Libertaires de tous les partis, unissez-vous !

Porter des talons hauts permet-il de faire repousser les glaciers ? Oui, à condition d’être biologiquement un homme. C’est du moins ce que semblent croire bon nombre de militants des Vert-e-s obnubilés par les questions de genre au point d’en faire désormais le cœur de leurs revendications. À ce stade, la chose pourrait faire hausser les épaules aux plus dubitatifs ou ricaner les esprits corrosifs. Malheureusement, certains aspects de cette posture ont de quoi susciter l’inquiétude.
Hannah Busing/Unsplash
image_pdfimage_print

Dans ce nouveau numéro du Peuple, nous montronscomment certaines figures du parti, dont la conseillère nationale et présidente de la fondation Santé Sexuelle Suisse Léonore Porchet, ont vivement encouragé les téléspectateurs romands à ne surtout pas se faire une idée par eux-mêmes au sujet d’un reportage de Temps Présent diffusé au début du mois de mars. Alors que des pressions dignes de sectes – c’est le producteur de l’émission qui le dit – faisaient rage sur les journalistes, ces élus n’ont pas hésité à diaboliser leur travail avant même qu’il ne soit rendu public. Prétexte invoqué : en s’intéressant aux cas de « détransitions » de genre, c’est-à-dire aux personnes décidant de faire marche arrière dans leur changement d’identité, l’équipe de Temps Présent s’intéressait à une réalité très marginale qui ne méritait aucune attention.

L’autoritarisme progressiste

Étrange argumentation : pas un jour sans que les exemples les plus extrêmes de « convergence des luttes », drag queens véganes déguisées en vache ou sans-papier non binaire en fauteuil roulant, ne soient portés aux nues sur le service public, sans que cela semble offusquer les Vert-e-s ou les militants queers. Mais de laisser entendre que, peut-être, la pression des réseaux sociaux et de certains organismes subventionnés pourrait conduire des ados à faire des choix périlleux pour leur santé, vous n’y pensez pas : « Transphobie en prime time à la RTS », a fulminé Léonore Porchet, avant même la diffusion du reportage incriminé. Des postures qui, comme nous le montrons dans notre dossier, agacent jusqu’au sein du parti. Pourquoi diable, en effet, la nécessaire préoccupation climatique devrait-elle s’accompagner d’un tel autoritarisme progressiste ?

Marginal, mais positif cette fois.

Mais venons-en à notre propre idéologie : voue-t-on une haine particulière aux Vert-e-s, au point de leur consacrer ces quelques pages ? Certes non. Ces dernières semaines, l’affaire Dittli – du nom de la ministre vaudoise des finances accusée d’évasion fiscale – a malheureusement montré que la droite savait tout autant y faire, en matière de mépris de la liberté de la presse. Que l’on juge la question de fond problématique ou non, les journalistes du service public avaient effectué leur travail en dévoilant comment l’élue centriste avait dirigé un parti cantonal tout en payant ses impôts dans une autre région. Or qu’a-t-on vu le mois passé ? Des députés bourgeois attaquer du « tout petit journalisme de bas étage », quand bien même le gouvernement vaudois prenait la polémique suffisamment au sérieux pour engager un expert.

La Visitation, par Giotto. Un épisode de la Bible à réécrire? Image: Wikipedia

Mépris de la liberté, enfin, dans cette information que nous révélons au sujet du journal Le Temps. Nos lecteurs vétérans se souviennent sans doute de l’entretien que nous avait accordé l’ancienne conseillère nationale libérale et professeur de droit Suzette Sandoz, l’été dernier. Blogueuse pour le quotidien genevois, elle venait d’être remise à l’ordre publiquement pour avoir osé affirmer que l’enfant qu’une femme portait en son sein, dès la conception, était… un enfant. Un scandale, assurément, qui nous conduira sans doute à réécrire un jour l’épisode de la Visitation. Dans cette scène de la Bible qui a inspiré tant d’artistes, personne n’avait encore pensé à s’indigner, en effet, de cet enfant qui bondit de joie dans le ventre d’Élisabeth en apprenant que Marie est enceinte. Si l’évangéliste Luc nous lit, peut-être saura-t-il rectifier le tir en évoquant l’allégresse du fœtus de Jean-Baptiste… Toujours est-il que nous révélons dans cette édition que la publication de l’article avait débouché sur une menace d’attentat, dont l’auteur, un gentil progressiste, n’a jamais été inquiété.

Nous pourrions ironiser à l’infini, mais notre inquiétude est réelle. Et cela d’autant plus qu’elle n’est pas partisane. Faute de savoir défendre une culture de la controverse amicale ou argumentée, notre société semble en effet basculer dans le manichéisme. Chacun voit, dans l’autre bord, des impurs auxquels il serait permis de faire n’importe quoi, n’importe comment. Même le Vert Marius Diserens, dont nous mentionnons les errances dans ce numéro, a récemment fait l’objet d’une campagne de cyberharcèlement inacceptable. Saurait-on s’en réjouir ? Bien sûr que non : un comportement laid est un comportement laid, peu importe qui est ciblé.

Peu importe la cible, un comportement laid est un comportement laid.

Nous l’avons dit cent fois, mais nous le redisons : l’idéal de notre journal n’est ni complètement chrétien, ni complètement libéral, ni totalement conservateur, et a fortiori pas d’extrême droite. Notre propos est de participer, sans piocher pour cela dans les poches du contribuable, à la renaissance d’une culture du débat authentique. Pour que la chose soit enfin possible, libertaires de tous les partis, unissez-vous !

Voir aussi

  • Édition 35 – À déguster comme un cigare cubain

  • Réservé aux abonnés Le facteur sonne toujours deux fois

  • Un 1er août de la division à Lausanne

  • Comprendre la décadence