Le choix collectif de la France : devenir un musée

La France, autrefois reconnue pour sa puissance industrielle et technologique, du Concorde au nucléaire en passant par le TGV, a choisi un autre destin : devenir le plus grand musée du monde. Gauche et droite s’accordent sur cette stratégie et alors que cette évolution est patente aux yeux des Français comme des étrangers, il semble que personne n’ose la décrire.

I. La capitalisation des industries du luxe et l’importance du tourisme : illustration d’un état de fait

L’industrie du luxe joue un rôle crucial dans l’économie française, avec des entreprises comme LVMH, Kering et Hermès qui dominent le marché boursier, surpassant largement ce que la plupart des gens imaginent comme étant LES géants industriels français comme Airbus. Cette domination reflète une orientation économique axée sur le prestige et l’exclusivité, qui attire des touristes du monde entier. De même, le secteur du tourisme continue de croître, contribuant de manière significative au PIB et renforçant l’image de la France comme une destination emblématique, riche en culture et en histoire.

Le luxe a également démontré une résilience et une agilité remarquable lors de la pandémie de COVID-19, avec une adaptation rapide aux ventes en ligne et une diversification de ses offres pour attirer une nouvelle clientèle. En 2020, LVMH a généré 34 milliards de dollars de revenus, consolidant ainsi sa position de leader mondial, suivi de près par Kering et L’Oréal Luxe. 

Entreprise Secteur Capitalisation boursière (Billion €) Part dans la capitalisation française (%)
LVMH Luxe 400 27.68
L’Oréal Cosmétique 230 15.92
TotalEnergies Energie 120 8.30
Hermès Luxe 200 13.84
Sanofi Pharmaceutique 110 7.61
Airbus Aerospatial 95 6.57
Kering Luxe 80 5.54
Schneider Electric Industrie 75 5.19
BNP Paribas Banque 70 4.84
AXA Assurance 65 4.50

II. La convergence des politiques de gauche et de droite

Malgré leurs différences idéologiques, la gauche et la droite françaises semblent avoir accepté cet état de fait, bien qu’elles divergent sur les priorités à adopter pour l’avenir.

A. À gauche

La gauche française met l’accent sur l’existence d’une main-d’œuvre peu qualifiée et peu coûteuse sur le territoire national francais, facilitée par une politique d’immigration favorable. Par exemple, elle soutient des initiatives visant à améliorer l’intégration des travailleurs immigrés dans des secteurs nécessitant peu de qualifications. Elle vise également à améliorer la qualité de vie à travers des initiatives telles que les mobilités douces et les financements culturels dans les villes qu’elle dirige. Une stratégie bas carbone, alignée avec les préoccupations des touristes modernes, complète cette vision en cherchant à concilier réussite économique et éthique environnementale pour le futur musée vivant français. Ces politiques permettent de garantir un label « éthique » aux visiteurs de la France et un storytelling qui participe lui-même de la promotion du luxe et tourisme français.

B. À droite

La droite francaise, en quête d’une identité nationale claire, se concentre sur la défense de la gastronomie, du style, et plus généralement de l’« art de vivre » français. Elle considère ces éléments comme étant menacés par l’immigration ou le « wokisme » et cherche à préserver un mode de vie traditionnel qui attire également les touristes en quête d’authenticité et de patrimoine.

Ainsi, Marine Le Pen et son parti, le Rassemblement National, mettent en avant des politiques visant à protéger la culture et les traditions françaises face à l’immigration. La définition de cette culture française n’a jamais été donnée et correspond plus à une tendance à vouloir protéger un état de fait ou reconstituer une France fantasmée des années 1960 (dont, ironiquement, le souvenir collectif d’une période bénie correspond essentiellement à une hausse du niveau de vie due à une industrialisation efficace et ciblant les technologies de pointe de l’époque).

Le Noël de Monsieur Dior, ou le choix de la muséification chic. (Photo: dior.com)

La défense de la gastronomie française est également centrale à cette vision, au point que cette « identité » fait partie des éléments reconnus au niveau mondial. La gastronomie française, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2010, est vue comme un symbole de l’identité nationale. Cette inscription souligne l’importance des produits locaux, la diversité régionale, et les rituels associés aux repas, qui sont perçus comme des moments de convivialité et d’humanisme propre à la France, que les touristes doivent expérimenter et les militants de droite vivre.

Ces politiques, qui s’articulent autour de l’idée de préserver un art de vivre unique, caractérisé par une appréciation de la bonne cuisine, des vins fins, et des traditions culinaires, cherchent à favoriser autant d’atouts pour attirer les touristes cherchant une expérience authentiquement française, mais sûrement pas pour réindustrialiser le pays ou en faire un pôle technologique.

Ces approches complémentaires de tout l’échiquier politique français convergent vers l’idée de faire de la France un véritable parc d’attraction, mettant en valeur son patrimoine culturel et ses traditions, un tourisme éthique et une main d’oeuvre permettant de soutenir ce modèle économique. Cette transformation est déjà en cours depuis des années. La France, collectivement et sans opposition politique, s’éloigne de son passé industriel pour embrasser une nouvelle identité de pays muséifié.

III. La régulation technologique de l’UE : un désavantage mondial

Cette orientation vers une économie muséifiée coïncide avec la tendance globale de l’Union européenne à réglementer strictement les nouvelles technologies, créant ainsi un désavantage concurrentiel à l’échelle mondiale. Les entreprises technologiques européennes doivent faire face à des contraintes réglementaires plus rigides que leurs homologues internationaux, ce qui limite leur capacité à innover et à se développer.

L’Union européenne a récemment mis en place des régulations telles que le Digital Markets Act (DMA) et le Data Act, visant à renforcer la concurrence et à réguler les géants de la tech comme Google, Meta, et Amazon. Ces régulations imposent des obligations strictes sur la manière dont les données peuvent être utilisées et partagées, et augmentent les coûts de conformité pour les entreprises technologiques. Ainsi, le Data Act force les entreprises à partager leurs données avec des concurrents, ce qui peut dissuader les investissements en innovation et accroître les risques de sécurité.

Ces régulations, bien que visant en théorie à protéger les consommateurs et à encourager la concurrence, freinent la croissance des entreprises technologiques européennes en les plaçant à un désavantage par rapport à leurs concurrents américains et chinois, qui opèrent sous des régulations moins strictes. Ainsi, cette approche réglementaire lourde contribue à renforcer la position de la France comme destination touristique et culturelle, au détriment de son potentiel dans les secteurs technologiques de pointe.

Conclusion

La France a fait un choix déterminant en orientant son économie vers le luxe et le tourisme, au détriment de son industrie. Cette décision, acceptée tant par la gauche que par la droite, a façonné une nouvelle image du pays : celle d’un musée à ciel ouvert, où chaque aspect de la vie quotidienne devient une attraction pour les visiteurs du monde entier. La tendance de l’UE à réglementer toutes les nouvelles technologies accentue cette transformation, créant un désavantage au niveau mondial et consolidant la position de la France en tant que parc d’attraction décroissant. Cette transformation pose toutefois la question de la durabilité et de l’authenticité de cette identité nationale en mutation.

