L’Observatoire du progrès // février 2025 : spécial apéro !

Il y a ceux qui, pipette à la main, cherchent des vaccins, des traitements, des solutions aux grandes crises sanitaires. On parle alors de recherche fondamentale, de cellules, de duplication des résultats. On pense à Marie Curie, à Louis Pasteur et à tant d’autres héros qui ont amélioré notre quotidien à travers les âges.

Et puis à Sion, il y a ceux qui travaillent, aux frais du contribuable, dans un autre type de laboratoire, le « laboratoire du Vivre-ensemble ». Créée par le conseil municipal en 2019, cette structure « s’attache à favoriser le lien social, le dialogue intergénérationnel et les processus participatifs », nous explique Pierre-Yves Debons, chef du service Économie et Énergie.

« Ouïe mes impôts », nous confie une lectrice qui admet avoir été un peu surprise par le récent coup d’éclat de ladite structure : un guide de l’apéritif durable et responsable, publié le 11 février dernier. Mais qu’elle se rassure : « L’essentiel du travail ayant été réalisé en interne, le montant est très modeste et concerne la mise en page et le design de la brochure : 2480 francs », nous assure la Ville, qui oublie de préciser que ses collaborateurs ne travaillent pas gratuitement non plus.

Un devoir d’exemplarité

Mais à quel besoin répond ce guide ? L’idée, nous dit-on, est de sensibiliser les personnes qui les préparent aux enjeux de durabilité : « En tant que collectivité publique, la Ville de Sion estime qu’elle a un devoir d’exemplarité dans l’organisation de ses propres événements publics. Et qu’elle est légitimée à sensibiliser également les privés (aux) bonnes pratiques. » Parmi celles-ci, le recours aux produits locaux et de saison, le choix des filières de proximité, de vaisselle réutilisable, l’incitation à utiliser des transports publics… Et le haut fonctionnaire de nous rappeler que Genève (sous la férule du Vert Antonio Hodgers) avait déjà commis un document similaire en 2022.

Pierre-Yves Debons comprend-il néanmoins la surprise que génère la publication de ce nouveau document ? « Le goût des Valaisans pour l’apéritif fait partie des clichés qui collent à notre canton, admet-il. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Mais si cela permet de faire connaître ce petit guide, et surtout sensibiliser les organisateurs d’événements à des pratiques durables et responsables, alors on va dire que c’est positif. »Sans doute que ça peut même permettre de faire passer la pilule (bio). Le journaliste Vincent Pellegrini ne semble toutefois guère convaincu : « Le guide demande de ne prendre que des vins sédunois. Les encaveurs valaisans apprécieront…. C’est quoi l’étape suivante : l’installation d’un poste de douane à l’entrée de Sion ? » Quant à nous, nous espérons qu’il n’y aura pas de barrage policier devant la boutique locale des Magasins du Monde.




Nous autres, gargouilles

Il y a un charme médiéval à rappeler, édition après édition, que le progrès ne va pas de soi et que ses retombées peuvent s’avérer funestes. Un plaisir particulier à agacer ces internautes au ton d’infirmière scolaire, qui s’évertuent à nous faire la leçon en rappelant que telle ou telle catégorie est encore largement stigmatisée, et qu’il conviendrait de ne pas en rajouter. Qu’ils se rassurent : telle n’a jamais été notre intention, et tel n’a jamais été le cœur de notre contenu. Sinon, nous aurions déjà fait l’objet d’un déluge de plaintes, tant les libertaires d’aujourd’hui dissimulent mal leurs furieuses envies de pénal…

Ces derniers jours, nous avons révélé le contenu proprement hallucinant d’un cours d’éthique et cultures religieuses à Romont. Non pas parce qu’il permettrait à des minorités d’être davantage respectées – ce qui, en soi, pourrait être un noble objectif – mais parce qu’il affichait une brutalité totalitaire dans l’expression de ses présupposés. Peut-on considérer, comme il l’expose, que le genre est une construction sociale complète, totalement déconnectée du sexe biologique ? Oui, bien sûr. On peut. Suivant son idéologie. Tout comme on pouvait considérer que « Homme et femme, Il les créa », une idée qui, jusqu’à la fin du siècle dernier, irriguait encore une civilisation façonnée par la foi chrétienne.

Débiteurs insolvables que nous sommes

Si nous combattons l’endoctrinement actuel, ce n’est pas par nostalgie béate. Il n’est pas question d’idéaliser tous les aspects de l’ancien monde. Mais dans celui où nous avons grandi, l’autorité ne prétendait pas être cool, et nous avons connu des passeurs, de vrais maîtres, de gauche comme de droite. Sans une institutrice socialiste surnommée Mama Africa, en raison de son dévouement aux réfugiés, peut-être même qu’il n’y aurait personne au bout de ce clavier… Mais tous, par-delà leurs divergences idéologiques, partageaient une même certitude : on n’enseignait pas aux enfants ce qu’ils devaient penser, mais comment raisonner, pour mettre des mots sur ce qu’ils pressentaient sans l’exprimer.

Nous avons appris à nommer les choses, mais aussi à les figurer. Et l’image qui s’impose aujourd’hui, c’est celle de la gargouille. Mi-grotesque, mi-menaçante, elle scrute l’horizon pour protéger le lieu saint, perdue quelque part dans la brume. Elle alerte et préserve, du fond des âges. Quelle créature serait ce journal sculpté dans la pierre ? Un singe ? Un hibou ? Peut-être tout simplement une vache. Une vache qui broute, paisiblement, mais qui n’hésiterait pas à charger pour défendre ses petits.

Mais les protéger de quoi, au juste ? N’est-il pas heureux que l’école explique aux enfants qu’ils peuvent se sentir en décalage avec les normes habituelles ? Certainement. Il est en revanche détestable qu’on les pousse à se construire une identité – non-binaire aromantique pansexuelle, par exemple – comme on sélectionne les caractéristiques d’un personnage de jeu vidéo.

Nos gouvernements demandent régulièrement pardon pour les monstruosités du passé, qui les ont parfois vus arracher des enfants à leurs familles – nomades, par exemple – pour les rééduquer au nom du progrès. Mais cette histoire honteuse ne devrait-elle pas nous rendre plus prudents, alors qu’à nouveau, des enfants sont arrachés au sens commun par les militants les plus radicaux du genre, sans que leurs parents aient leur mot à dire ?

Alors oui, comme des gargouilles, nous sommes archaïques, un peu curieux, un peu déplaisants. Mais nous sommes là pour avertir.




Document fou de Romont : place au combat politique !

L’onde de choc est immense après la révélation, cette semaine sur notre site, d’un document totalement fou présenté à des écoliers de Romont.

