« Les femmes et le Coran », « Expériences, résistances et mobilisations des femmes musulmanes », « Boîte à outils antiracistes » destinée aux « étudiant·exs racisé·exs de l’UNIL et de l’EPFL »…
Avec une ribambelle de propositions de ce genre, la Semaine d’Action contre le Racisme de l’Université de Lausanne avait suscité quelques interrogations, fin mars. En cause : l’oubli de la question de l’antisémitisme, une idéologie fortement « décoloniale » et la participation du très antisioniste Kehinde Andrews, titulaire de la chaire d’études noires à la Birmingham City University. Un intellectuel, rappelait Watson, qui invitait à ne pas confondre « terreur » et « révolution » à propos de la lutte armée du Hamas.
De nombreux articles ont été écrits à propos des événements qui ont suivi sur le campus : occupation militante, chants controversés, fichage de professeurs collaborant avec des universités israéliennes… Aujourd’hui, le calme semble rétabli mais selon certains récits qui nous parviennent régulièrement, toutes les plaies ne sont pas encore guéries entre collègues. Alors que faire pour éviter que l’histoire ne se répète ? Et quelles leçons tirer de cet épisode ? Les réponses d’Amina Benkais-Benbrahim, Déléguée à l’intégration et Cheffe du Bureau cantonal vaudois pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI).
– Pensez-vous que la Semaine d’actions contre le racisme de l’Unil aurait mieux dû intégrer la question de l’antisémitisme ?
Le BCI ne fixe pas le programme de la Semaine contre le racisme, ne définit pas de thématique spécifique à chaque édition. Concrètement, il coorganise des événements, soutient les actions proposées par les acteurs de terrain (souvent des initiatives associatives ou communales), les coordonne, participe à leur financement et les relaie, notamment en publiant des informations sur la Semaine sur son site. Dans le cadre de l’édition 2024 de la Semaine d’Action contre le Racisme (SACR), 18 actions ont été soutenues par le BCI. Chaque porteur de projet -l’UNIL en est un parmi d’autres- est libre de son programme.
Cette approche ne se limite pas à la Semaine contre le racisme, le BCI est également en soutien de diverses actions en faveur de l’intégration et le vivre ensemble tout au long de l’année.
L’antisémitisme, à l’instar de toutes formes de racisme, doit être combattu et pas seulement pendant la Semaine contre le racisme ou à l’occasion de crises au Proche-Orient. Le BCI est attentif à cet aspect du racisme. Ainsi en mai dernier, dans le cadre d’une séance réunissant 150 partenaires du BCI, une conférence sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a explicité les différentes notions et définitions
– Pensez-vous qu’il peut y avoir un lien entre cette semaine qui avait alerté pas mal de personnes engagées contre l’antisémitisme et les événements subséquents évoqués ci-dessus ?
Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. En revanche, nous savons à quel point le conflit israélo-palestinien est extrêmement sensible. Ce qui me parait essentiel c’est de rester attentif à toutes les manifestations de racismes quel qu’elles soient, de continuer à sensibiliser le public et à accompagner les personnes confrontées à ces manifestations.
– Allez-vous suggérer de resserrer la vis au niveau du programme de cette semaine l’année prochaine ?
Le BCI ne fixe pas le programme de la Semaine contre le racisme. Il soutient, notamment financièrement, les initiatives et actions proposées par les acteurs de terrain (en particulier communes et associations).
Aussi, nous encourageons vivement les organisations et associations qui luttent contre l’antisémitisme à déposer des projets dans la perspective de la Semaine contre le racisme.
Le regard de Nadine Richon, blogueuse au Peuple et membre fondateur du Réseau laïque romand
Antisémitisme et actions contre le racisme
Je pense (…) que cette semaine contre le racisme a complètement raté la cible de l’antisémitisme, alors même qu’on était déjà face à une recrudescence du phénomène, en partie liée à la guerre de Gaza. Je ne sais pas si une information sur l’antisémitisme, à ce moment-là, aurait pu atténuer l’actuel recours décomplexé à une critique d’Israël fondée sur sa caractéristique de petit État juif dans l’océan du Proche-Orient, mais on peut penser que oui.
Il me semble que le politique doit inviter les enseignants actuels et en formation à éclairer la jeunesse de notre pays sur le lien entre l’antisémitisme et le slogan « de la rivière à la mer », emprunté à l’OLP des années 1960, et banalisé aujourd’hui par les occupants de nos universités. Si bien qu’on a vu un dirigeant du Hamas comme Khaled Mechaal féliciter les « étudiants américains et européens » pour leur reprise du fameux slogan, en y ajoutant lui-même « et du nord au sud » pour faire la jonction avec le Hezbollah.
Il faut rappeler une chose, cependant : ces étudiants représentent une minorité bruyante et faussement pacifiste, mais très marginale en Suisse. En outre, il faudrait se demander pourquoi la lutte contre l’islamophobie a pris une telle ampleur de nos jours, alors même que l’hostilité envers les musulmans de Suisse n’est pas plus flagrante qu’envers les juifs. Cela dit, aucune société n’est totalement immunisée contre le racisme et il y aura toujours du boulot dans ce domaine.
Il convient cependant de ne pas confondre racisme et critique d’une religion. Si l’expression publique de l’islam est absolue en Iran, par exemple, aucune religion ne peut se prévaloir de tous les droits dans une société démocratique. Une telle revendication risque d’accentuer le racisme envers des personnes tout à fait paisibles, et même pas forcément religieuses, mais identifiées comme appartenant à cette religion qui serait jugée pour le coup un peu trop remuante.