions sont surprenantes, voire traumatisantes, aussi bien pour les activistes que les automobilistes. Imaginez le pauvre conducteur qui se retrouve avec un militant qui se jette sous ses roues.» Le président du Centre du canton de Vaud, Emilio Lado, regrette également la nature clivante des actions de RS: «Si les actions peuvent mettre en lumière des problématiques réelles, à savoir le dérèglement du climat, j’estime qu’elles peuvent aussi polariser le débat. De ce fait, les parties s’opposent plus qu’elles ne se parlent. Comment trouver une issue favorable alors que le débat et la recherche de consensus sont impossibles?»

Bien que contrariés par les actions de RS, les deux politiciens n’estiment pas que les autorités soient trop laxistes. Celles-ci font déjà le maximum d’après Maxime Meier: «On ne peut pas mettre un policier sur chaque autoroute. Et lors des blocages, les interventions sont rapides et proportionnées.» Son confrère du Centre ajoute: «Nous sommes en démocratie, libre à chacun de s’exprimer et manifester, dans les limites de ce que la loi permet. A titre personnel, je n’aime pas ces méthodes, elles impactent négativement les citoyens, qui ne demandent qu’à aller travailler, chercher ou déposer leurs enfants à la crèche, etc.».

Grands oubliés des débats depuis le début des agissements des militants climatiques, les ambulanciers. Si la faitière Swiss Paramedic Association ne souhaite pas commenter les actions ou les réactions sur le plan politique, son porte-parole Miró Gächter déplore que le flux de circulation ait été entravé: «Il y a eu plusieurs embouteillages de longue durée. Nous n’avons cependant pas connaissance d’un cas où un véhicule de secours aurait été gêné par une telle action. Nous souhaitons néanmoins appeler la population à former systématiquement une voie de secours en cas d’embouteillage (quelle qu’en soit la raison). Nous partons du principe que toutes les personnes concernées, y compris les manifestants, laisseraient passer immédiatement un véhicule de secours.»

Pas une surprise

La différence notable entre les sept derniers blocages et les précédents, en début d’année, réside dans le fait que ces nouvelles actions avaient été annoncées par RS. Dès lors, Le Peuple s’est dirigé vers le Service de renseignement de la Confédération (SRC) afin de savoir si le groupe d’activistes était sous surveillance. Malheureusement, le SRC ne «s’exprime ni sur ses activités opérationnelles, ni sur des cas, des mouvements ou des organisations particuliers». Il nous a toutefois répondu ceci: «Pour que le SRC puisse prendre des mesures préventives dans le domaine de l’extrémisme violent, il ne suffit pas de connaître le contexte idéologique ou politique des personnes, des organisations ou des événements à venir. Le facteur décisif est la référence effective à la violence (c’est-à-dire le fait de commettre, encourager ou lancer un appel concret à l’utilisation de la violence) par des personnes, des organisations ou des événements à venir. Les personnes qui se radicalisent politiquement ne relèvent donc pas de la compétence du SRC tant qu’aucune référence concrète à la violence ne peut être établie. De ce fait, la scène des activistes du climat en tant que telle ne relève pas de la compétence du SRC. L’implication éventuelle de groupes ou d’individus extrémistes violents dans les activités des activistes du climat est traitée par le SRC dans le cadre de son mandat légal. Dans ce contexte, le SRC évalue en permanence la situation et est en contact avec les polices cantonales et fedpol.»

Présente en tant que maman

Autre différence dans les dernières actions de RS: la présence d’une «personnalité» sur un des blocages: Julia Steinberger. Cette chercheuse en économie écologique à l’Université de Lausanne ne met toutefois pas en avant cette casquette: «Je suis ici en tant que maman, en tant que citoyenne, en tant qu’enseignante et en tant que scientifique. Ce n’est pas une exagération d’affirmer que l’habitabilité de notre planète est en train d’être détruite sous nos yeux. Ce qui serait insensé, ce serait de ne pas faire tout en notre pouvoir, y compris l’action civile non violente, pour sauver une possibilité d’avenir pour notre espèce et le vivant dont nous dépendons tous.»

