Cathédrale outragée : le centre droit monte au front !

Alors que le parti conservateur UDC avait annoncé au Peuple en début de semaine qu’une interpellation serait déposée au Grand Conseil à la rentrée, un poids lourd entre dans la danse: le PLR, parti de la présidente du Conseil d’État Christelle Luisier. Dans un communiqué, la formation de centre droit n’hésite pas à parler de scandale et suggère même une baisse de la subvention contre le festival qui a organisé l’événement. Sa présidente répond à nos questions.

Florence Bettschart-Narbel, on n’a pas l’habitude de voir le centre droit se positionner sur ce type d’affaires. Pourquoi maintenant ?

Je crois que vous vous trompez. Le PLR s’est déjà positionné contre certaines prises de position politique des Églises vaudoises, notamment lors de l’initiative sur les multinationales responsables. Par ailleurs, lorsqu’il y a eu de la propagande syndicale au sein des gymnases, nous sommes aussi montés au créneau. Quand la neutralité politique de ces institutions n’est pas respectée, nous nous sommes à chaque fois positionnés. 

Y a-t-il chez vous une volonté de dire stop à la politisation des Églises ?

En l’occurrence, c’est plutôt le non-respect du règlement de l’utilisation de la cathédrale qui prévoit notamment une utilisation non politique et non polémique et dans le respect de l’esprit des lieux qui nous a choqués.

Vous présidez le conseil de fondation de l’Arsenic, centre d’art contemporain. Auriez-vous accepté un tel spectacle dans ce cadre ?

Le contexte aurait été tout différent. Tout d’abord, le Conseil de fondation ne se prononce pas sur la programmation artistique d’un lieu, tant qu’elle reste dans le cadre de la mission du théâtre. De plus, j’ai un grand respect de la liberté d’expression et de la liberté artistique.  En l’espèce, c’est le fait que cette représentation polémique ait eu lieu dans le cadre de la Cathédrale de Lausanne qui pose problème.

Avez-vous le sentiment qu’aujourd’hui, sous couvert de tolérance et d’inclusivité, certains mouvements peuvent tout faire

C’est ce qui m’a particulièrement choquée dans cette affaire. Le Festival de la Cité se dit inclusif et bienveillant. Or, le caractère haineux du spectacle du Hot Bodies Choir ne vise pas du tout une société apaisée. Bien au contraire, en appelant à la haine contre certains groupes de personnes, il polarise la société.


L’impensé de la gauche

On se sent souvent bien seul, à défendre le sens commun. Généralement, les belles âmes nous reprochent de faire des montagnes pour un rien, d’être réactionnaire ou d’extrême-droite. Seulement, vient un moment où même des personnes fort éloignées des choses de la foi, ou juste attachées au minimum de règles informelles nécessaires à la vie en société, disent elles aussi stop face au scandale de trop.

Le PLR n’est pas un parti conservateur. Pourquoi aurait-il eu besoin de l’être en des temps où il ne serait jamais venu à l’idée de quiconque de chanter sa haine de la police, des bourgeois ou des assureurs dans une cathédrale ? L’époque a changé, et certains ont perdu leurs repères, enfermés dans la certitude d’incarner le progrès. Face au scandale qui éclabousse Lausanne et la gestion de sa cathédrale, il faut savoir gré au centre droit d’avoir pris les choses en main en appelant un chat un chat. On aurait aimé que les gens qui ont pour mission de représenter les croyants en fassent autant. Sans doute ont-ils un bilan de la consommation énergétique de leurs paroisses à établir.

Depuis plus d’une année, Le Peuple fait face aux caricatures. Qu’il n’ait jamais écrit pour dénigrer telle ou telle communauté d’origine étrangère, peu importe : beaucoup ont tenté de faire de nous l’épouvantail d’extrême-droite dont ils avaient besoin pour s’inventer des combats. Aujourd’hui, alors que des personnes parfois libérales, athées, et même souvent d’autres confessions nous rejoignent dans notre combat, le sol se dérobe sous leurs pieds. Oui, l’écrasante majorité des gens en a marre de voir l’insulte, la mauvaise humeur et le déni de démocratie érigés en vertus cardinales.

C’est l’heure de la confidence : insulter le capitalisme, le bon Dieu et la police, nous aussi nous l’avons fait, et longtemps. Mais il ne nous serait jamais venu à l’idée de nous indigner des retombées de nos provocations. Lorsque nous étions de petits punks enragés, nihilistes et désespérés, nous savions que nous avions peu de chances de recevoir des médailles. Plutôt des coups de pied au derrière. Certains nous ont fait du bien, quelques-uns ont même sauvé nos vies.

L’affaire de cette semaine, en vérité, est éprouvante. Elle est éprouvante car elle met en lumière le degré de mollesse des grandes Églises, si longtemps soucieuses de mendier la sympathie du monde qu’elles ont fini par accepter d’accueillir l’insulte entre leurs murs. Insultes pour les capitalistes, les bourgeois et même la police qui protège les manifestations culturelles révolutionnaires organisées avec l’argent des braves gens. Elle montre aussi qu’à force de faire tout sauf leur travail central – annoncer l’évangile –, elles ont fini par se trouver remplies de n’importe quoi.

Reste une ultime question : si l’on peut se féliciter de la réaction du centre droit, on peut aussi se demander ce qui empêche les socialistes de marquer à leur tour leur désapprobation. Pour avoir des idéaux égalitaires, ce qui n’est philosophiquement pas inconcevable, doit-on pour autant se solidariser de la haine du flic, du bourgeois et du mâle ? Il y a là un impensé qui, malheureusement, fait fuir quantité de gens tout à fait recommandables d’une gauche qui vaut mieux que cela.

Raphaël Pomey