Quand le PLR «serre la vis» aux libertés individuelles

Jusqu’à une époque récente, c’était en principe à propos de comportements illégaux que les politiciens parlaient de «serrer la vis» . Tel ou tel voulait serrer la vis au deal de rue, aux pickpockets, aux resquilleurs… Les choses ont bien changé puisque ce sont désormais les personnes n’enfreignant aucune loi qui font le plus souvent l’objet de ces velléités, à l’image des non-vaccinés durant la crise du Covid. Ironie de l’histoire, certains comportements délictueux – pensons à la consommation de drogue – ont suivi le chemin inverse pour passer, depuis une dizaine d’années, à l’état de simples «réalités à encadrer».

Étonnamment, le Parti libéral-radical (PLR) n’est plus le dernier à proposer ses services pour le grand serrage de vis permanent dont la population devrait faire l’objet. Dernier exemple en date, la proposition, relayée par Blick, de taxer les ménages dont la consommation de gaz augmenterait alors que des efforts de limitation sont demandés à l’industrie. Pas de raison que l’économie soit seule à se serrer la ceinture en matière d’énergie, selon la conseillère nationale Susanne Vincenz-Stauffacher et le conseiller aux états Damian Müller, aux commandes de cet ovni.

«Personne ne consomme pour le plaisir»

«Je trouve ce genre de mesures ridicules», fulmine Alec von Barnekow, vice-président des Jeunes PLR suisses et président des Jeunes PLR fribourgeois. «Vu le prix actuel de l’énergie, l’ensemble des acteurs ont un intérêt clair à économiser. Personne ne consomme juste pour consommer. Punir des entreprises qui viendraient à consommer davantage ne me semble pas plus judicieux. Probablement qu’elles n’ont pas d’alternative si elles veulent croître.» D’autres, sous couvert d’anonymat, dénoncent une proposition suicidaire un an avant les élections fédérales. Ou l’art de choisir le pire moment pour se montrer antipathique…

«Il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»

Eric Bonjour, ancien député vaudois

Mais comment un parti héritier du libéralisme peut-il accoucher de mesures n’hésitant plus à brandir la menace de nouvelles taxes? La proposition du duo d’élus est en tout cas jugée «troublante et assez intrusive» par l’historien Olivier Meuwly, spécialiste de l’histoire des idées politiques. «Comment vont-ils faire? Examiner chaque facture de consommation de gaz? Le PLR sera mal pris pour critiquer, par la suite, l’ultra-étatisme des Verts qui ne cessent de culpabiliser les gens et jouer la police de la verdure.»

On l’aura compris, l’intellectuel n’est pas emballé par la proposition. Mais pas au point de dénoncer une sortie de route de son parti, en tension constante entre son aile radicale, plus étatique, et son aile purement libérale. «Les ennemis du PLR sont toujours en train de chercher les moments où il dévie. Ils n’aiment pas le libéralisme mais reprochent aux libéraux de ne pas l’être. On peut cependant se demander s’il n’y a pas actuellement une tentation de surjouer le ‘R’ parce que l’ambiance du moment n’est pas très ‘L’. C’est un risque possible.» Et de plaider pour que le parti donne au moins du sens aux accents qu’il choisit de mettre dans ses propositions.
Et si, à force de miser sur la «responsabilité», le PLR laissait sa place à la conservatrice UDC comme parti le plus libéral de l’échiquier politique suisse? «Mais c’est déjà le cas», juge Eric Bonjour, ancien député vaudois passé par les deux formations durant un parcours politique de trente ans. «Le covid l’a montré, seule l’UDC demandait une politique libérale, encourageant la vaccination, mais sans demander qu’on l’impose.» L’idée que l’on puisse venir fouiller dans ses factures, et dans sa vie privée, lui est particulièrement antipathique: «C’est du communisme, inadmissible.» Loin de nier la réalité des problèmes d’approvisionnement énergétique, et la nécessité d’ajustements, il propose une politique basée sur l’éducation. «Si tout le monde faisait des économies individuelles, on pourrait économiser une centrale nucléaire, explique-t-il. Mais il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»




Trop blancs pour chanter

I l était une fois un concert de reggae organisé dans un lieu alternatif de la capitale. Plutôt: il était une fois un concert de reggae interrompu par ses propres organisateurs, la Brasserie Lorraine, à Berne. Motif? Les musiciens sont blancs! Pire, ils osent arborer des dreadlocks, sur leurs têtes de blancs. Ne riez pas, les tenanciers du lieu ont plié sous la pression d’un petit comité qui s’est senti «mal à l’aise» (unwohl en allemand), invoquant l’«appropriation culturelle» par le groupe qui devait se produire lors de la soirée du 18 juillet.

