Cathédrale outragée : le centre droit monte au front !

Alors que le parti conservateur UDC avait annoncé au Peuple en début de semaine qu’une interpellation serait déposée au Grand Conseil à la rentrée, un poids lourd entre dans la danse: le PLR, parti de la présidente du Conseil d’État Christelle Luisier. Dans un communiqué, la formation de centre droit n’hésite pas à parler de scandale et suggère même une baisse de la subvention contre le festival qui a organisé l’événement. Sa présidente répond à nos questions.

Florence Bettschart-Narbel, on n’a pas l’habitude de voir le centre droit se positionner sur ce type d’affaires. Pourquoi maintenant ?

Je crois que vous vous trompez. Le PLR s’est déjà positionné contre certaines prises de position politique des Églises vaudoises, notamment lors de l’initiative sur les multinationales responsables. Par ailleurs, lorsqu’il y a eu de la propagande syndicale au sein des gymnases, nous sommes aussi montés au créneau. Quand la neutralité politique de ces institutions n’est pas respectée, nous nous sommes à chaque fois positionnés. 

Y a-t-il chez vous une volonté de dire stop à la politisation des Églises ?

En l’occurrence, c’est plutôt le non-respect du règlement de l’utilisation de la cathédrale qui prévoit notamment une utilisation non politique et non polémique et dans le respect de l’esprit des lieux qui nous a choqués.

Vous présidez le conseil de fondation de l’Arsenic, centre d’art contemporain. Auriez-vous accepté un tel spectacle dans ce cadre ?

Le contexte aurait été tout différent. Tout d’abord, le Conseil de fondation ne se prononce pas sur la programmation artistique d’un lieu, tant qu’elle reste dans le cadre de la mission du théâtre. De plus, j’ai un grand respect de la liberté d’expression et de la liberté artistique.  En l’espèce, c’est le fait que cette représentation polémique ait eu lieu dans le cadre de la Cathédrale de Lausanne qui pose problème.

Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui, sous couvert de tolérance et d’inclusivité, certains mouvements peuvent tout faire

C’est ce qui m’a particulièrement choquée dans cette affaire. Le Festival de la Cité se dit inclusif et bienveillant. Or, le caractère haineux du spectacle du Hot Bodies Choir ne vise pas du tout une société apaisée. Bien au contraire, en appelant à la haine contre certains groupes de personnes, il polarise la société.


L’impensé de la gauche

On se sent souvent bien seul, à défendre le sens commun. Généralement, les belles âmes nous reprochent de faire des montagnes pour un rien, d’être réactionnaire ou d’extrême-droite. Seulement, vient un moment où même des personnes fort éloignées des choses de la foi, ou juste attachées au minimum de règles informelles nécessaires à la vie en société, disent elles aussi stop face au scandale de trop.

Le PLR n’est pas un parti conservateur. Pourquoi aurait-il eu besoin de l’être en des temps où il ne serait jamais venu à l’idée de quiconque de chanter sa haine de la police, des bourgeois ou des assureurs dans une cathédrale ? L’époque a changé, et certains ont perdu leurs repères, enfermés dans la certitude d’incarner le progrès. Face au scandale qui éclabousse Lausanne et la gestion de sa cathédrale, il faut savoir gré au centre droit d’avoir pris les choses en main en appelant un chat un chat. On aurait aimé que les gens qui ont pour mission de représenter les croyants en fassent autant. Sans doute ont-ils un bilan de la consommation énergétique de leurs paroisses à établir.

Depuis plus d’une année, Le Peuple fait face aux caricatures. Qu’il n’ait jamais écrit pour dénigrer telle ou telle communauté d’origine étrangère, peu importe : beaucoup ont tenté de faire de nous l’épouvantail d’extrême-droite dont ils avaient besoin pour s’inventer des combats. Aujourd’hui, alors que des personnes parfois libérales, athées, et même souvent d’autres confessions nous rejoignent dans notre combat, le sol se dérobe sous leurs pieds. Oui, l’écrasante majorité des gens en a marre de voir l’insulte, la mauvaise humeur et le déni de démocratie érigés en vertus cardinales.

C’est l’heure de la confidence : insulter le capitalisme, le bon Dieu et la police, nous aussi nous l’avons fait, et longtemps. Mais il ne nous serait jamais venu à l’idée de nous indigner des retombées de nos provocations. Lorsque nous étions de petits punks enragés, nihilistes et désespérés, nous savions que nous avions peu de chances de recevoir des médailles. Plutôt des coups de pied au derrière. Certains nous ont fait du bien, quelques-uns ont même sauvé nos vies.

L’affaire de cette semaine, en vérité, est éprouvante. Elle est éprouvante car elle met en lumière le degré de mollesse des grandes Églises, si longtemps soucieuses de mendier la sympathie du monde qu’elles ont fini par accepter d’accueillir l’insulte entre leurs murs. Insultes pour les capitalistes, les bourgeois et même la police qui protège les manifestations culturelles révolutionnaires organisées avec l’argent des braves gens. Elle montre aussi qu’à force de faire tout sauf leur travail central – annoncer l’évangile –, elles ont fini par se trouver remplies de n’importe quoi.

Reste une ultime question : si l’on peut se féliciter de la réaction du centre droit, on peut aussi se demander ce qui empêche les socialistes de marquer à leur tour leur désapprobation. Pour avoir des idéaux égalitaires, ce qui n’est philosophiquement pas inconcevable, doit-on pour autant se solidariser de la haine du flic, du bourgeois et du mâle ? Il y a là un impensé qui, malheureusement, fait fuir quantité de gens tout à fait recommandables d’une gauche qui vaut mieux que cela.

Raphaël Pomey




Moquez-vous des vieux hommes blancs, c’est toléré !

Nos sociétés occidentales prônent la lutte contre toutes les formes de discrimination. Toutefois, l’une d’elles demeure bien invisible : celle qui vise les personnes âgées, surtout les hommes. L’exemple des réactions à l’occasion d’un rassemblement politique en France démontre ce phénomène.  

« C’est terrible ! Un petit vieux est en train de mourir dans l’indifférence générale ! » Voici le genre de lourde ironie que nous avons pu découvrir sur Twitter le week-end dernier à l’occasion du premier grand rassemblement du nouveau parti politique de Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre. Plusieurs personnalités politiques françaises de gauche étaient présentes, dont l’ancien président François Hollande. Bernard Cazeneuve espérait réaliser un coup de force avec son parti La Convention, mais les critiques ont fusé. Les personnalités présentes étant très majoritairement de vieux hommes blancs, elles ont été impitoyablement moquées. Irène Tolleret, membre de Renaissance et députée européenne, Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’Europe Écologie Les Verts et députée française, ainsi qu’Alma Dufour, députée française de La France Insoumise, y sont allées de leurs commentaires acerbes. Mais comme ils visaient des vieux mâles, personne ne semble s’alarmer.

