La salle était en sous-sol, dans ce quartier populaire de Lausanne où l’immigration avait mille visages. Ça sentait la sueur et le fer chaud. Le bruit des haltères cognait comme une musique commune. On y croisait un « Momo » dans son jogging XXL rescapé des années 80, des Italiens, des Yougos, des Suisses, des Africains. Un évangélique, maillot de foot israélien sur le dos, s’entraînait chaque semaine – protégé par d’autres sportifs pourtant à l’opposé de ses convictions.
Ici, il n’y avait ni Noirs ni Blancs, ni hétéros ni gays. Il n’y avait que la fonte, les poids, et cette volonté butée d’en découdre avec soi-même, et seulement soi-même. La salle, c’était un sanctuaire profane où les différences restaient au vestiaire et où chacun communiait dans le culte de l’effort.
Cette salle existe encore. Peut-être que Momo surcharge toujours la presse à cuisses, fier de ressortir ses vieilles photos « énormes ». Mais aujourd’hui, un autre récit s’impose : ce lieu de brassage et de fraternité serait, à en croire Blick, une « porte d’entrée vers la fachosphère ».
Un chercheur y explique que pousser de la fonte pourrait mener à pousser des idées extrêmes, comme si chaque développé-couché rapprochait mécaniquement de la radicalisation. Guillaume Vallet, professeur d’économie à l’Université Grenoble Alpes, affirme que le muscle « favorise la diffusion de modèles simplistes », réalité face à laquelle les pouvoirs publics resteraient sourds. Mazette. Et l’expert d’ajouter que, dans un monde incertain, le corps devient une « armure », la seule chose que l’on peut contrôler, exhiber, opposer. Pour lui, dès lors qu’un individu considère son corps comme la réponse à tout, il serait déjà en train de glisser vers l’extrême.
Le nouveau visage du mépris de classe
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