Un anti-étatiste radical entre au grand conseil

Personnalité atypique de l’UDC, Korab Rashiti nous accueille chez lui, au bord du lac de Bienne. Le tout nouvel élu au Parlement bernois compte y défendre une position réellement libérale. A-t-il choisi le bon parti?
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Vous revendiquez une appartenance philosophique au libertarianisme, à l’anarcho-capitalisme. Expliquez-nous?
C’est venu naturellement. Je n’ai pas eu besoin de me pencher sur des ouvrages de Hans-Hermann Hoppe ou Ludwig von Mises pour comprendre que l’entité qui me prend la plus grande part de ce que je gagne est l’État. De plus en plus, d’ailleurs. À partir de cette constatation empirique, j’ai commencé à m’intéresser au mécanisme qui fait que cet argent est pris dans ma poche pour finir dans celle de l’État ou des monopoles qu’il détient, comme l’énergie, la santé, l’eau ou les assurances sociales. J’ai donc constaté qu’en tant qu’individu, je n’ai que peu de choix dans mes dépenses les plus élevées. Je pense que les idées libertariennes parlent beaucoup plus à des gens ayant un certain niveau intellectuel et une compréhension poussée du monde.

Les libertariens ne croient pas au jeu électoral et favorisent plutôt une approche sécessionniste. Pourquoi vous êtes-vous tout de même présenté en politique?
Nous vivons dans un monde très éloigné des idées libérales. Aujourd’hui, nous entrons dans un système de plus en plus étatiste, de plus en plus socialiste. Je pense qu’il est important d’avoir une ou plusieurs voix avec un réel esprit libéral qui s’expriment dans les différents parlements. Je peux aussi espérer que les médias, locaux ou nationaux, relaient ce type de messages afin qu’une réflexion s’installe parmi la population. C’est mon but premier et c’est un combat, intellectuel et philosophique, sur le long terme. Si les vrais libéraux lâchent ce terrain, on ne pourra que constater que nous n’avons rien fait pour inverser la tendance.

“Le PLR a fait plus de mal que de bien au libéralisme.”

Korab Rashiti

L’UDC est considérée comme un parti plus conservateur que libéral, pourquoi avoir rallié cette formation plutôt que le PLR?
En analysant les prises de position du PLR, au niveau des différents parlements, j’ai constaté que ce parti s’est éloigné des idées libérales. Ce parti a tendance à favoriser le capitalisme de connivence (ndlr: une économie capitaliste où le succès en affaires dépend de relations étroites avec les représentants du gouvernement) et c’est cette position qui cause le plus de dommages aux idées libérales. Le PLR a fait plus de mal que de bien au libéralisme. Prenons un exemple: ce parti, dans sa grande majorité, militait pour l’acceptation de la loi CO2 en juin 2021. C’est un pur exemple d’économie planifiée.

Vous avez obtenu un siège au Grand Conseil bernois en tant que quatrième viennent-ensuite. Comment justifiez-vous que les candidats précédents aient pris part à l’élection en sachant qu’ils ne voudraient pas du siège. Jugez-vous normal d’avoir été élu avec moins de voix que des candidats d’autres partis?
L’idée était tout d’abord de remplir la liste francophone de l’UDC car il existe un électorat romand dans notre région. Ensuite, nous voulions avoir une voix romande au Parlement cantonal bernois.

Vous comprenez les envolées lues dans la presse suite à ces manœuvres?
Il s’agit plutôt d’une manœuvre politique de la part de nos adversaires, afin de discréditer la liste ou le représentant élu de celle-ci. Je me suis plongé dans les archives d’autres partis, comme le PS par exemple. J’ai constaté qu’il s’est déjà passé des permutations du même type. Comme mes adversaires n’arrivent pas à me cerner politiquement ni à répondre à mes arguments, le seul moyen qu’ils ont trouvé est de déclarer mon élection illégitime. C’est une insulte faite au système en lequel ils croient tant: la démocratie.

