La position du démissionnaire

Toujours est-il que le futur ex-conseiller fédéral nous régale ces jours avec des audaces de démissionnaire que nous aurions presque envie de comparer à un cigare dominicain consécutif à une orgie romaine. Déjà peu féru de collégialité durant toute sa carrière, le Zurichois vient de percuter à de multiples reprises le mur du politiquement correct. Tout d’abord en affirmant qu’il souhaitait qu’une femme ou un homme lui succède à Berne, et non pas un «ça». Alors certes, en d’autres temps, personne n’y aurait rien compris. Depuis l’émergence d’artistes «non binaires», femmes à moustache ou hommes peu à l’aise au volant, le message est en revanche beaucoup plus clair. Tellement clair d’ailleurs qu’un «réseau transgenre» (transsexuel c’est plus couteux) a exigé des excuses qu’il n’obtiendra malheureusement pas. On espère que ce courageux collectif s’en remettra, surtout financièrement.

Mais ce bougre de Maurer n’allait pas s’arrêter là. Il lui fallait encore allumer les «indignés permanents», plus à l’aise avec le sexe des anges qu’avec les vraies préoccupations de la population, davantage matérielles. Tant d’audace ne devait évidemment pas échapper à la vigilance du Blick romand, qui nous a gentiment alertés sur les collusions entre UDC et néo-nazis sur fond de stratégie commune anti-LGBT. Rien que ça. Qu’on nous permette ici une hypothèse intermédiaire: et si, même hors des cadres extrémistes, les gens du commun en avaient tout simplement marre de se faire gaver toute l’année par les dernières inventions de bourgeois désœuvrés désireux de s’inventer un destin?

Comme si cette avalanche de bras d’honneur ne suffisait pas, le politicien agrarien vient d’annoncer, horreur suprême, qu’il se rendrait au Qatar pour soutenir l’équipe nationale de football dans le cadre de la Coupe du monde consacrée à cette sinistre activité. Là, malheureusement, on ne peut plus le défendre. Moins à cause des traditions locales en matière de droits de l’Homme (et de la femme) ou d’écologie que pour de bêtes questions de cohérence. Venant d’un bonhomme qui semble se complaire dans la défense d’une vision traditionnelle de la société, pourquoi s’afficher aux côtés de millionnaires à permanentes qui se roulent par terre au moindre contact? RP

Le PS remet le couvert

Après avoir appelé les castors à faire barrage contre la «stremdroate» française lors du duel entre Macron et Le Pen, les socialistes ont sorti leur plus belle plume (et leur meilleur graphiste) pour faire l’éloge de l’élection de Lula, Luiz Inácio Lula da Silva, plus précisément. Le nouveau président du Brésil est félicité par une très nécessaire publication Facebook: «Une victoire pour la démocratie» à côté d’une illustration bien rouge du nouveau chef, poing tendu.

Tant de choses à dire… Premièrement, votre serviteur n’en a que faire de l’élection de X ou Y ou Z. N’y voyez donc pas une crise de rage suite à la défaite du méchant Bolsonaro, loin de là. Ce qui questionne le plumitif que je suis, c’est l’amour démesuré que portent les gens de gauche à tout autre individu de gauche, quelles que soient les casseroles qu’il trimballe. On appelle cela de la solidarité clanique. Et cela mène généralement à des catastrophes en série. Autre gros questionnement, logique cette fois. En quoi l’élection de X (Lula) est-elle plus démocratique que celle de Y (Bolsonaro)? J’appelle tout admirateur de Lula qui nous lit à nous envoyer son explication factuelle, pas émotionnelle. Si celle-ci est convaincante, nous n’hésiterons pas à poser en tutus le poing gauche levé devant un plat de lentilles au tofu, en Une du prochain numéro. Si le courage est au rendez-vous, voici une question subsidiaire, à deux mille points: si un parti de droite avait célébré la victoire démocratique de Bolsonaro, la gauche suisse aurait-elle crié au populisme? FL




Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites!

«à plus Ueli! Franchement, on n’a jamais eu envie de se taper ta politique de merde.» Cette prose délicate ne provient pas du commentaire d’un internaute alcoolisé sur une page Facebook de tabloïd, mais de la section jeune d’un parti gouvernemental. Des JUSO, plus exactement, qui tenaient à saluer à leur manière l’annonce du départ du conseiller fédéral UDC Ueli Maurer. Pourquoi tant de haine? Simplement parce que l’élu, par ailleurs ancien président du parti agrarien, représentait l’aile la plus droitière du collège gouvernemental, ami des «imbéciles réactionnaires» selon les jeunes socialistes, et au service du «pour cent le plus riche». Et les roses en herbe de conclure leur message en beauté: «Franchement, tu ne nous manqueras pas. Par ailleurs, un parti qui bafoue aussi violemment les principes démocratiques que l’UDC ne devrait pas avoir deux sièges au Conseil fédéral.»

Des JUSO en colère

Ce type de publications, avec son cortège de références fécales, est-il validé par la base de l’organisation? Pas selon nos informations. Divers contacts socialistes jugent même ces provocations «contre-productives», bien qu’eux-mêmes se disent fortement opposés à la ligne politique de l’ancien président de l’UDC. Reste que les différents partis jeunes rivalisent souvent d’originalité lorsqu’il s’agit d’attaquer frontalement les usages politiques suisses, dont le respect d’une certaine étiquette.
Ainsi, il y a quelques mois, les jeunes UDC vaudois n’avaient pas hésité non plus à se mettre en scène en train de tirer sur des militants écologistes dans un clip parodique. Mais pour la présidente du parti Emmylou Ziehli-Maillard, la comparaison s’arrête là. «Que l’on soit d’accord ou non avec ses idées, il faut traiter un conseiller fédéral avec respect.» Elle regrette également que les commentaires aient été bloqués sous la publication des JUSO, là où sa formation avait accepté la critique. «En rompant le débat comme ça, ils montrent qu’il n’y a qu’une seule idéologie tolérable, la leur. Je trouve cette manière de procéder petite et antidémocratique».

Un hommage, loin des affres de la communication provoc’, mérite d’être relevé au milieu de ce marasme: celui d’Ada Marra. La conseillère nationale socialiste vaudoise, pourtant jamais épargnée par les échanges de tirs entre partis, a ainsi eu le courage d’évoquer un homme «avec beaucoup d’humour et toujours égal à lui-même.» Alors certes, «politiquement un ultralibéral éloigné des besoins de la population», mais admettons que des bilans nuancés de ce type contribuent davantage à nous faire aimer la démocratie que des montages grossiers portraiturant des ministres au lit ou aux WC.