Nous avons interrogé Roger Deneys. Ancien député socialiste au Grand Conseil genevois, il est aussi membre du comité d’AVIVO (association ayant comme objectif central la défense des vieillards, des invalides, des veuves et des orphelins). Il observe dans notre société « un réflexe de dire qu’il faut laisser la place aux suivants », mais estime « que ça peut creuser un vrai fossé entre les générations ». Il admet que « la gauche en tous cas, ne donne pas une très bonne place aux personnes âgées dans le système politique ». Toutefois, les critiques émises à l’encontre de ces vieux hommes blancs « sont aussi le reflet de l’évolution démographique de notre société : les femmes étaient moins engagées en politique autrefois alors que les personnes âgées d’origine étrangère sont encore minoritaires ». 

Un sentiment de jalousie

Selon lui, il est aussi possible d’expliquer cette discrimination parce qu’« une majorité de personnes âgées ont bénéficié des Trente Glorieuses, qui étaient très favorables, de telle sorte qu’aujourd’hui on les voit bien vivre, et profiter de privilèges que les générations plus jeunes n’ont pas ». Et de proposer cette hypothèse : « Les vieux hommes blancs ont dominé la société pendant longtemps et on veut leur expliquer que ça ne fonctionne plus ainsi ». Toutefois, il se distancie de cette idéologie et déplore « qu’aujourd’hui, dans nos sociétés contemporaines, il faille être une femme pour représenter les femmes, un LGBT pour représenter la communauté LGBT ou un jeune pour représenter les jeunes ». Ainsi, la vision dominante consiste à affirmer que les vieillards ne peuvent plus représenter la population dans son ensemble. 

L’âgisme – terme employé pour définir la discrimination selon l’âge – opère dans ce cas de façon tout à fait évidente. Pourtant, cette thématique est largement méconnue au sein de la population. Cette discrimination semble être tolérée, car personne ne s’insurge réellement. Roger Deneys estime d’ailleurs « qu’il manque un vrai lobby pour défendre les personnes âgées ». Les moqueries envers le rassemblement de Bernard Cazeneuve démontrent en tout cas que, si la société se bat pour les droits des femmes, des communautés LGBT et des minorités ethniques, l’humiliation des individus par rapport à leur âge semble avoir encore de l’avenir. 

Un article publié en 2019 par Christian Maggiori et Jean-François Bickel, professeurs de la Haute école de travail social de Fribourg, indique que l’âgisme est largement sous-estimé et que cette forme de discrimination est, en réalité, davantage présente que le racisme ou le sexisme. À se demander si notre société cherche réellement à combattre toutes formes de discrimination, ou uniquement celles qui sont porteuses.

Max Frei




Pourquoi Macron se soumet-il devant Elon Musk ?

Choose France. Voilà le nom du sommet annuel, inauguré en 2018 par le président français, consacré à l’attractivité de l’Hexagone sur la scène internationale. Le but est d’encourager les entrepreneurs privés à investir dans son pays et ainsi participer à sa réindustrialisation. Le dernier en date a eu lieu le 15 mai et a réuni plus de 200 chefs de différentes multinationales qui ont fait le déplacement au château de Versailles et à l’Élysée. L’événement a permis au gouvernement français d’obtenir des promesses d’investissements à hauteur de 13 milliards d’euros de la part de Pfizer, Ikea ou encore du fabricant de batteries taiwanais ProLogium. D’heureuses perspectives qui devraient mener à la création de 8000 emplois.

Si l’événement a été particulièrement scruté, la cause principale en est la venue d’Elon Musk. Reçu en véritable star par le gouvernement français, cet homme d’affaires surpuissant possède un véritable empire avec ses entreprises Tesla, SpaceX ou Twitter. Pourtant, l’entrepreneur n’a, pour l’instant, annoncé aucun investissement en France. Pour sa part, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a évoqué des négociations positives qui concernent Tesla. La venue de Musk peut être comprise à l’aune des projets concernant les usines de batteries, éléments indispensables pour ses voitures électriques, qui pourraient être implantées en France.

Qui sert qui ?

Depuis quelques années, les acteurs privés semblent avoir de plus en plus l’ascendant sur les chefs d’État. Musk est omniprésent en politique, et ne crache d’ailleurs pas sur une petite pique contre les wokes de temps en temps. Un récent sondage réalisé par le Harvard Harris Poll place le milliardaire comme personnalité politique préférée des Américains. Ce 24 mai, sur Twitter, il a lancé la campagne présidentielle de Ron DeSantis, gouverneur républicain de Floride. Mais il n’est pas le seul patron à évoluer vers un statut de quasi-rock star. L’influence des GAFAM se renforce même à mesure que de nouveaux chefs d’entreprise émergent avec l’intelligence artificielle. Sam Altman, fondateur de ChatGPT, rencontre lui aussi les politiciens du monde entier afin d’évoquer cette nouvelle technologie. Macron l’a reçu à l’Élysée quelques jours après Musk.

Avec son regard de libéral assumé, Nicolas Jutzet juge que « c’est plutôt un bon signe » si les chefs d’entreprise surpassent les gouvernements, car cela prouve leur « indépendance ». Le co-fondateur du média Liber-thé rappelle d’ailleurs que « c’est l’État qui doit être au service de l’économie et non l’inverse ».

Une séance d’humiliation

Dans le cas de Choose France, il déclare que « ce qui est marquant, c’est qu’Elon Musk a négligé son rendez-vous avec le président français, en arrivant en retard, et en étant mal rasé ». En agissant de la sorte, il démontre que sa rencontre avec les dirigeants français n’était pas un événement important dans son agenda. Les dirigeants français sont « inférieurs » au pouvoir de l’homme le plus riche au monde. Durant le sommet, Bruno Le Maire n’a pas pu s’empêcher de publier un selfie de lui et du milliardaire sur son compte LinkedIn. Cette photo révèle « une proximité inquiétante avec les politiciens ». Celle-ci peut « mener à des privilèges pour certaines grosses entreprises et ainsi nuire à la concurrence ». Néanmoins, cette photo s’apparente surtout à « une tentative un peu grossière de communication », « qui ressemble à un selfie d’un fan avec son idole ». 

Quant à l’impact de l’événement, Nicolas Jutzet relativise. En réalité, « les investisseurs n’attendent pas ce sommet pour prospecter le marché français ». Ils n’ont pas besoin du gouvernement pour « chercher des locaux ou une main-d’œuvre qualifiée par exemple ».  En somme, Choose France est un « coup marketing » d’Emmanuel Macron, selon lui.