Lavant plus blanc que blanc, la Brasserie Lorraine en a rajouté une couche sur sa page Facebook. Morceaux choisis: «Nous tenons à nous excuser auprès de toutes les personnes à qui le concert a causé de mauvais sentiments. Nous sommes responsables étant donné que nous avons invité le groupe Lauwarm à jouer dans notre établissement.» Ou encore: «Notre manque de sensibilité et les réactions de nombreux invités à l’annulation du concert nous ont montré une fois de plus que le sujet est chargé émotionnellement.» Et la Brasserie Lorraine de conclure son message ainsi: «Le racisme et les autres discriminations n’ont pas leur place chez nous.» Comment appelle-t-on le fait de refuser l’accès à sa scène pour des raisons de couleur de peau ou de coupe de cheveux?

Bourde sur bourde

Les réactions sous la publication de la Brasserie Lorraine montrent que la manœuvre ne passe pas vraiment. En plus d’un nombre de «smileys » colériques ou hilares plus important que ceux montrant une approbation, on peut lire des commentaires plutôt épicés: «Je suis mort de rire», «Terrorisme culturel!», ou encore un autre, plus préoccupant. Un utilisateur de Facebook présent lors de la soirée écrit qu’il s’est permis de demander aux organisateurs du concert si ce n’était justement pas du racisme que d’empêcher des caucasiens de se produire pour le motif qu’ils n’ont pas la bonne couleur de peau. Il s’est apparemment vu répondre: «Certainement pas, étant donné que c’est une minorité qui s’est sentie heurtée.»

Dès lors, que se passerait-il si les lieux accueillaient un concerto de Vivaldi interprété par des musiciens «racisés» et qu’un groupe de caucasiens faisait part de son «malaise» au personnel du lieu?

Non contente de se prendre une veste sur le réseau social, la Brasserie Lorraine a remis le couvert le lendemain par le biais d’un communiqué de presse, posté sur la page du bar. Le collectif gérant le lieu s’y dit «très surpris que la publication Facebook ait fait autant de vagues». Résultat: une nouvelle vague d’indignation sur le réseau social. Et un ratio encore plus catastrophique entre les réactions négatives et positives. S’y ajoutent plus de 600 commentaires en à peine quelques heures, dont un cinglant: «J’espère qu’avec cette attitude vous fermerez la boutique».

Dans son texte, le collectif invoque le «racisme systémique»: «Nous ne pensons pas que les membres du groupe ou les personnes ʻblanchesʼ soient automatiquement racistes. Ici, nous quittons le niveau personnel pour parler de racisme structurel. Il y a une différence entre être un raciste avoué et reproduire inconsciemment des structures racistes.»

Soirée interdite aux hommes

Pour aborder toutes ces problématiques, la brasserie organisera une soirée de discussion le 19 août à propos de cette affaire et, surtout, de l’appropriation culturelle. Dans son document à destination des médias, elle explique qu‘il s’agira de définir «les aspects problématiques de l’appropriation culturelle dans une société postcoloniale», «ce que nous pouvons changer dans notre comportement» et enfin «le rôle du système d’asile suisse dans cette question».
En attendant, la Brasserie Lorraine prévoit, le 6 août, une soirée TINFA, soit un événement strictement interdit aux hommes cisgenres*. L’établissement explique la signification de l’acronyme: «toutes les femmes, les personnes intersexuées, les personnes non binaires, les personnes trans, les personnes sans genre ainsi que d’autres (queer) qui sont opprimées en raison de leur désir et/ou de leur identité de genre.»

*La novlangue désigne sous ce terme les personnes en adéquation avec le genre qui leur a été assigné à la naissance. Traduction: qui n’envisagent pas de changer de sexe.




«Une expérience incroyable»

On ne les aurait pas volontiers fait partir sur un marathon, avec leurs petits yeux et leur air hagard, mais à l’évidence, ce sont des enfants heureux qui sont sortis du train, vendredi soir à Yverdon-les-Bains. Des jeunes, et même des scouts, pas tout à fait comme les autres, puisque leur Brigade des Flambeaux de l’Évangile représente aujourd’hui une minorité, la plupart des groupes n’ayant plus d’ancrage confessionnel. «Mais nous appartenons à la grande famille scoute, et nous avons aussi vécu plein de beaux moments à l’interne de notre groupe avec plusieurs enfants qui se sont engagés à aller plus loin avec Dieu», s’enthousiasmait Nicolas. Responsable de groupe adjoint des Suchy 3-Rivières, il se réjouissait aussi de pouvoir rentrer chez lui, prendre enfin une douche et surfer entre le lit et le canapé durant le week-end pour récupérer d’une semaine intense au service des petits. Les parents de ces derniers, de leurs côtés, ont certainement été nombreux à ne pas beaucoup les voir entre la sortie du train et le saut dans les bras de Morphée.




« Il n’y a pas d’opportunisme de ma part »

EEn sortant de ce bistrot, que se passera-t-il si vous croisez Mgr Morerod?

Rien de particulier. On se saluera et je serai heureux de savoir comment il va.

Vous l’avez vu, depuis la sortie de votre livre?

Non, le dernier contact date de mon excardination (ndlr: le fait de se séparer de son diocèse pour un prêtre), il y a une année et demie.

Vous avez des anecdotes terribles sur les évêques, dans votre livre. Vous racontez par exemple le moment où l’un d’eux laisse des enfants en plan pour courir après sa calotte emportée par le vent. Vous réglez enfin vos comptes?