Les jeux olympiques de Paris sont l’illustration parfaite de cette évolution voulue par le pays : les politiques de droite et de gauche débattent quant au contenu des chorégraphies des cérémonies (qu’est-ce que la France ? 1uelles sont les valeurs qu’elle doit mettre en avant ? quel style musical utiliser ?) et 1,4 milliard d’euros ont été dépensés pour tenter de permettre les épreuves de natation dans la Seine, LVMH a fourni les uniformes de l’équipe nationale française. Peu avant, en mars 2024, le président du Centre national d’études spatiales (l’équivalent français de la NASA) évoquait la concurrence dans le domaine spatial par ces mots : « L’industrie spatiale européenne, qui est largement française, est en danger aujourd’hui. Notre industrie ne pivote pas assez vite. Il faut bouger rapidement, réduire les cycles, réduire les coûts, sinon on va tous crever. »

LVMH et Hermès continueront à porter la bourse de Paris mais Ariane 6 est probablement le dernier lanceur spatial européen et français.




L’anticonformisme, le vrai

Et s’il était excessif de hurler au blasphème 
à propos de la fameuse cérémonie des JO ?

C’est en tout cas que ce que soutient Claude Laporte, auteur au Peuple, orthodoxe engagé et avocat, dans la dernier vidéo mise en ligne sur notre chaîne YouTube. Tournée en studio, cette discussion est la première d’un cycle de trois. Les prochaines aborderont le réalité de la démocratie directe en Suisse, puis l’état de crise du système politique de nos voisins français.

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Sagres

La plupart de ceux qui ignorent les noms de Bartolomeu Dias, Vasco de Gama et Magellan, savent au
moins que les Portugais dispersés à travers l’Europe occidentale ont tendance à ouvrir partout des
cafés qui s’appellent Sagres et où l’on sert la bière du même nom. Ceci étant, la brasserie, elle n’a
jamais été à Sagres, mais près de Lisbonne. À Sagres, il y a autre chose, tout autre chose, quelque
chose de bien plus important.

À quelque cinq kilomètres de là, il y a le cap Saint-Vincent, la pointe extrême sud-ouest de l’Europe,
le vrai bout du monde. La falaise où, pour la première fois depuis longtemps, je viens d’éprouver le
vertige. Un humoriste qui tient une baraque à saucisses sur la route carrossable où l’on s’arrête avant
le phare proclame en allemand une vérité incontestable : Letzte Bratwurst vor Amerika.

Que l’on m’excuse d’insister, mais ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance de voir le bout du
monde. Les Romains ont ressenti les mêmes choses que les touristes d’aujourd’hui. Il paraît que
Sagres serait une déformation de Promontorium Sacrum, le promontoire sacré. D’autant plus sacré
qu’au bout, et pendant des siècles, il n’y avait rien.

De Sagres, il y a plus à savoir que le goût de la bière du même nom. (Crédit photo: Picasa)

Et puis, un jour, la dynastie d’Avis a voulu donner un grand destin à son petit royaume et un prince a
consacré sa vie à réunir toutes les connaissances de son temps en matière de navigation.
Collectionner les portulans, réunir autour de lui les meilleurs capitaines, lancer expédition après
expédition. On l’a appelé Henri le Navigateur, alors qu’il n’a probablement fait qu’un seul voyage
dans sa vie, lors de la conquête de Ceuta en 1415.

Il a quitté Porto pour Lagos, et il a passé les vingt-deux dernières années de sa vie sur cette falaise.
Beaucoup d’historiens disent aujourd’hui que l’École de Sagres n’a jamais existé ; que c’est un mythe
romantique du XIX e siècle ; que toutes les expéditions ont été préparées à Lagos. Pourtant, c’est bien
ici qu’il a fini sa vie. On peut quand même supposer que des gens venaient lui rendre visite, sinon
quel sens aurait eu son séjour dans cette désolation ?

Comme tant de choses au Portugal, les bâtiments qui existaient du temps de l’Infant ont été détruits
par le terrible tremblement de terre de 1755. Et comme tant de choses encore, le fort de Sagres a été
reconstruit du temps du marquis de Pombal. Du passé le plus glorieux, il ne reste plus que les murs
d’une tour qui aurait servi de citerne du temps d’Henri le Navigateur.

Une exposition a été installée pour rappeler ce que fut la vie d’Henri le Navigateur et ce que furent
les découvertes portugaises. Une exposition modeste, certes. Mais ici, tout prend une autre
importance, puisque c’est ici que tout a commencé.

L’endroit n’est pas hospitalier, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a même un gouffre en plein
milieu de la falaise, que l’on a eu l’obligeance d’entourer d’une solide clôture pour diminuer la
mortalité des touristes. Après une heure à entendre le vent, je me demande comment on peut
passer une nuit ici. Alors passer toutes les nuits pendant vingt-deux ans ? Comme si l’Infant avait
voulu que le vent et le ressac lui rappelassent sans arrêt quelle était sa mission en ce monde.

En 1960, pour le cinquième centenaire de la mort du prince Henri, il y a eu une commémoration ici. Il
y avait le président du Portugal, l’amiral Tomas, le président du Brésil, Kubitschek, l’inamovible
Salazar et le cardinal Cerejeira. Curieux symbole, d’ailleurs, que la présence de ces deux-là. Ils avaient
longtemps vécu ensemble en colocation à Coimbra, comme pour prolonger leur vie d’étudiants.
Probablement la dernière fois que le chef temporel et le chef spirituel d’un pays européen se
connaissaient si bien. Deux hommes sans femme et sans enfants, comme Henri lui-même. Tous ces
gens sont oubliés depuis des lustres, sauf peut-être Kubitschek, fondateur de Brasilia. Il n’est pas
venu ici sans raison. Par des voies inattendues, il y a bien un fil de l’histoire qui relie ce promontoire
abandonné des hommes au bout de l’Europe à la capitale symbole de la modernité en Amérique du
Sud.

Pièce de monnaie célébrant le 500e anniversaire de la mort du prince Henri, en 1960.

Quand j’étais gamin, on nous faisait encore croire que le Carthaginois Hannon avait navigué jusqu’au
Gabon et qu’il avait vu le Mont Cameroun. Même Carcopino y avait cru. Il paraît que c’est encore ce
qu’on enseigne aux enfants dans les écoles camerounaises. Mais non, hélas, mille fois hélas, car moi
aussi j’ai rêvé de circumnavigations antiques. Il n’est pas allé plus loin que l’îlot de Mogador, ou peut-
être l’oued Drâa, la limite du vrai désert. (Il faudrait qu’un jour quelqu’un écrive un livre sur le rôle
considérable du Maroc dans l’Histoire, en tant qu’Extrême-Occident.) Mais non, on n’a jamais trouvé
aucun vestige punique ou romain au sud de Mogador, et il y a tout lieu de penser que personne
n’avait jamais navigué au sud du cap Bojador. Combien d’expéditions l’Infant Henri a-t-il organisées
jusqu’à ce que Gil Eanes franchisse enfin le cap ? Douze, treize ? Et ce jour-là, le petit Portugal a pris
les dimensions du monde. Une fois le premier obstacle surmonté, tout a été fait avec une facilité
déconcertante. Cap Bojador en 1434 (Gil Eanes), cap de Bonne-Espérance en 1488 (Bartolomeu Dias),
Calicut en 1498 (Vasco de Gama), le tour du monde en 1522 (Elkano après la mort de Magellan). Et
tout a commencé ici.

