Houellebecq, un chrétien de notre temps

L’auteur, en 2016, pour la promotion de «Soumission» à Porto Allegre. DR
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Céline du rayon surgelé, l’auteur d’«Anéantir» est surtout un catholique contrarié, affirme une étude des soubassements théologiques de son œuvre. Décapant. Par Raphaël Pomey

Pour ceux qui voient uniquement en Houellebecq le chantre d’une sexualité triste, l’idée qu’il puisse représenter «une des voix catholiques les plus authentiques de notre temps» peut surprendre, voire choquer. Pourtant, c’est ce que démontre un ouvrage collectif, «Misère de l’homme sans Dieu», paru cette année chez Flammarion, dans le sillage de son dernier roman. Étude pointue de son rapport à la foi, l’ouvrage nous dresse le portrait d’un «amant malheureux de la religion». Un amant bien incapable de croire, hélas pour lui, mais qui se montre néanmoins nostalgique du rôle de «ciment social» que le christianisme jouait dans nos pays. Pays où règne désormais, selon lui, un individualisme corrosif. Ne déclarait-il pas déjà en 1998: «Je ne crois pas à la possibilité de société sans religion. L’idée de société et l’idée de religion sont pour moi identiques»? Auteur classé à droite, souvent en raison de provocations destinées à faire la promotion de ses livres, Houellebecq n’en est pas moins à la recherche d’un «rempart contre le libéralisme», souligne l’étude.

Peu importe la doctrine, pourvu qu’on ait la consolation

Doit-on, à sa suite, espérer la naissance d’une religion pouvant cohabiter avec la froide rationalité moderne, ou tenter de ressusciter une «société organique» soudée par la foi? Sans réellement trancher, le dernier roman de Houellebecq, «Anéantir», ouvre une voie pour le moins inattendue : on y découvre une femme aux croyances un peu farfelues (elle est plus ou moins adepte de la Wicca, religion new age) qui permet au héros principal, chrétien de tradition, de se préparer à la mort avec un minimum de sérénité, et avec les plaisirs de la chair comme ultimes sacrements. Peu importe la doctrine, pourvu qu’on ait la consolation, en somme.

Pour un nouveau pari pascalien
De la double lecture du dernier roman de Houellebecq et de l’ouvrage consacré à sa théologie, un regret s’impose: que seuls les bénéfices sociaux de la religion apparaissent sous sa plume, sans que la foi pure, celle des enfants, semble une option pour ce positiviste de conviction. A cette aporie, un autre scientifique, Pascal, avait répondu par un pari. Celui de tenter l’espérance, même à partir d’un postulat agnostique, voire athée. «Espérer contre toute espérance», comme l’avait déjà écrit saint Paul en Romains, 4, 18. Peut-être une voie pour notre temps?

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