Pas du tout. D’ailleurs je ne cite jamais les noms des personnes concernées par ces épisodes, qui ont près de trente ans pour certains. En fait, je réponds simplement à une demande du pape François : au travers des faits concrets que j’ai vécus, et que je rapporte ici, j’essaie de dire ce qui peut être fait pour améliorer la conduite de l’Église, qui est extrêmement lourde pour les évêques. Actuellement, ces derniers concentrent les pouvoirs de chefs spirituels, de patrons et de juges suprêmes. Or je crois que ce système doit être dépassé, car il écrase les hommes qui ont ces fonctions. Et quand on est écrasé, on ne fait pas toujours du bon travail.

Vous proposez un « renouveau », dans la gestion des diocèses, que vous opposez à la tentation de la « liquidation partielle ». C’est une décision en particulier de Mgr Morerod à laquelle vous vous attaquez ici?

Mon propos est plus général: j’ai le sentiment qu’il faut décentraliser la conduite de l’église. Beaucoup de choses qui sont aujourd’hui décidées par Rome doivent l’être sur place, à la lumière des besoins que les gens ressentent réellement, dans leur diocèse. A ce moment-là, je suis convaincu qu’une forme de crédibilité de l’église reviendra.

Vous avez été un homme de pouvoir, dans la religion comme en politique, d’ailleurs. N’est-ce pas un peu paradoxal, aujourd’hui, de vouloir casser le système?

Mais je ne veux pas «casser le système» ! Je veux simplement que les pouvoirs soient confiés à des personnes qui ont les charismes nécessaires pour les assumer. Je n’apporte rien de nouveau par rapport aux piliers de la foi: ce que je fais, c’est puiser dans l’histoire de l’Église pour trouver les bonnes réponses à des problèmes structurels. Jusqu’au XIIe siècle, par exemple, on avait une séparation des pouvoirs, que j’appelle un «splitting» dans mon livre. C’est seulement après cette époque qu’on a concentré les différents ministères sur des personnes ordonnées. Jusqu’alors, dans certaines abbayes territoriales, le pouvoir administratif et décisionnel pouvait même être en main d’une femme, abbesse, qui était mitrée et crossée.

Ces jours, on vous découvre d’une manière très éloignée de l’image plutôt stricte qui était la vôtre durant votre «pic médiatique», à la fin des années 2000. Aviez-vous l’envie, en quelque sorte, de vous «mettre à nu»?

Peut-être l’envie de mettre de la distance avec l’image que l’on m’a faite. Ce ne sont pas que les médias qui en sont responsables, d’ailleurs. Ils faisaient avec ce qu’ils recevaient comme «nourriture» et je crois qu’il y a eu beaucoup de médisance et de jalousie à mon égard à cette période. Il est vrai que j’ai eu subitement un certain pouvoir lorsque Mgr Genoud était malade. Par loyauté envers lui, j’ai accompli le travail qu’il me confiait tout en sachant bien que cela allait m’attirer la critique de confrères. Et je suis moi-même capable de critique envers ma propre situation: dans le contexte des affaires d’abus sexuels à la fin des années 2000, par exemple, j’ai été à la fois official, donc un homme de justice au niveau du diocèse, et porte-parole. Un mélange qui n’était pas idéal.

Est-ce qu’il y a une part d’opportunisme, aujourd’hui, à vous présenter comme un réformiste sous un pontificat qui prône ce genre de choses, tandis que vous apparaissiez comme un conservateur sous Benoît XVI?

Mais j’étais porte-parole, à l’époque, et j’exerçais un ministère directement lié à l’évêque. Désormais, je me sens beaucoup plus libre parce que je suis un prêtre en paroisse et un théologien, qui prend le risque de la parole conformément à la demande du pape. Franchement, il n’y a pas d’opportunisme dans ma démarche. Ce qui m’a incité à écrire ce livre, c’est de voir des gens qui souffrent à cause du système, et qui n’osent pas parler.

Ces gens, vous les avez rencontrés quand?

Principalement ces dix dernières années. Je me sens le devoir de les aider.

Vous vous montrez parfois très élogieux à l’égard de l’Église allemande, ou suisse allemande, alors qu’elles sont tout de même très libérales et marquées par le protestantisme. C’est un hasard?

Martin Luther lui-même voulait ce que beaucoup voudraient aujourd’hui: faire évoluer l’église parce qu’il voyait que ça ne marchait pas bien sur certains points. Résultat, on l’a mis dehors, excommunié. Aujourd’hui, je pense que nous devons tous avoir le droit de dire certaines choses sans pour autant que la communion soit blessée. Et j’aimerais même dire qu’il ne s’agit pas seulement d’un droit, mais aussi d’un devoir.

Vous avez le sentiment d’avoir fait souffrir des personnes à cause de vos fonctions. C’est un sacré poids, non ?