Nous avons écrit à l’Université de Lausanne afin de savoir de quel œil l’établissement voyait l’engagement d’un de ses enseignants, si Julia Steinberger risquait des sanctions ou si les professeurs avaient le droit de s’engager en politique, quelle que soit l’idéologie. Mais Géraldine Falbriard, attachée de presse de l’UNIL, reste un peu floue: «L’Université de Lausanne soutient l’engagement public de ses chercheurs dans le respect des lois. Comme le dit la professeure Julia Steinberger, elle-même, elle n’est pas au-dessus des lois, et si elle doit être sanctionnée pour son action, elle répondra à la justice. L’UNIL ne peut se substituer à la justice.»




Coupables d’avoir obéi

Afin de contrer la progression du variant Omicron du Covid-19, le gouvernement valaisan annonçait, le 6 janvier 2022, une série de mesures dont le port du masque obligatoire en milieu scolaire et ceci dès la 5H (8 à 9 ans). Le Département de la formation, par son règlement d’application du 10 janvier 2022, stipulait sous «élèves», lettre «e»: «L’élève dont les parents refusent qu’il porte le masque reste à domicile». Un petit nombre de parents, convaincus de bonne foi de se conformer à la directive, ont alors décidé de ne pas envoyer leurs enfants en classe. Mal leur en a pris puisqu’ils ont reçu une amende de 600 francs par enfant non scolarisé. Un montant important, qui s’appuie sur le règlement concernant les congés et les mesures disciplinaires applicables dans les limites de la scolarité obligatoire du 14 juillet 2004.

Pour défendre les parents punis: Cynthia Trombert. Cette élue UDC au Grand Conseil et présidente du Collectif Parents Valaisans s’insurge contre la décision du Conseil d’État. Par voie de communiqué, elle rapporte que «le Département de la formation a cru bon de dénoncer aux inspecteurs scolaires des parents pourtant bienveillants, soucieux de la santé de leurs enfants. Autrement dit, et en toute contradiction, le département a décidé de punir les parents qui ont respecté à la lettre son propre règlement.» Jean-Philippe Lonfat, chef du Service de l’enseignement, refuse pourtant de qualifier cette histoire de confusion administrative: «Un élève concerné par l’obligation du port du masque et dont les parents refusaient cette obligation ne pouvait pas se rendre à l’école pour des raisons épidémiologiques et de santé publique à la suite d’un choix parental. La conséquence du refus du port du masque étant une non-scolarisation de l’enfant, il s’agit d’une absence injustifiée.» Il complète: «Moins d’un élève pour mille est concerné. Durant la première semaine de janvier, 70 parents n’avaient pas envoyé leur enfant à l’école, après discussion et information de la part des directions, seules 24 familles ont persisté dans cette voie et ont fait l’objet d’une procédure.»

Dans le même communiqué de presse, Cynthia Trombert signale qu’elle avait déposé un postulat urgent durant la session de mars 2022, afin d’attirer l’attention du Parlement sur la situation et de pouvoir en débattre. L’urgence ayant été refusée par le Bureau du Grand Conseil, le débat n’a pas eu lieu concernant la question des amendes durant les sessions parlementaires de mai, juin et septembre, dépassant ainsi le délai habituel de six mois pour traiter un texte déposé.
Cynthia Trombert trouve cette attente inacceptable: «Des parents sont pris au piège entre des ordres qui partent dans tous les sens».

Contacté, Nicolas Sierro, chef du Service parlementaire, nous a expliqué que «cette intervention suit le même processus que toutes les autres. Compte tenu de l’augmentation de près de 40% des textes déposés durant cette législature par rapport à la précédente, le délai de six mois pour leur développement devant le Grand Conseil ne peut actuellement pas être tenu. Les textes déposés en mars de cette année seront inscrits à l’ordre du jour de la session de novembre, qui se tiendra du 15 au 18 novembre.»