Des mondes inconnus se sont rencontrés, pour le meilleur et pour le pire. L’Europe a enfin échappé à
son destin de proie du djihad en établissant le contact direct avec l’Inde et la Chine. Tout, absolument tout, a changé. Tout a procédé de Sagres. Y compris le président Senghor, y compris le président Houphouët-Boigny, y compris ma propre vie. Je ne suis pas grand-chose ; mais ma propre vie est quand même importante à mes yeux ; et sans ce qui s’est passé ici, en Algarve, il y a si longtemps, elle aurait été tout autre.

Il y a eu ceux qui ont commencé les premiers et qui ont connu le succès (le Portugal et l’Espagne).
Ceux qui sont venus après et qui ont fini par rafler la mise (l’Angleterre). Ceux qui sont venus encore
plus tard et qui n’ont joué qu’un rôle plus modeste (la France, les Pays-Bas). Le paradoxe, c’est que si
la Commission de Bruxelles rêve d’une Europe qui ne parlerait qu’anglais, c’est parce que l’anglais
s’est répandu à travers le monde, ce qui aurait été impossible sans le pari des Portugais…

Un jour, un petit pays qui avait fort peu de moyens a jeté toutes ses forces dans un rêve impossible. Il
a joué, et il a gagné. Et ce projet, il ne l’a pas conçu dans sa capitale ou dans un grand port. Il l’a mûri,
il l’a préparé ici, au bout de la terre, au milieu de rien, là où tout était soumis à l’océan et où tout
rappelait l’âpreté du défi à relever.

Ici, à Sagres, extrémité de l’Europe, commencement du monde.




Le pèlerinage de Chartres fait un petit en Suisse

15’000, puis 16’000 puis 18’000… Chaque année depuis la fin de la pandémie, le pèlerinage de Chrétienté, plus communément connu sous le nom de pèlerinage de Chartes, mobilise des foules de jeunes catholiques en France. Entièrement réservé à la liturgie tradionaliste (la fameuse « messe en latin ») et marqué par l’omniprésence de drapeaux régionaux, cet événement très patriotique a connu un coup de projecteur inespéré cette année : une rediffusion de sa messe de clôture sur CNews !

Le pélerinage de Chartres, rassemblement d’une jeunesse avide de transmission. (Photo: Eichthus)

Quoique très ancré dans l’histoire française, l’événement attire aussi chaque année des pèlerins venus du monde entier, dont de Suisse. Mais pour certains, il était temps d’en proposer une déclinaison couleur locale à l’intérieur de nos frontières. C’est chose faite avec une première édition, les 21 et 22 septembre prochains, qui se déroulera entre la Basilique Notre-Dame de Fribourg, et le sanctuaire de Notre-Dame des Marches, du côté de Broc. Au programme, beaucoup de prières, quelque 42 kilomètres de marche et une nuit en bivouac « pour vivre un moment spirituel fort sous le regard de la Sainte Vierge », comme le promettent les organisateurs.

Une occasion de découvrir le rite « tradi »

Parmi ceux-ci, Colombe Ackermann, jeune paroissienne jurassienne : « Nous sommes attachés à l’unité de l’église, précise-t-elle d’emblée. L’événement vise à rassembler des chrétiens de tous bords et tant mieux s’il y a des habitués du rite ordinaire. Ce sera pour eux l’occasion de découvrir la beauté de la liturgie traditionnelle. » Les croyants évangéliques ou réformés qui voudraient mieux comprendre cette expression de la foi seront également les bienvenus. Outre une veillée d’adoration, Colombe ne cache pas que la nuit pourrait être marquée par quelques bouteilles qui sortent des sacs à dos, comme souvent dans ce type de cadres. 

Le logo de l’association aux manettes.

« J’étais à Chartres et je me suis dit qu’il nous fallait organiser quelque chose de similaire en Suisse », renchérit Théophane Gaillard , président de l’association organisatrice, Notre-Dame de la Foi. Habitué d’une paroisse « tradi » de Lausanne – la Chapelle Saint-Augustin, sur l’avenue de Béthusy – il en a alors parlé à son curé et s’est rapidement retrouvé à présenter son projet à l’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Morerod. « Il s’est tout de suite montré très ouvert et a même manifesté son désir de marcher avec nous », se souvient le jeune militaire. Malheureusement, le calendrier ne permettra pas de concrétiser cet objectif, du moins pas cette année. « L’évêque nous a dit que ce n’était en tout cas pas lui qui allait décourager les jeunes qui veulent lancer des pèlerinages », se réjouit néanmoins le président, qui a monté son projet avec des amis dont plusieurs sont Gardes Suisses.

Un exemple d’unité

Alors que les tensions entre conservateurs et libéraux remontent à un niveau particulièrement élevé dans l’Église, sur fond de craintes d’interdiction quasi-totale de la liturgie traditionnelle, un bel exemple d’unité viendra-t-il à nouveau de Suisse ? Peut-être, à écouter Théophane qui rappelle que la priorité « n’est pas la politique, mais bel et bien Jésus-Christ. » Il ne cache toutefois pas sa volonté de « dédiaboliser le monde tradi » et d’œuvrer, par la prière, à la « conversion de la Suisse, comme le faisaient nos ancêtres ».

Recteur du sanctuaire où s’achèvera le pèlerinage, l’abbé Joseph Gay ne boude en tout cas pas son plaisir. Du moment où il a appris que l’événement se déroulerait avec l’accord de l’évêché (ndlr. Évêché qui n’a toutefois pas répondu à nos questions après une semaine), le jeune prêtre n’a pas hésité à donner sa bénédiction à la manifestation. Même s’il sera lui aussi absent à la fin du mois de septembre, il prédit que les habitués des lieux ne seront pas déboussolés par cette jeunesse avide de liturgie traditionaliste… et d’identité !

Pour s’inscrire : https://notredamedelafoi.ch/#inscription
Pour soutenir l’association : https://notredamedelafoi.ch/#nous-aider

Sur le même thème:
Notre reportage à « Tradilland »: https://lepeuple.ch/visite-a-tradiland-reportage/
Le malaise grandissant des jeunes chrétiens : https://lepeuple.ch/le-malaise-grandissant-des-jeunes-chretiens/




Le nom du collège de l’Abbaye

De par le monde francophone, même dans les pays les plus scrupuleux sur la laïcité, il existe des bières de l’Abbaye telle ou telle ! Personne n’y trouve à redire parce que l’origine du nom est antérieure aux lois sur la laïcité. Le département valaisan se trompe en voulant punir le collège de l’Abbaye de Saint-Maurice des crimes commis par quelques chanoines qui n’ont rien à faire avec le lycée. Laissons la justice faire son œuvre et pensons aux vies brisées par les abus sexuels. Mais pour le collège lui-même, la réaction a été vive dans la population face à une réforme menée au pas de charge par un département amateur de pressions et pressé d’en finir avant que le Grand Conseil ne s’empare du dossier.