Oui. C’est un sacré poids. Et quand on a une responsabilité, il faut l’assumer. Et quand on décide, on mécontente souvent une partie des personnes concernées. C’est normal. Mais il faut essayer de faire au mieux, de trouver un chemin qui rassemble un maximum de personnes et qui cherche sans cesse le compromis. Mais attention, le pouvoir mal défini et mal vécu peut rapidement conduire à l’abus de pouvoir. Mon livre tente de démontrer ce mécanisme et d’esquisser aussi des solutions.




La fin d’un monde

J’aime beaucoup les aventures d’Astérix et Obélix en bande-dessinée. Je me souviens de quelques vignettes de L’Odyssée d’Astérix. Il s’agit de la scène où nos deux amis errent dans le désert et se font attaquer par toutes sortes de peuples aux noms étranges: Sumériens, Akkadiens, Hittites, Assyriens et Mèdes. Ces noms éveillaient en moi l’Orient et ses mystères.

C’est vers certains de ces peuples et ces territoires que Eric H. Cline nous entraîne dans son livre 1177 avant J.-C. – Le jour où la civilisation s ’est effondrée.

A lire le titre accrocheur, on pourrait penser à un ouvrage léger, or l’auteur n’est pas un dilettante mais un archéologue réputé qui dirige le Capitol Archaeological Institute de l’université George Washington.

Comme le constatait Gonzague de Reynold, «l’histoire est à trois degrés». Entre les œuvres scientifiques et académiques et le manuel de vulgarisation, il existe une place pour «la synthèse, destinée à mettre en valeur les résultats des recherches accomplies au premier degré, pour les offrir à un public déjà préparé par sa culture à assimiler des idées générales». Pour l’illustre seigneur de Cressier, c’est en cela que consiste l’histoire. On peut considérer que le livre de Cline est bien de cet acabit: une synthèse accessible et intelligente.

Il est un moment que les enseignants d’histoire ancienne redoutent, c’est celui où ils doivent parler de l’effondrement presque simultané des sociétés du pourtour de la Méditerranée orientale. Ils expliquent que cela est dû aux invasions des Peuples de la Mer et passent au point suivant. Cline va essayer de comprendre cet effondrement civilisationnel à la fin de l’âge du bronze récent. 1177 avant Jésus-Christ est une date pivot, comme 476 pour la fin de l’Empire romain d’Occident. En fait, il a fallu un siècle, entre 1250 et 1150, pour que cette civilisation s’effondre.

Le livre est construit comme une tragédie antique en quatre actes. Les actes I-II-III nous font parcourir les XVe, XIVe et XIIIe siècles avant Jésus-Christ. Nous découvrons l’importance des échanges commerciaux et diplomatiques entre les différents états ou Empires. Nous abordons la question de la Guerre de Troie, de la localisation des Hittites et de l’exode du peuple d’Israël ainsi que son installation au pays de Canaan, de l’importance du cuivre et de l’étain dans les échanges commerciaux. L’acte IV représente l’acmé du livre puisqu’il aborde le XIIe siècle et la fin de l’âge du bronze récent.

L’avant-dernier chapitre se propose de présenter ce que l’auteur appelle «la tempête parfaite». Il s’agit de la suite d’événements qui provoquent l’effondrement. Cline va décrire avec précision et rigueur les tremblements de terre, les changements climatiques entraînant des sécheresses et des famines, les troubles politiques et sociaux, les migrations de populations. Dans ce monde en mutation, le pouvoir change de nature et de mains, il passe des palais aux riches marchands. L’auteur relève que l’effondrement de la civilisation de l’âge du bronze semble dû à l’enchaînement de ces éléments dans un monde (déjà) interconnecté.
Si ce livre est rédigé comme une pièce de théâtre, il convient de signaler qu’il relève aussi de l’enquête policière, puisque Cline prouve ses assertions par des éléments matériels et des artefacts.

D’aucuns disent que l’histoire ne se répète pas et pourtant on peut distinguer des «lois» de l’histoire. Cela n’est pas nouveau: Albert Thibaudet et Arnold J. Toynbee ont comparé le suicide européen dans la Grande Guerre au suicide des cités grecques dans la guerre du Péloponnèse. Jules Isaac comparait le régime de Vichy à celui des Trente Tyrans d’Athènes, installé par Sparte. On ne parle même pas d’Oswald Spengler… Plus près de nous, Chantal Delsol compare la relation Europe/états-Unis avec la situation des Grecs face aux Romains.

En lisant cet ouvrage de Eric H. Cline, on ne peut qu’être frappé par les similitudes et les points de comparaison possibles avec notre époque. Laissons le mot de la fin à l’auteur, qui constate qu’après cet effondrement, «de nouveaux peuples et/ou de nouvelles cités-états comme les Israélites, les Araméens et les Phéniciens en Méditerranée orientale et, plus tard, les Athéniens et les Spartiates en Grèce ont réussi à s’établir. Nous leur devons de nouveaux développements et de nouvelles idées comme l’alphabet, le monothéisme et, finalement, la démocratie. Un gigantesque incendie est parfois nécessaire pour que l’écosystème d’une forêt ancienne se renouvelle et prospère.»

