Démographie : La politique organise la pénurie
L’explosion démographique
Pour avoir une idée du phénomène frappant la Suisse, il faut s’imaginer qu’il se construit annuellement, depuis des décennies, une ville de la taille de Lucerne pour accueillir les ressources apparemment nécessaires à notre système économique. Dans le Canton de Vaud, c’est la population de la ville de Prilly qui doit trouver à se loger chaque année.
Comment imaginer le fonctionnement des hôpitaux, EMS et des autres institutions de soins sans leur personnel étranger ? On admet communément qu’il est impossible d’affronter la pénurie de main d’œuvre sans les ressources humaines de nos voisins européens. Et puis, il y a les cerveaux et les profils hautement qualifiés, issus de tous les continents, grâce auxquels rayonnent nos Hautes Ecoles et les fleurons de notre économie ; les employés de Crédit Suisse en attestent.
« Par chance » toutes ces personnes n’ont pas besoin de trouver un toit ici. Ils sont quotidiennement environ 44’000 à naviguer sur le lac Léman ou à franchir le Jura puis à sillonner les routes vaudoises. C’est tout de même le mouvement biquotidien d’un flux équivalent au double de la population de Renens ! Le mouvement est encore plus intense à Genève et au Tessin.
Une aubaine ?
Quoi qu’en disent certains, l’économie tourne à plein régime. Jamais l’Etat de Vaud n’a encaissé autant d’argent (11,5 milliards en 2023 !). Cette période de surconsommation de ressources est notamment caractérisée par la fracture entre les bénéficiaires des prestations publiques et les forces vives, totalement autonomes, siphonnées au profit de la bourse collective. Les premiers peuvent compter sur un éventail diversifié d’aides allant au-delà des soutiens classiques que sont le Revenu d’Insertion et l’Aide sociale. Citons, parmi les plus onéreuses, le plafonnement des primes d’assurances maladie, les prestations complémentaires pour les familles et l’aide aux migrants. Alors que les seconds souffrent de l’érosion de leur revenu disponible par les effets conjugués d’une fiscalité confiscatoire et du retour de l’inflation.
À l’exception des bénéficiaires précités, les Vaudois ont en réalité peu goûté au miracle économique, que la liturgie médiatique récite encore à la gloire des deux héros locaux, MM. Maillard et Broulis.
Ce sont avant tout la paix sociale, la stabilité des institutions, la qualité des infrastructures, la performance du système d’éducation et de formation, l’attention portée à l’environnement et une qualité de vie rarement comparable sur le continent Européen qui expliquent cet afflux massif, dont les effets sont accentués par la libre circulation des personnes et le regroupement familial.
Or, chacun constate que la poule aux œufs d’or souffre d’épuisement à force d’être sollicitée. Des symptômes préoccupants apparaissent. Ils se manifestent par la congestion des infrastructures de transport, des pénuries de main d’œuvre, d’institutions de soins et d’accueil, de logements. Selon les circonstances, on nous prédit des déficits énergétiques, hydriques, voire alimentaires. Dans ce contexte, je m’étonne qu’une majorité de politiciens demeure figée sur le logiciel de croissance des années d’après-guerre[1].
L’emballement mène au rationnement.
Le secteur immobilier symbolise le cercle vicieux induit par les effets de cette croissance quoi qu’il en coûte. On attend de lui qu’il produise très (trop ?) rapidement de quoi loger toutes les composantes du flux migratoire, dans un contexte de raréfaction du sol, d’inflation normative et technique délirante et de déficit de main d’œuvre. Vaud impose, en plus, aux propriétaires d’améliorer les performances énergétiques de leur parc tout en plafonnant les loyers. Il réserve, en outre, à la collectivité de renforcer sa position dans le système, en préemptant les objets vendus. Ce fonctionnement correspond à celui d’une économie administrée selon le modèle du rationnement.
Le domaine énergétique, instable par nature dans un pays importateur, n’est pas en reste. Désireux de marquer l’Histoire en épousant le sens commun, nos politiciens ont décidé de nous priver de l’énergie nucléaire, en recourant à des alternatives aux bilans environnementaux souvent moins favorables. Adepte de la méthode du bâton et de la carotte, la machine administrative catéchise la population aux préceptes de la mobilité et des systèmes de chauffage dépendant essentiellement de l’électricité.
Le monopole des fournisseurs publics d’électricité assure simultanément l’aliénation des administrés-consommateurs et l’alimentation des caisses publiques. Qui ne s’est-il pas réjoui du résultat record de Romande Energie, en 2023 ? Le déploiement de compteurs « intelligents » permettra aux services publics de restreindre les accros à l’électron par des mesures planificatrices qui conduiront au bien-être collectif.
L’accroissement anarchique de la population produit aussi des effets sur le système de santé publique. Les responsables Vaudois qui se succèdent depuis 20 ans n’ont pas osé poursuivre la réorganisation hospitalière imposée par l’évolution des charges. Au contraire, ils ont « courageusement » opté pour l’augmentation des effectifs, la limitation de la rémunération des médecins-chefs et les restrictions d’équipements dans les établissements privés. L’option socialiste d’étatiser la santé publique ne permet manifestement pas aux assurés Vaudois – du moins, ceux qui ne profitent pas des aides – de descendre du podium des primes les plus élevées du pays. Ils ne bénéficient pas, pour autant, d’un accès aux soins plus efficace.
À ce rythme, une majorité de Vaudois peut tomber dans l’assistanat. Cette situation justifierait, aux yeux de certains planificateurs, un rationnement des prestations publiques. Les commissaires à la santé décideraient alors des critères de discrimination : l’âge, l’état de santé, le comportement alimentaire, le revenu, la fortune, les orientations politiques, sexuelles ou religieuses. Le terreau du rationnement est fertilisé par les appels lancinants en faveur d’une caisse unique d’assurance-maladie, présentée comme le seul remède à l’évolution des charges. Et si l’accroissement délirant de la population était une cause de l’alourdissement du système sanitaire et de l’augmentation de ses coûts ?
Le besoin d’une vision à long terme
La libre circulation répond, sur le court terme, aux besoins d’un marché duquel tous nos voisins aimeraient tirer profit. Son usage immédiat et incontrôlé laisse entrevoir les pénuries parce que nous évoluons dans un système aux ressources limitées. Comme il l’a déjà fait, le souverain se prononcera sur la question essentielle de la démographie. Faisons le pari que nous serons une majorité à rejeter l’ancien modèle économique consistant à créer de la demande ; c’est-à-dire à loger, éduquer, former, soigner, une population étrangère moins sensible à nos équilibres et proportionnellement plus consommatrice de prestations sociales.
Concevoir la Suisse à 10 millions d’habitants et à 500’000 frontaliers, c’est organiser pénuries et rationnements. Le jour du dépassement, si cher aux ONG et autres censeurs vertueux, risque de tomber en février, si le projet migratoire n’est pas reconsidéré.
L’inspiration doit venir des autorités de Grimisuat qui ont fait le choix de plafonner la population communale afin de limiter la pression sur l’eau. La sauvegarde de nos ressources, de nos systèmes sociaux, la mise en œuvre de politiques écologiques, plus efficaces que punitives, et la préservation de notre autonomie alimentaire imposent une action résolue face à l’évolution anarchique de la démographie suisse. Notre liberté est à ce prix !
Nicolas Daïna, ing. forestier dipl. EPFZ, directeur d’une régie immobilière.
[1] En 1950, la Suisse compte 4,7 mios d’habitants, dont 6% d’étrangers. Nous sommes 8,9 mios en 2022, dont 26% d’étrangers.