Des voix musulmanes au secours du calendrier chrétien

Pour marquer la fin du Ramadan, les Jeunes Verts Suisse ont affirmé qu’il était « inacceptable qu’en 2023, la vie quotidienne soit encore régie par l’Église chrétienne ». Une saillie qui ne convainc pas les principaux concernés. 

« Vous êtes définitivement à côté de la plaque », « Respectez mieux nos valeurs de Suisse », « Punaise, vous êtes vraiment un poison pour la Suisse »… Voici un rapide survol des réponses qui ont suivi un récent tweet des Jeunes Vert.e.x.s Suisse. Pourquoi tant d’émotion ? Simplement parce que leur compte officiel venait d’affirmer que la Suisse était un pays « discriminatoire » car les jours fériés y sont régis par le calendrier grégorien. Et d’appeler à l’adoption d’un « système de jours fériés flexible » afin d’être une société plus « inclusive ». 

Pas comme ça en terre d’Islam

Contacté, l’Imâm de la Mosquée de Lausanne ne voit pas l’intérêt d’un tel projet. Il considère qu’« il y a beaucoup de communautés et de nationalités différentes en Suisse et que cette idée n’est pas réalisable ». Selon lui, le plus important est que « la communauté musulmane, en Suisse, puisse continuer à faire des demandes de congé à l’avance aux employeurs afin de perpétuer leurs traditions ». Par ailleurs, il observe que dans les pays musulmans « il n’existe pas non plus de droit particulier accordé aux différentes communautés religieuses », et ne « voit ainsi pas l’utilité de sortir du calendrier chrétien ». 

Nous avons aussi interrogé Hafid Ouardiri. Ancien porte-parole de la Mosquée de Genève, il est aussi co-fondateur et directeur de la Fondation de l’Entre-Connaissance et prône le dialogue inter-religieux. A ses yeux, le terme d’inclusivité est désormais employé « dans tous les sens ». Il ajoute que « l’inclusivité souhaite aujourd’hui tout niveler par le bas ». S’il revendique évidemment que « chacun puisse pratiquer sa religion comme il l’entend », il ne comprend pas pourquoi cette formation politique « s’attaque au calendrier chrétien » et renchérit : « Être inclusif ne veut pas dire mettre tout au même niveau ». Hafid Ouardiri considère que la société est « riche et belle par la diversité, les particularités et les différentes cultures qui la composent. Le plus important est de respecter les différences et de laisser l’opportunité à chacun d’exprimer ses croyances ». Pour cela, il pense qu’il serait intéressant de « faciliter les célébrations des fêtes des autres religions en permettant à leurs pratiquants d’avoir droit à un jour de congé chômé et payé afin d’être dans l’égalité pour tous, comme c’est déjà le cas dans certaines entreprises ou organisations internationales ». Toutefois, il déplore dans le cas présent « un exemple d’instrumentalisation de la religion » et déplore qu’« aujourd’hui, on accuse souvent la religion de s’ingérer dans la politique et les affaires de la Cité alors qu’en réalité, c’est davantage le contraire ».

Un monde vide d’identités 

Une fois n’est pas coutume, UDC et communautés musulmanes pourraient-elles se retrouver sur la même longueur d’ondes ? Oui, à en croire Niels Rosselet-Christ, fraîchement élu Président du parti cantonal neuchâtelois. Selon lui, le calendrier helvétique se « fonde sur l’héritage judéo-chrétien de notre société ». Celle-ci « a pris ses racines dans le christianisme mais, que l’on soit croyant ou pas, bat encore à ce rythme comme le prouve le texte de la Constitution fédérale ». Il ajoute que « l’Islam n’est présent en Suisse que depuis une cinquantaine d’années ». Pour le reste, il affirme que « la communauté musulmane est reconnue » et relativise le caractère discriminatoire mis en avant par le compte Twitter des écologistes. Niels Rosselet-Christ observe « une provocation électoraliste » à quelques mois des scrutins fédéraux et « une attaque anticléricale de ce parti et de la gauche en général ». Selon lui, ce combat « se fait au profit d’un monde plus globalisé mais vide de toute identité ». En recul dans les sondages, les Jeunes Verts veulent selon lui « se renouveler et se cherchent une cause ». 

Pour les besoins de cet article, plusieurs cadres des Jeunes Verts ont été contactés sur différents supports pendant une semaine, sans qu’ils ne jugent utile de nous répondre. Une habitude…

Max Frei