Cynthia Trombert est finalement repartie à l’assaut le 13 septembre, une nouvelle fois par la voie d’une interpellation, cosignée par son collègue Pierre Contat, ainsi que Frédéric Carron et Sophie Sierro, tous deux anciens Verts devenus indépendants. Dans ce nouveau texte, les élus écrivent: «La question se pose à l’évidence de l’opportunité, pour le département, de s’obstiner pour l’exemple à imposer ces amendes ou au contraire, de passer l’éponge pour restaurer le calme et la sérénité dans le canton et dans ses écoles. Questionné à ce sujet, Jean-Philippe Lonfat nous répond qu’il n’est pas question de revenir sur ces amendes: «En l’état, aucun élément nouveau ne remet en question notre décision.» Et pas question non plus de rendre public le nombre d’amendes réglées jusqu’au délai donné, soit le 30 septembre: «Comme des procédures sont encore en cours, nous ne communiquons pas ce chiffre.»
En parallèle, cette histoire, qui devrait trouver une conclusion en novembre, a fait deux victimes collatérales: les cosignataires Frédéric Carron et Sophie Sierro, respectivement agriculteur bio et immunologue. Par leurs prises de position et leurs ponctuelles alliances avec les élus UDC, ils se sont vus excommuniés du groupe parlementaire des Verts. Sophie Sierro explique que, chez les écologistes, il faut s’aligner: «Quand nous avons été recrutés pour les élections, on nous a promis que, dans le parti, chacun pouvait exprimer son opinion. La réalité est bien différente. Il semble interdit de la donner en public.» Selon l’intéressée, il y a eu une tentative de médiation et plusieurs solutions ont été proposées, mais celle qui a été retenue n’a été autre que le chemin de la porte. L’élue se dit heureuse de ne plus appartenir à un groupe parlementaire: «Je n’ai pas envie de devoir obéir à quelqu’un qui me dit ce que je dois penser.»




C’est pas “Bros” à voir

Pas pour faire plaisir à une moitié plus ou moins douce, mais pour prouver que vous n’êtes pas homophobes. C’est ce qu’il faut retenir des déclarations de Billy Eichner, scénariste et acteur de la comédie romantique au casting 100% LGBT Bros (22 millions de budget), évidemment encensée par la critique mais qui fait un flop réjouissant au box-office. «Malheureusement, c’est le monde dans lequel nous vivons. Même avec d’élogieuses critiques (…), le public hétérosexuel, surtout dans certaines parties du pays, n’est simplement pas venu voir Bros», pleurniche l’artiste. Visiblement peu disposé à remettre en question la logique marketing d’un produit communautariste destiné au grand public, notre homme préfère jouer la carte du chantage moral: «Tous ceux qui ne sont pas des cinglés homophobes devraient aller voir Bros». Et l’on imagine toutes les daubes mettant en scène Hugh Grant ou Richard Gere qu’il nous faudra bientôt nous farcir pour montrer qu’on n’a rien non plus contre les hétéros. RP

Ta mère la nageuse!

Le monde est quand même bien fait. Tandis que le canton asphyxie certains pour qu’il construisent des toilettes non mixtes dans leur cabane à la montagne (voir page 2), d’autres «dégenrent» à grands frais à Lausanne. 24 heures nous apprend ainsi que le Conseil communal de Boboland a voté un crédit de 3,1 millions de francs pour rénover et rendre «universels» les sanitaires, les vestiaires et les douches de la piscine de Mon-Repos. Des frais importants, certes, mais qu’une ville en situation financière aussi remarquable que la Capitale olympique peut se permettre. Surtout, gageons que ces travaux permettront de créer ce fameux lien social auquel tiennent tant les zélites lausannoises, à l’image de nos chères têtes blondes qui auront tout loisir de comparer les qualités anatomiques de leurs génitrices à la récré. RP

