Sacrifié, l’esprit de Noël

L’annonce a été faite coup sur coup au début du mois de septembre: Coop puis Migros ont déclaré que, mesure d’économie oblige, aucune décoration lumineuse de Noël ne serait employée pour égayer les devantures des échoppes durant les fêtes cette année. Coop justifie cette décision en invoquant une possible pénurie. «Nous mettons en œuvre les premières mesures volontaires d’économie d’énergie en vue d’une éventuelle pénurie d’électricité. Le maintien de notre mission d’approvisionnement est pour nous une priorité absolue», clarifie Caspar Frey, porte-parole du grand distributeur. Il précise que la mesure n’a absolument rien à voir avec une attaque contre l’identité suisse ou la tradition chrétienne: «En tant qu’entreprise, Coop est neutre sur le plan confessionnel. Ces mesures sont liées à l’appel de la Confédération à économiser l’électricité.»

Ours polaires et bonshommes de neige

Patrick Simonin, élu PLR au Grand conseil vaudois estime que les deux enseignes montrent ainsi l’exemple: «Même si l’on peut être déçu du manque d’anticipation de l’administration fédérale au sujet de la pénurie d’énergie et du peu de clarté de ces informations, les annonces des géants de la distribution peuvent être un signal pour le grand public, que tout le monde va devoir s’y mettre, à économiser de l’énergie pour cet hiver.»

Militant chrétien en faveur de la décroissance et président de l’association qui édite la revue Itinéraires, Jean-Daniel Rousseil ne se sent pas heurté par l’abandon des illuminations dites de Noël. Bien au contraire puisqu’il les considère à cent lieues de l’esprit de Noël: «En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blancs et ces bonshommes de neige sont déplacés. Et je ne parle pas de ces étoiles qui pullulent. C’est à l’opposé de la signification de Noël où une seule étoile souligne justement l’obscurité dans laquelle Jésus descend.»

«En tant que chrétien, les décorations que j’ai pu voir ces dernières années ont plutôt eu tendance à me fâcher. Tous ces ours blanc et ces bonshommes de neige sont déplacés.»

Jean-Daniel Rousseil, président de l’association qui édite la revue Itinéraires

Belle unanimité entre les deux hommes, donc. Mais c’est sur le thème du «green-washing» que les avis divergent. Patrick Simonin n’y décèle aucun signe de la part des enseignes: «C’est le moyen pour elles de montrer leur contribution première en la matière. Mais il faudra également qu’elles aient la même pertinence pour passablement de produits importés dont l’étiquette bio ou la durabilité n’est pas comparable aux produits suisses.» A l’inverse, Jean-Daniel Rousseil voit bel et bien, dans l’abandon des décorations de Noël, une volonté de laver plus vert que vert; selon lui, cela ne date pas d’hier: «Ces magasins font tous les «washings» imaginables. La Migros n’a jamais rien épargné pour attirer certaines catégories de clientèle. Par mercantilisme, ces commerçants utilisent tout ce qui est tendance pour accroître leurs ventes. Cela relève d’un opportunisme invétéré.» Questionnée sur l’abandon de décorations énergivores accessoires à l’occasion d’autres événements, qu’ils soient sportifs (Jeux Olympiques, Coupe du Monde) ou sociétaux (Journée internationale des femmes, Pride), la Coop explique qu’elle s’adaptera en fonction des ressources: «Nous suivons de très près la situation dans le domaine énergétique et nous prendrons les décisions qui s’imposent. Actuellement, il convient d’attendre l’évolution de la situation pendant les mois d’hiver.»

Coop a également prévu de baisser la température à 19 degrés dans ses différents locaux. Selon la cellule communication de la marque, les salariés n’ont pas été consultés avant cette décision: «En ce qui concerne les conditions de travail, nous nous conformons aux dispositions légales. Jusqu’à présent, les réactions du personnel ont été positives.»

Si la situation venait à se dégrader, les employés pourront toujours suivre les conseils d’une élue fédérale: enfiler un gros pull et boire du thé chaud.




