Le choix collectif de la France : devenir un musée
La France, autrefois reconnue pour sa puissance industrielle et technologique, du Concorde au nucléaire en passant par le TGV, a choisi un autre destin : devenir le plus grand musée du monde. Gauche et droite s’accordent sur cette stratégie et alors que cette évolution est patente aux yeux des Français comme des étrangers, il semble que personne n’ose la décrire.
I. La capitalisation des industries du luxe et l’importance du tourisme : illustration d’un état de fait
L’industrie du luxe joue un rôle crucial dans l’économie française, avec des entreprises comme LVMH, Kering et Hermès qui dominent le marché boursier, surpassant largement ce que la plupart des gens imaginent comme étant LES géants industriels français comme Airbus. Cette domination reflète une orientation économique axée sur le prestige et l’exclusivité, qui attire des touristes du monde entier. De même, le secteur du tourisme continue de croître, contribuant de manière significative au PIB et renforçant l’image de la France comme une destination emblématique, riche en culture et en histoire.
Le luxe a également démontré une résilience et une agilité remarquable lors de la pandémie de COVID-19, avec une adaptation rapide aux ventes en ligne et une diversification de ses offres pour attirer une nouvelle clientèle. En 2020, LVMH a généré 34 milliards de dollars de revenus, consolidant ainsi sa position de leader mondial, suivi de près par Kering et L’Oréal Luxe.
Entreprise | Secteur | Capitalisation boursière (Billion €) | Part dans la capitalisation française (%) |
LVMH | Luxe | 400 | 27.68 |
L’Oréal | Cosmétique | 230 | 15.92 |
TotalEnergies | Energie | 120 | 8.30 |
Hermès | Luxe | 200 | 13.84 |
Sanofi | Pharmaceutique | 110 | 7.61 |
Airbus | Aerospatial | 95 | 6.57 |
Kering | Luxe | 80 | 5.54 |
Schneider Electric | Industrie | 75 | 5.19 |
BNP Paribas | Banque | 70 | 4.84 |
AXA | Assurance | 65 | 4.50 |
II. La convergence des politiques de gauche et de droite
Malgré leurs différences idéologiques, la gauche et la droite françaises semblent avoir accepté cet état de fait, bien qu’elles divergent sur les priorités à adopter pour l’avenir.
A. À gauche
La gauche française met l’accent sur l’existence d’une main-d’œuvre peu qualifiée et peu coûteuse sur le territoire national francais, facilitée par une politique d’immigration favorable. Par exemple, elle soutient des initiatives visant à améliorer l’intégration des travailleurs immigrés dans des secteurs nécessitant peu de qualifications. Elle vise également à améliorer la qualité de vie à travers des initiatives telles que les mobilités douces et les financements culturels dans les villes qu’elle dirige. Une stratégie bas carbone, alignée avec les préoccupations des touristes modernes, complète cette vision en cherchant à concilier réussite économique et éthique environnementale pour le futur musée vivant français. Ces politiques permettent de garantir un label « éthique » aux visiteurs de la France et un storytelling qui participe lui-même de la promotion du luxe et tourisme français.
B. À droite
La droite francaise, en quête d’une identité nationale claire, se concentre sur la défense de la gastronomie, du style, et plus généralement de l’« art de vivre » français. Elle considère ces éléments comme étant menacés par l’immigration ou le « wokisme » et cherche à préserver un mode de vie traditionnel qui attire également les touristes en quête d’authenticité et de patrimoine.
Ainsi, Marine Le Pen et son parti, le Rassemblement National, mettent en avant des politiques visant à protéger la culture et les traditions françaises face à l’immigration. La définition de cette culture française n’a jamais été donnée et correspond plus à une tendance à vouloir protéger un état de fait ou reconstituer une France fantasmée des années 1960 (dont, ironiquement, le souvenir collectif d’une période bénie correspond essentiellement à une hausse du niveau de vie due à une industrialisation efficace et ciblant les technologies de pointe de l’époque).