Alors que les services de l’État plaident l’erreur isolée, deux députés – Ivan Thévoz et David Papaux demandent désormais des comptes. Nous relayons ici leur appel, visible aussi sur le site du Canton de Fribourg :

Lors de la session d’octobre 2024, la motion Papaux/Thévoz 2024-GC-83 attirait l’attention des autorités sur l’infiltration croissante de la théorie du genre et de la transidentité dans les écoles fribourgeoises, ainsi que sur la promotion de cette idéologie à travers les « ateliers de prévention » dans les cycles d’orientation. Malgré les témoignages alarmants de parents faisant état de l’endoctrinement progressif de leurs enfants dès leur plus jeune âge, cette motion fut balayée par le Parlement. Nous dénoncions déjà l’infiltration insidieuse des idées wokistes et de genre dans les murs des écoles, sans aucune transparence ni consultation des parents. Mais ce jour-là, on nous a ri au nez !

Aujourd’hui, le magazine Le Peuple révèle qu’au CO de Romont, lors d’un cours d’éthique, un document prônant la liberté pour les adolescents de « vivre leur sexualité », d’avorter, de choisir leur identité de genre et de remettre en cause la distinction biologique entre hommes et femmes a été présenté aux élèves. Un contenu qui, loin de susciter la réflexion, infantilise et manipule les adolescents à travers une mise en scène simpliste. Une image de licorne violette, par exemple, est utilisée pour enseigner que le sexe serait « assigné » à la naissance par les médecins et non par un constat biologique simple. Ce document ne fait pourtant pas partie des ressources officielles des cours d’éthique et de cultures religieuses, comme l’a confirmé le Service du médecin cantonal.

Le Conseil d’État, par l’intermédiaire de la Direction de la formation et des affaires culturelles (ci-après : DFAC), a bien tenté de se dédouaner en expliquant qu’il s’agissait d’une « initiative personnelle » de deux enseignants du cycle d’orientation de la Glâne. Selon la secrétaire générale adjointe de la DFAC, l’erreur aurait été corrigée le 14 février dernier. Mais il ne faut pas se laisser duper : cette situation révèle un problème bien plus grave et systématique. Le programme officiel est-il si facilement contourné par des enseignants qui se croient autorisés à enseigner leurs propres convictions militantes ?

Lors de nos prises de position en plénum, nous avions déjà mis en garde contre les dérives de certains enseignants qui, en toute impunité, déviaient des contenus validés par le canton. Des parents nous ont rapporté des cas inquiétants où leurs enfants, confrontés à ces théories de genre, ont vu leurs repères bouleversés, les plongeant dans un malaise profond. Ces dérives idéologiques dans les écoles fribourgeoises ne sont plus des cas isolés ; elles deviennent une norme et il est grand temps que le Conseil d’État prenne ses responsabilités.

Les parents d’élèves fribourgeois ont le droit d’attendre une réponse claire et transparente des autorités. La dérive idéologique dans nos écoles n’est pas qu’un simple écart pédagogique. C’est un véritable risque pour l’avenir de nos enfants.

C’est pourquoi nous exigeons des réponses claires et transparentes aux questions suivantes :

  • Les parents ont-ils été informés de l’erreur commise par ces enseignantes ? Et, de manière plus large, comment le Conseil d’État assure-t-il que les élèves reçoivent une information objective et équilibrée, contrebalançant les théories de genre qu’ils ont pu recevoir ?
  • Le Conseil d’État accepte-t-il que des enseignants se permettent d’enseigner l’idéologie de genre selon leur propre interprétation, en dehors des cadres officiels ?
  • Quelles mesures concrètes seront appliquées pour éviter que ce genre de contenu idéologique ne se répète dans nos écoles ?
  • Quelles sanctions le Conseil d’État compte-t-il entreprendre à l’encontre des enseignantes qui ont dévié des programmes éducatifs validés par les autorités cantonales, comme cela fut le cas à Romont ?

Selon nos informations, des suites au niveau fédéral sont également possibles. À suivre.

Consultez le document en entier
(PDF visible des abonnés seuls, veillez à vous connecter !)

Ne vous contentez pas d’être contents que nous existions !
Nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheurs de penser en rond et d elanceurs d’alertes.  
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/




Le document fou présenté à des élèves fribourgeois

« Même si tu as moins de 16 ans, cela signifie que tu as le droit de te marier ou non. » Dès la page deux, le ton est donné : le document récemment transmis à des élèves de 11H (14-15 ans) à Romont pousse loin le militantisme. En vingt pages, ce support d’un cours d’Éthique et cultures religieuses (!) accumule les doctrines les plus avancées du progressisme en matière de genre, quitte à lâcher quelques contre-vérités en route.

Un contenu ahurissant

Dans ce document transmis au Peuple, les droits des mineurs sont présentés d’une manière qui interpelle. On y apprend que les adolescents ont le droit de « vivre leur sexualité », d’avorter, de choisir leur identité de genre et de remettre en cause toute distinction biologique entre hommes et femmes, le tout dans un style qui fait la part belle à une mise en scène infantilisante. Ainsi, une image de licorne violette en page trois est utilisée pour faire passer le message que le sexe serait « assigné » à la naissance – donc le résultat d’un choix des médecins – et non pas un simple constat médical. Un endoctrinement en douceur, presque cartoonesque, qui tient pour acquis une vision où tout serait interchangeable et malléable. Que d’éventuels débats scientifiques et médicaux existent, y compris dans certains courants féministes, les élèves n’en sauront rien.

En page quatre, un autre visuel présente « René », qui s’identifie comme homme, est né intersexué et se montre attiré à différents degrés par les autres genres. Cet exemple flou semble vouloir encourager les élèves à percevoir leur propre identité comme un spectre mouvant, sans cadre fixe. Sous le dessin de René, la consigne pousse les élèves à accumuler des catégories identitaires, comme on modèle un personnage de jeu vidéo.

Ne vous contentez pas d’être contents que nous existions !
Nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheurs de penser en rond et d elanceurs d’alertes.  
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/

Un dernier exemple pour la route ? En pages cinq et six, les élèves sont amenés à commenter la vie de deux personnes trans, notamment l’impossibilité pour Eliot de faire l’armée. « Malgré ses bons résultats lors du recrutement, pourquoi Eliot a-t-il été jugé inapte par l’armée ? Pourquoi est-ce injuste ? », demande le document, qui transforme un cas individuel en injustice systématique. Un cadrage hautement autoritaire qui suppose d’emblée que l’armée est un visage du mal et que la réflexion critique de l’élève ne doit aller que dans un sens. Vous avez dit rééducation politique ?