Opération séduction

Elon Musk scrute l’actualité française. En janvier dernier, il avait publié un tweet soutenant la position de Macron concernant la très contestée réforme des retraites. Ce soutien de poids, certainement très bien accueilli par le président français, a même été renouvelé en mars lorsqu’il s’est exprimé une nouvelle fois en faveur des changements prônés par le maître de l’Élysée. 

À la suite de son entrevue avec les autorités de l’Hexagone, Musk a déclaré « je ne ferai pas d’annonce aujourd’hui, mais je suis très impressionné par le président Macron et le gouvernement français, à quel point ils sont accueillants pour l’industrie ». Quant à Macron, il a annoncé sur Twitter plusieurs accords avec diverses multinationales. Cependant, l’unique photo postée sur ses réseaux ce jour-là le met en scène avec le patron de Twitter, bien que ce dernier ne participe pas aux investissements pour l’instant. Il ne se gêne d’ailleurs pas pour lui faire les yeux doux : « Avec Elon Musk, nous avons parlé de l’attractivité de la France et des avancées significatives dans les secteurs des véhicules électriques et de l’énergie. De régulation numérique également. Nous avons tant à faire ensemble ».




La résistance s’organise contre les Drag Queen Story Hours

Les séances de lecture pour enfants menées par des créatures de cabaret suscitent régulièrement la polémique. Mais, jusqu’ici, sans action politique concrète. Plus pour longtemps.

« Que faire face aux interventions de drag-queens dans les bibliothèques ? » C’est le thème d’une invitation reçue par un panel de personnalités issues de la société civile et du monde politique suisse romand, au milieu du mois de mai. Au menu : prise de contact et élaboration d’une stratégie pour faire face à la présence de plus en plus régulière d’activistes LGBTQIA+ dans des moments de lectures arc-en-ciel destinées aux enfants, généralement dès six ans. « Nous déplorons tous la puissance clivante et antidémocratique de ces mouvements qui poussent notre société dans une voix unique, sans retour en arrière possible et qui musèle tous les contradicteurs », explique Philippe Karoubi, membre de la direction du parti UDF. Et le politicien de poursuivre : « Un groupe Telegram sera créé, groupe auquel toute personne désirant participer à cette lutte pourra se joindre et apporter sa contribution. Le but est de grandir et de le faire vite ! D’être capables de constituer un moyen de pression suffisamment large pour perturber les démagogues écolo-gauchistes qui veulent nous entraîner dans leur chute. »

Vaste programme. D’ici-là, deux objets déposés par l’UDC, à savoir une motion et une question écrite, devraient être traités au Grand Conseil valaisan ces prochaines semaines. Cynthia Trombert, députée et candidate au National cet automne, explique les raisons de cet engagement. 

Pourquoi cette contre-attaque maintenant ?

Au sein du Parlement et sur ces questions de genre, nous avons déjà agi par le passé. En ce qui concerne les Drag Queen Story Hours (DQSH), ce qui nous paraissait inimaginable il y a encore quelques mois, lorsque nous regardions d’un air lointain et abasourdi les délires wokes américains, arrive désormais chez nous. On sait les Américains à l’avant-garde du « progrès », mais force est de constater aujourd’hui qu’il ne faut plus attendre longtemps pour en profiter de ce côté-ci de l’Atlantique ! 

Concrètement, ce qui nous a fait réagir est que des Drag Queens Story Hours commencent à être organisées dans des lieux publics de notre canton, avec comme premier rendez-vous celui de la bibliothèque municipale de Martigny, avec la drag-queen Tralala Lita (David Vincent). 

Les Drag Queen Story Hours sont généralement facultatives et proposées uniquement aux familles qui le désirent. Est-ce le rôle de l’UDC de s’opposer à des choix effectués librement ?

L’UDC ne demande pas que la pratique soit interdite !  Notre parti prône la liberté, si des parents se réclamant du « progressisme » estiment qu’il est bon de mélanger des drag-queens ou drag-kings à leurs enfants, grand bien leur fasse. Mais ces DQSH n’ont certainement pas à être financées avec l’argent du contribuable et n’ont selon nous certainement pas à être affichées fièrement dans l’agenda culturel valaisan. Ces lectures, payées 500 francs de l’heure à leur conteur, n’ont selon nous pas à être, de près ou de loin, subventionnées ni payées par de l’argent public. Que celui-ci soit cantonal ou communal d’ailleurs. Quant à moi, maman de six enfants à qui j’essaie de transmettre au mieux le respect de tous et de chacun, je n’aurais pas l’idée de les confronter à des drag-queens, et en disant cela, je pense m’exprimer pour l’essentiel de mes collègues UDC.  

Mais quelle est votre crainte sous-jacente : que de tels événement « rendent » les enfants homosexuels ? 

Notre crainte n’est pas de « rendre » les enfants homosexuels. Il ne faudrait pas tout mélanger ou confondre. La question est plutôt de savoir si nous devons mettre la charrue avant les bœufs et travailler à expliquer la théorie ou l’identité de genre ainsi que les différentes sexualités à de jeunes mineurs qui n’ont rien demandé et dont les interrogations viennent pour la plupart plus tardivement. Nous ne nions pas qu’il existe une infime proportion d’enfants qui ne sont pas nés dans le bon corps et qu’il existe diverses dysphories ou problèmes liés aux identités de genre ou sexuelles, mais il ne faudrait pas troubler le développement du plus grand nombre à cause d’une minorité qui de toute manière est aujourd’hui prise en charge comme il se doit. 

Simplement, nous estimons que l’entreprise de déconstruction de la biologie des enfants, enfants qui je le rappelle sont dans cette phase de leur vie en construction, n’est pas, pour nous et selon un grand nombre d’experts, la panacée. Les pays qui sont allés trop loin avec ce qu’on appelle la « théorie du genre » (USA, pays du Nord, etc.) ces dernières années commencent à voir les incidences que cela a sur la jeunesse et tentent maintenant de revenir en arrière. À nous de ne pas commettre les mêmes erreurs. 

Le Peuple reviendra plus longuement sur cette thématique, son histoire et ses perspectives dans son prochain numéro.




Drapeaux ukrainiens retirés en catimini

Le soutien symbolique des différents cantons et communes suisses romands envers Kiev commence à s’essouffler. À Lausanne ou Genève, par exemple, l’étendard jaune et bleu a pris la poudre d’escampette sans faire beaucoup de bruit.

