Émeutes à Lausanne : le prix du mépris #reportage

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Le quartier du Flon portait les stigmates de l’importation de l’affaire Nahel, ce dimanche matin. Mais pourquoi la capitale vaudoise, en particulier, a-t-elle été touchée par la vague de vandalisme qui frappe la France ? 

Nous sommes dans la nuit de samedi à dimanche, vers une heure du matin, sur le Grand-Pont. En contrebas, la vie nocturne habituelle du quartier du Flon semble battre son plein tandis qu’un duo de Hongrois surgit vers nous pour demander conseil sur les clubs de la capitale olympique.  

En toute logique, ils se voient dirigés vers la zone rendue célèbre par le MAD et consorts, mais la réplique surgit immédiatement, quoique dans un anglais approximatif : « Jamais de la vie ! En bas c’est comme en France : tous les gars de vos quartiers sont en train de foutre le b…. ». Et les jeunes de nous faire part de leur projet d’aller se battre contre eux, en faisant mine de tâter le terrain pour voir si nous ne serions pas disposés à les suivre.

Peu importe. Le gros de la bagarre, de toute manière, est déjà passé. En effet, c’est vers vingt heures que des affrontements ont opposé une centaine de jeunes à la police, près des magasins emblématiques du secteur : boutique de chaussures, de fringues, multimédia… Des images évoquant le chaos français qui font le tour du monde, depuis. 

Un paysage de désolation

Dimanche en milieu de matinée, les lieux conservaient les traces de ces tentatives de pénétrer dans les magasins pour refaire sa collection de Nike sous prétexte de colère sociale. Des dizaines de piétons, téléphones en main, filmaient les vitrines facturées et les pavés encore disséminés d’un bout à l’autre de la place. L’incompréhension était perceptible : « Comment c’est possible qu’on se retrouve avec ça chez nous », se lamentait une femme auprès de son mari. Tout le monde semblait incrédule. La présence d’un agent de sécurité juste derrière la vitrine de la FNAC avait aussi quelque chose de lunaire un dimanche.



Oui, comment une telle chose a-t-elle été possible ? Par le contexte médiatique, tout d’abord, explique un fin connaisseur du paysage de la sécurité lausannoise. Depuis des semaines, pas un jour sans que les élites politiques de la gauche locale ne tapent sur les policiers, dans le prolongement du procès lié au décès d’un dealer interpellé en 2018. « Preuve de ce lien, il n’y a pas eu de scènes d’émeutes aussi impressionnantes à Genève, qui se trouve pourtant bien plus proche de la frontière. » Il évoque néanmoins une « délinquance d’opportunité » chez les jeunes pilleurs, animé par aucun idéal politique, mais surtout par l’envie de se refaire une garde-robe. « Ils ont le même rapport à l’affaire Nahel que des hooligans au score du match de foot : le but est ailleurs. » Le caractère organisé ou non de la mobilisation, pour lui, se vérifiera en fonction d’éventuelles séquelles.

Dans sa communication, la police lausannoise a révélé des faits troublants : parmi les personnes interpellées, les profils était très jeunes et majoritairement issus de l’immigration : trois filles de 15 et 16 ans portugaise, bosniaque et somalienne, trois garçons suisse, géorgien et serbe, de 15 à 17 ans, et un adulte, suisse, de 24 ans. L’impression de jeunesse extrême des participants saute également aux yeux sur les vidéos de l’événements, qui tournent massivement sur le réseau social Twitter. 

« Face à ce déferlement de violence, dont les images font aujourd’hui le tour du monde, l’angélisme doit cesser », communique de son côté l’UDC Vaud. Et le parti conservateur de poursuivre : « Seule une réelle maîtrise de l’immigration permettra au canton de Vaud, et à la Suisse en général, de redevenir les havres de prospérité et de paix pour lesquels nos ancêtres se sont battus. »

Au micro du 12h45 de la RTS, le Municipal lausannois de la sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand a fait part de sa préoccupation concernant les nombreux mineurs impliqués, dont il souhaite qu’il ne « prennent pas de mauvaises habitudes ». Des « mauvaises habitudes » qui ne semblent pourtant pas si nouvelles pour qui se souvient de la manière dont la présence d’un rappeur français – Kalash Criminel – dans le quartier de Praz-Séchaud, avait poussé des dizaines de jeunes à se mettre à poursuivre un policier à moto, en 2017. Déjà, la presse avait évoqué une scène donnant « l’impression d’être filmée lors d’une émeute dans une banlieue française. »

 Max Frei


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