Des gaufres pornos aux limites du légal

Célébrée par la presse romande, l’ouverture d’une pâtisserie à l’imagerie au-delà du sexy attire une foule d’ados. Lausanne ne voit pas le souci.
Déguster des organes génitaux tièdes et coulants dans un cadre enfantin. La dernière tendance culinaire fait s’extasier la presse. Instagram
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Il faut d’abord se représenter un établissement rose bonbon, doux mélange de parc d’attractions fetish et de garderie: «La Quéquetterie», à quelques encablures de la gare de la Capitale olympique. Un lieu où résonnent les gloussements des clients, essentiellement des adolescents armés de leurs portables. Car ces mineurs ne se rendent pas uniquement sur place pour boire et manger. Non, pour ces jeunes férus de réseaux sociaux, le projet consiste tout autant à se prendre en photo devant une représentation de pénis triomphant, dans une pièce spécialement conçue à cet effet. Aux murs, des messages sans ambiguïté: «A prendre ou à lécher», ou encore «Ouvrez grand la bouche». Sans être particulièrement spécialiste de sex-shops, difficile d’imaginer un magasin pour adultes comme «Magic X» aller aussi loin dans sa communication. Quand bien même, d’ailleurs, lui est destiné… aux adultes.

Au milieu du mois dernier, plusieurs médias romands ont célébré l’ouverture du nouveau «corner» de cette franchise française, à la Rue du Midi, près de la gare de Lausanne. Le ton: généralement fun et décalé. Et le Blick, par exemple, de narrer la «queue» de clients «impatient de croquer dans des bites et des chattes». Sans oublier le «haut potentiel instagrammable» (ndlr: la possibilité de générer beaucoup de petits cœurs d’approbation sur les réseaux sociaux) des lieux. Reste un éléphant dans le corridor: l’activité même de ce commerce respecte-t-elle réellement le cadre légal posé en ville de Lausanne ? Le règlement général de police prévoit en effet la chose suivante: «En tout lieu à la vue du public ou accessible à celui-ci, il est interdit d’exposer, de vendre ou de distribuer des objets de nature à blesser la décence ou à offenser la morale, notamment des écrits, des images ou des enregistrements sonores ou visuels.»

Il s’agit de pâtisseries. Nous n’avons pas reçu de plaintes. Cas échéant une bouchée réduirait l’éventuelle atteinte à la décence

Pierre-Antoine Hildbrand, conseiller municipal de Lausanne PLR.

Une bouchée et puis s’en va

Vendre des gaufres en forme de «quéquettes» ou de «foufounes» à des ados heurte-t-il la morale? Pas facile de trancher du point de vue de toute une collectivité, tant ces mets séduisent la presse avec leur caractère «mignon» et «décalé». Reste qu’à Angers (F), l’an dernier, une pétition en ligne a été lancée pour s’opposer à l’installation d’une «Quéquetterie» à proximité d’une école. Mais pas de quoi affoler les autorités de la quatrième ville de Suisse: «Il s’agit de pâtisseries. Nous n’avons pas reçu de plaintes. Cas échéant une bouchée réduirait l’éventuelle atteinte à la décence», ironise le municipal lausannois de l’économie et de la sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand.

Et c’est tout? Pas sûr. Un coup d’œil au menu révèle ainsi l’existence de gaufres répondant au sobriquet de «sugar mummy» (ndlr: une variante de la «cougar»), «happy bite day» ou «hot dick». On vous passera les traductions sur les deux dernières, au cas où le journal trônerait sur la table du salon. Toujours est-il que ce sont là des appellations qui indiquent bien le ton résolument frontal de la communication de l’endroit. Selon divers spécialistes du droit contactés par Le Peuple, dont Maître Samuel Thétaz (lire également en page trois), les friandises coquines de «La Quéquetterie» ne devraient pas être visibles de la rue, notamment à cause des enfants. Quid des ados? Voici un joli casse-tête en perspective. Une différence de traitement est également dénoncée entre le sort réservé aux publicitaires, sous haute surveillance à Lausanne, et la grande liberté accordée aux spécialistes des gaufres pornos. Un autre enjeu qu’une seule bouchée ne suffira pas à faire disparaître.

Selon nos informations, des démarches individuelles sont déjà envisagées pour appeler les tenanciers de l’établissement à une exposition moins frontale à la pornographie pour leurs jeunes clients.

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