Animé des valeurs réformées, taiseux, plus proche des métiers de la terre que de ceux de l’industrie ou des services, volontaire à la tâche et tellement amoureux de ses lois, l’électeur vaudois ne présente, a priori, pas le profil entier de l’ouvrier de l’Arc jurassien, ni celui, urbain et un tantinet revendicateur, de la Cité de Calvin. Mais alors, comment est-ce que les Vaudois, modérés et toujours en quête d’harmonie ont-ils laissé s’installer une situation si déséquilibrée ?
Dès le début des années 2000, une conjoncture très favorable est la source d’une évolution démographique délirante et d’une urbanisation erratique. Soucieuses de se défaire du bonnet d’âne sanctionnant la situation catastrophique des finances publiques de la décennie précédente, les autorités vaudoises ont répondu les yeux fermés à une demande de logements dopée par une immigration massive. Elles ont ainsi surtout servi quelques illustres promoteurs immobiliers, dont on n’a pas terminé de payer les séquelles des actes. Depuis une trentaine d’années, le Canton et de nombreuses communes, galvanisés par l’illusion du développement, ont réalisé la ville à la campagne. Quel syndic n’a-t-il pas plastroné en vantant la croissance démographique de sa commune ? Cette évolution incontrôlée est marquée par l’exception de Lavaux. Terroir préservé grâce à l’agitation politique de Monsieur Franz Weber, écolo financièrement à l’aise et très intègre… voire intégriste. Il n’est pas surprenant de constater que le contexte de surchauffe économique a favorisé la croissance des partis aux couleurs rose – rouge – vert, dans une majorité des cités du Canton. Les animateurs de ces formations sont, en effet, orientés vers l’administration et la distribution des richesses, plutôt qu’à l’origine de leur création.
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Dans cette ambiance guillerette, le Conseil d’Etat, déjà sous l’influence de son administration, a envisagé, puis mis en place un véritable essorage des bourses communales. Ce processus infernal a permis de masquer les effets d’une politique inconsidérée de dépenses et de maintenir à flot, pour environ 1,5 milliards ( !) la généreuse caisse de pensions de l’Etat, forte de 40’000 « actifs ». Les appels à l’aide, puis les quelques mouvements de révolte de la part des communes ciblées par l’aspirateur cantonal ont été promptement assourdis.
Un coup de barre à gauche
La disparition du parti libéral du paysage politique, puis l’éjection de l’UDC du gouvernement cantonal ont donné un nouveau coup de barre à gauche et ont aggravé les symptomes de l’incontinence budgétaire. L’évolution des dépenses publiques prend la forme d’une spirale hyperbolique durant la célèbre entente cordiale entre Monsieur Maillard, patriote ancré à gauche, et Monsieur Broulis, plus cosmopolite, mais tout autant à gauche. Une clientèle électorale de gauche a ainsi été fidélisée autant dans les urnes que dans les rangs de l’administration du Canton et des principales communes.
À l’exception du Chef-lieu, laboratoire paléo-marxiste caractérisé par une « Vénézualisation » chronique, l’électeur vaudois essaie parfois de soulever la chape de plomb rose-verte. Ce fut le cas en 2022, lorsqu’il éjecta une socialiste décidément trop extrême. Le nouveau gouvernement s’est constitué autour de 3 PLR servants de la liturgie de l’entente cordiale précitée et d’une Centriste, que peu avaient vu venir depuis Zoug et que tous cherchent à faire taire lorsqu’elle aborde la question fiscale.
Au parlement, à l’exception de trois ou quatre personnalités, c’est le jeu du ni oui, ni non. On fait du petit bois des perches tendues par la Cour des comptes. Les nombreux « députés-maires » n’y portent surtout pas la voix des communes. La presse, aussi monocolore que moribonde, ne suffit malheureusement pas à donner un sens à la séparation des pouvoirs, baromètre de la santé d’une démocratie. L’étendue des dégâts peut se mesurer au nombre de journalistes qui ont rejoint les rangs de l’administration cantonale au cours des dix dernières années.