Un esthète nommé Berset

Les inquisiteurs du dimanche – il y en a dans tous les partis – risquent à nouveau d’avaler leur tofu de travers. Un lecteur amusé nous a fait parvenir une photo de la projection du dernier Top Gun au Cinéma Arena de Fribourg, à laquelle s’est rendu le conseiller fédéral (dont on devine le crâne sur la gauche) le 3 juillet.
Le 3 juillet, soit deux jours avant sa virée mouvementée du côté français. A l’évidence, notre élu a vraiment le goût des airs jusqu’au bout des ongles: pensez, le Fribourgeois ne rechigne même pas à aller se vider le crâne devant un bon vieux blockbuster capitaliste à la gloire du monde libre, du moment où il y a des avions dedans! RP

Message codé

En regardant un reportage publié par Blick sur le harcèlement sexuel à Paléo, on apprend que les victimes d’oppression peuvent se rendre à un bar du festival et demander à «parler à Angela». Dans cette situation, le staff du festival prend en charge la victime. Noble cause s’il en est. Simplement, pourquoi trouver un nouveau code, connu de tous puisque communiqué aux festivaliers, au lieu de simplement utiliser un bon vieux «A l’aide!»? Autre grande question: que va-t-il se passer si, un jour, le groupe de rap français Saian Supa Crew se reforme et interprète son tube le plus connu sur la grande scène de Paléo? JB

Arrête ton char, Marcel

Le département de la Vienne, en Nouvelle-Aquitaine (F), en a bien de la chance. Des militants LGBTQIA+ ont choisi Chenevelles pour organiser la première «Pride rurale», avec défilé sur tracteur, DJ et drag queens au milieu des bouseux rétifs au progrès. Il s’agissait, selon les organisateurs, de montrer qu’il y a «de la vie à la campagne». Sous-entendu, tant que les gens ne défilaient pas dans la rue pour exposer leur intimité, il n’y en avait pas. Soyons donc innovant: pourquoi pas une Pride du fin fond de la Patagonie? Une Pride de l’océan? Une Pride sur Mars? S’il s’agit de créer de la vie un peu partout, sûr que la Nasa ou Elon Musk, patron de la société SpaceX, pourraient proposer leurs services. RP

Sauvons la planète, osons le naturisme

Il n’y a pas de petites économies, y compris en matière d’eau. C’est pourquoi un centre nautique de Haute-Savoie (F), à Cruseilles, a décidé d’interdire les shorts de bain à ses visiteurs, rapporte 20 Minutes. A la place, de bons vieux slips de bain, comme lorsque nous avions trois ans, moins susceptibles de dilapider le contenu des bassins. Si ce pas décisif vers le progrès ne connaîtra «pas de retour en arrière», il convient de préciser qu’en France, short ou speedos sont souvent la norme, et que les lieux avaient jusqu’ici une politique très libérale. On craint tout de même le moment où les piscines n’ouvriront plus quand il fait chaud afin de ne pas gaspiller d’eau. RP




Après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade, quoi ?

Néanmoins, le fait que « nous n’avons rien connu de tel de notre vivant », comme l’admet un homme politique américain,
devrait nous alerter. Si, après 50 ans de jurisprudence, la question du contrôle de l’avortement a ressurgi avec tant de force,
c’est que sa pratique n’est pas anodine. Elle remet brusquement sur le tapis plusieurs questions qui dépassent le cadre des
convictions individuelles.

Quand un embryon devient-il un être humain ?

Pour certains, il commence par n’être qu’un amas « anonyme » de cellules. Si c’est le cas, à quel stade de son développement
peut-on le considérer comme une personne ? À partir des premiers battements du cœur ? Quand la médecine le considère
viable ? Il est pratiquement impossible de répondre à cette question parce qu’elle suppose, comme le dualisme grec, une
séparation entre matière et esprit. C’est ce qu’illustrent les différentes lois sur les délais.

