Quand le PLR «serre la vis» aux libertés individuelles

Le parti de centre-droit vient de s’illustrer avec une nouvelle proposition mettant des taxes supplémentaires à l’honneur. Aurait-il besoin d’une bonne cure de libéralisme?
N’oubliez pas d’éteindre les lumières sinon vous aurez la visite d’un bureaucrate. Unsplash / Rodion Kutsaev
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Jusqu’à une époque récente, c’était en principe à propos de comportements illégaux que les politiciens parlaient de «serrer la vis» . Tel ou tel voulait serrer la vis au deal de rue, aux pickpockets, aux resquilleurs… Les choses ont bien changé puisque ce sont désormais les personnes n’enfreignant aucune loi qui font le plus souvent l’objet de ces velléités, à l’image des non-vaccinés durant la crise du Covid. Ironie de l’histoire, certains comportements délictueux – pensons à la consommation de drogue – ont suivi le chemin inverse pour passer, depuis une dizaine d’années, à l’état de simples «réalités à encadrer».

Étonnamment, le Parti libéral-radical (PLR) n’est plus le dernier à proposer ses services pour le grand serrage de vis permanent dont la population devrait faire l’objet. Dernier exemple en date, la proposition, relayée par Blick, de taxer les ménages dont la consommation de gaz augmenterait alors que des efforts de limitation sont demandés à l’industrie. Pas de raison que l’économie soit seule à se serrer la ceinture en matière d’énergie, selon la conseillère nationale Susanne Vincenz-Stauffacher et le conseiller aux états Damian Müller, aux commandes de cet ovni.

«Personne ne consomme pour le plaisir»

«Je trouve ce genre de mesures ridicules», fulmine Alec von Barnekow, vice-président des Jeunes PLR suisses et président des Jeunes PLR fribourgeois. «Vu le prix actuel de l’énergie, l’ensemble des acteurs ont un intérêt clair à économiser. Personne ne consomme juste pour consommer. Punir des entreprises qui viendraient à consommer davantage ne me semble pas plus judicieux. Probablement qu’elles n’ont pas d’alternative si elles veulent croître.» D’autres, sous couvert d’anonymat, dénoncent une proposition suicidaire un an avant les élections fédérales. Ou l’art de choisir le pire moment pour se montrer antipathique…

«Il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»

Eric Bonjour, ancien député vaudois

Mais comment un parti héritier du libéralisme peut-il accoucher de mesures n’hésitant plus à brandir la menace de nouvelles taxes? La proposition du duo d’élus est en tout cas jugée «troublante et assez intrusive» par l’historien Olivier Meuwly, spécialiste de l’histoire des idées politiques. «Comment vont-ils faire? Examiner chaque facture de consommation de gaz? Le PLR sera mal pris pour critiquer, par la suite, l’ultra-étatisme des Verts qui ne cessent de culpabiliser les gens et jouer la police de la verdure.»

On l’aura compris, l’intellectuel n’est pas emballé par la proposition. Mais pas au point de dénoncer une sortie de route de son parti, en tension constante entre son aile radicale, plus étatique, et son aile purement libérale. «Les ennemis du PLR sont toujours en train de chercher les moments où il dévie. Ils n’aiment pas le libéralisme mais reprochent aux libéraux de ne pas l’être. On peut cependant se demander s’il n’y a pas actuellement une tentation de surjouer le ‘R’ parce que l’ambiance du moment n’est pas très ‘L’. C’est un risque possible.» Et de plaider pour que le parti donne au moins du sens aux accents qu’il choisit de mettre dans ses propositions.
Et si, à force de miser sur la «responsabilité», le PLR laissait sa place à la conservatrice UDC comme parti le plus libéral de l’échiquier politique suisse? «Mais c’est déjà le cas», juge Eric Bonjour, ancien député vaudois passé par les deux formations durant un parcours politique de trente ans. «Le covid l’a montré, seule l’UDC demandait une politique libérale, encourageant la vaccination, mais sans demander qu’on l’impose.» L’idée que l’on puisse venir fouiller dans ses factures, et dans sa vie privée, lui est particulièrement antipathique: «C’est du communisme, inadmissible.» Loin de nier la réalité des problèmes d’approvisionnement énergétique, et la nécessité d’ajustements, il propose une politique basée sur l’éducation. «Si tout le monde faisait des économies individuelles, on pourrait économiser une centrale nucléaire, explique-t-il. Mais il faut faire comprendre aux gens qu’ils agissent pour leur propre intérêt, et non pas les menacer avec des sanctions.»

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