Un grand tumulte s’est éteint. Le tonnerre de la controverse, qui a longtemps parsemé la vie de Jean-Marie Le Pen, s’est tu. Et maintenant, loin des passions qui, tantôt, ont éclairé, tantôt obscurci son existence, est venu le temps pour les générations suivantes d’évaluer l’action de cet homme. Jean-Marie Le Pen s’en est allé, emportant avec lui le dernier éclat d’une époque où le verbe politique fleurait bon le défi, où l’orateur électrisait les foules et troublait les esprits et les cœurs tièdes. C’était un météore : brillant, incandescent, mais portant une part d’ombre.
Qui était Jean-Marie Le Pen ? Un patriote ? Un tribun ? Un provocateur ? Une force irrésistible ? Un semeur de discordes ? La vérité, comme souvent, se trouve quelque part entre les deux. Ses discours témoignaient de la ferveur désespérée et indignée de ceux qui sentent leur patrie glisser vers le chaos. Il était exigeant, exclusif et provocateur dans son amour pour la France. Cette passion, portée à son paroxysme, l’entraînait souvent à des excès qui lui aliénaient même ceux qui partageaient, en partie, ses inquiétudes.
Était-ce un homme de combats ? Oui, et toute sa vie a été une guerre. Si nous pouvons désapprouver ses actes, ses opinions et ses propos, nous ne pouvons qu’admirer sa détermination. De ses humbles origines bretonnes aux tribunes agitées des campagnes électorales, Jean-Marie Le Pen était un homme de combat, un adversaire redoutable et redouté ainsi qu’un homme qui ne se laissait pas troubler par les tempêtes judiciaires et médiatiques.
Ce tribun cachait en lui un je-ne-sais-quoi qui le rendait aussi fascinant que dangereux. Son verbe acéré, souvent excessif, blessait. Ses idées, profondément enracinées dans une certaine vision de la France, s’accompagnaient parfois de formules si tranchantes qu’elles semblaient oublier que la nation ne se construit pas seulement sur l’héritage, mais aussi sur l’accueil et le renouvellement.
On ne peut pas simplement résumer Jean-Marie Le Pen à ses provocations. Derrière l’homme politique et le chef de parti controversé, se dessine l’homme fidèle à ses convictions, à ses proches, à une certaine idée de la France qu’il voulait, à tort ou à raison, sauver de ce qu’il voyait comme son déclin.
Jean-Marie Le Pen laisse derrière lui un héritage et un défi. Il a réveillé des angoisses profondes, obligeant son pays à affronter ses divisions et ses doutes. Il a aussi, par ses excès, figé le débat dans des oppositions autant stériles qu’inutiles, où la réflexion cède souvent le pas à l’invective.
Aujourd’hui, il est enfin en paix. Les éloges et les anathèmes s’élèveront sans fin. Devant le menhir, nous devons accepter une question : comment voulons-nous nous souvenir de cet homme ? Comme d’un combattant qui, par sa ténacité, a marqué l’histoire politique française, ou comme d’un homme dont les luttes furent parfois aussi destructrices qu’inspirantes ?
Reposez en paix, Monsieur Le Pen ! Vous avez aimé une certaine idée de la France, et cette France vous doit au moins la reconnaissance de cette passion pour elle.
Reposez en paix, Monsieur Le Pen ! Même si vous avez parfois oublié qu’un pays ne se résume pas seulement à sa grandeur passée, mais aussi à sa capacité de se renouveler.
Reposez en paix Monsieur, Le Pen ! Que chacun retienne ce qu’il voudra : que ce soit l’orateur, le provocateur, le patriote ou le polémiste. Mais que l’on n’oublie jamais que vous étiez avant tout un homme avec vos forces et vos failles, un homme qui, quoi qu’on en pense, n’a jamais cessé de lutter pour ce qu’il croyait être juste.
Reposez en paix, Monsieur Le Pen ! Vous avez combattu avec ferveur, aimé avec passion et divisé avec éclat. Que le repos vous soit donné, enfin, au-delà des tumultes terrestres.