Seule une petite trentaine de manifestants sont venus houspiller les participants à la Nuit du Bien Commun, à Genève. Trop à droite, trop riches, trop cathos à leurs yeux. L’événement a pourtant pâti de cette mobilisation, largement relayée par la presse. Notre reportage.
« Pierre-Édouard, t’es foutu, Genève est dans la rue ». Il fallait une certaine audace pour oser lancer ce slogan, mercredi 8 octobre devant le Bâtiment des Forces Motrices. Alors que la cinquième édition de la Nuit du Bien Commun suscitait, selon la presse, une « vive polémique », seul un petit groupe de militants, souvent jeunes, avait fait le déplacement pour huer généreusement les participants à cette levée de fonds en faveur d’associations locales. Suffisamment, visiblement, pour représenter « Genève » à leurs yeux.
Message important: ce reportage vous est offert parce qu’une autre voix doit se faire entendre dans la presse suisse romande mais nous avons besoin de vous pour continuer à jouer notre rôle d’empêcheur de penser en rond.
Abonnements : https://lepeuple.ch/sabonner/
Dons : https://lepeuple.ch/nous-soutenir/
Notre guide de l’écriture journalistique (5 CHF): https://lepeuple.ch/librairie-du-peuple/le-manuel-de-lecriture-journalistique/
Notre manuel de survie médiatique (9.90 CHF): https://lepeuple.ch/librairie-du-peuple/le-manuel-de-survie-mediatique/
Trente militants, un vacarme médiatique
L’objet de leur colère ? Les réseaux trop proches de « l’Église catholique réactionnaire » (sic), trop à droite, trop riches, à l’origine de cet événement caritatif lancé en 2017 à Paris et qui, depuis, essaime dans d’autres villes de France, en Belgique et, donc, dans la Cité de Calvin. Et au cœur des revendications de la gauche radicale, un nom : Pierre-Édouard Stérin, milliardaire, exilé fiscal en Belgique, et ouvertement désireux de devenir un saint. « Pierre-Édouard, paie tes impôts, ça fera des sous pour les assos », scandaient les manifestants, entre considérations annexes sur l’UDC ou la guerre au Proche-Orient. Malgré des tenues parfois peu engageantes – rappelant les black blocs – les militants se sont cantonnés à une posture bon enfant, voire désarmante par moments : casseroles à la main et « un gros bouhhh sur vous » lancé aux participants. Peu d’agressivité, mais un réflexe étatiste totalement intégré, face à l’hydre libéral-conservateur.

Pittoresque ? Pas vraiment. Déjà parce que la tension était palpable au début de la mobilisation, avec un dispositif policier impressionnant au vu des forces en présence. Quant au dispositif de sécurité interne, il donnait aussi assez peu envie d’aller prêcher les vertus de marxisme-léninisme entre deux « pitchs » de représentants d’associations. Mais si la manifestation a malgré tout pesé, c’est parce qu’une salle bien moins remplie que lors des éditions précédentes, aux dires des habitués, a accueilli les représentants d’organisations locales venus quémander des dons. Sur 600 inscrits, seuls 400 environ avaient fait le déplacement, observait un membre du staff. Un revers pour une équipe qui, à l’approche du grand soir, affichait encore un objectif clair : « faire salle comble ! »

Des « fachos » qui financent l’aide aux allophones
La soirée, d’ailleurs. Curieux spectacle que de voir des donateurs traités de « fachos » dans la rue, puis soutenir massivement dès la première présentation une association venant en aide aux enfants allophones en difficulté scolaire… Sur scène, le rituel est désormais rôdé : succession de mini-récits minutés, trémolos dans la voix, pour décrocher des dons. « Un spectacle humiliant », selon un manifestant rencontré un peu plus tôt, qui dénonçait aussi le choix laissé à certaines fortunes de décider elles-mêmes où va leur argent, plutôt que de les verser aux impôts. Un procédé que l’organisation assume sans détour : elle rappelle qu’elle ne fait qu’utiliser une possibilité offerte par la loi, avec une mécanique peut-être « show off », mais qui permet aux dons d’être plus massifs – pour le plus grand profit du tissu social. « Que la société civile se mobilise elle-même pour le bien de tous, je trouve ça très beau », confiait un membre du staff, tandis qu’à côté de nous passaient des hôtesses certainement pas choisies parmi les plus vilaines filles de la République. La générosité, ça se provoque.
Quand la presse relaie la censure
Reste une question de fond : pendant des jours, les médias se sont fait les relais d’attaques de l’extrême-gauche qui, au bout du compte, auront nui à plusieurs associations locales, venant en aide aux plus fragiles. Cette édition, l’organisation annonce avoir réuni quelque 600 000 francs, alors que l’édition 2024 avait débouché sur plus de 815 000 francs. La complaisance médiatique dont a bénéficié une micro-frange de la société, jusque dans une grande enquête du média libéral Le Temps, n’a-t-elle pas contribué à ce désengagement ?
La vraie question n’est pas seulement dans la rue. Elle est dans ce dilemme fondamental : solidarité publique ou initiative privée ? Notre analyse exclusive ici : https://lepeuple.ch/edito-quand-trente-manifestants-font-oublier-lessentiel/