Alors que le conflit s’enlise sur le terrain, le drapeau ukrainien de l’Hôtel de Ville de Lausanne a été discrètement retiré lors du passage à l’an 2023. Le cas de la capitale olympique n’est pas isolé : plusieurs communes et cantons adoptent aujourd’hui une politique marquée par une certaine prudence en matière géopolitique. Fait troublant : l’installation des étendards avait souvent provoqué la publication de communiqués de presse soulignant le soutien qu’ils apportaient aux réfugiés ukrainiens, mais fort peu de publicité a été faite pour officialiser les retraits. À Genève, le service communication de la Cité de Calvin ne parvient d’ailleurs même pas à citer le jour précis où le symbole a été retiré. 

Sollicitée, la commune de Lausanne est plus précise : elle explique que si le drapeau a bien disparu après 2022, cela ne change en rien l’engagement de la capitale olympique en faveur de l’Ukraine. Cette solidarité se manifeste notamment par une collaboration avec l’Établissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) afin de trouver des lieux d’accueil permettant de loger dans les meilleures conditions possibles les familles réfugiées. Mais la ville explique qu’« elle ne peut exprimer sa solidarité pour un seul pays sur le long terme alors que de nombreux drames se jouent ailleurs dans le monde ». 

Certes, il existe d’autres préoccupations majeures dans le monde. Pourtant, le conflit ukrainien a été au centre d’une attention médiatique et politique sans précédent dès le début des hostilités en février 2022. Dans ce contexte, d’autres collectivités ont choisi une stratégie plus conforme à la tradition de neutralité helvétique, notamment dans le Jura, à Delémont et Porrentruy, où un étendard de la Colombe de la paix a été privilégié. Les autorités neuchâteloises, quant à elles, n’ont affiché le drapeau ukrainien sur le château qu’une seule et unique journée symbolique, le 25 mars 2022. « Le Conseil d’État a tenu à marquer sa solidarité envers les victimes de la guerre en Ukraine, que ce soit sur place ou sur les routes de l’exil, nous explique-t-on. En sus des moyens qui sont actuellement déployés dans le Canton de Neuchâtel pour accueillir dignement les réfugié-e-s (sic) en provenance d’Ukraine, il a décidé de s’associer à l’action symbolique de plus en plus répandue à travers le monde qui consiste à hisser le drapeau ukrainien sur les bâtiments publics. Cela répondait également à la demande adressée au Conseil d’État par plus de trente député-e-s du Grand Conseil issu-e-s de plusieurs partis. » Et la communication du canton de préciser qu’il s’agissait là d’une « action symbolique ». 

Certaines communes maintiennent un cap plus clairement pro-ukrainien. À ce jour, les couleurs de ce pays flottent par exemple encore sur l’Hôtel de Ville d’Yverdon-les-Bains, malgré les réticences exprimées par l’UDClocale (20 Minutes du 5 décembre) ou par des amoureux qui ne souhaitaient pas célébrer leur union devant un emblème rappelant la guerre (24 Heures du 7 mai dernier). Reste que, comme le soulignait récemment dans Le Temps la présidente de l’association « Good Friends for Ukraine », Julia Peters, la solidarité des Suisses pour les réfugiés ukrainiens semble en train de se dissiper.

Commentaire

À l’évidence, le soutien symbolique reste important en Suisse romande en faveur de la cause ukrainienne. Il n’est toutefois pas interdit de se demander si l’affaiblissement de certaines mesures symboliques en 2023 s’inscrit dans un effacement inévitable de la thématique. Alors que Loukachenko, Macron et même Zelensky commencent à changer de champ lexical et abordent désormais les termes de « cessez-le-feu » et de « paix », certains se demandent même si des négociations décisives pourraient avoir lieu ces prochaines semaines. La cause ukrainienne, ainsi, entamerait sa transition vers le souvenir d’un conflit déjà bien loin derrière nous. Mais à quel prix ?

Max Frei




Des Vert-e-s dans le fruit de la démocratie

S’il est un thème à propos duquel on peut difficilement juger que les médias d’État suisses romands flattent les instincts conservateurs de la population, c’est bien celui du genre. Podcasts entiers consacrés à la vie de couple de deux journalistes lesbiennes, drag queen vegan invitée au 12h45, reportages à la gloire des personnes dites non-binaires… Pas un jour, ou presque, sans que des questions sociétales ne saturent les ondes.

Pourtant, au début du mois, un important mouvement de contestation contre la RTS a pris forme chez certains militants LGBTQIA+ romands. En cause, la diffusion d’un reportage de l’émission Temps Présent consacré aux personnes revenant en arrière dans leur transition de genres, voire regrettant d’être passées par la case opération. Pourquoi un tel tollé ? Parce que ce sujet, pourtant traité avec beaucoup de pincettes, pointait une réalité « marginale » du point de vue des militants. Une réalité, aussi, qu’aimeraient sans doute cacher ceux qui font de la mobilité des genres l’ultime Eldorado de notre civilisation. Or, au petit jeu de l’indignation opportuniste, deux figures des Vert-e-s vaudois semblent bien avoir tiré leur épingle du jeu. L’inénarrable Marius Diserens, tout d’abord : pourtant régulièrement porté aux nues par les médias, l’élu queer nyonnais a commenté l’émission honnie en direct sur le réseau social Twitter. Et sans surprise, l’homme (ndlr il se « genre » au masculin) s’est lâché. Nous y reviendrons.

Une pression digne d’une secte

« Nous y reviendrons » car dans un premier temps, ce ne sont même pas ses réactions qui interrogent, mais son opposition de principe à la diffusion d’un reportage sur un thème jugé trop sulfureux. Ainsi, alors que des militants queers appelaient à faire un « maximum de pression » pour que la RTS renonce à son émission, l’élu écologiste n’hésitait pas à confirmer : « On est au courant avec de nombreux-euses (sic) activistes et associations et on est dessus » (24 février 2023). Une semaine avant la diffusion du reportage, l’élu ne se cachait donc pas de s’engager contre la liberté de la presse. Posture étonnante pour un candidat au Conseil national ? Pour le moins, mais elle n’allait pas s’améliorer au moment de la diffusion. Morceaux choisis : « Il n’y a pas à avoir de débats sur le droit des enfants à l’autodétermination » en matière de changement de sexe. Ou encore, à propos d’une manifestation organisée devant la RTS avant la diffusion de l’émission : « Au lieu de se questionner sur la manifestation, peut-être faudrait-il comprendre pourquoi tous les professionnels de la santé et politique ont refusé de s’exprimer. La question est plutôt de savoir ce qu’il est acceptable de couvrir comme sujet en tant que journalistes et médias. » 

Étrange posture politique que celle de l’être suprême à même de décider de quoi il est acceptable ou non de traiter lorsque l’on est journaliste. Mais pas de quoi effrayer la Conseillère nationale Léonore Porchet. Pourtant présidente de la fondation Santé Sexuelle Suisse, la Vaudoise n’a pas hésité à recommander à la population de lire les élucubrations de son camarade au lieu de se faire une idée par elle-même, là encore avantdiffusion: « Transphobie en prime time ce soir sur la @RadioTeleSuisse, c’est vraiment pitoyable sur le service public… Marius vous fait un résumé (…) pas besoin de vous taper l’entier de cette chose donc, merci Marius ».