Les exemples de ce genre abondent. La plupart décrivent un monde où toute interaction sociale peut être source d’oppression, plutôt que d’apprendre aux élèves à naviguer avec intelligence et maturité dans la société. Le document encourage une hypersensibilité qui peut rendre plus difficile la gestion des réalités du monde adulte.

Une réaction rapide des autorités… mais pas de tout le monde

Mobilisé dans le cadre de notre enquête, le Service du médecin cantonal a rapidement pris ses distances : ce document n’a jamais été validé par les instances officielles et ne figure pas parmi les supports reconnus en matière d’éducation sexuelle, dispensée en 10H sur ce type de thème. « La responsable des cours n’a jamais vu ce document », nous écrit-on en gras. Il ne figure pas non plus parmi la documentation officielle des cours d’Éthique et cultures religieuses.

Après investigation, la Direction de la formation et des affaires culturelles (DFAC) nous a expliqué qu’il s’agissait d’une « initiative personnelle » de deux enseignants du cycle d’orientation de la Glâne. « Selon notre analyse et celle du service de l’enseignement, il s’agit d’une erreur dans le choix de cette thématique pour des cours d’Ethique et cultures religieuses », précise Marianne Meyer Genilloud, secrétaire générale adjointe de la DFAC. Ladite erreur a déjà été corrigée, et les élèves informés de la situation vendredi 14 février. 

Page 2

Quant à l’affirmation selon laquelle les enfants de moins de 16 ans peuvent se marier, « manifestement erronée » selon Mme Meyer Genilloud, elle se trouve dans un document de l’organisation faîtière des centres de santé sexuelle et des services d’éducation sexuelle en Suisse, Santé Sexuelle Suisse. La fondation, présidée par la conseillère nationale verte vaudoise Léonore Porchet, n’a pas répondu à nos questions, pourtant transmises le 12 février dernier. L’élément problématique lui sera toutefois communiqué par la DFAC.

Une erreur vraiment isolée ?

L’explication officielle est rassurante : il s’agirait d’un simple écart pédagogique, d’une initiative maladroite sans lien avec le programme cantonal. Mais cette affaire révèle un problème plus profond : comment un document aussi radical a-t-il pu être utilisé en classe sans que personne ne réagisse ?

Pour Isabelle Favre, secrétaire cantonale de l’UDC Fribourg, ce dérapage n’est pas anodin. Ces dernières années, l’UDC a reçu de nombreux témoignages de parents inquiets face à l’orientation militante de certains cours d’éducation sexuelle et de sensibilisation au genre. Cette affaire n’est donc peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Elle-même, en retirant son enfant d’un cours d’éducation sexuelle qu’elle percevait comme trop orienté, s’était naguère vu répondre que sa progéniture serait fatalement marginalisée dans la cour d’école. Comme s’il y avait une bonne et une mauvaise marginalisation : celle des enfants de conservateurs, et celle des personnes en questionnement de genre. Comme si, aussi, il ne fallait pas prévenir les deux…

La suite ?

Dans le canton de Fribourg, notre enquête fait grenouiller. D’après le secrétariat de l’UDC, le conseiller national Nicolas Kolly devrait prendre position dans les prochains jours. L’UDC exige des garanties pour que de tels supports ne puissent plus se retrouver entre les mains des élèves. Affaire à suivre.

Consultez le document en entier

(PDF visible des abonnés seuls, veillez à vous connecter !)




Non à la talibanisation de nos camps de ski

Il y a une chose qui perd la gauche depuis des décennies, et qu’Orwell dénonçait déjà dans Le Quai de Wigan : « un sens de l’ordre hypertrophié » (chapitre XI). Jeudi 13 février, la politicienne verte neuchâteloise Nicole Baur, qui a longtemps occupé la riante fonction de déléguée à l’égalité, l’a une nouvelle fois démontré. Invitée par l’émission Forum sur la RTS, la présidente du comité scolaire de l’école obligatoire de la région de Neuchâtel a ainsi défendu une interdiction – ô surprise ! – visant les quelques rares enseignants et moniteurs qui se risquent encore à encadrer des enfants lors des camps de ski : leur interdire de boire un verre en présence des élèves.

Non pas que la majorité de ces professionnels de l’éducation soient alcooliques, irresponsables ou dangereux, non. Simplement, a-t-elle expliqué, des abus récents auraient entraîné un besoin de « clarifier et mettre un cadre ». Aux adultes, donc, pas aux élèves. « Nous avons estimé, a poursuivi la conseillère communale en charge des écoles de la ville de Neuchâtel, que – en termes d’exemplarité – les adultes ne doivent pas boire devant les élèves. »

Message important !
Cet coup de griffe vous est offert mais nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheur de penser en rond. 
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/

Le clou du spectacle : la politicienne a aussi précisé que les parents d’élèves n’étaient pas du tout à la manœuvre, mais que des problèmes de comportement, notamment des attitudes sexistes, avaient entraîné la directive.

La décision, jugée infantilisante par certains accompagnants, pose une question civilisationnelle : pourquoi, dans une société construite autour du pain et du vin, la consommation d’alcool serait-elle soudain devenue le signe d’un manque d’exemplarité ? Un enfant ne trouve-t-il pas un beau modèle chez ce professeur qui boit son verre avec la fondue après le ski, mais dans les limites du raisonnable ? N’est-il pas sain de montrer à des écoliers que l’alcool peut s’inscrire dans un art de vivre, lorsqu’il est consommé… en adultes ?

À ceci, Mme Baur rétorque : « L’alcool est dans tous les cas mauvais. » Nous lui répondrons que c’est le monde qu’elle nous prépare qui nous semble le plus dangereux. Un monde où les enfants n’auront plus personne pour les encadrer en camp de ski, mais où ces sorties seront en tous points exemplaires… sur le papier.




Markus Ritter : et la RTS inventa le délit de christianisme

« Un croyant tendance traditionnaliste », un catholique proche d’une Église évangélique jugée « problématique » et, en résumé, un allumé complet. Voici le portrait que la RTS vient de dresser de Markus Ritter, candidat centriste à la succession de Viola Amherd au Conseil fédéral.

Il faut dire que le Saint-Gallois accumule les tares : déjà, il est paysan et pas graphiste végan. Ensuite, non content d’avoir une vie de foi intense – quoi qu’elle n’ait jamais gêné personne jusqu’ici – voilà que ce catholique a le mauvais goût d’entretenir de bonnes relations avec la Fondation Schleife, une Église évangélique libre dont les membres vont jusqu’à prier pour lui.