La cause de la quinzaine

Un nouveau (?) révolutionnaire de chez Blick a tenté la provocation dans son article sur l’«afro-véganisme». Toute première phrase: «En plus de filer de l’urticaire aux vieux réacs, qui découvrent ce mot-valise, ce mouvement culinaire va bien au-delà du régime alimentaire…». Effectivement le «vieux réac» que je suis ressens de l’urticaire. Non pas parce que son papier traite d’un mouvement particulier, mais bien parce que l’auteur admet lui-même qu’il utilise un mot-valise. Ou plutôt un mot fourre-tout. Le mot fourre-tout est certainement le mal le plus pernicieux de notre société. Il ne sert à rien, ne veut rien dire, mais véhicule toujours une nouvelle idéologie, une nouvelle mode sociétale. Le mot fourre-tout qui m’irrite le plus, qui me rend même franchement colère? Sobriété. Parions que le nouveau Che Guevara de Blick se fendra tantôt d’un article vantant les bienfaits d’une sobriété (une pauvreté généralisée, en vérité) digne de Fidel Castro devant un magasin de cigares. FL

Il n’y a pas que les savants qui sont fous

Grosse poussée du progrès à Genève où le rectorat de l’université a décidé de changer le nom du bâtiment Uni Carl Vogt, inauguré en 2015. Recommandée par un «groupe de réflexion pluridisciplinaire», cette mesure s’inscrit dans la très nécessaire lutte contre «les thèses détestables sur la hiérarchie des races et l’infériorité du sexe féminin» défendues en son temps (le XIXe siècle) par le naturaliste, dont un buste «fera aussi l’objet d’une réflexion» en concertation avec une ville dont on connaît le goût du marteau piqueur. Alors bien sûr, les esprits grincheux dénoncent les ravages du wokisme, mais c’est parce qu’ils ignorent la poésie future de nos cités. Traverser le boulevard Thomas Wiesel pour rejoindre l’Université Léonore Porchet en dégustant son sandwich vegan sous le monument Massimo Lorenzi, ne nous dites pas que vous n’en rêvez pas? RP




“Le Peuple” s’initie à la lecture arc-en-ciel

Les Drag Queen Story Hours (DQSH) sont des manifestations pour enfants où une drag-queen* raconte à de jeunes enfants des histoires de genre tirées de livres de contes. Le phénomène, déjà connu aux États-Unis, commence à émerger en Suisse avec de premières séances à Zurich, à Vevey, à Delémont et désormais à la médiathèque de Martigny pour les enfants dès 6 ans.
Mon attention ayant été attirée sur ce phénomène par l’Association Initiative de protection, qui lutte contre les projets de sexualisation précoce des enfants, je me suis rendue à Martigny mercredi 28 septembre pour écouter les histoires de Tralala Lita. Je note en entrant dans la bibliothèque que rien n’indique sur l’affiche qu’il s’agira d’un travesti et qu’il faut aller sur le site de la médiathèque pour l’apprendre: «Durant environ une heure, Tralala Lita lit un ou plusieurs albums classiques pour la jeunesse. Ces albums, minutieusement sélectionnés, parlent de personnages différents et fiers de l’être! Le but de ce spectacle est de promouvoir, de manière inclusive, ludique et festive, la littérature auprès des plus jeunes en abordant des sujets liés à la diversité, l’estime de soi et la tolérance. La drag queen Tralala Lita est interprétée par Vincent David, comédien professionnel qui possède une longue expérience dans la lecture à voix haute et la promotion de la lecture. Venez vivre un moment arc-en-ciel (sic) avec Tralala Lita! Pour toute la famille, dès 6 ans».