Eric H. Cline, 1177 avant J.-C. – Le jour où la civilisation s’est effondrée, La Découverte 2022, (première édition 2015).




Faire vivre la tradition, à la façon écolo

Alberto Mocchi, vous avez présenté votre choix comme «utile» et «écologique», dans 24 heures. Ce sont les mots-clés d’un nouveau puritanisme?

Je ne crois pas. D’abord, il faut en revenir à ce qu’est fondamentalement le 1er août, à savoir une fête où l’on célèbre un certain nombre de valeurs qui nous font vivre ensemble. Cela une fois posé, qu’est-ce qui nous conduit à nous rassembler physiquement à cette occasion ? Des explosions dans le ciel, ou un brunch convivial ? Aujourd’hui, je constate qu’il y a plus de gens qui participent à notre événement qu’il y a trois ou quatre ans. A l’évidence, les feux ne sont donc pas incontournables. De plus, notre brunch donne un coup de pouce bienvenu à l’économie locale, durement éprouvée par le Covid. Et puis je dois dire que je ne vois pas en quoi manger de la tresse, de la confiture d’abricot ou de la charcuterie serait particulièrement puritain…

C’est bien gentil d’offrir du miel à vos habitants le 1er août, mais les souvenirs, la poésie d’un ciel qui s’embrase, ça ne vous dit rien, à vous?

Oui, bien sûr que ça me dit quelque chose. Nous avons d’ailleurs gardé le grand feu et les lampions, et nous n’interdisons pas aux personnes qui le souhaitent de tirer leurs fusées, sauf raisons de sécheresse. Mais il faut tout de même garder en tête que certaines personnes détestent les feux d’artifice alors que personne ne déteste les brunchs. Depuis le changement de programme des festivités, l’an dernier, nous n’avons reçu aucun commentaire négatif. Peut-être que des gens ont râlé chez eux, mais tous les retours ont été encourageants, y compris ceux de gens de droite, ou plutôt conservateurs.

N’avez-vous pas le sentiment de faire de l’écologie une matrice d’interdictions en tout genre?

Je n’interdis rien. Je fais un choix de politique publique et tout un chacun est libre d’aller à Lausanne Ouchy ou ailleurs pour regarder des feux d’artifice si telle est sa préférence. La Municipalité de Daillens a simplement fait une autre proposition. Les fêtes évoluent ; je ne pense pas que nous fêtions le 1er août de la même manière qu’en 1922 ! A chaque époque, certaines innovations, comme peut-être les feux d’artifice d’ailleurs, ont dû représenter une épouvantable diablerie moderne. Je ne crois pas au progrès constant et linéaire, mais je pense que c’est en faisant évoluer les traditions qu’on leur permet de survivre.

Doit-on simplement accepter de renoncer à tous les charmes de notre style de vie parce que c’est bon pour la planète?

On doit renoncer à certains éléments, pas à tout. Aujourd’hui, on vit depuis trop longtemps à crédit et certains comportements ne sont tout simplement plus acceptables, car nous n’en avons plus les moyens. Par analogie avec un ménage, on ne peut continuer à s’endetter et à gaspiller sans cesse : à un moment donné les créanciers – dans notre cas l’environnement – finissent par réclamer leur dû. En être conscients est juste une question de bon sens, pas d’idéologie.

Commentaire

D’accord, il tient un blog sur Le Temps qui fait la part belle à une langue inclusive qui ne nous est guère agréable, que ce soit esthétiquement ou idéologiquement. Mais avec son souci de marier traditions, patriotisme et question écologique, Alberto Mocchi représente une sensibilité verte qu’il nous faut saluer. Parce qu’au lieu d’interdire les joies les plus innocentes, comme faire partir des fusées lors du 1er août, elle propose autre chose. Un brunch, en l’occurrence, avec de la viande pour ceux qui en veulent.
Est-ce à dire que nous aussi, au nom d’une eschatologie écologiste étouffante, considérons qu’il faut renoncer à ces moments traditionnels de fête fédérale où le ciel s’enflamme, et les yeux des enfants s’émerveillent ? Certainement pas, car pour important qu’il soit, le respect de la Création ne doit pas prendre le pas sur la célébration, un jour par an, de la communauté politique. On connaît tellement de situations où la modernité des incultes vient polluer la nature – pensons aux randonneurs équipés de boombox – que l’on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi les festivités du 1er août, en particulier, semblent soudainement si dramatiques.
Peut-être parce que l’on veut bien honorer encore les traditions, mais à condition de les stériliser, de les rendre responsables. C’est sans doute le prix de leur survie, et au moins peut-on se réjouir de voir un Vert, solidement implanté dans la vie locale, veiller à sa manière au maintien de l’identité de notre beau pays.




