Dieu sans Dieu
En me promenant au boulevard de Grancy, à Lausanne, j’ai été intrigué par une étrange structure architecturale. Qu’était-ce donc ? Comme il était impossible que ce soit une station intermédiaire de télécabine, j’ai opté pour une entrée de parking souterrain avec kiosque et toilettes publiques. Fort de cette constatation, je m’approche dudit édifice et je constate qu’il s’agit d’un lieu de culte, une City-Church. Quel ne fut pas mon étonnement ! A peine de retour chez moi, je me renseigne sur cette étrange église et je dois constater que ce que l’on y fait me semble à l’image de son architecture : vide et froid.
Une architecture qui veut tout dire
De quoi à l’air ce lieu ? Une chapelle ronde et dépouillée ressemblant à une salle de gymnastique, une salle de méditation aussi vide et terne qu’une salle polyvalente, des salles de rencontres et des espaces pour entretiens individuels.
Est-ce bien sérieux ?
La City-Church est présentée dans une vidéo de moins de quatre minutes. En la regardant, je suis pris entre tristesse et colère. J’ai envie de crier ces paroles venant d’un autre temps : Deus Vult ou Montjoie ! Saint Denis !
Dans cette vidéo, on entend, tel un mantra, les mots « intériorité », « recentrer », « chercheur de sens ». La religion présentée ici n’est pas la religion du Dieu qui se fait homme mais bien celle de l’homme qui s’imagine et se pense Dieu. Cela n’a rien à voir avec le christianisme, c’est même son inversion. En fait, nous sommes devant une bouillabaisse psycho-affective de développement personnel.
Ce lieu est pensé et conçu comme un « laboratoire à travers des expositions et des conférences ». Bien plus, pour être certain de plaire et d’être efficace, une chargée de projets culturels y a été engagée. Cette dernière nous apprend, entre autres, que tout un chacun pourra « valoriser le moment » et « le lien avec notre propre corps ». Cela ne s’invente pas !
Un panel d’activités révélateur
En parcourant le site de l’Église catholique du canton de Vaud, on peut découvrir, outre les messes et des méditations de différents types, les activités proposées. Tout d’abord il y a une « atelier d’écriture Maurice Zundel ». De quoi s’agit-il ? « Le but de l’atelier est de créer une carte en forme de flamme pour signifier la lumière. Chaque personne prend un livre de Maurice Zundel et essaie de trouver une phrase qui l’interpelle pour ensuite l’écrire sur la flamme cartonnée. » Rassurez-vous : ce n’est pas pour les enfants, même si cela ressemble à une activité catéchétique de première communion ou de confirmation. Parlons maintenant des conférences « Un auteur spirituel par mois ». Je m’attendais à y trouver saint Augustin, saint Jean de la Croix, le cardinal de Bérulle, saint Théophane le Reclus, saint Nicolas Vélimirovitch et bien non. Il semble que les auteurs faisant autorité cadrent mal dans cette architecture futuriste. On préfère nous entretenir sur Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste, ou Antony de Mello, jésuite dénoncé en 1998 par le cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI) pour son syncrétisme.
Rien de nouveau sous le soleil
Cette religiosité du Pays des Merveilles n’est pas nouvelle. En 1963, l’évêque anglican John Robinson publie Honest to God, une véritable bombe qui fait pénetrer dans la communion anglicane la « théologie de la mort de Dieu ». Robinson s’attaque à l’idée d’un Dieu transcendant et extérieur à l’homme et propose une conception immanente de Dieu, présente dans chaque être humain. Fini l’Être transcendant et tout-puissant, la théologie et la spiritualité doivent dorénavant s’adapter au monde moderne.
De quoi est-ce le nom ?
Cette City Church est le signe et l’illustration du mal dont est rongé le christianisme. L’église urbaine du boulevard de Grancy et ses activités ne sont pas un progrès, mais un retour à l’arianisme, l’hérésie négatrice de la divinité du Christ. Comme le souligne saint Justin Popovitch (1894-1979) : « L’arianisme n’a pas encore été enterré, il est aujourd’hui plus à la mode et plus diffusé que jamais. Il s’est répandu comme l’âme dans le corps de l’Europe contemporaine. Si vous considérez la culture de l’Europe, vous verrez qu’elle cache, au fond, l’arianisme : tout s’y limite à l’homme et à lui seul, et l’on a réduit le Dieu-Homme, le Christ, aux limites de l’homme. » (L’homme et le Dieu-Homme, trad. J.-L. Palierne, L’Age d’homme, 1989)
En écrivant, j’écoute le Cantique de Racine mis en musique par Gabriel Fauré et je me dis que la City Churchet ses activités ne sont rien par rapport à la foi de l’Église. Ce n’est qu’une mode et la mode ça passe. Preuve en est, les audaces qu’on programme à Lausanne sont pour la plupart dépassées depuis cinquante ans.
A bon entendeur, salut !