Appel à la prière musulmane à l’église : à quand des réponses ?

Tollé après un appel à la prière musulmane dans des églises catholiques suisses.
Une mélopée islamique à l'église, ou l’œcuménisme hors de contrôle (image d’illustration - Masjid Arrahman/unsplash)
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Ce fut un des feuilletons du début du mois de février. À Siviriez et Bulle (Fr) les 2, 3 et 4 février, des représentations ont été données d’une « Messe pour la paix » intitulée « L’homme armé » et composée par Karl Jenkins. Comportant l’Adhan, l’appel à la prière musulmane, ce concert avait généré quelques mois plus tôt une vive émotion en France : « Le texte chanté est en effet en contradiction obvie avec la foi chrétienne et n’avait donc pas sa place dans notre église, même à l’occasion d’un évènement musical », avait même dû déclarer le curé de l’église de la Sainte-Trinité à Paris1, pour calmer les esprits après coup.

En Suisse, un dialogue courtois entre fidèles catholiques et leurs autorités ecclésiales a d’abord été engagé pour éviter des troubles similaires dans le cadre des concerts prévus (avec entrée payante). La solution trouvée : en supprimer le mouvement problématique. Un compromis subitement abandonné après ce que le Temps a qualifié de « rétropédalage » et de « rocambolesque virement de bord », annoncé dans un communiqué. Selon les termes de l’Église catholique à Fribourg, il s’agissait de ne pas se laisser « gouverner par la peur ou la haine » exprimées par les fidèles demandant une application stricte du droit canonique2.

Pour que le débat ne meure pas de sa belle mort, nous reproduisons ici un ensemble de questions adressées à l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Charles Morerod, par l’un de nos lecteurs. Des interrogations, exprimées au nom du Collectif des Jeunes et des Familles catholiques romands, pour l’heure restées sans réponses :

  1. « Plutôt que de s’en prendre aux croyants et aux paroissiens concernés, votre service de communication ne pouvait-il pas plutôt donner les précisions qui s’imposent, à savoir qu’il ne s’agit aucunement d’une prière œcuménique ou d’une cérémonie pour la paix, mais bien d’un concert avec une entrée payante ? À la place de cela, votre communiqué ne parle que de manière abusive — hors d’un cadre artistique — de « Messe pour la Paix » et entretient un grave malentendu que la lecture de ce texte est bien loin de dissiper. »
  2. « Pour éviter un […] scandale fallait-il donc, à la fin de la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, lancer cette offensive contre les catholiques de votre diocèse ? Pour éviter le remboursement de places de concerts fallait-il faire passer vos paroissiens pour de dangereux extrémistes menaçants qui, rappelons-le, étaient satisfaits du premier compromis trouvé ? […] Pourquoi dans notre diocèse est-il toujours nécessaire d’évoquer des « menaces » pour discréditer les fidèles qui ne font rien d’autre que de s’inquiéter auprès de leur évêque de l’usage qui est fait des églises ? »
  3. « [Est-il normal] que de tels concerts aient lieu dans nos églises ? Peut-être pourriez-vous profiter de cette polémique pour rappeler les règles les plus élémentaires concernant l’utilisation des lieux de culte sur l’ensemble du territoire de votre diocèse, en adéquation avec le Code de Droit Canonique ? Avez-vous prévu une cérémonie de réparation après cette profanation qui aura lieu en toute connaissance de cause ? Il est encore temps d’éviter cela en précisant qu’il ne s’agit aucunement d’une cérémonie religieuse et en demandant le retrait de cet Adhan qui n’a absolument rien à faire dans une église consacrée.
  4. « Nous aussi, laïcs, nous avons eu à faire face aux moqueries et aux suspicions de la part de nos collègues ou de nos proches lorsque [les] révélations [ndlr sur les affaires d’abus] se succédaient de manière frénétique dans les médias, jour après jour. Devons-nous maintenant subir une sorte de double peine à cause des erreurs de l’Église – que nous aimons, et c’est la raison de ce courrier : d’une part avoir à accepter des scandales qui heurtent notre foi et d’autre part payer les conséquences des fautes de nos pasteurs à cause de notre fidélité ? »

Puissent ces questions, que nous reproduisons avec l’autorisation de l’auteur, déboucher sur un dialogue fécond et sans anathème.

Le concert a notamment été donné à Siviriez (FR), dont l’église abrite les reliques de Marguerite Bays, sainte fribourgeoise du 19ème siècle.
(Sister Augustine, from the Trappist abbey « Fille-Dieu »)
  1. https://latriniteparis.com/wp- content/uploads/2023/12/Communique-au-sujet-Concert-du-11-novembre-2023-1.pdf ↩︎
  2. CIC 1205 et suivants, https://www.vatican.va/archive/cod-iuris-canonici/fra/documents/cic_libro4_cann1205-1213_fr.html ↩︎

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