Une vie avec Homère

U ne classe du secondaire I, un enseignant et des exposés à choisir et surtout à faire. Parmi tous les sujets un seul suscite l’intérêt du cancre: la guerre de Troie. Après le choix effectué, l’enseignant lance à la cantonade: «Sernine, lisez Homère!» C’était il y a plus de trente ans, pourtant c’était hier. Je me souviens du bouclier d’Achille, du catalogue des vaisseaux et surtout de Priam implorant Achille de lui rendre le corps de son fils Patrocle. Je pense que, ce jour-là, l’adolescent boutonneux et timide a commencé à tracer son propre chemin et non plus à suivre celui tracé par ses parents. Depuis lors j’ai toujours pensé que si je devais emporter un livre sur une île déserte ce seraient les œuvres d’Homère.

Le livre de Mme Waysbord n’est pas un énième commentaire savant ou analyse de l’œuvre du poète grec. Il s’agit du récit de sa vie en pointillé mêlé aux figures héroïques d’Homère. Il y a comme un aller et retour entre la vie de l’auteur, l’histoire, l’actualité même et Ulysse, Hélène, Andromaque, Hector, Patrocle, Priam.

Âgée de 86 ans, Hélène Waysbord nous parle de son enfance et de la perte de ses parents arrêtés et déportés en automne 1942. Ils mourront à Auschwitz. Elle nous parle de sa vie à la campagne, petite enfant juive cachant son identité. Agrégée de lettres classiques, Mme Waysbord connaît bien l’œuvre de l’aède aveugle. Le texte d’Homère devient prétexte, miroir pour relire sa vie. Elle fait l’expérience d’Ulysse descendant aux Enfers pour y rencontrer ses parents défunts: «Quand le besoin s’est imposé de retrouver une trace, il m’a fallu moi aussi, comme Ulysse, entreprendre le voyage au pays des morts…». En fait Hélène Waysbord nous convie à une véritable odyssée intérieure: «J’écris pour accomplir un trajet incertain, un retour vers des parents disparus, un moi oublié, insaisissable à jamais». En effet, son ouvrage est une invitation au «nostos», au retour vers notre patrie intérieure: «L’écriture est un pays. J’y navigue souvent la nuit sans boussole. Dans l’invisible, les mots circulent, se coagulent comme des îles minuscules, juste le temps d’y mettre un pied, ils s’effacent aussi vite qu’ils ont été apportés.»

Au milieu de la médiocrité et de la grisaille qui nous entourent, Mme Waysbord nous invite à larguer les amarres et à lire Homère en miroir avec notre propre existence, à le choisir comme un guide sûr dans la descente indispensable vers les Enfers pour nous retrouver un jour dans notre Ithaque bien-aimée, car «il faut revenir sur ses traces et par les mots donner la seule réparation à notre portée. Guérir le temps de ses blessures. » Comme l’indique le sous-titre du livre, finalement «toute vie est un bricolage mythologique».
Hélène Wasybord, Talon d’Achille, Les Belles Lettres 2022.




BHL s’est coupé les cheveux

Le glamour, malheureusement, survit difficilement au poids des années. Aussi la bien-pensance devait-elle se trouver de nouveaux héros. Ce sera Zelensky, le président en treillis de l’Ukraine martyrisée, et son épouse Elena. La semaine dernière, des photos de la légendaire Annie Leibovitz sont apparues sur les réseaux, prises pour le magazine Vogue. Glamours au possible, elles nous montrent le couple tendrement enlacé à la façon de Jack et Rose sur le ponton du Titanic de James Cameron. Et là, malheureusement, les qualités esthétiques indéniables des clichés ne suffisent pas à dissiper un certain malaise. Voici un homme qui n’a de cesse de demander des sous, des armes et des soldats au monde entier, mais qui de son côté se livre à des mises en scène théâtrales et romantiques pour un média consacré à la mode. Quelque chose cloche, à l’évidence, et ce ne sont pas les réfugiés que nous avons parfois vus traverser nos villes l’air hagard qui nous contrediront.




Du sang neuf contre les dépendances

Elle a connu ses heures de gloire entre le début des années 2000 et le milieu de la décennie dernière. Farouchement opposée à toute tentative de dépénalisation du cannabis et toute forme de «banalisation» du problème, l’Association Romande Contre la Drogue (ARCD) était alors un interlocuteur incontournable lorsqu’il était question de révision de la loi sur les stupéfiants ou d’ouverture de locaux de consommation sécurisés.

Dix ans plus tard, le tableau semble bien sombre pour ces militants, généralement issus des rangs conservateurs, mais dont les statuts soulignent l’engagement apolitique et non confessionnel. Non seulement des « essais pilotes » de vente de cannabis sont menés dans diverses villes de Suisse, et bientôt à Lausanne avec un produit « bio » et « local », mais le discours très moral, longtemps prisé par l’ARCD, ne semble plus guère avoir de prise sur une société qui s’éloigne des valeurs traditionnelles. Si bien que les seuls interlocuteurs des médias concernant les questions de lutte contre les addictions sont des organismes qui, selon l’ARCD, jugent comme des fatalités des problématiques qu’ils devraient tenter de faire disparaître.