La sortie de route d’une conseillère nationale

Interpellé par ces différentes déclarations, nous avons pris ou repris contact avec les deux élus pour leur demander quelques précisions sur leur rapport à la liberté de la presse. Nous avons par exemple demandé à Marius Diserens comment il établissait le champ de la respectabilité au niveau des sujets traités par les journalistes. Sans réponse. Fin de non-recevoir également du côté de Léonore Porchet, à laquelle nous avons fait parvenir la question suivante : « Comme présidente de « Santé Sexuelle Suisse », ne jugez-vous pas délicat d’encourager les gens à ignorer un problématique de santé » ? Quant au compte Twitter du parti Suisse, il nous a carrément bloqué après une simple question, consistant à lui demander si la vision de la liberté de la presse d’un Marius Diserens est conforme à la ligne du parti. Mais nous voilà rassurés car Rahel Estermann, secrétaire générale de la formation écologiste, nous répond dans un courriel laconique : « Les VERT-E-S s’engagent depuis toujours en faveur de la liberté de la presse. Une bonne démocratie ne fonctionne que si la population peut s’informer auprès de médias variés, indépendants et de qualité. » 

Reste qu’au sein-même du parti, des voix commencent à s’agacer. « Ces postures extrêmement militantes me posent un problème », témoigne un militant chevronné. A ses yeux, le cœur du combat écologiste semble progressivement éclipsé par des luttes toujours plus marginales, à l’image par exemple de la revalorisation de l’héritage des sorcières (ndlr un cheval de bataille de Léonore Porchet). Un positionnement très stratégique pour faire un carton en contexte électoral ? Pour les gens qui se profilent sur ces thèmes, peut-être, mais moins pour le parti. Certains, lassés de voir leur formation s’enfoncer toujours plus loin dans le domaine des luttes « sociétales », songeraient même à quitter le bateau. « Cela n’a pas été thématisé en interne, mais on l’entend de plus en plus », conclut notre interlocuteur.

Finalement, la mobilisation contre Temps Présent pourrait même avoir débouché sur une publicité dont les activistes LGBTQIA+ se seraient bien passés : l’Association pour une Approche Mesurée des Questionnements de Genre chez les Jeunes, dont un membre témoignait dans le reportage, annonce avoir observé un boum des inscriptions après l’émission. Pas mal pour un mouvement que ses adversaires ont constamment tenté de discréditer en le présentant comme un sous-marin de l’extrême-droite.

L’énorme coup de gueule du producteur de Temps Présent 

Avant, pendant et après la diffusion du reportage sur les détransitions, l’équipe de l’émission de la RTS a été durement attaquée en raison de l’anglage de son sujet. Dans cette lettre que nous reproduisons intégralement, Jean-Philippe Ceppi, producteur, revient sur cette période hors norme. Ses mots sont très forts. 

« Il est rare que Temps Présent soit confronté à de telles pressions, à caractère presque sectaires à l’égard d’un tel sujet, avec tout ce que cela implique de recours à des méthodes dont on a peu l’habitude dans une démocratie participative et ouverte au débat comme la nôtre. Nous avons subi de véritables charges organisées sur les réseaux sociaux avec toujours les mêmes arguments fallacieux AVANT la diffusion. Nous avons fait face à une vague de boycott du film avec un mot d’ordre diffusé à tous les participants « experts » et associatifs, qui se sont retirés en cours de montage. C’est une pratique condamnée par le Conseil suisse de la Presse, qui considère que d’accepter de participer à une interview est un engagement moral qui doit être respecté. Des aménagements en fin de montage, un visionnement des séquences retenues, sont toujours possibles. Mais le retrait pur et simple à quelques jours de la diffusion est une mesure extrêmement hostile, qui vise à mettre en péril tout le reportage. 

Les organisations militantes ont aussi tenté de faire pression directement sur la Direction de la RTS pour empêcher la diffusion. Ce sont des manœuvres rares qui sont heureusement vouées à l’échec au sein du service public. Le soir de la diffusion, nous avons eu droit à une manifestation devant la Tour de la RTS à Genève. J’ajoute des attaques inqualifiables visant à discréditer le professionnalisme des auteurs du reportage, sur leur intégrité, leur éthique. Après la diffusion, nous avons dû faire face au fameux shitstormorganisé contre Temps Présent sur les réseaux sociaux, avec des menaces calomnieuses, des insultes, au sens du Code pénal. Une organisation militante a même accusé Temps Présent et ses journalistes d’avoir « pris part et relayé la propagande fasciste visant à (…) l’extermination des personnes queer ».  C’est tellement excessif que cela me rappelle nos enquêtes sur les Scientologues ou les Témoins de Jéhovah, et parfois, les évangéliques.  

« Je suis bien sûr, à titre personnel, préoccupé par les réactions opportunistes de quelques politiques sur les réseaux avant même la diffusion du reportage. »

Je suis bien sûr, à titre personnel, préoccupé par les réactions opportunistes de quelques politiques sur les réseaux avant même la diffusion du reportage. Ma fonction m’astreint à un devoir de réserve qui exige que je m’abstienne de toute appréciation politique. Cela dit, je m’inquiète de ces positions au regard de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et du mandat de Temps Présent, qui pratique un journalisme indépendant et critique sur tous les sujets, y compris les plus dérangeants. Je n’ose imaginer la réaction de ces milieux si notre émission faisait l’objet du même type de pression, par exemple en provenance de l’économie ou de milieux conservateurs. 

