Découvrez les charmes de Lausanne la camée

La capitale olympique est pleine d’attraits. Vous pouvez même y acheter une salade au prix d’une dose de crack.
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Depuis quelques semaines, la visibilité de la toxicomanie est LE sujet brûlant de l’actualité lausannoise, avec la hausse du prix du tempeh dans les bistrots sous-gare. Face à la fronde de la population, la municipalité a décidé de serrer la vis et a mis en place une task force de 42 agents pour mieux gérer la problématique. L’objectif, selon Pierre-Antoine Hildbrand (municipal PLR chargé de la sécurité), consiste à « continuer à lutter contre les dealers », mais aussi à « veiller à ce que les consommateurs ne perturbent pas l’ordre public » (24 Heures du 25 août dernier). Il faut dire que des photos d’enfants jouant à proximité de personnes en train de se shooter avaient suscité un certain émoi chez les Lausannois. Le problème n’est certes pas nouveau, mais il semble empirer. Ne soyons toutefois pas trop catastrophistes : gageons qu’il y a même des touristes que ce spectacle séduit. Le Peuple leur offre une visite guidée.

Folklore local. (MF)

Commençons notre virée au centre-ville. Pas besoin de se balader bien loin, en effet, pour découvrir l’enfer de la drogue. Il suffit de mettre les pieds à la riante place de la Riponne. Si, depuis le début de ce déploiement policier, le nombre de dealers semble avoir légèrement diminué, les toxicomanes restent omniprésents dans ce décor de béton. Expérience pittoresque : il est difficile de traverser les lieux sans que quelqu’un vous demande une pièce dans un murmure souvent incompréhensible. Rebelote lorsque vous voulez vous attabler à la terrasse des différents bars ou restaurants du secteur.

Un nouveau local d’injection comme solution ?

Pour lutter contre ces scènes, la municipalité veut ouvrir un nouveau local d’injection dans le coin, puisque celui du Vallon paraît – on est toujours plus sage après avoir engagé l’argent public – trop éloigné aux yeux de la Muni. Mais pour quoi faire ? Il en existe déjà un, très bien réputé d’ailleurs : les toilettes publiques de la place de la Riponne. En dehors des drogués, des policiers et des malheureux employés de la voirie, ces WC ne reçoivent aucun visiteur. Signe de la convivialité des lieux, les marginaux sont souvent entassés à l’intérieur, si bien qu’une porte entrouverte laisse toujours imaginer le pire. Taches de sang, seringues et pipes à crack recouvrent en général le sol. Un jour, j’ai pu observer une touriste cherchant un endroit pour se soulager : peu sensible aux traditions locales, la dame est aussitôt repartie à pas soutenus. Les toxicomanes, pourtant, ne ménagent pas leurs efforts pour apporter un peu d’animation : on les voit faire ainsi d’innombrables allers-retours entre les toilettes et le « string », leur quartier général. Signe que ce beau spectacle n’est pas près de s’arrêter, il faut noter que le futur local, situé au nord de la place, devrait être ouvert 6 jours sur 7, tôt le matin jusqu’à 21h30, comme si les addictions avaient, elles aussi, un horaire.

Spectacle insolite d’une personne se rendant à l’Espace de consommation sécurisé du Vallon. (MF)

Remontons quelques centaines de mètres. Nous arrivons au Vallon, à deux pas de l’Hôtel de Police. Un quartier plutôt calme, doit-on regretter au premier abord. Pourtant le premier local d’injection de la capitale olympique y est installé depuis quelques années mais peu d’usagers semblent s’y rendre, malgré un accueil aux oignons. D’autres coins de la ville sont privilégiés par les marginaux, notamment ceux où il y a davantage de passage. L’espoir de grapiller quelques sous guide leurs pas, comme la météo les coups d’ailes des cigognes blanches. La Riponne représente évidemment la pointe de l’iceberg, mais il suffit de se promener à Chauderon, à Montbenon ou encore à la gare pour découvrir les diverses déclinaisons du spectacle.

Une cohabitation à envier ?

Malgré leurs charmes indéniables, ces traditions locales ne sont plus du goût de tous. Sans cesse perturbé dans son quotidien, un habitant de la Riponne confie son désir de déménager. Il dit « en avoir vraiment marre de cohabiter avec les toxicomanes », et ajoute : « l’hiver, ils squattent les cages d’escaliers des immeubles pour profiter de la chaleur, et l’été, ils empêchent les habitants de dormir avec les fenêtres ouvertes vu les disputes et les cris qu’ils émettent ». Même son de cloche pour les maraîchers qui n’apprécient pas particulièrement d’installer leurs stands tôt le matin dans un décor parfois très authentique. Certains glissent en outre que la présence imposée des personnes dépendantes diminue leurs chiffres.

Le problème des scènes ouvertes de la drogue n’est pas une absolue nouveauté. Non loin de la place du Tunnel, des seringues trainent aux alentours d’un établissement primaire depuis des années, avec les risques que l’on connaît pour les enfants. Il y a quelques semaines, il m’est arrivé d’y voir un homme en plein shoot, littéralement à vingt mètres du préau. La scène se déroulait à la sortie des cours, devant des enfants visiblement habitués mais pas totalement enchantés pour autant. Malheureusement, ces formes de cohabitation plus ou moins heureuses sont de plus en plus fréquentes à Lausanne.

Si le spectacle de la toxicomanie vous plaît, dépêchez-vous de visiter Lausanne, car la municipalité a décidé de mettre les bouchées doubles. Alors que les autorités ont répété durant des années qu’elles ne pouvaient rien faire pour lutter contre ce fléau, voilà qu’une seule décision politique offre un bol d’air bienvenu pour les commerçants et habitants du coin. Mais pas de précipitation, cette lutte ne devrait durer que quatre mois, à moins d’être prolongée si les résultats obtenus sont jugés insuffisants.

Espérons que le secteur du tourisme saura s’adapter.

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