En juillet 2020, Curtis est né en Alabama à 21 semaines de grossesse. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, où l’avortement est
possible respectivement jusqu’à la 22 e et la 24 e semaine, ses parents auraient pu décider qu’il n’était pas désiré et obtenir un
avortement. Par contre, une telle démarche leur aurait été impossible en Suisse où la loi, sauf exceptions, place la limite à 12
semaines.

Face à l’impossibilité de déterminer quand un embryon devient une personne, il est plus simple d’admettre que les êtres
humains conçoivent et donnent naissance à d’autres êtres humains. Cela implique que, dès sa conception, l’embryon est un
corps en devenir doté d’esprit et un esprit habitant ce corps en devenir. Ce fait ne dépend ni de son développement ni de
l’attachement plus ou moins fort que sa mère et son père éprouvent pour lui mais de sa condition humaine.

Dès sa conception, l’embryon est un corps en devenir doté d’esprit et un esprit habitant ce corps en devenir. Ce fait ne dépend ni de son développement ni de l’attachement plus ou moins fort que sa mère et son père éprouvent pour lui mais de sa condition humaine.

Quel est le rôle de la loi dans nos sociétés ?

Son but premier est de préserver la vie humaine. Mais qu’est-ce qu’être humain ? Est-ce une qualité partagée par tous ? Les
femmes, les esclaves, les gens d’une autre couleur ou d’une autre religion, les enfants et en particulier les enfants à naître
sont-ils tous, au même degré, humains ? Les avis ont beaucoup varié dans le passé et ils diffèrent aujourd’hui encore. Mais
dans les sociétés qui ont bénéficié de l’éclairage biblique, l’idée que les humains portent en eux l’image de Dieu les a
radicalement transformées. La polygamie a disparu. L’esclavage aussi. L’éducation des filles est devenue possible. Et, depuis
peu, certains pays européens condamnent les relations sexuelles non consenties. C’est dans ce contexte de reconnaissance de
la dignité de tout être humain que se repose la question de la protection de l’embryon.

Comment évoluent les cultures ?

Elles changent en fonction de ce que leurs membres croient à propos de Dieu, d’eux-mêmes, des autres et de la nature. Elles
peuvent évoluer vers une meilleure protection de la vie ou retourner à la barbarie. Abandonner l’idée que l’être humain est
« image de Dieu » rend toutes les dérives autoritaires possibles et amplifie les inégalités sociales. En d’autres termes, nos
cultures sont plus ou moins saines et peuvent, dans certains domaines, faire fausse route. Cette observation vaut pour notre
conception de la sexualité.

Comment repenser la sexualité ?

Cette question est liée à celle de l’avortement. Making Love Makes Babies ! avertissait une affiche. Elle rappelait qu’une
relation intime engage notre responsabilité. Le Make Love, not War de la contre-culture américaine des années 60-70 a tourné
en dérision la pruderie d’une génération jugée autoritaire et martiale. Il a aussi contribué à répandre l’idée que la sexualité
était naturelle et bonne (ce qu’elle est), et pouvait être vécue comme un loisir sans conséquence (ce qu’elle n’est pas).
Cinquante ans plus tard, le mouvement #MeToo nous a fait savoir que le jeu était trop inégal et qu’il fallait siffler la fin de la
partie.

Si, suite à la décision de la Cour suprême, certains États américains réduisent les délais dans lesquels l’avortement est
possible, il y a peu de chance que le pays, comme le suggérait Margaret Atwood de manière dramatique, revienne aux procès
en sorcellerie du XVIIe siècle. Plutôt que de voir dans l’idée de limiter les possibilités d’avorter un mal absolu, il serait sans
doute préférable de proposer une réflexion renouvelée sur la sexualité. C’est en effet une réalité morale et spirituelle
qu’hommes et femmes doivent approcher à la lumière du fait qu’ils sont, les uns et les autres, « images de Dieu ». Se
reconnaître mutuellement cette dignité épargnerait sans doute à bien des couples les tourments d’un avortement.

Christian Bibollet – membre de la Paroisse de la Rive droite – Genève
*Rubrique Opinion, LT, 3.6.2022