Trump, les balles et le déclin de la culture civique

L’attentat qui a visé le politicien illustre dramatiquement l’effondrement des usages démocratiques en cours aussi bien à gauche qu’à droite.
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« Un des hommes les plus dangereux du monde à l’heure actuelle » : le 11 avril dernier, voici comment l’émission de la RTS Temps Présent présentait Donald Trump dans un reportage. Décrivant l’Amérique à venir en cas de réélection du républicain, le reportage ne faisait pas dans la dentelle et comparait même le politicien à Hitler ! Un parallèle assumé dans nos colonnes par la présentatrice et co-productrice de l’émission Élisabeth Logean. Mais aujourd’hui, un autre détail du reportage mérite qu’on y revienne : des bruits de coups de feu ajoutés en illustration sonore à la deuxième minute, tandis qu’un acteur grimé en Trump se trouvait en plein écran. 

Ces coups de feu devaient illustrer la dangerosité de l’ancien locataire de la Maison Blanche mais ils sont aujourd’hui devenus une réalité en Pennsylvanie. À cela près qu’ils n’ont pas visé de pauvres progressistes traqués par le nouveau régime, mais le candidat Trump lui-même. Ils ont aussi tué un de ses partisans et grièvement blessé deux autres. Oui, dans une puissante démocratie, des quidams viennent d’être touchés par des balles pour s’être déplacés afin d’écouter parler un politicien. La symbolique de l’événement est immense.

Une élection gagnée, une démocratie perdue.



Au commencement était le Verbe, à la fin les balles

Nous vivons dans une civilisation fondée sur la parole. Au commencement, croient les chrétiens, « était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Évangile de Jean). Orateur remarquable – quoique l’on pense de ses options politiques – Trump s’inscrit lui-même dans cet héritage. Mais au Verbe fondateur s’oppose la parole qui diabolise l’adversaire, la fake news et, ultimement, le bruit des balles. À ce titre, les événements de Butler illustrent en accéléré le déclin de la démocratie moderne : au commencement, un discours – corrosif – et à la fin la boucherie. Qu’il semble loin, aujourd’hui, l’art de la controverse argumentée qui a fait la grandeur passée de la culture civique américaine !

Quel enseignement pour nous autres Helvètes ? Que la stabilité de notre système politique passe par le respect, toujours et en tous lieux, de l’adversaire, quel qu’il soit. Revendiquer le conservatisme, aujourd’hui, c’est d’abord cela : défendre des institutions fondées sur la recherche du compromis et du bien commun. 

Face aux bruits des balles, osons croire que le Verbe peut encore triompher.

Cet édito est accessible gratuitement.
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