Faire vivre la tradition, à la façon écolo

Syndic Vert de Daillens (VD), Alberto Mocchi organise une fête fédérale sans feux d’artifice, période de sécheresse ou non. Le but de l’ex-président de la section cantonale du parti écologiste: soigner l’environnement et les finances communales. Les rêves des enfants en sortiront-ils indemnes?
Alberto Mocchi (médaillon) a décidé de se passer des feux pour le 1er août. Il préfère proposer un brunch constitué de produits locaux. Unsplash / Thomas Park
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Alberto Mocchi, vous avez présenté votre choix comme «utile» et «écologique», dans 24 heures. Ce sont les mots-clés d’un nouveau puritanisme?

Je ne crois pas. D’abord, il faut en revenir à ce qu’est fondamentalement le 1er août, à savoir une fête où l’on célèbre un certain nombre de valeurs qui nous font vivre ensemble. Cela une fois posé, qu’est-ce qui nous conduit à nous rassembler physiquement à cette occasion ? Des explosions dans le ciel, ou un brunch convivial ? Aujourd’hui, je constate qu’il y a plus de gens qui participent à notre événement qu’il y a trois ou quatre ans. A l’évidence, les feux ne sont donc pas incontournables. De plus, notre brunch donne un coup de pouce bienvenu à l’économie locale, durement éprouvée par le Covid. Et puis je dois dire que je ne vois pas en quoi manger de la tresse, de la confiture d’abricot ou de la charcuterie serait particulièrement puritain…

C’est bien gentil d’offrir du miel à vos habitants le 1er août, mais les souvenirs, la poésie d’un ciel qui s’embrase, ça ne vous dit rien, à vous?

Oui, bien sûr que ça me dit quelque chose. Nous avons d’ailleurs gardé le grand feu et les lampions, et nous n’interdisons pas aux personnes qui le souhaitent de tirer leurs fusées, sauf raisons de sécheresse. Mais il faut tout de même garder en tête que certaines personnes détestent les feux d’artifice alors que personne ne déteste les brunchs. Depuis le changement de programme des festivités, l’an dernier, nous n’avons reçu aucun commentaire négatif. Peut-être que des gens ont râlé chez eux, mais tous les retours ont été encourageants, y compris ceux de gens de droite, ou plutôt conservateurs.

N’avez-vous pas le sentiment de faire de l’écologie une matrice d’interdictions en tout genre?

Je n’interdis rien. Je fais un choix de politique publique et tout un chacun est libre d’aller à Lausanne Ouchy ou ailleurs pour regarder des feux d’artifice si telle est sa préférence. La Municipalité de Daillens a simplement fait une autre proposition. Les fêtes évoluent ; je ne pense pas que nous fêtions le 1er août de la même manière qu’en 1922 ! A chaque époque, certaines innovations, comme peut-être les feux d’artifice d’ailleurs, ont dû représenter une épouvantable diablerie moderne. Je ne crois pas au progrès constant et linéaire, mais je pense que c’est en faisant évoluer les traditions qu’on leur permet de survivre.

Doit-on simplement accepter de renoncer à tous les charmes de notre style de vie parce que c’est bon pour la planète?

On doit renoncer à certains éléments, pas à tout. Aujourd’hui, on vit depuis trop longtemps à crédit et certains comportements ne sont tout simplement plus acceptables, car nous n’en avons plus les moyens. Par analogie avec un ménage, on ne peut continuer à s’endetter et à gaspiller sans cesse : à un moment donné les créanciers – dans notre cas l’environnement – finissent par réclamer leur dû. En être conscients est juste une question de bon sens, pas d’idéologie.

Commentaire

D’accord, il tient un blog sur Le Temps qui fait la part belle à une langue inclusive qui ne nous est guère agréable, que ce soit esthétiquement ou idéologiquement. Mais avec son souci de marier traditions, patriotisme et question écologique, Alberto Mocchi représente une sensibilité verte qu’il nous faut saluer. Parce qu’au lieu d’interdire les joies les plus innocentes, comme faire partir des fusées lors du 1er août, elle propose autre chose. Un brunch, en l’occurrence, avec de la viande pour ceux qui en veulent.
Est-ce à dire que nous aussi, au nom d’une eschatologie écologiste étouffante, considérons qu’il faut renoncer à ces moments traditionnels de fête fédérale où le ciel s’enflamme, et les yeux des enfants s’émerveillent ? Certainement pas, car pour important qu’il soit, le respect de la Création ne doit pas prendre le pas sur la célébration, un jour par an, de la communauté politique. On connaît tellement de situations où la modernité des incultes vient polluer la nature – pensons aux randonneurs équipés de boombox – que l’on ne comprend d’ailleurs pas trop pourquoi les festivités du 1er août, en particulier, semblent soudainement si dramatiques.
Peut-être parce que l’on veut bien honorer encore les traditions, mais à condition de les stériliser, de les rendre responsables. C’est sans doute le prix de leur survie, et au moins peut-on se réjouir de voir un Vert, solidement implanté dans la vie locale, veiller à sa manière au maintien de l’identité de notre beau pays.

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