Toute ma vie, j’ai critiqué l’impérialisme étasunien et, en certaine circonstance, j’ai réellement mis ma peau au bout de mes convictions. Pourtant, le matin du 6 novembre 2024, j’ai éprouvé une joie sans mélange en apprenant que Donald Trump avait pris sa revanche et qu’il redeviendrait président des États-Unis d’Amérique.
Pendant son premier mandat (2017-2021), Trump a considérablement renforcé la puissance de son pays. Il y a fort à parier que les mêmes méthodes, sous la conduite du même homme, aboutiront aux mêmes résultats. Je suis prêt à parier qu’en 2028, les USA seront encore plus riches, encore plus avancés sur le plan technique, et encore plus puissants, tandis que l’Europe occidentale sera encore plus dans le marasme et la joie masochiste de son déclin. Mon attitude paraît illogique, puisque je suis un contempteur de l’impérialisme américain et que je me réjouis de l’élection d’un homme qui va encore renforcer cet empire que je critique. Mais les choses sont plus complexes.
Je pourrais vous dire que j’aime Trump parce que son nom veut dire « atout » et que je suis fasciné par les jeux de cartes, leur sociologie et leur signification. Mais ça ne serait même pas vrai. J’ai au contraire mille raisons de pousser des cris de vierge effarouchée et d’exprimer mes réticences par rapport à Trump. Quand j’étais adolescent, il était pour moi l’incarnation de l’arrogance et de l’étalage d’argent. Il m’avait même inspiré une dissertation de collégien. (Mais comme j’étais prudent à l’époque, je ne l’avais pas nommé. Maintenant que je n’ai plus rien à perdre, je serai moins prudent.)
Je pourrais aussi vous dire que tout tient à une réaction viscérale. Et il y a du vrai là-dedans. Mon oppresseur, ce n’est pas l’Amérique ou la République populaire de Chine. Mon oppresseur, c’est le système médiatique européen, son totalitarisme mou, sa rééducation des peuples préalablement vidés de tout ce qui faisait leur substance (le grec et le latin, par exemple…), sa chasse aux « dérapages » (c’est-à-dire à toute forme de pensée libre) et ses méprisables méthodes de lynchage. En Suisse droit-de-l’hommiste, je suis un serf assujetti au paiement annuel d’une redevance pour financer la télévision et la radio d’État qui font chaque jour campagne électorale pour le parti socialiste et les Verts dont les idées me sont adverses. Pour être sûr que les entreprises participent au financement de la propagande des partis qui travaillent à la destruction de l’économie de marché, de la liberté d’entreprendre et de la prospérité, cette redevance est aussi payée par les sociétés, alors que je n’ai jamais vu une personne morale écouter la radio ou regarder la télévision. Comme ce système médiatique est entièrement hostile à Trump, il a subi une gifle lors de l’élection présidentielle étasunienne de 2024. Dans ma joie de la réélection de Trump, il y a aussi les brefs moments de bonheur d’un esclave qui voit vaciller un maître qu’il considère comme totalement illégitime et pour qui il éprouve un mépris absolu. Les media de grand chemin ont vite repris leurs habitudes : ils dénoncent la « violence » de la campagne victorieuse. Pour mémoire, c’est sur Trump qu’on a tiré, mais ce détail semble leur échapper.
Je suis par ailleurs entouré d’hommes qui jouissent de leur servitude volontaire et qui pleurent sans raison depuis la réélection de Trump. Jusqu’à entendre dans un restaurant de Genève la « réflexion » que cette réélection était due à « l’inculture » des Américains. Venant de gens qui consomment 80% de produits culturels d’origine américaine, c’est délectable. Bien entendu, aucun de ceux qui déplorent cette réélection n’est capable de dire pourquoi. La « télé » l’a ordonné, raison nécessaire et suffisante.
Mais il y n’a pas que la révolte, la joie d’échapper quelques instants à la servitude. Il y aussi les choix que la raison commande.