L’appel des citoyens à la réintégration du Recteur à son poste a été entendu ainsi que celui de la possibilité des chanoines à continuer à enseigner. Le collège est donc reconnu : il est bien géré, il va bien, nul besoin d’une révolution intestine. Le dress code voulu par le chef du département, forçant les prêtres à abandonner la soutane, est plutôt ridicule, alors qu’il ne bronche pas lorsque quelques élèves portent le foulard islamique.

Cependant le changement de nom a été décidé en opposition avec tous ceux, nombreux, qui via différents canaux démocratiques demandaient de le maintenir. On ne comprend pas pourquoi ce changement. Le motif de laïcité qui semble présider à cet effacement d’identité est de peu de poids. En effet, le collège de Brigue, laïc, porte le nom de « Spiritus Sanctus » sans que cela n’entache en aucune manière son aura. 

Or le nom propre n’est jamais anodin ; il individualise l’objet ou l’être qu’il désigne. Le nom propre est un coup de chapeau toponymique ! Bien sûr, le collège de l’Abbaye de Saint-Maurice s’est, dans son histoire, appelé un moment « Collège de Saint-Maurice ». Mais aujourd’hui que des affaires noircissent l’Abbaye, aujourd’hui que les regards sont braqués sur ce site, changer ce nom est plus que symbolique. Cette synchronisation joue en défaveur du collège. Encore une fois, on en ignore la clandestine raison.

Le charme des noms propres est de jouer avec des syllabes familières, que chacun connaît, que chacun alimente de son propre vécu. Il appartient à la langue intime. C’est la raison pour laquelle tant de personnes attachées à ce collège, tant de parents, tant d’étudiants, tant de personnalités valaisannes et romandes s’allient pour le garder. Il est de noms propres qui sont communs !

Bien sûr, la mode est à l’effacement. Tout comme jadis, on effaçait sur les photographies officielles de l’Union Soviétique le visage des dignitaires tombés en disgrâce, on veut gommer certains éléments qui sont tombés prétendument en discrédit. Mais dans les faits, nul discrédit n’entache le collège de l’Abbaye de Saint-Maurice. La preuve ? On y réintègre le Recteur, on y maintient l’aumônerie ainsi que les crucifix dans les salles de classes et les prêtres qui y enseignent.

Jean Romain




Le saut de la foi d’une radio chrétienne

Emmanuel Ziehli, pourquoi ce développement est-il si important pour votre radio?

Il existe quatre grands diffuseurs en Suisse. Nous étions chez Digris, qui vise les agglomérations et permet à des initiatives locales ou associatives de s’exprimer. Aujourd’hui, nous passons chez Romandie Médias SA, la société qui assure la diffusion du DAB+ (n.d.l.r.: radiodiffusion numérique) des grandes radios privées de Suisse romande. Pour dire les choses simplement, cela correspond à un passage de la première ligue à la ligue A pour un club de foot: notre couverture sera intégrale et sans faille partout en Suisse romande. La radio étant une chose qui s’écoute beaucoup en voiture, cela nous permettra de ne plus frustrer les gens en déplacement qui faisaient trop souvent face à des coupures.

En revanche c’est un défi…

Oui, un défi énorme et surtout un pas de foi. Notre budget annuel a été porté à environ 800 000 francs alors que notre activité est régulièrement déficitaire. Nous cherchons du reste des sponsors pour les 55 antennes qui assurent désormais une diffusion maximale.

Votre situation est-elle si périlleuse que ça? Vous possédez tout de même certaines ressources.

Oui, bien sûr que nous en avons, mais elles ne sont pas inépuisables non plus. Nous possédions un petit parc immobilier que nous avons décidé de vendre à partir de 2014. Nous sommes alors partis sur huit ans d’investissements pour d’abord apprendre à faire de la radio, via Phare FM (n.d.l.r.: un réseau de radios chrétiennes évangéliques fondé en 1989 à Mulhouse), puis prendre notre indépendance pour devenir Radio R le 9 janvier 2019.

Aujourd’hui, vous avez le sentiment d’avoir trouvé votre public?

Pas complètement. Je m’attends à continuer notre expansion car nous allons gagner des régions, dont le Jura et Jura bernois, où la concentration de chrétiens, en particulier protestants évangéliques, est importante.

Vous n’avez toutefois pas que des chrétiens de cette sensibilité qui vous écoutent…

Oui, nous avons de nombreux catholiques parmi nos auditeurs, ce qui nous réjouit. On le repère au niveau des témoignages que nous recevons, notamment. Nous avons par exemple, en Valais, une femme qui nous a raconté comment notre radio l’avait portée durant une grossesse difficile lors de laquelle elle avait dû rester alitée plusieurs mois. Dans ce message, elle expliquait comment, peu après, elle et son mari avaient choisi des musiques de notre radio pour le baptême de l’enfant, ce qui laissait clairement entendre qu’il s’agissait de catholiques. C’est génial, ce genre de récits.

Quelle importance accordez-vous à l’unité des chrétiens?

Au démarrage, en 2015, une amitié s’est vite consolidée avec le père Vincent Lafargue, dont nous avons enregistré les premières Twittomélies. Ces courtes prédications sont désormais reprises en France, y compris par d’autres radios protestantes. Autre exemple, dans Célébration, notre émission du dimanche matin, nous donnons six messages de dix minutes destinés en particulier aux esseulés et à ceux qui ne peuvent plus se rendre dans un culte ou une messe. Nous tenons à ce que les trois grands courants, catholique, réformé et évangélique, y soient représentés.

Cela montre aussi que le succès est possible quand on ne cache pas que l’on effectue un travail ouvertement chrétien.

En réalité, nous avons beaucoup tourné autour de ce pot-là. Quand nous n’étions encore que producteurs, nous tentions de faire des émissions dans la «suggestion» du divin, dans la recherche du «mystère» de Dieu, afin de passer sur des chaînes comme RTL, RMC, Europe 1… Il fallait donc être un peu passe-partout alors qu’aujourd’hui nous nous sommes mis d’accord autour d’un concept: parler de Dieu intelligemment. On voit beaucoup de manières maladroites de parler du divin, parce que les gens croient avoir tout compris du Saint-Esprit, de la louange ou des sacrements… Loin des extrêmes, nous préférons garder un regard «moyen», dire les choses simplement, sans cacher que nous sommes confessants. Nous croyons au Christ ressuscité d’entre les morts, voilà, c’est comme ça.

Quand on a la foi, il vaut mieux jouer franco, en somme?

Oui, mais encore s’agit-il de faire les choses avec le bon esprit. Nous avons décidé de dire ce que les chrétiens font de mieux, pas de perdre notre âme dans des débats qui nous divisent. Cela passe souvent par l’évocation des œuvres des chrétiens dans le monde associatif par exemple. L’an dernier, une de nos émissions les plus écoutées concernait l’engagement des croyants pour aider les réfugiés ukrainiens. Nous voulons montrer que quand le monde traverse des crises, les chrétiens se lèvent toujours. On l’oublie parfois, mais c’est un pasteur évangélique qui a créé la Croix-Rouge, par exemple.