Un animateur qui connaît son affaire

Lorsque j’entre dans la bibliothèque, une quinzaine d’enfants et quelques parents sont là. Tralala Lita est drôle, exubérante et sait parler aux enfants. Les ouvrages sélectionnés sont disposés sur une table basse et après une amusante mise en scène d’interview, un enfant est invité à tourner la roue qui définira le premier livre. L’histoire d’une petite fille qui ne voulait pas se déguiser en princesse comme toutes les autres. Puis l’histoire d’un petit garçon qui voulait devenir une marmotte. Le ton est léger, teinté d’humour, les enfants sont captivés. J’écoute, je prends quelques photos et je réfléchis. Pourquoi? Pourquoi des personnages du monde de la nuit, hommes déguisés en femmes, généralement mis en scène dans des cabarets ou des boîtes de nuit, viennent-ils faire la lecture à nos enfants? Car il ne s’agit pas d’une banale princesse venue raconter des contes aux enfants: le but est de promouvoir la diversité de manière inclusive, dans un moment arc-en-ciel. J’y pressens une nouvelle tentative de célébrer des comportements sexuels ou modes de vie spécifiques qui n’ont tout simplement pas leur place dans un monde d’enfant. Je rejoins ainsi l’avis de la pédagogue allemande Karla Etschenberg, connue pour son engagement pour une éducation sexuelle sans idéologie, qui voit dans ces DQSH une volonté d’«entraîner les enfants – sans motivation propre – dans le monde de la sexualité adulte, donc de nouveau d’une méthode pour sexualiser les enfants». Car un enfant, ça pose des questions. Ça passe même son temps à poser des questions. A chercher à connaître, à savoir, à comprendre. Comment réagiront ces parents lorsque ces enfants chercheront à approfondir le sujet des drag queens et se retrouveront alors confrontés au monde dans lequel elles évoluent?

*Personne, généralement de sexe masculin, qui se présente sous une forme féminine nourrie d’archétypes. Le milieu est fréquemment lié à l’homosexualité masculine.

Commentaire

Lorsque nous étions enfants, les églises que nous fréquentions aimaient nous présenter les profils les plus spectaculaires possibles d’anciens rebelles, toxicomanes, satanistes, etc. Il fallait que le personnage marque les esprits pour démontrer que Dieu, réellement, était tout-puissant, même si quelques minutes plus tard les personnes que nous venions de découvrir retrouvaient la vie qu’elles n’avaient jamais quittée. Parfois sans mal, parfois dans la souffrance supplémentaire de devoir renoncer si vite à l’idéal trop élevé qu’elles venaient de présenter à des enfants.
Aujourd’hui, les néo-convertis de nos enfances ont été remplacés par des drag queens, parfois charmantes au demeurant. Le métier de certaines d’entre elles consiste à vendre les mérites de la lecture inclusive dans des bibliothèques, sous le regard ébahi de parents. Ces personnes sont encore plus spectaculaires que les convertis de l’extrême de nos jeunes années, mais le procédé est le même: frapper les esprits d’abord, et tenter de convaincre par la suite avec un discours plus ou moins articulé, en tout cas assez convaincant dans le cas présent. Cette similitude des procédés exprime une chose: à l’effondrement en cours du christianisme institutionnel répond l’émergence d’une autre religion, qui vise à recréer un paradis inclusif et dégenré sur terre. RP




BERNE MANIE LA MENACE FANTÔME

Déjà adepte des grandes déclarations à la «en même temps», Macron semble désormais avoir basculé en crise orwellienne. Le 5 septembre dernier, sans prévenir, le locataire de l’Elysée lâchait: «La meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée.» Inspiré par les paroles de Jupiter, Xavier Company, municipal Vert lausannois chargé des services industriels, s’exprimait mot pour mot de la même manière dans 24 heures du 16 septembre. Mais face à la crise énergétique à venir, le Conseil fédéral vient de proposer une étonnante variante de la déclaration macronienne: le meilleur contrôle est celui qui n’est pas effectué.

«On tombe en tout cas dans un État où il est devenu acceptable de juger et contrôler la vie d’autrui. Une partie de la population est très heureuse de jouer au flic chez le voisin, malheureusement.»

Jérôme Desmeules, élu UDC au parlement valaisan

Revenons sur nos pas. Un article paru sur le site de Blick le 6 septembre nous apprenait que nous, citoyens et entrepreneurs, risquions la peine pécuniaire, voire la prison, si nous osions trop chauffer nos foyers. Plus précisément, le papier mentionnait une peine de trois ans de prison en cas d’infraction délibérée aux directives et précisait qu’en cas d’infraction par négligence une peine pécuniaire pouvant aller jusqu’à 180 jours-amende était possible. En cas de pénurie, il sera donc interdit de chauffer son foyer à plus de 19°, de bouillir l’eau au-dessus de 60° (on rappelle ici volontiers que l’eau est censée bouillir à environ 100°, vive les spaghettis mal cuits) ou d’utiliser un chauffage d’appoint électrique.

