Drapeaux ukrainiens retirés en catimini

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Le soutien symbolique des différents cantons et communes suisses romands envers Kiev commence à s’essouffler. À Lausanne ou Genève, par exemple, l’étendard jaune et bleu a pris la poudre d’escampette sans faire beaucoup de bruit.

Alors que le conflit s’enlise sur le terrain, le drapeau ukrainien de l’Hôtel de Ville de Lausanne a été discrètement retiré lors du passage à l’an 2023. Le cas de la capitale olympique n’est pas isolé : plusieurs communes et cantons adoptent aujourd’hui une politique marquée par une certaine prudence en matière géopolitique. Fait troublant : l’installation des étendards avait souvent provoqué la publication de communiqués de presse soulignant le soutien qu’ils apportaient aux réfugiés ukrainiens, mais fort peu de publicité a été faite pour officialiser les retraits. À Genève, le service communication de la Cité de Calvin ne parvient d’ailleurs même pas à citer le jour précis où le symbole a été retiré. 

Sollicitée, la commune de Lausanne est plus précise : elle explique que si le drapeau a bien disparu après 2022, cela ne change en rien l’engagement de la capitale olympique en faveur de l’Ukraine. Cette solidarité se manifeste notamment par une collaboration avec l’Établissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM) afin de trouver des lieux d’accueil permettant de loger dans les meilleures conditions possibles les familles réfugiées. Mais la ville explique qu’« elle ne peut exprimer sa solidarité pour un seul pays sur le long terme alors que de nombreux drames se jouent ailleurs dans le monde ». 

Certes, il existe d’autres préoccupations majeures dans le monde. Pourtant, le conflit ukrainien a été au centre d’une attention médiatique et politique sans précédent dès le début des hostilités en février 2022. Dans ce contexte, d’autres collectivités ont choisi une stratégie plus conforme à la tradition de neutralité helvétique, notamment dans le Jura, à Delémont et Porrentruy, où un étendard de la Colombe de la paix a été privilégié. Les autorités neuchâteloises, quant à elles, n’ont affiché le drapeau ukrainien sur le château qu’une seule et unique journée symbolique, le 25 mars 2022. « Le Conseil d’État a tenu à marquer sa solidarité envers les victimes de la guerre en Ukraine, que ce soit sur place ou sur les routes de l’exil, nous explique-t-on. En sus des moyens qui sont actuellement déployés dans le Canton de Neuchâtel pour accueillir dignement les réfugié-e-s (sic) en provenance d’Ukraine, il a décidé de s’associer à l’action symbolique de plus en plus répandue à travers le monde qui consiste à hisser le drapeau ukrainien sur les bâtiments publics. Cela répondait également à la demande adressée au Conseil d’État par plus de trente député-e-s du Grand Conseil issu-e-s de plusieurs partis. » Et la communication du canton de préciser qu’il s’agissait là d’une « action symbolique ». 

Certaines communes maintiennent un cap plus clairement pro-ukrainien. À ce jour, les couleurs de ce pays flottent par exemple encore sur l’Hôtel de Ville d’Yverdon-les-Bains, malgré les réticences exprimées par l’UDClocale (20 Minutes du 5 décembre) ou par des amoureux qui ne souhaitaient pas célébrer leur union devant un emblème rappelant la guerre (24 Heures du 7 mai dernier). Reste que, comme le soulignait récemment dans Le Temps la présidente de l’association « Good Friends for Ukraine », Julia Peters, la solidarité des Suisses pour les réfugiés ukrainiens semble en train de se dissiper.

Commentaire

À l’évidence, le soutien symbolique reste important en Suisse romande en faveur de la cause ukrainienne. Il n’est toutefois pas interdit de se demander si l’affaiblissement de certaines mesures symboliques en 2023 s’inscrit dans un effacement inévitable de la thématique. Alors que Loukachenko, Macron et même Zelensky commencent à changer de champ lexical et abordent désormais les termes de « cessez-le-feu » et de « paix », certains se demandent même si des négociations décisives pourraient avoir lieu ces prochaines semaines. La cause ukrainienne, ainsi, entamerait sa transition vers le souvenir d’un conflit déjà bien loin derrière nous. Mais à quel prix ?

Max Frei

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