Pensez-vous que ce choix de la franchise devrait davantage inspirer nos Églises?

L’ère post-chrétienne qui est la nôtre annonce des persécutions à venir. Est-ce que nous ne risquons pas de finir en prison, dans un futur pas si lointain, pour avoir annoncé que le plan de Dieu pour la famille est qu’un homme et une femme s’unissent pour avoir des enfants, sans avoir été suffisamment inclusifs dans la formulation? Dans ce contexte, je crois que les grandes Églises devraient se reconnaître les unes les autres sous le label chrétien, se réjouir les unes des autres, prier les unes pour les autres, en particulier quand elles rencontrent des difficultés. Quand l’Église catholique traverse des turbulences, je ne me dis pas «ouf, ce n’est pas chez nous»; je prie pour elle. J’espère qu’il en ira de même lorsque ce seront les évangéliques qui connaîtront des soucis. Il ne s’agit pas là de faire de l’œcuménisme, mais de travailler à l’unité, ce qui n’est pas la même chose: l’œcuménisme est une soupe de légumes où l’on introduit toutes sortes de choses que l’on mixe avec pour résultat qu’on n’y voit plus rien. L’unité des chrétiens est une salade de fruit: une mandarine, une pomme, un ananas garderont leur forme et leur saveur propre, mais le plat aura belle allure et on aura envie de le manger.




L’angoisse de l’Infini

Une de mes grands-tantes pratiquait l’art exigeant de la cartophilie. Amoureusement, elle amassait, dans d’innombrables albums, des cartes postales classées par pays et par régions. Voyageant peu, elle s’évadait de la monotonie du quotidien en contemplant plages ensoleillées, palmiers au vent et ruines illuminées par le soleil couchant. Soudain, du jour au lendemain, elle a renoncé à son violon d’Ingres et par là-même à ses voyages virtuels. La raison? Ma tante avait découvert, lors d’une escapade espagnole, que les cartes postales ne correspondaient pas à la réalité.

Il en va de même pour certains auteurs, comme Charles Maurras, qui suscitent des commentaires spécieux, de doctes anathèmes et des morales sentencieuses. Ces auteurs «maudits» sont trop souvent réduits à des «cartes postales», c’est-à-dire à la doxa commune des penseurs de seconde main et de la presse dite «engagée». Quand nous lisons réellement leurs œuvres et que nous partageons un moment en leur compagnie, nous ne pouvons que renoncer aux «cartes postales» de l’opinion dominante. La publication de la correspondance entre Charles Maurras et des carmélites nous donne l’opportunité de vivre cet exercice de salubrité mentale.

Un inconnu

Contrairement à Léon Blois ou à Georges Bernanos, Charles Maurras reste bien souvent un inconnu. Trop longtemps ses œuvres furent introuvables hormis chez quelques bouquinistes érudits, tombées dans un certain discrédit et réduites à des formules, souvent mal interprétées, telles que «l’opposition du pays réel au pays légal», «la divine surprise», «le nationalisme intégral» et j’en passe. Celui qui fut le maître à penser de toute une génération peut être redécouvert aujourd’hui.

Une vie placée sous le signe de l’intelligence

Charles Maurras est né à Martigues, en Provence, le 20 avril 1868. À l’âge de quatorze ans, il devient sourd et doit renoncer à entrer à l’École navale. Sa mère prend pour précepteur l’abbé Jean-Baptiste Penon, qui donne des cours particuliers au jeune Charles et qui fut selon les propos de l’adolescent «la bénédiction de sa vie».

Après avoir obtenu son baccalauréat, Maurras s’installe à Paris avec sa mère et son frère. Ne pouvant suivre les cours à cause de son handicap, il fréquente assidûment les bibliothèques, où il perfectionne ses connaissances. Il en profite pour collaborer à différents journaux et revues. En 1891, Maurras fonde avec Jean Moréas l’École Romane, qui est un groupe de jeunes poètes opposés aux symbolistes et prônant un néo-classicisme débarrassé de tout académisme.

Dès 1889, les idées politiques de Maurras évoluent vers la monarchie. Dix ans plus tard, il rejoint la Revue d’Action française fondée par Maurice Pujo et Henri Vaugeois. Sous l’impulsion de Maurras, cette revue nationaliste et républicaine devient royaliste. En 1905, il fonde la Ligue d’Action française pour soutenir la revue éponyme. En 1906, avec l’aide de Léon Daudet, la revue mensuelle devient un quotidien sous le titre bien connu: L’Action française.

Il ne faudrait pas oublier que Maurras est également un auteur reconnu avec Le Chemin de Paradis (1895), nouvelles philosophiques; Anthinéa (1900), essai de voyage principalement sur la Grèce; Les Amants de Venise (1900), traitant de l’histoire d’amour de George Sand et Alfred de Musset; Enquête sur la monarchie (1900) et L’Avenir de l’intelligence (1905).
Maurras perdit une partie de son influence politique lorsque, le 29 décembre 1926, l’Église catholique romaine mit à l’Index certains de ses livres et L’Action française, le privant ainsi de nombreux sympathisants au sein du clergé français.
Le Martégal est reçu à l’Académie française en 1938. Pendant l’occupation allemande, tout en étant fermement opposé au nazisme, il soutient le régime de Vichy. Il est arrêté en septembre 1944, jugé et condamné pour «intelligence avec l’ennemi» à la réclusion à perpétuité. Libéré en 1952 pour raisons de santé, il expire le 16 novembre de la même année à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours.

La question du Mal

L’épreuve de la surdité a conduit l’adolescent Maurras à l’agnosticisme. Afin de bien comprendre cet agnosticisme, on peut rapprocher Maurras de Charles Jundzill, personnage réel qui lui sert de héros dans une étude sur Auguste Comte: «[…] Avant sa dix-neuvième année, il avait constaté jusqu’à l’évidence son inaptitude à la foi et surtout à la foi en Dieu. […] On emploierait un langage bien inexact si l’on disait que Dieu lui manquait. Non seulement Dieu ne manquait pas à son esprit, mais son esprit sentait, si l’on peut s’exprimer ainsi, un besoin rigoureux de manquer de Dieu: aucune interprétation théologique du monde et de l’homme ne lui était plus supportable.» Maurras explique dans une lettre du 21 janvier 1937 où il proteste vivement contre les accusations d’athéisme ou d’irréligiosité lancées à son encontre: «Je ne suis ni athée comme l’on dit, et l’auront cru, d’innombrables imbéciles, ni irréligieux. Mais mon sentiment profond des Puissances supérieures n’a jamais pu se fixer dans le monothéisme, et, si ce qui m’est donné ou offert comme explication me paraît redoubler les difficultés, c’est un fait auquel je ne peux rien!»