Message important !
Cet article vous est offert mais nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheur de penser en rond. 
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/

Vous pensiez que la liberté de croire (ou de ne pas croire) était l’une des grandes richesses de notre société ? Vous êtes bien loin du compte ! C’est un « spécialiste » des mouvements religieux sollicité par la RTS qui nous l’explique. Grâce à un spectaculaire procès par association, ce dénommé Hugo Stamm nous décrit cette communauté qui adhère à des conceptions particulièrement saugrenues, notamment l’existence du diable et la crainte du jugement dernier. « Des croyances très dogmatiques, qui créent des dépendances très problématiques », assène l’expert, qui oublie juste de mentionner que ces idées sont à la base de la foi chrétienne. Dans son réquisitoire, la RTS ajoute que Markus Ritter a l’audace de se confier au saint patron de notre pays, Nicolas de Flüe, au point de vouloir se rendre à son ermitage la veille de l’élection. Gageons que s’il s’était prosterné devant saint Nemo, le traitement journalistique eût été plus charitable.

Cette prudence si suspecte

Devant l’inculture générale en matière de religions, le sujet du service public peut sembler relativement innocent. Mais qui connaît un peu les techniques de manipulation de l’opinion ne peut fermer les yeux devant plusieurs manœuvres grossières : par exemple, le Saint-Gallois affirme une réserve extrêmement prudente, voire normande, face à différents sujets liés à la bioéthique (avortement, mariage pour tous, reconnaissance des non-binaires) vers la fin du sujet. Pour quel résultat ? Le verdict, sous la plume de la RTS, d’une « foi traditionaliste assumée (qui) tranche avec son parti », dans la phrase suivante !

Château de Colombier (Neuchâtel), l’un des volets de l’ensemble « Les Origines de la Confédération » peint par Charles L’Eplattenier. Bientôt l’objet d’une enquête vigoureuse du service public ? (image OPAN/Wikimedia Commons)

Mais allons plus loin : une rapide recherche dans les archives nous montre que plusieurs de nos sept sages ont déjà témoigné de leur rapport plutôt conciliant à la foi chrétienne : Guy Parmelin, dans reformiert.info, Karin Keller-Sutter, chez Kath.ch, Beat Jans, à nouveau chez reformiert.info. Pourquoi Markus Ritter, dès lors, fait-il face à un tel tir de barrage de la RTS ?

Formulons une hypothèse : KKS est une libérale, dont la foi peut être considérée comme un élément décoratif. Parmelin est un UDC, donc de toute manière perdu pour la cause aux yeux du progressisme. Quant à Jans, il a le bon goût de faire part de son malaise avec l’idée d’un Dieu masculin, auquel il ne croit de toute manière pas. S’il a de la sympathie pour l’Évangile, c’est donc uniquement pour ce qu’il a de compatible avec le programme du Parti socialiste.

Nous le disons depuis bientôt trois ans, dans ce journal : le progressisme, lui aussi, peut se radicaliser, au point de traiter comme des anomalies suspectes tous ceux qui ne se vautrent pas devant lui. C’est une ligne politique qui a sa cohérence, et que la Verte Léonore Porchet incarne avec brio lorsqu’elle déplore, au micro servile de la RTS, que le parti de Markus Ritter penche vers le « conservatisme » plutôt que vers « l’humanisme » de la domestication subventionnée et des bloqueurs de puberté.

En somme, nous sommes passés du christianisme religion d’État à l’anticléricalisme religion d’État, avec obligation de cotiser. Amen.




Édition 42 – Un Dieu, pas de maître

Critiques du progressisme hégémonique depuis nos débuts : comment nous positionnons-nous face au grand virage à droite américain et mondial ? Cette édition vous en donne un aperçu.

Au menu :
– Nos adieux à Justin Trudeau
– Une découverte du milieu mormon
– Un front souverainiste qui s’ouvre à l’extrême-gauche
– Notre traditionnel observatoire du progrès
– Une défense de l’école de théologie HET-PRO, accusée de « radicalisme »
– Un regard orthodoxe sur l’obsession vaticane du « synode »

Bonne lecture !

Merci de votre soutien et de vos abonnements indispensables pour que nous puissions poursuivre notre chemin.

Consultez la nouvelle édition numérique

(édition visible des abonnés seuls, veillez à vous connecter !)




L’Observatoire du progrès // janvier 2025

Et Trump se mit à trembler

« Réunis en assemblée, les écologistes ont adopté un texte en faveur de la pluralité des identités de genre. Une réponse aux décrets de Donald Trump. » À première vue, on pourrait croire à une parodie grolandaise, mais il n’en est rien : les Verts suisses ont bel et bien décidé, le mois dernier, de montrer à Trump de quel bois ils se chauffaient. Leur arme fatale contre le président américain ? Soutenir l’introduction d’un genre non binaire dans la loi suisse, comme nous l’apprend le journal 24 heures.

Évidemment, Trump, le peroxydé de Washington, n’a jamais eu pour priorité de sauver la planète. Mais pourquoi les Verts s’encombreraient-ils encore d’écologie ? Mieux vaut foncer dans le mur électoral à coups d’études de genre, c’est tellement plus précieux. Et quand il fera 50 degrés l’été, les forêts partiront peut-être en fumée, mais les messieurs auront, grâce à eux, la satisfaction de pouvoir se balader en jupette.

Le Vert est dans le fruit

Écologie, toujours, avec la riche idée de l’inénarrable vert lausannois Ilias Panchard. En janvier, le toujours très spectaculaire politicien a déposé un postulat, naturellement plébiscité par la majorité de la gôche locale, visant à désarmer les agents de police municipaux pour certaines missions : notamment pour le travail administratif au bureau et les déplacements dans les « quartiers populaires », comme on dit. Une idée lumineuse, en effet, que de créer des policiers de seconde zone ; on sent bien que l’élu possède une connaissance fine du terrain.

Mais la palme revient sans conteste à cette analyse du principal intéressé, confiée au Blick : « Savatan forme des agents, mais beaucoup n’ont pas envie d’aller travailler à Lausanne. Pour moi, c’est parce qu’ils sont trop portés sur les interventions et pas du tout sur les liens avec les habitants, et ça ne correspond pas à la vision de tout le monde. »
C’est bien connu : la majorité des jeunes qui envisagent une carrière dans la police rêvent avant tout de donner des itinéraires aux touristes ou de sauver des canards.

Le principe de non-contradiction, ce reste de la domination masculine

« Toutes pour unes » est « victime du mépris patriarcal » du public français, nous apprend Libération. Version féminisée des Trois mousquetaires, le film de la réalisatrice Houda Benyamina fait un flop retentissant. Mais attention, inutile d’en chercher les raisons dans le scénario ou la mise en scène : c’est, évidemment, parce que les hommes sont très méchants (et, accessoirement, parce qu’ils enchaînent leurs épouses à la cuisine pour les empêcher de courir au cinéma).

