Reverra-t-on cette droite au hockey ?

Au temps de l'unité (page Facebook de l'Alliance vaudoise).

Dans le canton de Vaud, le Gouvernement vient de mettre en scène sa propre implosion. Le constat est évident : le système politique est à bout de souffle et a besoin d’un grand coup de Ventolin.

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Certaines images vieillissent mal. Celles des candidats de l’Alliance vaudoise en campagne en 2022, unis comme un bataillon nord-coréen en parade officielle, en font partie. Au hockey, à l’apéro ou au comptoir, qu’elle avait fière allure, cette équipe ! « Une alliance forte pour un canton fort », nous disait-on alors, au moment même où la future majorité du gouvernement réclamait sur Facebook une fondue hebdomadaire dans les cantines scolaires (authentique).

Si la fondue crée l’unité, force est de constater que, trois ans plus tard, la droite vaudoise ne doit plus en manger beaucoup. C’est même à un spectacle assez consternant qu’elle est en train de nous habituer dans le cadre de l’« affaire Dittli ». Valérie Dittli, voici une jeune femme qui dérange. Imaginez : un petit Panzer qui n’a pas honte de vouloir gouverner, qui passe bien auprès des agriculteurs et des patrons, et qui surtout ne se soumet pas aux gardiens du temple broulisien ! Tout cela méritait bien un coup derrière la nuque. Et elle l’a reçu.

Une ambiance de procès de Moscou

Dans une mise en scène moralement infecte, le gouvernement vaudois a décidé de jeter sa benjamine sous le bus, vendredi 21 mars, en conférence de presse. Alors bien sûr, la centriste fait l’objet d’accusations potentiellement graves : violation du secret de fonction, tentatives d’abus d’autorité, incapacité à collaborer avec une cheffe de service… Mais à aucun moment ses collègues ne semblent envisager que, par-delà d’éventuelles fautes — dont il ne nous appartient pas de juger la réalité ou la gravité —, Valérie Dittli ait peut-être simplement voulu servir le bien du canton.


Parce que voyez-vous, les millionnaires, c’est très méchant, mais ça contribue tout de même un peu à la santé financière d’une collectivité, quand ils paient leurs impôts. Et si la grande argentière a pris quelques libertés pour tenter de les garder, c’est peut-être qu’elle essayait simplement de faire son boulot, malgré des subordonnés pas toujours enclins à suivre ses recommandations.

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De toute manière, l’heure n’est visiblement plus au principe de charité. De la part de la gauche, cela peut se comprendre : après tout, il faut bien trouver un point de chute pour le camarade Roger Nordmann, opportunément retraité du Conseil national. Mais de la part de la droite, certains éléments sont plus troublants : au fond, on se demande si, en humiliant publiquement Valérie Dittli, ses allié(e)s n’ont pas voulu neutraliser un électron libre devenu gênant — pour leurs intérêts, et ceux de leurs soutiens.

Et le respect des institutions ?

Il y a quelques semaines, la planète entière ou presque s’indignait de la violence des échanges entre Trump, son vice-président Vance et Zelensky, à la Maison-Blanche. Mais y a-t-il beaucoup plus de dignité quand la présidente d’un Conseil d’État et l’une des membres de son collège ne parviennent même plus à se parler, ni à se regarder, sur le plateau de Forum ? Oui, il est parfaitement indigne que les élites d’un canton qui chante « l’amour des lois » ne parviennent plus à mettre leurs différends de côté devant les caméras.

Un spectacle de désunion dramatique sur le plateau de Forum.


À propos, savez-vous que l’hymne vaudois nous encourage aussi à laisser, avec confiance, les rênes de l’État dans les mains d’un magistrat guidé par « la fermeté et la prudence » ? Certains surnagent, comme Vassilis Venizelos ou Frédéric Borloz, mais pour le reste, ce magistrat archétypal semble aujourd’hui n’être plus qu’une lointaine fiction.

Bien sûr, on peut reprocher à Valérie Dittli une communication mal maîtrisée, parfois trop émotive — à l’image de son retard planifié, lunettes de soleil sur le nez, lors de la conférence de presse qui devait la lyncher devant le monde entier. Mais n’est-il pas tout aussi choquant que l’État de Vaud publie un document accusant l’une de ses membres de n’être rien de moins qu’une menteuse ? Qui a sérieusement cru que la mise en ligne d’un « tableau récapitulatif des déclarations successives » de l’ex-cheffe des finances servirait l’intérêt général ?

Besoin d’autre chose

L’ambiance de procès de Moscou, les scènes dignes des sitcoms d’AB Productions (à qui l’on doit Les filles d’à côté ou Hélène et les garçons), l’instrumentalisation incessante des médias… Tout ce cocktail crée un climat dont ne sortira rien de bon. Tout au plus peut-on encourager Valérie Dittli à reprendre le service des communes à Christelle Luisier, afin de tuer un projet de loi calamiteux qui entend pousser à la fusion toutes nos collectivités de taille modeste.

Notre système politique est à bout de souffle. Non pas nos institutions, qu’il faut défendre, mais la répartition du pouvoir entre caciques PS et caciques PLR. Que le premier parti de Suisse soit condamné à rester hors de ce gouvernement en est un signe évident, tout comme l’abstention qui fait rage un peu partout. Dans ce contexte, une nouvelle force politique doit sans doute émerger.

Il y a encore bien des aurores qui n’ont pas encore lui, comme le dit la sagesse hindoue.

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