Pourquoi «ce besoin rigoureux de manquer de Dieu»? Pourquoi est-ce que son sentiment religieux «n’a jamais pu se fixer dans le monothéisme»? En fait, Maurras ne peut accepter l’existence du Mal, qu’il expérimente jusque dans sa propre chair avec l’épreuve de la surdité. Comme il l’admettait au chanoine Cormier, Maurras ne peut pas réciter la fin du «Notre Père»: «Et ne nos inducas in tentationem» (Ne nous induis pas en tentation). Bien plus, il ne «comprend pas qu’on puisse demander à Dieu, qui est souverainement bon, de ne pas tromper ses créatures». Et l’académicien de poursuivre: «Toujours ce problème du mal qui me harcèle. Je n’arrive pas à comprendre comment Dieu qui est le Souverain Bien peut tolérer le mal.»

La négation désespérée

À la fin de sa vie, dans ses entretiens avec le prêtre qui le visite, Maurras reconnaît: «Tous mes raisonnements n’aboutissent à rien. Je suis comme un écureuil qui tourne dans sa cage. Depuis des années je me heurte aux murs d’une prison. Je suis las de tourner ainsi.» Nous voyons bien que le polémiste a fait place au sage et que son attitude uniquement fondée sur la raison le mène dans une impasse. Malgré l’admiration qu’il voue à l’Église catholique pour ses bienfaits et non pas seulement comme principe d’ordre social, Maurras écrit, le 14 septembre 1936: «Je ne peux pas dire: ʻJe croisʼ quand je ne crois pas.»

Cette négation désespérée d’une réponse possible à sa quête le tourmente et l’écartèle intérieurement. L’âme de Maurras vit implicitement l’expérience décrite dans les premières pages des Confessions (I, 1) de saint Augustin: «Tu nous as faits pour Toi Seigneur et notre cœur est inquiet, jusqu’à ce qu’il repose en toi.»

Ce n’est pas qu’il ne veut pas croire, c’est qu’il ne peut pas. Toutefois, il reconnaît que son agnosticisme n’est pas immobile et qu’il a constaté avec étonnement que sa réflexion l’avait éloigné de certains faits qu’il croyait autrefois insurmontables. Il reste à Maurras le désir: «[…] Je ne puis quant à moi, retenir des procédures de Pascal autre chose que le chercher en gémissant, quelquefois même sans plainte, sans autre sentiment que le désir de voir, de savoir, de trouver» (lettre du 6 mars 1937).

À Maurras, qui a besoin de «comprendre pour croire», on peut répondre en écho avec cette phrase que Blaise Pascal met sur les lèvres du Christ: «Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé» (pensée 553).

Le fil rouge du Benedictus

Nous apprenons dans cette correspondance que Maurras éprouve une affection particulière pour la prière du «Benedictus», appelée aussi le «cantique de Zacharie», qui figure dans le texte de l’Évangile selon Luc (Lc 1, 68-79). Ce texte est prononcé par Zacharie à la naissance de son fils Jean-Baptiste. Le Jeudi saint de 1945, il écrit: «quelquefois, la nuit, je me sens bercé pas les longues volutes de son rythme qui ne m’a pas quitté depuis le Collège.»

Au printemps 1937, Maurras avait écrit un verset de ce cantique au dos d’une image pieuse envoyée aux carmélites. Le texte au dos de l’image était: «Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis jacent», c’est-à-dire: «Illumine ceux qui sont couchés dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort». Or Maurras a commis une erreur, au lieu de «sedent» (assis), il a écrit «jacent» (couchés). Les pieuses carmélites ayant envoyé, à l’insu de l’auteur, la carte au pape Pie XI, ce dernier désire connaître la raison de ce changement. Et Maurras de répondre au souverain pontife: «[…] il s’agit d’une erreur de mémoire. Cependant je ne peux m’empêcher de me demander si cette erreur était absolument fortuite et ne tirait pas sa raison de quelque logique secrète. […]» Et Maurras d’ouvrir son âme au pape qui a condamné L’Action française: «Le ʻjacentʼ, inexact par rapport au texte, se rapportait à mon état personnel. Celui qui ʻgîtʼ quelque part n’y gît point parce qu’il le veut, mais parce qu’il y est. Il est là, il en est là, il ne peut y avoir été jeté: non assis, mais couché dans l’ombre de la mort, ce n’est point par volonté, ni par le choix de son cœur» (25 mai 1937).

Le «vieux cœur de soldat n’a point connu la haine»

L’échange épistolaire entre Maurras et les religieuses de Lisieux met en évidence les liens qui unissent l’écrivain et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus; ces liens vont conduire Maurras à dépasser sa rationalité d’agnostique. Peu à peu, l’intelligence de Maurras va se laisser éclairer et comprendre que «ce n’est pas avec les yeux, mais avec le cœur qu’il faut chercher Dieu» (s. Augustin, 7e sermon sur la 1ère épître de Jean, 10).

La lecture de cette correspondance nous fait découvrir un autre Maurras. Loin du polémiste autant redouté que redoutable, nous découvrons l’homme nu face à la question de l’Infini. Nous abordons avec pudeur le chemin secret de la grâce dans un cœur sincère épris de vérité. Nous comprenons pourquoi, au soir de sa vie, il a reçu l’extrême-onction et vraisemblablement dit: «Pour la première fois, j’entends quelqu’un venir.»

Un chemin de conversion – Correspondance choisie entre Charles Maurras et deux carmélites de Lisieux (1936-1952), rassemblée par Xavier Michaux, Téqui, 2022.

Prière de la fin

Seigneur, endormez-moi dans votre paix certaine
Entre les bras de l’Espérance et de l’Amour.
Ce vieux cœur de soldat n’a point connu la haine
Et pour vos seuls vrais biens a battu sans retour.

Le combat qu’il soutint fut pour une Patrie,
Pour un Roi, les plus beaux qu’on ait vus sous le ciel,
La France des Bourbons, de Mesdames Marie,
Jeanne d’Arc et Thérèse et Monsieur Saint Michel.

Notre Paris jamais ne rompit avec Rome.
Rome d’Athènes en fleur a récolté le fruit,
Beauté, raison, vertu, tous les honneurs de l’homme,
Les visages divins qui sortent de ma nuit:

Car, Seigneur, je ne sais qui vous êtes. J’ignore
Quel est cet artisan du vivre et du mourir,
Au cœur appelé mien quelles ondes sonores
Ont dit ou contredit son éternel désir.

Et je ne comprends rien à l’être de mon être,
Tant de Dieux ennemis se le sont disputé!
Mes os vont soulever la dalle des ancêtres,
Je cherche en y tombant la même vérité.

Écoutez ce besoin de comprendre pour croire!
Est-il un sens aux mots que je profère? Est-il,
Outre leur labyrinthe, une porte de gloire?
Ariane me manque et je n’ai pas son fil.

Comment croire, Seigneur, pour une âme que traîne
Son obscur appétit des lumières du jour?
Seigneur, endormez-la dans votre paix certaine
Entre les bras de l’Espérance et de l’Amour.