Je sors de cette expérience, et notre rédaction également, plutôt optimiste et rassuré. Nous avons été ensevelis de messages de soutiens, dans leur écrasante majorité, absolument bienveillants, pas du tout transphobes. Bien sûr, il y a encore quelques hurluberlus qui colportent l’intolérance. Mais Je crois que nous avons contribué à crever un abcès, à porter à la fois le message d’une minorité transgenre qui s’inquiète de possibles dérives, mais également de la majorité silencieuse. Nous avons reçu d’innombrables messages de soutien et d’admiration de collègues journalistes étrangers qui dans leurs pays respectifs n’osent tout simplement plus faire leur métier. Je suis frappé que simultanément à notre reportage le New York Times, grand quotidien libéral et progressiste, soit à son tour attaqué pour transphobie. Je note avec satisfaction que le prestigieux magazine français l’Express, fondée par la grande féministe Françoise Giroud, porte également la voix des milieux scientifiques inquiets de possibles erreurs de diagnostics, entre autisme et dysphorie de genre. La question n’est pas seulement de savoir si cela est fondé ou non. La question est : peut-on en parler ? Il était temps d’ouvrir un débat nécessaire, et cela devrait faire réfléchir ceux qui se revendiquent progressistes. »




Le Temps menacé par un attentat

« Peut-on vraiment parler d’un « droit à l’avortement » ? » titrait, l’année dernière, l’ancienne conseillère nationale libérale Suzette Sandoz déchaînant les enfers en posant cette question de vocabulaire sur son blog du Temps. La professeure de droit, pourtant, ne s’opposait pas à toute possibilité d’interruption de grossesse, étant attachée à la « solution des délais ». Simplement, elle contestait le terme-même de « droit à » pour ce qui, à ses yeux, relève plutôt d’une autorisation (cf. Le Peuple, 8.6.2022). Reste qu’en affirmant que « le droit à l’avortement est le droit de demander la mise à mort de l’enfant que l’on porte », la Vaudoise avait franchi un cap que le journal n’avait pas toléré. En effet, le quotidien lui avait publiquement fait la leçon :  « Une interruption volontaire de grossesse peut se dérouler en Suisse jusqu’à la 12e semaine de grossesse après les dernières menstruations, autrement dit l’embryon a dix semaines au plus, et il s’agit bien d’un embryon, non d’un fœtus (à partir de trois mois) et a fortiori non d’un enfant ». Ce que l’on ne savait pas, c’est que l’auteur de propos bien plus inquiétants que ceux de Suzette Sandoz s’en était tiré à bon compte. L’avocat et essayiste Raphaël Baeriswyl l’a appris au détour d’une plainte adressée par ses soins au Conseil suisse de la presse. Pour lui, il était déjà inadmissible qu’un titre rabroue publiquement une contributrice externe, au motif de lutter contre la désinformation, alors qu’elle s’exprimait sans enfreindre de norme légale et qu’elle n’avait – à ses yeux de juriste – rien écrit d’inexact. Mais d’apprendre, dans une des réponses du journal à ses questions, qu’un commentateur du blog avait menacé de commettre un attentat contre Le Temps, sans en subir de conséquences, voilà qui dépasse l’entendement. Et Raphaël Baeriswyl d’ironiser : « Un gentil progressiste qui menace de poser une bombe. Mieux vaut demander à Mme Sandoz de modifier son texte… Le Temps veut bien être Charlie, mais pas Suzette. » Des mesures temporaires Comment la chose a-t-elle été possible ? « Mme Sandoz a supprimé elle-même le commentaire menaçant (les blogueurs modèrent les commentaires eux-mêmes) », explique la rédactrice en chef du Temps, Madeleine von Holzen, contactée par nos soins. « Nous avons cherché dans l’historique de la base wordpress, retrouvé l’IP de ce commentaire, établi dans un pays hors du continent, d’où impossibilité pratique de poursuivre l’auteur et probabilité faible d’un passage à l’action. Nous avons néanmoins pris des mesures temporaires de sécurité à la suite de cette menace. » Étonnamment, Suzette Sandoz ne garde, quant à elle, aucun souvenir d’un tel message. Ce qui est certain, quoi qu’il en soit, c’est que la politique de diffusion systématique sur Twitter des billets de blogs du Temps a cessé dans la continuité de cette affaire, remarque un autre contributeur. Autre observation importante : des choix de vocabulaire avaient entraîné un débat très vif au sujet de la pensée de Suzette Sandoz, sans que pareille inquiétude ne soit causée par des menaces graves. Parce qu’elles venaient du camp du progrès ?

L’embryon et le fœtus seraient bien des enfants…

Dans sa plainte devant le Conseil suisse de la presse, Raphaël Baeriswyl fait valoir que, contrairement à ce que prétend Le Temps, le droit suisse utilise le terme « enfant » pour désigner des embryons et des fœtus. C’est le cas, notamment, à l’article 31 alinéa 2 du Code civil (où « l’enfant conçu » est forcément un enfant qui n’est pas encore né…), et plus encore à l’article 9a de l’Ordonnance fédérale sur l’état civil (traitant précisément de « l’enfant né sans vie », qui par définition n’est pas viable et est même souvent un embryon…). Preuve à l’appui, il fait valoir que Le Temps lui-même utilise le terme « enfant », ou « bébé », pour parler de l’enfant qui ne vient pas au monde, en raison d’une fausse couche. Tout récemment, à l’occasion de l’affaire Palmade, Le Temps parlait d’un accident qui avait « entraîné la mort d’un enfant à naître ». « Or, quand Mme Sandoz (une experte, soit dit en passant) utilise le terme « enfant » dans le cadre d’une réflexion sur l’avortement, on vient lui reprocher de faire de la désinformation, comme pour empêcher un débat sur une question qui est pourtant à l’ordre du jour de toutes les démocraties occidentales… », observe l’essayiste. « Intéressant glissement sémantique, n’est-ce pas ?», conclut-il, en rappelant que « l’homme a toujours cherché à déshumaniser ses victimes ».

 



En route pour l’impunité

La justice française n’a toutefois pas retenu la troisième raison invoquée par les avocats des militants: le fait que se coller la main sur le bitume et nuire à la vie des usagers de la route serait l’unique moyen de faire face au changement climatique. Mais tout cela risque de changer, bientôt, puisque le juge a précisé que sa position pourrait «évoluer d’ici quatre ou cinq ans»…

S’il admet qu’il est délicat pour lui de commenter un jugement français et qu’il s’agit d’un droit étranger qu’il ne connaît pas, Philippe Nantermod, vice-président du PLR Suisse et avocat, se dit «surpris que l’on prétende que ces actions sont ʻpacifiquesʼ». Et le Valaisan de continuer: «Bloquer le trafic constitue une action violente de contrainte, une atteinte à la liberté des gens.» Valaisanne également, la députée écologiste Magali Di Marco n’approuve pas la désobéissance civile affichée par les militants français: «Je ne suis pas juriste mais il me semble que quand on parle de mise en danger d’autrui ou d’entrave à la circulation, ça peut être évidemment problématique, notamment pour les urgences médicales, mais bien moins que l’augmentation de la température terrestre de 3 ou 4 degrés qu’on subira d’ici la fin du siècle.»