Et pour vous convaincre de cette sombre conspiration patriarcale, voici quelques extraits d’une chronique du film qui le qualifie « d’étrangement atone et inoffensif », en plus d’être doté d’une « intrigue (…) réduite à pas grand-chose ». Mais cessons là : à ce niveau de méchanceté, c’est vraiment trop patriarcal. À tel point qu’on peine à croire que ça ait pu être rédigé par Didier Péron, un journaliste… de Libération !

Le Temps, journal de droite

« Quitter son mari et détruire le capitalisme » : voilà le programme enthousiasmant que nous propose le dernier essai d’Alex Tamécylia, « fine plume de la cause queer », selon Le Temps. On dit nous, parce que, vu que le journal que vous tenez entre les mains est progressiste et farouchement opposé à toute hétéronormativité, mieux vaut se montrer inclusif à l’extrême. Comme Le Temps, d’ailleurs, qui salue une « prose qui décoiffe et réveille ».

Un autre truc qui décoiffe et réveille, assez régulièrement, c’est la disparition des titres classiques et les charrettes de journalistes. Une coïncidence, sûrement.

Pas notre tasse de laïcité

Comme ne pas terminer ce voyage en Absurdistan avec une magnifique polémique datant de la rentrée à Toulouse. Tenez-vous bien, des fèves à l’effigie de Jésus, Marie ou de Joseph y ont été cachées dans les galettes des rois distribuées dans les cantines scolaires ! De quoi indigner Agathe Roby, élue LFI (extrême-gauche) qui a exigé des excuses de la mairie pour cette entorse au principe de laïcité. 

S’il y avait eu une fève pour représenter la reine des imbéciles, pas sûr qu’il y aurait eu besoin de prendre des libertés avec la laïcité.




La HET-PRO face à la radicalisation progressiste

Ce billet est tiré de l’infolettre personelle de l’auteur.

Depuis une bonne semaine, je suis pris dans des échanges de courriels plus ou moins venimeux autour d’une publication d’un de mes anciens professeurs d’université, le théologien Pierre Gisel. Versé depuis toujours dans les questions liées à la religion, j’ai suivi quelques cours dans le domaine durant mon parcours académique. C’était au sein de ce qu’on appelait alors le DIHSR, le département interfacultaire en histoire et sciences des religions, à l’Université de Lausanne. En effectuant quelques recherches pour ce billet, je constate qu’il semble avoir disparu. Quoi qu’il en soit, c’est dans ce cadre que j’ai suivi l’enseignement de Pierre Gisel, avec d’ailleurs un certain plaisir et généralement de bonnes notes. Il faut dire que je savais proposer ce qu’ils voulaient à mes profs : de l’évangéliques-bashing pour Pierre Gisel (souvenir d’un cinq et demi ou d’un six avec un travail très anti-créationniste, du catholicisme canal historique pour d’autres et pas mal de nihilisme en général.

Mon ancien professeur, Pierre Gisel, fait justement parler de lui depuis plusieurs jours avec un papier qui présente la HET-PRO, une Haute École de théologie basée à Saint-Légier, comme « un lieu de radicalisation intra-protestant ». Diantre ! Il faut dire que les diplômés qui en sortent ne semblent pas avoir perdu la foi durant leur cursus, ce qui peut paraître suspect. Plus inquiétant encore, certains songent à répondre au manque de vocations au sein des Églises étatiques avec ces gens. L’on peut comprendre que pour un ponte de l’Université de Lausanne, qui pousse plutôt ses étudiants dans les filets du chamanisme, la chose fasse l’effet d’un choc.

Il ne m’appartient pas ici d’aborder point par point le billet paru dans ThéoRèmes (après avoir été refusé par une autre revue). Dans un communiqué, l’école l’a fait mieux que moi, qui ne suis pas du sérail et ne connais pas le dessous des cartes. Mais il y a quand même deux détails de l’argumentation de Pierre Gisel que j’aimerais aborder, car ils me rappellent ce que subissent aussi les catholiques qui entendent encore transmettre autre chose qu’un doute généralisé.

Message important !
Cet article vous est offert mais nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheur de penser en rond. 
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/

Une ouverture à géométrie variable

Dans son papier, Pierre Gisel distingue deux groupes dans l’évangélisme. Il mentionne d’abord « une grande majorité de personnes qui ont été socialisées chrétiennes dans cette mouvance mais peuvent en présenter des formes light, à quoi s’ajoutent des postévangéliques ou en voie de l’être, socialisés dans ce milieu mais entrés sur un chemin réflexif, intégrant donc de la critique (…) ».

Ce passage m’a intéressé parce qu’en creux, il affirme qu’avant d’avoir quitté son milieu, ou du moins d’avoir pris ses distances avec ce dernier, un évangélique ne peut pas entrer dans un « chemin réflexif ». Hors de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), point de salut ? En tout cas, je constate que sous couvert de dénonciation du radicalisme, les caricatures de tout un milieu vont bon train. Ces gens qui professent sans arrêt le goût de l’ouverture (dans le même registre, les catholiques ont un pape qui parle des « périphéries ») ont tout de même une étrange tendance à caricaturer les marges qui ne leur plaisent pas, évangéliques d’un côté, traditionnalistes de l’autre. Et qui s’aventurera à demander un tout petit peu plus de charité pour l’un ou l’autre passera rapidement pour un extrémiste lui-même. Je peux le dire, je le vis depuis trois ans.

Pour avoir un peu fréquenté le milieu des théologiens progressistes, lors de mes années d’études, j’ai le sentiment que l’accusation de radicalisation pourrait largement lui être renvoyée : pourquoi le papier de M. Gisel est-il à ce point autoréférentiel, par exemple ? N’est-ce pas que ce monsieur rechigne à mettre en doute sa propre idéologie ? Pourquoi n’y a-t-il pas une autocritique de leurs présupposés chez ces gens qui tiennent le couteau théologique par le manche depuis des décennies ? J’avais eu, il y a une vingtaine d’années, un prof – en théologie systématique – qui était branché sur « l’érotique de l’absence » : s’est-on demandé si ça poussait réellement des gens à s’engager pour les Églises ? M’est avis que non, car ce petit entre-soi était certain de se confondre avec la science et le progrès et que tout ce qui s’interrogeait poliment sur leur production leur semblait venir des ténèbres.

Mais poursuivons : dans les lignes qui suivent le passage que je citais un peu plus haut, l’auteur décrit aussi « un groupe qui a pris le pouvoir, avec un agenda ». Un groupe, dit-il, « minoritaire, mais actif et stratège et, ces temps, plutôt gagnant. » Vu comme ça, c’est vrai que ça fait peur, mais quand Pierre Gisel dénonce ce fameux groupe qui « a pris le pouvoir », peut-être oublie-t-il de mentionner qu’il s’inquiète en réalité essentiellement de perdre le sien. Derrière la fumée scientifique se cache si souvent une toute triste lutte de territoire…

À la HET-PRO : des fruits contre la stérilité

Les visiteurs de la HET-PRO ont eu l’occasion de découvrir une « radicalisation » comme on en voudrait davantage, samedi 25 janvier. (Image fournie par la haute école).