Être et avoir été (chez le coiffeur)

Ne pouvant cautionner qu’un festival dans lequel leur bouillie était programmée se tienne à Perpignan – ville tenue par le Rassemblement National –, les rescapés de la new wave ont ainsi menacé de quitter la programmation à moins qu’un nouveau site ne soit trouvé. Dans la langue de leur compte Twitter, ça donne ceci: «[…] Hier soir, le maire RN de Perpignan a tweeté qu’il était heureux d’accueillir le festival. Nous demandons expressément à la direction des Déferlantes de déplacer ce festival dans un autre lieu, faute de quoi nous annulerons notre venue.» Une pression à laquelle n’allaient pas résister les organisateurs, d’autant plus que les épouvantables Louise Attaque menaçaient également de les lâcher.

L’histoire est pleine de rebondissements. Il y a un peu plus d’une trentaine d’années, les artistes occidentaux déferlaient en URSS pour unir les peuples sous la bannière du rock. Pourtant pas le plus humaniste des régimes, le pouvoir soviétique satisfaisait alors le désir de changement de son peuple en accueillant Billy Joel, alors au sommet de sa gloire, puis Bon Jovi ou Metallica. Personne ne reproche aujourd’hui à ces artistes d’avoir fait danser les fantômes des goulags. Mais visiblement, les choses ont un peu changé: c’est dans des cadres inclusifs et bienveillants que des artistes totalement has been consentent désormais à venir prendre leur cachet. Il ne s’agirait en effet pas de faire entonner l’air pénible de L’Aventurier à des festivaliers dont on pourrait imaginer qu’ils ont mal voté.

Alors voilà, Les Déferlantes n’auront pas lieu à Perpignan. Ceux qui aiment la bonne musique autant qu’ils méprisent les baudruches pourront s’en réjouir. Mais l’on attend déjà avec impatience les articles de la presse branchouille qui viendront nous expliquer, d’ici quelques mois, que la vie artistique des villes aux mains de la droite est triste à mourir. RP

Dracula en Sibérie

«Nous revendiquons que nous ne voulons plus en France de milliardaires. Nous voulons une France sans milliardaires.» Voilà les propos très forts tenus par la délicieuse Marine Tondelier, ces derniers jours, lors d’un rassemblement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. Mais oui, vous savez, la NUPES, cette coalition qui a absorbé le PS, les communistes et les Verts, chez nos voisins français. Marine Tondelier, elle, est végétarienne, anti-chasse et «très engagée sur les questions sociales», comme on dit. Elle n’aime vraiment pas les très riches, qu’elle appelle les «vampires». Elle n’a pas peur de les déclarer inutiles voire nuisibles, parce que «ce ne sont pas eux qui créent des emplois mais c’est vous, c’est nous». Conseillère municipale, conseillère régionale puis secrétaire nationale de son parti… On se demande combien elle a pu créer d’emplois avec un tel parcours d’apparatchik, mais gageons que ses électeurs fourniront bien des efforts pour la croire quand ils seront sommés de produire de la richesse du fin fond d’un goulag. RP




Et si on «fact-checkait» notre radio d’État ?

31 décembre 2022 – 11h00. Au volant de la voiture, à l’heure de faire quelques commissions en vue du réveillon, j’écoute le journal horaire de la RTS. Le journaliste commence en annonçant le décès du pape émérite Benoît XVI, confirmant ainsi les messages que j’ai reçus dans la dernière demi-heure pour annoncer le rappel à Dieu du pape émérite. Il continue en lisant le résumé de la vie de Joseph Ratzinger. À l’évocation de la résistance au nazisme des catholiques allemands ou encore de son riche héritage théologique, je ne cache pas mon étonnement, constatant alors une certaine justesse de ton, bien rare sur les ondes de la radio d’État lorsqu’il s’agit de sujets religieux. Sans doute les quelques jours d’agonie du pape Benoît XVI auront valu de nombreuses grâces pour l’Église, ainsi que quelques lumières pour le rédacteur du texte destiné à être dégainé au moment du décès!

Cet état de grâce n’allait cependant pas durer. Le naturel revenant au galop, ma satisfaction est rapidement douchée à l’écoute du journal télévisé de 19 h 30 du 4 janvier 2023, veille des funérailles. Le sujet du soir concernant l’actualité vaticane ne fait référence qu’aux supposées luttes d’influence que la mort du prélat allemand pourrait provoquer. D’un côté les «ultra-conservateurs» ne seraient plus tempérés par le pape émérite, n’hésitant plus à entrer en résistance face au pape François; de l’autre côté de l’échiquier ecclésial, le pape François aurait les coudées franches suite à la mort du «conservateur» Benoît XVI. Alors que le corps du Saint-Père est encore exposé à la vénération des 135 000 fidèles venus se recueillir sans cesse du matin au soir depuis trois jours, la télévision suisse imagine un film hollywoodien où il est question de guerres intestines et de potentiels complots.

Le soir de la sépulture, n’attendant plus rien de la RTS à ce sujet, mais espérant apercevoir quelque garde suisse connu ou autre compatriote helvétique au gré d’un reportage, je ne peux m’empêcher de visionner, une nouvelle fois, le journal télévisé. Et durant les trois minutes trente dédiées à la cérémonie présidée par le pape François, la présentatrice aborde la cérémonie sous l’angle de la popularité de Benoît XVI par rapport à son successeur. «Foule bien moins nombreuse que ce qu’avaient prévu les autorités» ou encore «Benoît XVI n’a jamais été très populaire auprès des Romains, et peu nombreux sont les jeunes catholiques qui ont fait le déplacement depuis l’étranger». En tant que catholique «génération Benoît XVI», qui l’a rencontré lors des JMJ de Madrid ou de son dernier Angelus du 24 février 2013, parmi les 200 000 catholiques venus lui dire un dernier au revoir, je suis piqué au vif. Comment peut-on, alors que la sépulture du pape allemand vient tout juste d’être refermée, affirmer que Benoît XVI n’a jamais été populaire, sans bien sûr justifier ces assertions par les moindres chiffres?

Je décide alors de mener ma petite enquête. La première difficulté consiste à retrouver les archives du Bollettino dans les méandres du site du Vatican. Je fais alors une première constatation: les statistiques sur «la participation des fidèles aux audiences et aux rencontres avec le Saint-Père» – titre officiel de la communication annuelle, généralement faite en décembre ou en janvier de l’année suivante – s’arrêtent, sans aucune explication, en 2016. Plus aucune statistique officielle n’est disponible pour l’année 2017 et les années suivantes. Une fois les données compilées, il apparaît clairement que Benoît XVI a joui d’une audience élevée et constante tout au long de son pontificat, du même ordre que celle que connut Jean-Paul II. Passées les deux premières années qui ont suivi son élection au ministère pétrinien, durant lesquelles les fidèles du monde entier, et notamment d’Amérique du Sud, furent particulièrement curieux de découvrir ce nouveau pape extra-européen, le pape François n’attire pas plus les foules que son prédécesseur.