La défense de la gastronomie française est également centrale à cette vision, au point que cette « identité » fait partie des éléments reconnus au niveau mondial. La gastronomie française, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2010, est vue comme un symbole de l’identité nationale. Cette inscription souligne l’importance des produits locaux, la diversité régionale, et les rituels associés aux repas, qui sont perçus comme des moments de convivialité et d’humanisme propre à la France, que les touristes doivent expérimenter et les militants de droite vivre.
Ces politiques, qui s’articulent autour de l’idée de préserver un art de vivre unique, caractérisé par une appréciation de la bonne cuisine, des vins fins, et des traditions culinaires, cherchent à favoriser autant d’atouts pour attirer les touristes cherchant une expérience authentiquement française, mais sûrement pas pour réindustrialiser le pays ou en faire un pôle technologique.
Ces approches complémentaires de tout l’échiquier politique français convergent vers l’idée de faire de la France un véritable parc d’attraction, mettant en valeur son patrimoine culturel et ses traditions, un tourisme éthique et une main d’oeuvre permettant de soutenir ce modèle économique. Cette transformation est déjà en cours depuis des années. La France, collectivement et sans opposition politique, s’éloigne de son passé industriel pour embrasser une nouvelle identité de pays muséifié.
III. La régulation technologique de l’UE : un désavantage mondial
Cette orientation vers une économie muséifiée coïncide avec la tendance globale de l’Union européenne à réglementer strictement les nouvelles technologies, créant ainsi un désavantage concurrentiel à l’échelle mondiale. Les entreprises technologiques européennes doivent faire face à des contraintes réglementaires plus rigides que leurs homologues internationaux, ce qui limite leur capacité à innover et à se développer.
L’Union européenne a récemment mis en place des régulations telles que le Digital Markets Act (DMA) et le Data Act, visant à renforcer la concurrence et à réguler les géants de la tech comme Google, Meta, et Amazon. Ces régulations imposent des obligations strictes sur la manière dont les données peuvent être utilisées et partagées, et augmentent les coûts de conformité pour les entreprises technologiques. Ainsi, le Data Act force les entreprises à partager leurs données avec des concurrents, ce qui peut dissuader les investissements en innovation et accroître les risques de sécurité.
Ces régulations, bien que visant en théorie à protéger les consommateurs et à encourager la concurrence, freinent la croissance des entreprises technologiques européennes en les plaçant à un désavantage par rapport à leurs concurrents américains et chinois, qui opèrent sous des régulations moins strictes. Ainsi, cette approche réglementaire lourde contribue à renforcer la position de la France comme destination touristique et culturelle, au détriment de son potentiel dans les secteurs technologiques de pointe.
Conclusion
La France a fait un choix déterminant en orientant son économie vers le luxe et le tourisme, au détriment de son industrie. Cette décision, acceptée tant par la gauche que par la droite, a façonné une nouvelle image du pays : celle d’un musée à ciel ouvert, où chaque aspect de la vie quotidienne devient une attraction pour les visiteurs du monde entier. La tendance de l’UE à réglementer toutes les nouvelles technologies accentue cette transformation, créant un désavantage au niveau mondial et consolidant la position de la France en tant que parc d’attraction décroissant. Cette transformation pose toutefois la question de la durabilité et de l’authenticité de cette identité nationale en mutation.
Les jeux olympiques de Paris sont l’illustration parfaite de cette évolution voulue par le pays : les politiques de droite et de gauche débattent quant au contenu des chorégraphies des cérémonies (qu’est-ce que la France ? 1uelles sont les valeurs qu’elle doit mettre en avant ? quel style musical utiliser ?) et 1,4 milliard d’euros ont été dépensés pour tenter de permettre les épreuves de natation dans la Seine, LVMH a fourni les uniformes de l’équipe nationale française. Peu avant, en mars 2024, le président du Centre national d’études spatiales (l’équivalent français de la NASA) évoquait la concurrence dans le domaine spatial par ces mots : « L’industrie spatiale européenne, qui est largement française, est en danger aujourd’hui. Notre industrie ne pivote pas assez vite. Il faut bouger rapidement, réduire les cycles, réduire les coûts, sinon on va tous crever. »
LVMH et Hermès continueront à porter la bourse de Paris mais Ariane 6 est probablement le dernier lanceur spatial européen et français.