Les étranges audaces de la RTS sur Instagram

Tandis que la menace d’une redevance allégée plane sur le service public, un contenu déroutant attend les internautes sur le célèbre réseau social.
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On peut trouver bien des manières de désigner la Radio télévision suisse (RTS) : véritable Pravda pour les uns, elle est la garante d’une information de qualité pour les autres, et l’Eldorado de la plupart des journalistes. « Le média romand qui met en lumière la diversité des opinions et des modes de vie d’aujourd’hui », en revanche, est une définition que l’on entend peu.

C’est pourtant celle que l’entreprise s’est choisie sur son compte Instagram généraliste, comptant 88’000 suiveurs et plus de 500 publications. Coexistant avec rtsinfo, rtssport, rtsarchives ou rtsculture, cet espace se distingue avec des contenus étonnants. « Nous sommes tous appelés à devenir des bouddhas », nous indique le premier sujet en ligne à l’heure de l’écriture de cet article (30 novembre 2023). Félicien, dans le second, nous parle d’un problème de verrues qui a transformé sa pratique du sexe anal en véritable calvaire. Nous attendent encore le récit d’une jeune femme au tatouage de nonne sur le mollet, le témoignage d’un adepte du slip thermique ou la riche histoire du thé froid de la Migros. Le tout sans oublier une très conformiste tentative de déconstruction de la masculinité ainsi que le récit d’émancipation d’une princesse de jeux vidéo !

Étrange définition.

« Inspirant et constructif »

A l’évidence, la diversité se porte bien. Mais le rôle de la RTS ne consiste-t-il pas plus à créer de l’unité dans le paysage intellectuel suisse ? N’est-on pas ici en train de fragmenter la population pour en faire une juxtaposition de « tribus » toutes plus cocasses les unes que les autres ? Nous avons posé la question à Christophe Minder, porte-parole de l’entreprise. Il explique que « ce compte Instagram de la RTS se veut au contraire incluant et aussi représentatif que possible de la diversité qui caractérise la Suisse romande. »

Quant au choix de ne parler quasiment que de sujets « sociétaux » sur cet espace, le communicant explique qu’il découle bel et bien des attentes de la population : « Nos choix éditoriaux visent d’abord à répondre aux besoins du public. Le travail de notre équipe stratégique permet d’ajuster en permanence notre offre éditoriale à ces besoins. Par ailleurs ce compte Instagram s’inscrit en complément à l’offre éditoriale de la RTS sur l’ensemble des vecteurs. » Et de préciser : « Nos formats digitaux mettent en lumière des histoires de vie diverses et variées, qui se veulent inspirantes et constructives. »

« Pas avec notre argent »

Président de l’UDC Vaud et totalement acquis à l’idée d’une redevance délestée, Kevin Grangier s’en trouve peut-être inspiré, en effet, mais pas dans le sens où le souhaiterait Christophe Minder : d’abord parce que la RTS n’a pas de mandat de service public sur internet et surtout parce que « l’argent du contribuable n’a pas vocation à y soutenir la diffusion d’une idéologie de centre gauche. » Avec le passage de la redevance de 335 à 200 francs par an, se réjouit-il, la chaîne aura tout loisir de se recentrer sur l’essentiel de sa mission.

Une perspective qui ne déplairait pas à Daniel Hammer, secrétaire général de Médias Suisse : « L’activité de la SSR est actuellement pléthorique sur ses canaux numériques, dénonce ce représentant des éditeurs romands. Ces contenus gratuits créent une distorsion de la concurrence et empêchent les médias privés de lancer des offres payantes en ligne. Elles seraient pourtant indispensables pour répondre à la demande des consommateurs et assurer la survie des médias romands. » Une observation qui prend tout son sens dans le contexte de licenciements massifs qui viennent de marquer la profession.

Pour rappel la SSR, à laquelle appartient la RTS, menace de devoir supprimer 900 postes si la taxe radio-TV passait de 335 à 300 francs, ainsi que le propose le Conseil fédéral pour contrer l’initiative SSR « 200 francs, ça suffit ». Ses mesures sont en consultation jusqu’au 1er février.

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