Ainsi, bien que les données analysées n’aient en elles-mêmes aucune portée spirituelle et ne doivent pas servir de prétexte pour juger de la légitimité ou de la qualité d’un pontificat, je regrette que, alors que la presse du monde entier salue la mémoire du bien-aimé pape Benoît XVI, la RTS s’acharne à rabaisser la figure inoubliable que fut celle de Joseph Ratzinger. Plutôt que de comparer le pape démissionnaire au pape régnant, je voudrais proposer à notre télévision suisse de faire un sujet sur l’héritage théologique et sur les nombreux enseignements du pape bénédictin, qui perpétua les enseignements des audiences du mercredi initiées par Jean-Paul II. Je ne peux que conseiller aux lecteurs de relire les audiences générales traitant des grands saints tels que saint Augustin, saint Benoît, saint Paul, sainte Catherine de Sienne ou sainte Hildegarde de Bingen, ainsi que les explications du Credo ou du sacerdoce.

Au journal télévisé du 5 janvier, après le sujet sur les funérailles, la journaliste de la RTS s’interroge sur l’exposition du corps du pape défunt qui aurait créé «un certain malaise». Plus que jamais, notre monde moderne aurait besoin de grands théologiens comme Benoît XVI pour éclairer nos contemporains sur le sens de la vie. Alors que certains journalistes comme Jean-Pierre Denis, ancien directeur du journal La Vie, qui eut des mots très durs à l’encontre de Benoît XVI durant son pontificat, ont avoué avoir été «transformés» par ce pape, la couverture par la RTS de ces journées de deuil pour l’Église catholique a été particulièrement médiocre. Ce mauvais traitement de l’information, relevé de plus en plus souvent par les sphères politiques suisses, risque de contraindre la RTS à entamer une sérieuse remise en question; quitte à devoir à son tour faire face à sa propre disparition…

Nombre de fidèles présents chaque année aux audiences générales, aux audiences spéciales, aux célébrations liturgiques et à l’Angelus de 2000 à 2016 (Source: press.vatican.va)
Nombre de fidèles présents chaque années aux seules audiences générales de 1978 à 2018 (Source: press.vatican.va et agence SIR pour 2018)



Le Scrabble essuie les plâtres du capitalisme woke

Vous pensiez vous livrer à une activité tout à fait innocente en jouant au Scrabble au lieu de regarder des tueurs en série dissoudre les corps de leurs victimes dans de l’acide sur Netflix? Eh bien vous aviez tort, à moins de vous en tenir à un choix de mots garantis sans discrimination de quelque nature que ce soit. Par un vent de puritanisme qui sent délicieusement l’air d’outre-Atlantique, la société Mattel a en effet décidé de bannir toute une série de mots qui, indépendamment de leur valeur morale, entraient jusqu’ici dans l’arsenal des aficionados du célèbre jeu de société. Parmi ces derniers, des termes comme «lopette», «travelo» ou «pouffiasse», qui deviendront inutilisables à l’horizon 2024.

Derrière cette purge, des négociations extrêmement tendues entre Mattel et le comité de rédaction de l’Officiel du Scrabble (CR ODS), le dictionnaire officiel du jeu édité par Larousse. «Mattel souhaitait initialement mettre plus de cent mots sur la sellette et le CR ODS consentait à en sacrifier cinq», explique un passionné ayant vécu ces échanges âpres de l’intérieur. «Mattel a arrêté une liste de vingt-six mots (soixante-deux en comptant les féminins et pluriels) à faire sortir de l’ouvrage de référence et c’est la «solution» vers laquelle on se dirige à l’heure actuelle, si aucun élément nouveau ne vient changer la donne», témoigne ce joueur, très en colère face à des velléités de censure parfois peu compréhensibles du point de vue francophone. «L’exemple de CHICANO (n.d.l.r. appellation péjorative des latinos chez l’Oncle Sam) montre bien que la demande de suppressions de mots est inspirée par les états-Unis», déplore-t-il. «Nous nous sommes opposés à l’éviction de BAMBOULA, dont les sens multiples (fête, tambour) sont manifestes, et ce mot-là n’est plus «menacé». En revanche, le très courant NABOT est toujours incriminé, alors que ce n’est pas l’insulte la plus inqualifiable qui soit…»

La moraline ou le jeu, il faudra choisir

Mais pourquoi ce soudain besoin d’épurer la langue au niveau d’un jeu qui, jusqu’ici, voyait essentiellement – et encore, très rarement – disparaître des noms propres? Mattel SA répond à cette inquiétude directement sur le site de la Fédération Internationale de Scrabble Francophone. Et la société y cache à peine sa volonté de participer à l’élaboration d’un monde si doucereux que les Télétubbies y passeraient presque pour un programme horrifique: «Lorsque l’on joue au Scrabble® – comme dans la vie –, les mots que nous choisissons sont importants. Les mots ont le pouvoir de renforcer, d’encourager et d’honorer, mais ils peuvent aussi être utilisés pour affaiblir, décourager et manquer de respect. En tant que marque tournée vers la famille et consciente de l’impact des mots et de leur évolution, Mattel a fait appel à un linguiste indépendant pour identifier les mots à caractère haineux afin de revoir la liste officielle de mots autorisés à être joués lors des compétitions de Scrabble®.» Soit l’intrusion des sensitivity readers, ces personnes payées pour décréter quelles pages de roman effacer afin de ne choquer personne, jusque dans les jeux de société. Elle n’est pas belle, la liberté moderne?

«Personnellement, j’éprouve un tiraillement entre le choix personnel de ne pas utiliser ces mots insultants dans mon vocabulaire, et le sentiment que l’Officiel du jeu n’a pas pour mission de moraliser la société», témoigne le Vaudois Hugo Delafontaine, multiple champion du monde. «Dans la forme du jeu que je pratique, le Duplicate, il s’agit d’optimiser chaque tirage pour réaliser un maximum de points au coup par coup. On ne peut donc pas s’abriter derrière une stratégie globale, comme dans d’autres règles, afin de contourner certains mots plus ou moins agréables.» De quoi donner parfois lieu à des scènes cocasses: «On en rigole parfois après coup entre joueurs, lorsqu’on a dû utiliser quelques termes salaces ou péjoratifs dans une partie, mais cela pose une réelle question: devrait-on, au nom de la morale, avoir la droiture de ne pas les utiliser? J’ai choisi, pour ma part, d’accepter qu’ils existent et peuvent servir dans ce cadre.»
Pourquoi dès lors, s’aligner sur les désirs de moralisation de la langue de Mattel? Simplement parce que les nombreux passionnés du jeu n’ont pas vraiment le choix: «Le CR ODS subit la pression du fabricant, de même que les fédérations, qui reçoivent des subventions de la marque et doivent donc s’aligner sur ses exigences». A noter cependant que l’interventionnisme à tous les niveaux de Mattel suscite désormais des réactions dans le monde anglophone, touché par une saignée de centaines de mots: «Certains jouent avec l’ancien dictionnaire et appellent le jeu ʻWord gameʼ, pour ne pas utiliser l’appellation Scrabble. En français, on voit s’esquisser quelques velléités similaires, sur les réseaux sociaux notamment», souligne un observateur averti de la scène mondiale. Malgré la polémique, il estime que les joueurs francophones s’aligneront sans doute sur le résultat de cette purge en 2024.

Jusqu’au moment, sans doute, où l’idée de s’adonner à un jeu au lieu de sauver la planète dans une ZAD deviendra elle-même trop subversive.