Cette situation politique bancale donne un sentiment d’ivresse triste, elle conduit même les autorités exécutives vaudoises à adopter des comportements schizophrènes. Des exemples attestent du diagnostic :
Doté d’un Office de la durabilité et du climat, comptant près de 20 collaborateurs, l’administration cantronale promeut, notamment, l’économie des ressources et l’usage de matériaux durables. Il s’agit, en particulier, d’encourager le bois et ses dérivés dans la construction. Les ministres écologistes et leur administration ont d’ailleurs profité des événements de la ZAD du Mormont pour cibler directement l’usage du béton. Mais dans le même temps, ces mêmes autorités décident de donner un statut de réserve naturelle stricte (dans lesquelles est désormais interdite la cueillette des champignons) à 10 km2 de forêts lausannoises comptant parmi les mieux desservies et les plus productrices du Canton.
Depuis 2018, le Canton s’est doté d’une loi, appelée LPPPL, censée préserver et promouvoir le parc de logements locatifs. Aucun autre canton suisse, à l’exception de Genève, ne s’est doté d’un arsenal législatif aussi restrictif du droit de propriété ! Les propriétaires désireux de rénover leurs bâtiments doivent prendre en compte la limitation drastique de leurs revenus locatifs par l’administration dans leurs calculs de rentabilité et ils en prennent parfois pour 10 ans. Parallèlement, celui qui croit – enfin – accéder à la propriété d’un immeuble de rendement voit son contrat de vente proposé à l’autorité, qui peut décider de lui piquer l’affaire. Paradoxalement Vaud et Genève présentent des taux de pénurie de logements parmi les plus aigus du pays ! Pire, la proportion de logements à loyers modérés réellement créés par les administrations communales, depuis 2018, demeure extrêmement faible, pour ne pas écrire nulle.
Le diktat du « tout électrique » s’impose aussi bien à la mobilité qu’à l’habitation. Il est mis en place à grands renforts de subventions par les pouvoirs publics, propriétaires des distributeurs d’électricité. L’instabilité géopolitique et la faiblesse de nos grands voisins européens fait néanmoins craindre des situations de pénurie d’électricité et devrait inciter à ne pas placer tous nos œufs dans le même panier, d’autant plus qu’une incohérente majorité refuse toujours le recours au nucléaire.
Plus de deux ans après le « changement de majorité » au Conseil d’Etat, le pari pessimiste estimant que cette tendance schizophrène ne s’inverserait pas est en voie d’être gagné. Premièrement, parce que la croissance des effectifs de l’administration s’accélère sans changement de cap politique. Deuxièmement parce que les discours climato-anxieux n’ont pas changé. Troisièmement, le recours à l’immigration et son corollaire, le bétonnage des terrains agricoles, demeure le fil rouge de la pensée économique cantonale. Quatrièmement, l’amélioration du pouvoir d’achat des forces vives est sans cesse reportée au nom de la prétendue justice fiscale. À ce propos, est-il juste et bon que 8% des contribuables (personnes physiques) s’acquittent de la moitié des recettes cantonales sur le revenu ?
La pensée de gauche est médiatiquement présentée comme la garante du bonheur collectif ultime. Elle est souvent paraphrasée par un centre-droite vaudois, orphelin de la pensée libérale.
La partition vaudoise, interprétée par un orchestre de petits hommes gris, guidés par un collège ivre de son pouvoir, porte gravement atteinte à la propriété, aux infrastructures privées de santé, à la mobilité individuelle, aux terrains fertiles, etc. Autant de facteurs conduisant irrémédiablement aux pénuries, donc au rationnement. L’absence de contres-pouvoirs parlementaire et médiatique ne laisse pas entrevoir un retour à la sobriété administrative et législative en terre vaudoise.
Nicolas Daïna