Un acte signé et revendiqué

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos canons à neige. Durant les nuits du 30 au 31 décembre 2022, puis du 2 au 3 janvier 2023, des dispositifs de ce type ont été vandalisés aux Diablerets. Lors de la seconde action, un logo du groupuscule écologiste radical Extinction Rebellion a été trouvé.

Concernant ces actes de vandalisme, les deux politiciens sont sur la même longueur d’onde. «Les délinquants qui ont commis ces actes doivent être punis. Je ne vois aucune circonstance atténuante qui justifie ces actions violentes», glisse Philippe Nantermod. Magali Di Marco estime quant à elle que ces actes sont ceux «de personnes désemparées, mais contrairement aux jets de soupe sur des œuvres d’art préalablement protégées, qui sont des actes symboliques, il s’agit là de dégâts coûteux.»

D’autant plus coûteux que la branche souffre particulièrement cette année. Sur ce point également, les élus s’accordent malgré leurs conceptions très divergentes du militantisme climatique. L’élue verte détaille: «Je le répète, c’est un acte de vandalisme qui doit être condamné pour ce qu’il est. Si on crève les pneus de ma voiture, on ne va pas condamner plus fermement les auteurs si je viens de subir un divorce ou si je sors d’une dépression.» Le libéral lui emboîte le pas: «La loi est la même pour tous, que vous soyez fort ou faible. C’est un acte d’autant plus méprisable qu’il est anonyme et ne tient pas compte de ses conséquences pour les citoyens, mais il ne se justifierait pas davantage s’il était commis contre des entreprises très prospères.»

Rester droit dans ses bottes

Maintenant, avec le précédent de l’acquittement en France, doit-on craindre qu’une certaine souplesse se manifeste dans les jugements rendus en Suisse face aux militants du climat ou de toute autre cause pouvant nuire à la propriété privée, sous prétexte d’un motif plus grand? Pas forcément pour Philippe Nantermod: «Cela fait longtemps que ces milieux marxistes méprisent la garantie de la propriété, pourtant un des droits fondamentaux les plus importants. J’espère sincèrement que la justice reste solide (ou se ressaisisse quand elle dérape) et se souvienne que son rôle n’est pas de soutenir des causes militantes.» Il nuance: «Ces milieux restent marginaux. Et je ne crois pas qu’ils parviennent à réunir suffisamment de monde pour transformer fondamentalement notre société pour un fascisme vert. Au contraire, ils créent un sentiment de rejet chez une majorité silencieuse qui ne supporte plus les leçons de morale et l’agenda socialiste à peine voilé de ces mouvements.» L’inquiétude de Magali Di Marco se situe ailleurs: «Avec les tensions qui vont s’accumuler ces prochaines années, si on ne veille pas à une bonne répartition des efforts à faire entre riches et pauvres, ou qu’on continue à faire comme si de rien n’était, on va assister à des révoltes. Ça commence déjà avec l’aviation, où des décisions sont prises pour développer ce secteur en totale contradiction avec les objectifs fixés.»

Reste désormais à voir si la justice suisse préfère préserver la propriété privée ou si elle cédera, peu à peu, aux sirènes électoralistes et populistes de toutes les nouvelles causes qui verront le jour dans les prochaines années.

Justice à deux vitesses

D’un côté il y a des militants climatiques acquittés alors que leurs actions peuvent tout simplement provoquer la mort. Leur propre mort, d’abord, mais aussi celle d’un automobiliste surpris par un blocage de route ou d’une personne ayant réellement besoin de soins d’urgence. Une personne dont, tristement, l’ambulance resterait par exemple bloquée par un commando d’altermondialistes.

Et de l’autre côté il y a deux jeunes gens qui risquent de passer dix ans derrière les barreaux. Pourquoi donc? Ont-ils tabassé un inconnu? Dépouillé de pauvres passants de façon répétée? Non, non, ils ont simplement imité leurs autorités. Je vais vous éclairer avec le titre d’un article de France Info, posté le 20 novembre dernier: «Statue de Victor Hugo dégradée à Besançon: deux étudiants sont poursuivis et risquent une peine de dix ans de prison». Les deux hommes ont effectivement agi de manière idiote en repeignant le visage de la statue en blanc. Repeindre? Oui, car quelques jours plus tôt, à l’occasion des bientôt vingt ans de son installation, la Ville avait voulu que la statue, bien usée par le temps, soit de nouveau patinée. Elle a donc procédé à une restauration en «africanisant» le visage de l’auteur. Le tout, cela va sans dire, en ne respectant absolument pas l’œuvre de l’artiste sénégalais Ousmane Sow. «On dirait un Victor Hugo noir, ce qui n’a jamais été l’intention d’Ousmane. Et puis, je n’ai pas été prévenue par la Ville de cette intervention», peste d’ailleurs sa veuve Béatrice Soulé.

On résume. Des militants mettent des vies en danger: pas de problème. Une ville sabote une œuvre en sachant qu’elle ne risque rien: pas de problème. En revanche, des étudiants – dont les actes manquent cruellement de finesse – tentent de provoquer un peu: drame national et risque de prison ferme. On se demande ce qu’en dirait Victor Hugo.




Et si Berne… devait protéger ses élus?

A l’heure de débuter une chronique politique, qui plus est en année électorale, le nombre de sujets à aborder semble infini ou presque. Au-delà des éternelles analyses des enjeux et des calculs stratégiques, nous serions tentés de poser sur papier mille et une particularités qui font du système politique suisse ce qu’il est. Nous parlerions de cette machinerie subtile centrée sur l’esprit de milice et marquée par la représentativité accrue du Parlement. Nous vanterions la capacité de dialogue de nos élus, la collégialité, les amitiés dépassant les clivages politiques, l’amour du débat constructif et l’esprit bon enfant des rapports entre les représentants du peuple et leur souverain.

Pourtant, au tournant de l’an, l’événement qui a marqué les esprits romands – avant l’apparition des Corona-Leaks, sur lesquels nous reviendrons probablement et en dehors du burlesque feuilleton Son-Forget – est bien l’agression dont a été victime la conseillère nationale Céline Amaudruz. Un fait divers qui révèle une certaine réalité se développant à l’opposé des qualificatifs flatteurs énumérés ci-dessus. Un fait divers qui ne mériterait peut-être pas sa chronique s’il n’était le symptôme d’un mal plus grand et plus dangereux.
Plusieurs éléments ont d’ores et déjà été développés dans la presse au cours des dernières semaines. D’une part, on a disserté sur le mode opératoire: l’incursion d’une dizaine d’individus masqués, hurlant des insultes et jetant des produits nauséabonds sur le public à défaut de parvenir jusqu’au-devant de la salle afin d’achever l’entartage aura fait rire quelques journalistes du Temps et syndicalistes d’extrême gauche tout comme il aura provoqué une désapprobation large de la classe politico-médiatique.