« J’ai été patrouilleur pendant plus de vingt ans, j’ai vu la misère humaine. »

Claude Reymond, membre de l’ARCD

C’est pourtant dans ce contexte délicat que l’association veut miser sur une nouvelle impulsion. Aux commandes, un étudiant en relations internationales de 24 ans, Dan Ziehli, président ad intérim depuis plusieurs mois et qui devrait être confirmé dans ses fonctions à l’automne, selon toute vraisemblance. A ses côtés, différentes personnalités actives en politique, principalement à droite, mais aussi un officier de police: Claude Reymond, par ailleurs engagé à l’UDC. Loin des discours purement idéologiques, ce dernier entend apporter son expérience de terrain à Genève. Une ville récemment touchée par une vague de crack qui a même conduit à la fermeture d’un préau. «J’ai été patrouilleur pendant plus de vingt ans, j’ai vu la misère humaine», décrit le policier. Qui ajoute: «La consommation de drogue commence de plus en plus tôt avec des produits de plus en plus forts ».

Refait à neuf, le site Web de l’association conserve un ton très opposé à la banalisation des drogues dites douces. Arcd

Contre l’idéologie «progressiste»

«Nos positions restent les mêmes, nos principes aussi, mais nous devons adapter notre message à une nouvelle génération», juge le président du PLR d’Yverdon-les-Bains, Maximilien Bernhard, présent depuis le début de l’aventure de l’ARCD. Signe de cette modernisation du discours, un site Web récemment refait à neuf, et un accent désormais placé sur le degré d’efficacité des mesures, et non plus sur leurs implications morales. Plus question d’«effondrement de la société», donc, mais un discours sans compromis, y compris sur le cannabis thérapeutique et, même, le CBD, pourtant légalement en vente. «Nous assumons d’être à contre-courant», rétorque Dan Ziehli, qui voit dans la mise à disposition de ces produits «le cheval de Troie de la légalisation». Il se défend toutefois de vouloir attaquer les personnes toxicodépendantes. «Nous avons simplement le sentiment que les associations «de référence» sont dans l’euphémisation et l’idéologie progressiste, alors que nous voulons parler des faits». Et de citer la hausse des accidents mortels de la circulation dans telle ou telle région marquée par la légalisation du cannabis, ainsi que tous les pays qui font marche arrière après des années d’expérimentation de la «tolérance». Des informations que la nouvelle figure de proue de l’ARCD aime à sourcer, étayant à peu près chacune de ses affirmations par la mention d’une étude correspondante. Sans être lui-même étudiant ou professionnel du domaine, le Vaudois est notamment féru des communications de l’Académie nationale française de médecine.
«Loin de l’idéologie» ou non, le contact sera difficile à rétablir avec les autres acteurs de la lutte contre les dépendances, comme le confirme le directeur adjoint d’Addiction Suisse, Frank Zobel: «Nous parlons avec tout le monde mais l’expérience a montré que le dialogue avec les membres de ce type d’associations est pour le moins difficile. Ils ont raison et nous tort, et les évidences que nous récoltons avec nos travaux scientifiques sont souvent considérées comme des mensonges, sauf si elles peuvent être utilisées pour confirmer leurs propres thèses. Pour entamer un dialogue, il faut être d’accord de se remettre en question, ce qui, sur la base de nos expériences, est rarement le cas avec des associations qui représentent avant tout des valeurs et une vision du monde qui n’admettent pas la nuance. Or, la nuance, la complexité et le doute sont au cœur de notre travail.»

Une pique qui n’ébranle pas Dan Ziehli, pour qui la légalisation aussi peut devenir parfois «une idéologie au-delà des faits» chez ses adversaires. Avec son approche dépassionnée et rigoureuse, il entend cependant montrer aux autres acteurs de la prévention que les adeptes d’une ligne conservatrice ont un rôle à jouer dans la lutte contre les drames humains.




Russophile sans crainte et sans reproche

Guy Mettan, vous avez récemment donné une conférence aux Ateliers de la Côte, à Etoy (VD), qui a fait jaser. On vous accuse notamment d’être devenu un «troll* du pouvoir russe». Cela vous fait quoi?

C’est une accusation qui est assez fréquente à mon sujet. C’est une manière de verser à la fois dans l’insulte et dans l’amalgame, en faisant appel à deux notions taboues, «troll» et «Poutine», qui sont censées faire fuir tous les gens respectables. Il y a deux faiblesses dans ce discours : d’une part, je n’ai jamais rencontré Poutine. Je l’ai croisé dans des événements, mais je ne prends pas non plus mon petit-déjeuner avec lui. D’autre part, quand j’écris sur la russophobie ou sur l’Europe, je ne fais pratiquement jamais référence à des auteurs russes. Je les lis pour savoir ce qu’ils pensent et ce qu’ils disent, mais je ne les cite pas pour ne pas pouvoir être accusé de «trollisme poutinien». Je prends toujours des sources de journalistes d’investigation généralement américains.

Malgré le contexte de la guerre en Ukraine, vous ne cachez pas votre russophilie…

Oui, mais comme je ne cache pas mon américanophilie, ma francophilie, ma germanophilie… J’aime tout le monde. J’ai simplement un rapport particulier avec ce pays depuis l’obtention de la double nationalité au moment de l’adoption de notre fille Oxana. C’est ce qui m’a conduit à le connaître d’une façon particulièrement étroite.