On devient vite criminel de nos jours

Dans ce même article, le porte-parole du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), Markus Spörndli, brandit la grosse menace: «Les infractions à la loi sur l’approvisionnement du pays sont toujours des délits, voire ponctuellement des crimes, et doivent être poursuivies d’office par les cantons.» Des crimes, rien que ça… Voilà qui méritait bien une liste étoffée de questions de la part du Peuple. Nous souhaitions notamment savoir à quel moment ces mesures seraient ordonnées, comment, précisément, les contrôles seraient effectués, ou si nous devions nous attendre à des visites de contrôle de la part des policiers. A cette douzaine de questions, Markus Spörndli répond ceci: «À l’heure actuelle, il n’y a ni pénurie d’électricité ni pénurie de gaz en Suisse, c’est pourquoi aucune restriction ni interdiction d’utilisation n’est en vigueur. Il ne peut donc y avoir d’infraction à de telles dispositions. L’administration est en train de préparer des mesures de restriction et d’interdiction pour le cas où une pénurie grave surviendrait. Un projet d’ordonnance en prévision d’une pénurie de gaz est actuellement en consultation auprès des milieux intéressés.» Mieux, le communicant avoue, à demi-mots, que les contrôles ne pourront pas vraiment être effectués: «L’essentiel est qu’il ne serait pas possible ni souhaitable de contrôler étroitement le respect des prescriptions. En Suisse, nous tablons sur le fait que la population respecte la loi.»

Des menaces largement irréalistes

Jérôme Desmeules, élu UDC au parlement valaisan, juge ridicule de brandir des menaces d’amende ou d’emprisonnement: «Cela tient de la plaisanterie et démontre que le gouvernement n’est pas prêt à l’éventualité d’une telle crise. Si nous nous retrouvons dans une telle situation énergétique, c’est à cause de la politique suisse, opportuniste, qui a tourné le dos au nucléaire pour des motifs électoraux. Le pire est que les politiciens n’assument pas. Certains disent encore que cela n’a rien à voir avec les décisions du passé.» Pour François Pointet, conseiller national vaudois Vert Libéral, les contrôles à domicile semblent absolument irréalisables: «À mon avis, il n’y aura pas la possibilité de venir mesurer la température des chambres chez les privés. En effet, il faut un mandat de perquisition pour pouvoir pénétrer dans un lieu privé. Il faut comprendre que de telles punitions doivent être prévues pour des personnes se permettant, par exemple, de continuer à utiliser des chauffages sur les terrasses, ou d’autres aberrations visibles.»

Vers l’état policier?

Ces menaces et ces potentiels contrôles pourraient laisser à penser que la Suisse se transforme peu à peu, après un premier épisode Covid, en état policier. Jérôme Desmeules nuance: «On tombe en tout cas dans un État où il est devenu acceptable de juger et contrôler la vie d’autrui. Une partie de la population est très heureuse de jouer au flic chez le voisin, malheureusement.» Parler d’état policier semble un tantinet trop fort pour François Pointet: «Nous ne sommes pas au point où les policiers auront la possibilité de rentrer chez chacun pour faire des contrôles. Il faudrait encore lever la nécessité d’avoir un mandat de perquisition. Il est clair que les lieux publics seront plus facilement soumis aux contrôles.» D’autant plus que la situation n’est pas similaire, selon lui, à celle vécue lors de la crise du Covid. «Nous avons vu, durant le Covid, que la population a plutôt bien suivi les prescriptions. Pour l’essentiel, les seuls débordements qui ont été dénoncés concernaient des lieux publics. On peut partir du principe que nous aurons la même situation dans le cas de cette ordonnance. La situation politique est toutefois différente, le Parlement n’a pas été arrêté, son travail d’éventuel contre-poids au Conseil fédéral sera donc plus simple», complète-t-il.

De quoi se demander ce que le gouvernement choisira pour se faire obéir de la population. Des slogans niais et des affiches infantilisantes, comme il y a deux ans avec le virus?