Je me suis rendu samedi à la HET-PRO. Comme ma nature me pousse à fuir les officialités, je me suis limité à lâcher une vanne gentillette – mais qui a assez mal passé – à un représentant de l’Église réformée avant de passer la plus grande partie de mon temps avec des étudiants dans les espaces détente de l’école (salle de sport et salle de billard). C’est vrai que mes interlocuteurs semblaient tous croire en Dieu, mais pour le reste ils ne m’ont pas particulièrement paru radicalisés. Je pense même que l’anticatholicisme qu’il m’arrive encore de vivre dans d’autres cadres deviendrait un lointain souvenir si tout le monde passait par cette école. J’ai parlé avec un bonhomme de mon âge, très doux et fan de frisbee, qui voulait accompagner les sportifs en Suisse romande, rigolé avec un jeune couple tout paisible appelé au pastorat, retrouvé un copain de muscu, autrefois très radical dans sa foi, et désormais élogieux à propos de la manière dont je vis la mienne. J’ai visité une superbe bibliothèque, comportant davantage de bouquins sur Saint Thomas d’Aquin que chez bien des catholiques pour qui l’idée de la tradition devient malheureusement un repoussoir. Bref, j’ai vu un arbre qui, à la différence de ce que j’ai connu à l’Unil, produit encore des fruits, et des bons.

Transmettre

Cela peut interroger que je défende un milieu que j’ai quitté en embrassant la foi catholique à 26 ans. La raison en est très simple : j’aime, partout, ceux qui se battent pour un sentiment de continuité historique et culturelle. J’aime ceux qui croient qu’une foi peut être d’autant plus belle qu’elle est informée. J’aime ceux qui ne veulent pas accompagner le changement, mais apporter le changement : c’est-à-dire apporter un peu de charité et de ferveur dans un monde qui se meurt de cynisme et de calcul égoïste.

Ma propre foi, à vrai dire, est souvent habitée par le doute. Il y a chez moi un curieux sentiment de nihilisme chrétien, hanté par le sentiment de l’absurdité de toute chose. C’est ce qui fait que je suis toujours un peu fasciné lorsque, comme samedi, je vois des gens pour qui tout semble couler de source. Mais pourquoi les décrire à la manière de radicalisés ? Tant mieux pour eux, et tant mieux pour ceux qui jouiront de leur envie de servir la société.
Dans le fond, une génération livre sa dernière bataille, tant dans le monde réformé/évangélique que chez les catholiques. N’ayant laissé derrière elle qu’un paysage de ruines, elle tente un ultime baroud d’honneur contre ceux qui refusent de voir une fatalité dans la déchristianisation. Le chrétien en moi s’amuse plutôt qu’il ne s’indigne de ces gesticulations, car le temps long aura raison de tout.
 




Rencontre avec le Brassens de la droite radicale

« Peut-on dialoguer avec l’extrême-droite ? » Parmi les questions tarte à la crème, celle-ci occupe une place de choix. De notre point de vue, non seulement il est possible de dialoguer avec elle, mais cela devient même nécessaire lorsqu’elle a des choses à nous apprendre. C’est pourquoi nous partageons avec vous cet entretien sans concession avec Philippe Baillet, intellectuel païen, identitaire et racialiste. Auteur du recueil d’articles Écrits à l’écart de toute meute, récemment paru aux éditions fribourgeoises Sentiers Perdus, ce vieux routier du radicalisme politique revient avec nous sur une vie consacrée à des idéaux souvent incompréhensibles pour le commun des mortels. Des idéaux qui, souvent, s’opposent frontalement à ceux des chrétiens que nous sommes mais qui n’en gardent pas moins une profonde cohérence.

Contacter l’éditeur pour acquérir l’ouvrage: sentiersperdus@proton.me

Votre livre est marqué par une dualité. D’un côté, vous vous dites étranger à toute meute et allergique aux instincts grégaires. Pour autant, vous n’hésitez pas à soutenir la défense de la « race blanche ». N’y a-t-il pas plus grégaire, dans le fond, que de se sentir solidaire d’une personne plutôt que d’une autre en fonction d’une même couleur de la peau ?

Sur le point que vous abordez, je n’aperçois en réalité aucune dualité dans mon livre. Le « racialisme » que je défends n’a rien d’un « jacobinisme brun », pour reprendre une expression parfois appliquée, abusivement d’ailleurs, au national-socialisme sur la base de la couleur de la chemise de la SA. Mon approche est rigoureusement élitaire : je ne suis pas loin de penser que « l’humanité n’est, à chaque époque, que la réunion de quelques hommes », les meilleurs exemplaires de chaque race sur les plans physique, psychique et spirituel. Je ne soutiens pas une conception figée de la race, pour laquelle celle-ci recouvre uniquement une appartenance donnée, héritée, brute, qui suffirait à elle seule à justifier un comportement arrogant et un sentiment de supériorité, mais une conception dynamique, qui voit dans la race une matière malléable toujours susceptible d’être améliorée ou de déchoir. La race telle que je l’entends fait déjà signe vers un « projet » de construction de soi qui engage et oblige. 

  En ce sens, je suis proche, bien plus que d’une forme quelconque de matérialisme biologique et de fétichisme du phénotype, des thèses d’un auteur encore très mal connu dans le monde francophone car très peu traduit (un seul ouvrage de lui est disponible en français), le psycho-anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss (1892-1974), qui, avant de se rallier, non sans réserves, au national-socialisme, avait été l’élève de Husserl, d’origine juive, et qui fut aussi influencé par C. G. Jung. Pour lui comme pour un autre raciologue allemand, Hans F. K. Günther, les races sont des groupes humains présentant les mêmes caractères héréditaires, physiques, psychiques et spirituels. Clauss insiste sur le « style de l’âme » propre à chaque race, sur la ligne mélodique en fonction de laquelle chacune exprime ses qualités propres. Pour lui, qui défend un point de vue relativiste, il n’y a pas de mètre-étalon universel surplombant toutes les races et qui permettrait de les hiérarchiser. Derrière tout universalisme, il ne voit, avec raison selon moi, qu’une forme déguisée de mentalité occidentalo-centrée, héritée, pour une large part, du christianisme. Chez Clauss, tout cela n’avait rien à voir avec l’alibi typiquement raciste du « bon Juif » ou du « bon nègre », puisque, cinq ans après sa mort, il fut reconnu comme « Juste parmi les Nations » pour avoir sauvé d’une mort certaine pendant la guerre sa collaboratrice, devenue ensuite sa maîtresse, Margarete Landé, qui était une Volljudin ou « Juive à 100% ».