Ces derniers mois, y a-t-il eu un moment où vous avez été tenté de la mettre en sourdine sur ce sujet?

Non, parce que je suis un adepte du vrai journalisme, qui repose sur la transparence. Quand on cache ses liens d’intérêts, on trompe son lecteur. Or ce qui m’horripile, dans les médias installés, c’est que beaucoup de journalistes sont inféodés à l’atlantisme alors qu’ils ne le disent pas et ne le reconnaissent pas.

Peut-être parce qu’ils n’en ont pas conscience, tout bêtement?

Oui, mais c’est tout aussi grave. Si on prétend informer les gens, il faut savoir d’où on tire ses informations ou à quel système de valeurs on se réfère. Moi, j’aime la transparence et c’est pourquoi je n’ai jamais caché ma double nationalité ainsi que les raisons pour lesquelles je l’avais obtenue. Elle n’a d’ailleurs rien à voir avec Poutine puisque c’était Eltsine qui était président à l’époque et qui me l’a accordée.

Avec votre rapport à ce pays, vous avez le sentiment de faire figure d’exception dans les médias romands?

Il y a un ou deux journalistes comme moi mais c’est très rare. Dans l’opinion publique, cependant, les choses sont différentes puisqu’on sent une bonne partie de l’opinion ouverte aux idées critiques et qui ne se contente pas de la soupe de propagande qu’on lui sert habituellement. Comme dans le cas de la crise Covid, je dirais que cela représente un bon tiers de la population. Sur ce tiers, on peut encore descendre à 10 à 15% de personnes qui suivent vraiment l’actualité et qui trouvent les faits que j’expose crédibles. Elles sont en tout cas d’accord que l’unilatéralisme actuel n’est pas acceptable.

Vous faites référence au Covid, dont il est beaucoup question dans votre livre. Autant votre connaissance de la Russie est indiscutable, quoi qu’on pense de vos positions par ailleurs, autant vous vous aventurez là dans un domaine qui n’est pas le vôtre. N’est-ce pas risqué?

Je ne suis ni épidémiologiste ni médecin, en effet. Je suis un citoyen dont le métier consiste à poser des questions puis à juger de la qualité des réponses qu’on lui donne. Quand je constate qu’il y a des choses qui ne collent pas, je le fais savoir. Mais ce n’est pas non plus le cœur de mon livre. Ce que j’ai essayé de dénoncer, c’est la «tyrannie du Bien», qui est multiforme. Il y a la variante de droite qui impose une vision totalitairement économique, néo-libérale du monde, avec son vocabulaire du management. Et il y a la version de gauche, avec tout son verbiage wokiste et antiraciste, qui cherche à imposer le point de vue des minorités à la majorité…

Vous comparez néanmoins le «vaccinisme» à un totalitarisme…

J’étais content que l’on trouve des vaccins, mais je demande pourquoi l’on ne s’est jamais intéressé à ceux des Chinois, des Russes ou des Cubains, citoyens d’un tout petit pays qui en a produit cinq! Une autre chose que la presse aurait dû soulever, c’est que la gestion d’une épidémie est une question politique, et pas uniquement sanitaire, du moment que l’on entrave des libertés fondamentales, de mouvement, de culte, de commerce… Le minimum, dans un tel cadre, aurait été qu’il puisse y avoir un débat. Surtout que pour grave qu’elle ait été pour beaucoup de personnes, cette épidémie n’a pas non plus représenté le retour de la peste noire.

Est-ce que vous assumez le fait d’être devenu l’un des visages du «complotisme»?

C’est la manière actuelle de discréditer n’importe quelle voix critique, même quand elle pose des questions valables. C’est un procédé inacceptable, surtout de la part de personnes qui prétendent défendre la liberté d’expression. Mais c’est plus leur problème que le mien, moi je ne prétends pas avoir la science infuse, juste poser des questions. C’est d’ailleurs par le doute que progresse la science, pas par la certitude.

Votre carrière a été riche, tant du côté journalistique que politique. Est-ce que vous vous radicalisez sur la fin?

Tout ma vie, j’ai été un critique et je n’ai pas l’impression d’avoir beaucoup changé. En revanche, ce qui a beaucoup évolué depuis l’époque de mes études, c’est qu’à l’époque les regards critiques se trouvaient surtout à gauche et à l’extrême-gauche. Aujourd’hui, cette sensibilité a pratiquement disparu comme force d’opposition. Les voix critiques se sont plutôt déplacées vers des nouvelles formes de la droite. Un constat, néanmoins: les critiques de l’atlantisme, ou de l’impérialisme occidental, sont plutôt de droite en Europe et exclusivement de gauche en Amérique latine. Ce constat invite à ne pas fétichiser ces notions de gauche et de droite, qui sont sans doute des repères utiles, tout au plus.

*En langage internet, un «troll» est une personne qui prend de façon délibérée les positions les plus extrêmes pour semer la zizanie dans les discussions en ligne.