Le Canton de Vaud veut « déradicaliser » le souverainisme

Image: montage X/@EtatdeVaud et extrait du communiqué officiel.

Le Conseil d’État réaffirme son engagement à prévenir toutes les formes de radicalisation et à renforcer la cohésion sociale. Mais une de ses préoccupations pourrait surprendre…

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Retour en 2018 : la menace terroriste pèse sur l’Europe, et les départs vers les territoires tenus par Daech inquiètent les autorités. Le Canton de Vaud réagit alors en créant un « dispositif de lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent », avec une permanence téléphonique et des spécialistes pluridisciplinaires à disposition. Proches, parents, collègues… tous sont invités à signaler les situations préoccupantes. L’outil, présenté comme l’une des priorités du Conseil d’État vaudois sur son site web, entre en fonction.

Sept ans plus tard, près de 300 situations ont été suivies, annonce le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES). Et les signalements augmentent, notamment chez les mineurs. Pour pérenniser ce dispositif, le gouvernement cantonal adopte un nouveau cadre légal, la LPREV, qui fonde une Unité de prévention des radicalisations (UPRAD). À sa tête, Serge Terribilini, actuel préfet de Lausanne.


Guillaume Tell ou Andrew Tate, même combat


Mais un détail de la communication officielle interpelle : pour justifier son inquiétude, l’État cite « la montée en puissance de certains phénomènes comme le masculinisme, le complotisme ou le souverainisme. »

Extrait du communiqué de l’État de Vaud.

Oui, vous avez bien lu. À l’État, le souverainisme semble désormais susciter la même inquiétude que la haine des femmes ou l’obsession de pouvoirs occultes censés manipuler le monde. Dans un contexte où l’Union démocratique du centre (UDC), premier parti de Suisse, dénonce un « traité de soumission totale à l’UE » concernant le paquet d’accords qui sera soumis au vote de la population, cette mise en garde a de quoi susciter un certain scepticisme.

Le DJES tente de désamorcer la polémique. « L’Unité de prévention des radicalisations (UPRAD) ne vise aucune idéologie en particulier », assure Pauline Cancela, responsable communication du département. « Elle agit sur la base des signalements et procède à une analyse au cas par cas. Le suivi est toujours volontaire. Certains signalements ne donnent lieu à aucune intervention. »


Des cas réels


Mais elle confirme aussi que, depuis 2018, certains cas traités étaient bien liés à des discours souverainistes. « Comme le reste des idéologies, ce référentiel idéologique est jugé préoccupant par l’UPRAD lorsqu’il est poussé à son extrême et qu’il conduit à une rupture telle que la personne en vient à justifier ou envisagerla violence contre les institutions ou certains groupes sociaux. Cette logique de rupture qui peut conduire à la violence est commune aux différentes idéologies lorsque poussées dans leurs extrêmes, et c’est en ce sens que le souverainisme rejoint les extrémismes religieux, le complotisme ou encore le masculinisme. »

Cette année, une altercation avec la police a eu lieu lors de la grève féministe à Lausanne, des universités romandes ont été occupées, des trains et des autoroutes bloqués pour Gaza ou le climat. Pourquoi ne pas mentionner aussi ces idéologies, dès lors que toutes sont suspectes de mener au pire ? 

Observateur de la politique européenne de la Suisse depuis plus de trois décennies, le journaliste François Schaller n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, chercher à marginaliser et criminaliser le souverainisme, le sortir du débat démocratique – et ce, avec de l’argent public – est une dérive. « Cela dit, cette volonté de disqualifier la notion n’est pas nouvelle. Pendant longtemps, le terme lui-même était tabou, presque considéré comme ridicule, en raison des interdépendances entre États qu’on nous servait systématiquement comme horizon indépassable. On voyait dans le souverainisme une tentative de réveiller de vieilles rancœurs nationales. »

A ses yeux, le souverainisme est en partie réhabilité aujourd’hui – mais uniquement lorsqu’il s’agit de parler de l’Union européenne. Il relève que dans la bouche d’un Emmanuel Macron par exemple, la souveraineté de l’Europe est fréquemment mentionnée pour demander des investissements massifs dans la défense.

Et si, finalement, l’État de Vaud n’avait pas tout simplement un peu de retard sur l’actualité ?

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