   
Pour autant, dans un monde où une hyperclasse mondiale s’efforce par tous les moyens possibles de détruire toutes les identités en favorisant, pour le plus grand profit d’un capitalisme bien décidé à ravager la Terre, les déplacements de populations à grande échelle et la submersion migratoire, sans que jamais ceux qui doivent les subir ne soient si peu que ce soit consultés, on peut comprendre que l’idée de race, d’aristocratique qu’elle était, se soit elle aussi démocratisée au point de n’être plus qu’un marqueur identitaire réduit à la couleur de la peau.

Grâce à une érudition impressionnante, votre livre nous fait voyager du Portugal à la Russie, en passant par Ceylan en compagnie de Nicolas Bouvier. Vous qui vous dites « au soir de votre vie » (p. 33), ne regrettez-vous pas d’avoir défendu une seule civilisation, la vôtre, plutôt qu’un sens plus général de l’humanité ?

Je n’ai peut-être « défendu » qu’une seule civilisation, la mienne, mais cela ne m’a nullement empêché de ressentir une grande curiosité pour plusieurs autres cultures. J’ai dans ma bibliothèque quelque chose comme trois cents livres sur l’Inde ancienne, l’hindouisme et ses doctrines traditionnelles, et un peu moins sur la Chine ancienne et le Japon ancien réunis. À la fin d’un long séjour de six mois en Inde, début 2003, j’ai même songé très sérieusement à quitter à jamais « l’Europe aux anciens parapets » pour rester vivre là-bas. Mais le contact direct avec l’Inde – je me suis rendu dans cinq États de l’Union indienne, ce qui peut paraître peu mais qui est suffisant pour « humer l’atmosphère » – acheva de me déniaiser quant à l’idéalisation unilatérale des vestiges d’une société traditionnelle. Il y a bien longtemps que je n’idéalise plus quoi que ce soit appartenant au passé, bien qu’un seul critère, auquel j’attache il est vrai beaucoup d’importance, la beauté – depuis celle des instruments de la vie quotidienne jusqu’à celle des temples –, suffise à me faire préférer sans hésiter n’importe quelle culture traditionnelle à la modernité si laide. Dans deux autres livres, Le Parti de la vie et Piété pour le cosmos, j’ai dit toute mon admiration pour le taoïsme, dont les meilleures formes sont l’aboutissement d’une vision contemplative et esthétique de la réalité d’une parfaite « écologie » avant la lettre.

   Je suis attiré par tout ce qui est ur-, comme dit le préfixe allemand, donc « primitif » ou « originel ». En ce sens, je m’inscris dans la lignée, essentiellement germanique, d’un certain romantisme, illustré notamment par le philosophe Ludwig Klages (1872-1956), qui repose au cimetière de Kilchberg, non loin de Zurich, et qui se fit très tôt le contempteur de l’Occident prométhéen et conquérant ; de l’africaniste et explorateur prussien Leo Frobenius (1873-1938), dont l’appartenance à la « Révolution conservatrice » ne doit pas cacher la profonde empathie pour les cultures africaines à une époque où ce n’était pas vraiment la règle ; d’un géographe, explorateur et documentariste au nom à coucher dehors, Otto Schulz-Kampfhenkel, à qui le régime national-socialiste confia en 1935 la direction d’une expédition germano-brésilienne en Amazonie et qui eut même une idylle avec une femme indienne, sans subir pour autant la moindre remontrance à son retour ; des savants de l’Ahnenerbe (l’institut culturel de la SS) qui, en 1938-1939, prirent des milliers de clichés du Tibet et de ses populations, non pour une collection de « mesures crâniennes » ni pour percer les secrets de la mystérieuse Agartha, mais en vertu d’une vraie curiosité pour cette grande culture d’Asie centrale ; ou encore de Leni Riefenstahl, que l’on accusa de « racisme » parce qu’elle magnifia à travers ses photos et ses films la plastique sculpturale des hommes et femmes de la tribu des Nuba de Kau (Sud-Soudan). Ce sont là autant de personnalités remarquables qui me paraissent avoir exprimé « un sens général de l’humanité » plus authentique que les mondialistes capitalistes ou « révolutionnaires » accoucheurs d’un monde gris de métis. Et je me fiche et contrefiche que ces personnalités soient encore et toujours plus ou moins diabolisées par des nabots.

Dans votre recueil, vous consacrez un article à un auteur dont nous parlons régulièrement, le Colombien Nicolás Gómez Dávila. Or celui-ci écrit dans Le Réactionnaire authentique (aphorisme 610) : « Le ‘racisme’ a fait dire autant de bêtises à ses ennemis qu’à ses partisans. » Que pensez-vous de cet aphorisme ?

Nicolás Gómez Dávila, l’une des grandes inspirations de ce magazine, ici dans sa bibliothèque de Bogota qu’il ne quittait guère.

C’est parfaitement exact. Mais je crois vous avoir déjà répondu sur ce point. Le « racisme » et l’« antiracisme » ne sont plus, depuis très longtemps, que des mots passe-partout livrés, selon les circonstances, à la bêtise ou l’ignorance la plus crasse, la polémique la plus passionnelle, la mauvaise foi la plus hypocrite, la manipulation la plus petitement politicienne. Ce sont des termes devenus des ectoplasmes indéfiniment extensibles ou réductibles. Il faut en laisser l’usage à tous les écrivassiers et autres essayistes du dimanche qui prolifèrent comme des métastases à la faveur du tout-numérique et à tous les petits soldats de la « vigilance » conformiste dénuée de tout risque.

Une figure que vous houspillez généreusement est Alain de Benoist, patron de la « Nouvelle Droite » et « tigre de papier », selon vous. N’est-ce pas là le sort qui attend tous ceux qui, comme vous, ont donné leur vie au combat des idées ?