Menace sur les élus

D’autre part, l’atteinte portée à la liberté d’expression a été longuement débattue. Si certains syndicats étudiants (CUAE) ou de la fonction publique (SSP) affirment soutenir ces actions de «condamnation publique» au nom de la liberté d’expression, la grande majorité des analystes plus sérieux aura remarqué que la multiplication des interruptions de débats et conférences menace grandement l’expression libre des opinions, en particulier au sein du milieu académique.

Un aspect relativement laissé de côté devrait pour sa part retenir notre attention. Il s’agit, concrètement, de la menace physique pesant sur les élus et autres acteurs de notre démocratie. C’est une thématique qui avait été fortement relayée à l’époque des mesures visant à endiguer la pandémie, mais qui peine à faire surface dans la couverture de l’affaire genevoise. Pourtant, les raisons ne manquent pas pour prendre au sérieux l’aspect sécuritaire de l’histoire.

Tout d’abord, la vidéo de l’événement permet d’entendre, au milieu des insultes reprises par la presse, un agresseur crier «Amaudruz, on va te fumer». Le narratif invoquant «l’humour» utilisé «symboliquement», réaffirmé au téléjournal par la représentante de la CUAE Aline Chappuis, ne tient pas la route. L’expression signifie littéralement «passer à tabac», «frapper», voire «tuer». Difficile de voir une autre symbolique.

Ensuite, la revendication publiée sur internet, qui annonce un combat de longue haleine car «l’UDC n’est pas la bienvenue à Genève», avant de prévenir: «La prochaine fois, ça ne se passera pas de la même manière. On sera plus nombreuxses, plus organiséexs, plus déterminéexs et plus prêtexs (sic) à en découdre», est d’une violence rare.

Finalement, et loin de nous rassurer, la plateforme utilisée pour cette revendication n’en est pas à son coup d’essai: entre appel à l’incendie criminel, menaces répétées, soutien aux luttes armées et revendications d’actes délictueux, le site renverse.co est régulièrement associé à diverses organisations criminelles au sens du droit pénal. S’il peut encore fédérer les associations d’extrême gauche malgré son interdiction en 2016, c’est parce qu’il a trouvé refuge aux États-Unis… un comble.

Il y a bel et bien lieu de s’inquiéter de la tournure difficile que prennent les choses. Alors qu’il y a une décennie, l’entartage d’une conseillère fédérale socialiste en ville de Genève et le passage à tabac d’un élu UDC à Zurich avaient soulevé l’indignation générale, force est de constater que la sécurité des élus est aujourd’hui plus que jamais remise en question, le problème devenant systématique.
Ce phénomène n’est par ailleurs pas limité aux seuls parlementaires: les témoignages récurrents de simples militants des partis recevant menaces et insultes laissent songeur. Pour couronner le tout, la révélation par le journaliste marqué à gauche Antoine Hürlimann des intimidations violentes dont il a été victime démontre que ce problème n’est pas limité à un seul cercle d’auteurs ou de cibles.

L’année électorale 2023 sera-t-elle celle d’un passage à l’acte dramatique? Il nous faut espérer que non. En revanche, il semble clair que l’autocensure gagnera encore du terrain tant que les élus, journalistes et militants politiques seront les cibles d’une violence toujours plus absolutiste et concrète. Et si Berne devait protéger ses élus? Alors la Suisse aurait perdu l’une des facettes centrales de son système politique unique et bien-aimé.




Être et avoir été (chez le coiffeur)

Ne pouvant cautionner qu’un festival dans lequel leur bouillie était programmée se tienne à Perpignan – ville tenue par le Rassemblement National –, les rescapés de la new wave ont ainsi menacé de quitter la programmation à moins qu’un nouveau site ne soit trouvé. Dans la langue de leur compte Twitter, ça donne ceci: «[…] Hier soir, le maire RN de Perpignan a tweeté qu’il était heureux d’accueillir le festival. Nous demandons expressément à la direction des Déferlantes de déplacer ce festival dans un autre lieu, faute de quoi nous annulerons notre venue.» Une pression à laquelle n’allaient pas résister les organisateurs, d’autant plus que les épouvantables Louise Attaque menaçaient également de les lâcher.

L’histoire est pleine de rebondissements. Il y a un peu plus d’une trentaine d’années, les artistes occidentaux déferlaient en URSS pour unir les peuples sous la bannière du rock. Pourtant pas le plus humaniste des régimes, le pouvoir soviétique satisfaisait alors le désir de changement de son peuple en accueillant Billy Joel, alors au sommet de sa gloire, puis Bon Jovi ou Metallica. Personne ne reproche aujourd’hui à ces artistes d’avoir fait danser les fantômes des goulags. Mais visiblement, les choses ont un peu changé: c’est dans des cadres inclusifs et bienveillants que des artistes totalement has been consentent désormais à venir prendre leur cachet. Il ne s’agirait en effet pas de faire entonner l’air pénible de L’Aventurier à des festivaliers dont on pourrait imaginer qu’ils ont mal voté.

Alors voilà, Les Déferlantes n’auront pas lieu à Perpignan. Ceux qui aiment la bonne musique autant qu’ils méprisent les baudruches pourront s’en réjouir. Mais l’on attend déjà avec impatience les articles de la presse branchouille qui viendront nous expliquer, d’ici quelques mois, que la vie artistique des villes aux mains de la droite est triste à mourir. RP

Dracula en Sibérie

«Nous revendiquons que nous ne voulons plus en France de milliardaires. Nous voulons une France sans milliardaires.» Voilà les propos très forts tenus par la délicieuse Marine Tondelier, ces derniers jours, lors d’un rassemblement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Mais oui, vous savez, la NUPES, cette coalition qui a absorbé le PS, les communistes et les Verts, chez nos voisins français. Marine Tondelier, elle, est végétarienne, anti-chasse et «très engagée sur les questions sociales», comme on dit. Elle n’aime vraiment pas les très riches, qu’elle appelle les «vampires». Elle n’a pas peur de les déclarer inutiles voire nuisibles, parce que «ce ne sont pas eux qui créent des emplois mais c’est vous, c’est nous». Conseillère municipale, conseillère régionale puis secrétaire nationale de son parti… On se demande combien elle a pu créer d’emplois avec un tel parcours d’apparatchik, mais gageons que ses électeurs fourniront bien des efforts pour la croire quand ils seront sommés de produire de la richesse du fin fond d’un goulag. RP