Avant tout, le personnage est si atypique qu’il permet les plus grandes espérances. En 1991, Bret Easton Ellis publie son génial roman American Psycho. Donald Trump y est mentionné vingt-cinq fois. L’une des obsessions de son anti-héros psychopathe Patrick Bateman est de se conformer à l’opinion de Trump sur à peu près toutes les questions qui peuvent être existentielles pour un trader : « Et d’après Donald Trump, où sert-on les meilleures pizzas de Manhattan ? » (Bret Easton Ellis, Œuvres complètes, Bouquins, Robert Laffont, Paris 2016, tome I, p. 523, traduction de l’anglais par Alain Defossé). J’estime donc qu’un homme qui était un personnage de roman en 1991, a été élu président des États-Unis d’Amérique en 2016, a été battu en 2020, et a pris sa revanche en 2024, est a priori plus intéressant que l’homoncule Emmanuel Macron ou le sans doute vertueux, mais éphémère, Olaf Scholz.
Alors, pour le reste, bien sûr, Trump est vulgaire ; Trump dit souvent n’importe quoi ; Trump représente la tentation de dissoudre la droite dans le populisme. Les bonnes âmes me feront même part de leurs doutes sur la réalité des convictions religieuses de Trump. Délivrons-nous de la moraline et suivons l’exemple de l’Histoire sainte. Quand Cyrus a délivré les Hébreux de la captivité de Babylone, ceux-ci ne se sont pas demandés quelle était la religion de leur bienfaiteur. Par conséquent, dans le Temple de Jérusalem reconstruit, on priait pour le roi des Perses (Esdras 6 :10). La Bible nous ordonne de « craindre Dieu ainsi que le roi » (Proverbes 24 :21), et, depuis le XIe siècle au moins, le judaïsme connaît des « prières pour le gouvernement », gouvernement dont on se doute qu’il a rarement été juif. C’est ainsi, qu’à l’heure actuelle, les synagogues les plus traditionnelles des États-Unis d’Amérique disent une prière pour le président et le vice-président de l’Union (Wigoder e.a. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Bouquins, Cerf / Robert Laffont, Paris 1996, p. 399). Ne soyons donc pas hypocrites et raisonnons comme l’ont fait les Juifs par rapport aux Achéménides : qu’est ce qui importe ? Que Trump soit vraiment chrétien, ou qu’il se soit battu pour les valeurs chrétiennes ?
On pourrait donc penser que la RSR, la TSR, France Inter, Le Monde, Le Temps, Le Matin, etc., haïssent Trump parce qu’il se réclame du christianisme et que ces médias sont en guerre contre tout ce que cette religion a pu charrier. Mais je crains qu’il y ait une autre raison qu’ils auraient plus de peine à avouer.
Quels sont les deux présidents américains qui ont été le plus traînés dans la boue par le système médiatique ? Richard Nixon et Donald Trump. Deux républicains, certes, mais dont les idées étaient fort différentes en de nombreux domaines. Leur point commun réel est de ne pas avoir déclenché de guerre pendant leur passage au pouvoir, Nixon ayant probablement été le plus grand partisan de la paix parmi tous les locataires de la Maison Blanche depuis 1945. Une comparaison est intéressante avec les louanges qui ont accompagné William Clinton, qui a déclenché plusieurs guerres. Une conclusion s’impose : ceux qui ont intérêt à la guerre et à la stratégie du chaos sont contre Trump, comme ils ont été contre Nixon, qu’admirait au contraire le général de Gaulle, autre adversaire de l’escalade de la violence dans les relations internationales. C’est déjà, en soi, une raison puissante de soutenir Trump.
De Gaulle avait écrit à Nixon qu’il le félicitait de son élection pas seulement parce qu’il était le président des États-Unis, mais parce qu’il était Richard Nixon. Cette fois-ci, je crois devoir reconnaître comme autorité légitime de la droite du monde entier un président américain. Pas parce qu’il est président des USA. Mais parce qu’il est Donald Trump. Parce que, malgré toutes les limites qui sont les siennes, il défend la famille contre ceux qui veulent la détruire ; la foi contre ceux qui veulent la déraciner ; la prospérité contre la misère ; l’ordre contre l’entropie ; et la paix contre la guerre.
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