Je n’ai jamais qualifié Alain de Benoist de « tigre de papier », mais j’ai laissé entendre que c’est un peu ce qu’il est à mes yeux. Je ne partage pas sa conception encyclopédique et quantitative de la culture, héritée des Lumières. Le temps des Pic de la Mirandole incapables de se taire, quel que soit le sujet qu’on leur soumet, est définitivement passé. Benoist et quelques autres de son espèce me font penser à ce mot d’esprit de John Steinbeck : « De tous les animaux de la Création, l’homme est le seul qui boit sans soif, qui mange sans avoir faim et qui parle sans avoir quelque chose à dire. » En bon nietzschéen, je défends une autre conception de la culture, la culture comme Bildung, formation de soi. Plutôt qu’accumulation par définition interminable, elle est alors, selon une formule bien connue, « ce qui reste quand on a tout oublié ». Nietzsche a montré combien l’oubli et même une certaine forme d’ignorance volontaire sont nécessaires à la vie ascendante, combien l’excès de savoir mondain est profondément antivital, dévitalisant. J’ai la chance de n’être pas un intellectuel pur et mes quelques fréquentations de rats de bibliothèque, ceux que Julius Evola appelait les « larves blafardes », ont très vite suffi à m’ôter tout désir de devenir comme eux. J’ai compris très tôt que plus on accumule de connaissances, plus on prend la mesure, si l’on a un minimum de probité, de tout ce que l’on ignore, donc qu’à un moment donné il faut savoir s’arrêter. 

L’anarchiste Brassens est une figure chérie par l’auteur du recueil Écrits à l’écart de toute meute. (crédit photo: Roger Pic — Bibliothèque nationale de France)

   Contrairement à beaucoup de gens de droite, je ne suis pas confit en dévotion pour les « grands hommes » : « Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon/ Pauvres grands disparus gisant au Panthéon/ Pauvres cendres de conséquence » : j’aime à citer ces vers de mon très cher Georges Brassens. C’est mon côté anarcho-conservateur. Un sens aigu de la dérision, entretenu par la lecture régulière de Flaubert, me fait détester le sérieux de cuistre ou d’idéologue de la gauche, mais aussi l’esthétisme et l’arrogance trop répandus à droite, avec tous ces gens engoncés dans un personnage ou identifiés à leur statut social. À l’orgueilleuse maxime de Montherlant : « Je n’ai que l’idée que je me fais de moi pour me soutenir sur les mers du néant », je préfère de beaucoup celle-ci, qui est du « fou » Antonin Artaud : « J’ai pour me guérir du jugement des autres toute la distance qui me sépare de moi-même. » Quand on a intériorisé cela, on n’a plus le moindre souci de prendre la pose devant un miroir, devant autrui ou encore la postérité. Je fête aujourd’hui même, en vous répondant, mes 74 ans : c’est un âge où le détachement fait son œuvre salutaire, tout naturellement, et c’est très bien ainsi. 

Fait rare au sein de la droite radicale, vous attaquez Poutine parce que sa figure d’homme fort cacherait une personnalité finalement fort peu soucieuse de sa « race » (à la différence du bataillon Azov en Ukraine, p. 249). Dans le fond, votre attirance de jeunesse pour le national-socialisme continue de guider votre réflexion ?

Dans le troisième volume, paru en novembre  2022, de la revue Sparta que j’ai conçue et fondée en 2020, nous avons publié une très longue nécrologie d’un jeune militant et combattant ukrainien, Serhiy Zaïkovsky, tombé au combat dans la défense de Kiev dès le 24 mars 2022. Ce texte, écrit par un ami marié à une Ukrainienne et très au fait de la « scène » politique locale, fait litière des rumeurs invérifiables qui ont longtemps entouré et entourent encore la droite radicale ukrainienne, et notamment le bataillon Azov. Il nous apprend que ce jeune militant, loin de s’inscrire seulement dans l’héritage controversé du vieux nationalisme de Stepan Bandera, avait fait connaître dans son pays, avec quelques autres, des auteurs comme Nietzsche, Evola, Jünger, Drieu la Rochelle, Schmitt, Spengler, Dumézil, des représentants de la droite radicale italienne ou encore avait fait traduire deux livres de Dominique Venner. Qualifier tous les auteurs énumérés de « nazis » ne serait pas seulement faux, mais tout simplement ridicule.

   Je crois que Poutine est un nationaliste russe sincère, mais un nationaliste coulé dans un moule de plus en plus néostalinien, qui ne fait donc pas grand cas du « matériel humain », que celui-ci soit russe ou autre. Il a recruté, pour sa « guerre des lâches » reposant avant tout sur l’artillerie, des mercenaires d’Asie centrale et récemment des Nord-Coréens envoyés au casse-pipe : qu’en pensent aujourd’hui tous les admirateurs stupides de l’homme à poigne réputé grand défenseur de la race blanche, eux qui, comme trop de leurs lointains prédécesseurs de la Collaboration, croient toujours que le salut viendra d’ailleurs et aiment à se coucher devant la force brutale ?

   Quant au national-socialisme, je le considère comme le phénomène politique le plus énigmatique du XXe siècle. J’estime que la littérature secondaire à son sujet, pourtant interminable, est encore loin d’en avoir fait le tour, que des pans entiers du phénomène doivent encore être étudiés. Dans les années qui viennent, je compte d’ailleurs, si j’en ai le temps et si je dispose d’assez d’énergie, apporter ma pierre dans ce sens, en complément d’études plus ou moins longues que j’ai déjà publiées sur le mouvementvölkisch ou sur certains aspects du national-socialisme. Et cet apport ne sera pas « militant », mais écrit avec la distance critique qui s’impose.

Il y a parmi nos lecteurs des personnes de gauche, de droite, parfois philosémites, parfois étrangères à ces questions. Que gagneront-elles à se plonger dans la prose d’un penseur de droite dure ?

Elles respireront le « parfum de l’authenticité », qui n’est présent que là où l’on a « mis sa peau sur la table ». Né dans une famille de la classe moyenne, mais totalement ruinée en conséquence du drame vécu par mon père – cinq ans de captivité en Allemagne suivis d’une descente aux enfers dans l’alcoolisme –, j’étais suffisamment cultivé et j’avais assez de talent pour mettre opportunément mes idées dans ma poche et, si je l’avais voulu, « faire carrière ». Poussant très loin l’idéalisme naïf, je n’y ai même pas songé, tant cette perspective me paraissait obscène. Je ne possède aujourd’hui aucune fortune, mais j’ai bien mieux que cela : une liberté d’esprit quasiment totale. Dans ma bibliothèque, qui ne compte d’ailleurs que quelques milliers de volumes, la Somme contre les Gentils de Thomas d’Aquin côtoie les Œuvres philosophiques de Marx, on aperçoit plusieurs livres d’Hannah Arendt et le fondamental 

Par-delà nature et culture de Philippe Descola, les Œuvres spirituelles de Jean de la Croix me font penser à l’amour de l’Espagne que nourrissait Guy Debord et qui me conduit à ouvrir de temps à autre les très beaux Coplas por la muerte de su padre de Don Jorge Manrique, poème du Moyen Âge finissant que l’auteur de La Société du spectacle a fort bien traduit. Quant au style et à l’appareil critique de mes livres, ils sont tout sauf ceux d’un autodidacte qui jouerait, comme tant d’autres, au matamore du clavier.