Suite à cette élection, on a pu lire sur les réseaux que vous étiez ingérable au sein de votre parti.
Ce sont, à nouveau, des accusations lancées par des opposants politiques, je ne vais pas citer ici les noms. Si j’étais vraiment ingérable, je ne pense pas que je serais devenu le président de l’UDC Gerolfingen-Täuffelen-Hagneck. Mes positions peuvent parfois trancher avec la ligne générale de mon parti, mais c’est une bonne chose, ça créé une dynamique. La liberté d’expression est respectée au sein de cette formation, bien plus que dans d’autres partis.

Vous êtes très présent sur les réseaux, apportant une analyse sur bien des sujets. Parfois en ratant un peu le coche, non?
Vous faites référence à mon commentaire sur la non-élection de Michaël Buffat qui visait un siège au gouvernement vaudois. J’ai voulu apporter une analyse critique. Je ne pense pas que l’UDC vaudoise a fait une mauvaise campagne. J’estime seulement que cette formation, et les autres en Romandie, ne sont pas suffisamment libérales et n’ont pas un socle idéologique solide, ce qui explique leurs échecs alors que l’UDC s’en sort très bien dans les cantons germanophones.

Une personnalité biennoise vous a qualifié de «fascistoïde». Étant libertarien, cela vous fait sourire?
Les mots ont un sens. Il faudrait déjà que cette personne comprenne ce qu’est le fascisme, soit : «Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État!», selon Mussolini. Je me positionne comme un défenseur de la liberté individuelle et de la propriété privée et je prône une réduction du pouvoir de l’État. Mon accusateur rate totalement le coche. En réalité, ces gens-là n’ont strictement aucun argument à m’opposer quand on leur met des faits sous les yeux. Quand ils n’ont plus rien à dire, ils balancent des qualificatifs comme celui que vous avez cité.

Selon vous, personne ne comprend l’anarcho-capitalisme?
Effectivement, cela demande de s’émanciper de tout ce que l’on a entendu au cours de sa vie: à savoir que l’État a son mot à dire dans tous les domaines. S’extirper de ce schéma demande de la réflexion et de la volonté. C’est pour cela qu’une grande partie de la population n’y arrive pas. Maintenant, c’est à nous, les libéraux, de vulgariser les concepts philosophiques et de ne pas jouer le jeu de l’entre-soi.

La propriété privée peut résoudre tous les soucis selon vous?
Elle ne pourra pas tout résoudre. Mais si elle est comprise et véritablement respectée, nous nous dirigerons vers une société beaucoup plus apaisée et sereine. Si le monde est sous tension aujourd’hui, c’est parce que l’on bafoue ce concept. Nous avons pu le constater avec le droit à disposer de son corps librement, qui a été foulé aux pieds durant le pic de la crise du Covid-19. Il faut redonner un sens au droit naturel: soit le respect de la propriété de chacun, dont le corps lui-même.

Avec vos positions radicales, pensez-vous pouvoir changer des choses au niveau cantonal bernois?
Dire que ce que je gagne m’appartient et que je suis seul à décider quoi faire de cette somme ne me semble pas radical.

Quels sont vos projets en tant qu’élu?
Premièrement, faire en sorte que le canton de Berne redevienne attractif au niveau fiscal. Nous avons le taux d’imposition le plus élevé pour les entreprises au niveau national et nous nous situons à la troisième place concernant les personnes physiques. Le canton de Berne a une carte à jouer, au niveau national et international. Deuxièmement, je souhaite voir une institution cantonale se délocaliser dans le Jura bernois. Ainsi, nous verrons qui, dans ce nouveau parlement, prend vraiment position pour les Romands du canton. Enfin, il faut ouvrir le débat sur l’autonomie des institutions scolaires. Si nous payons des impôts pour financer l’éducation, nous devons avoir la possibilité de scolariser nos enfants de la manière dont nous le souhaitons. Il est aberrant de ne pouvoir bénéficier que d’un seul programme d’enseignement unifié.

Qu’allez-vous faire pour modifier cette fiscalité?
Quand on veut baisser les impôts, surgissent immédiatement des réfractaires, généralement des fonctionnaires. Le PS travaille pour cette catégorie de la population et joue la carte du clientélisme. Je crois qu’il va falloir faire de la pédagogie en démontrant que si la fiscalité élevée est maintenue, de plus en plus de personnes vivront grâce à l’impôt tandis que d’autres souffriront à cause de l’impôt.

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