Nemo Erectus

Il a brisĂ© le code, jure-t-il avec sa chanson. Ni homme, ni femme – puisqu’il est « iel Â» – citoyen du monde installĂ© dans la terrifiante ville de Berlin, le chanteur Nemo est le nouveau visage de la Suisse qui gagne. Hourra ! Flonflons ! Nous ne savons plus comment payer l’assurance-maladie et le moindre passage au magasin nous coĂ»te un rein mais un Conchita Wurst imberbe a gagnĂ© un concours criard, vulgaire et exhibitionniste ! Comment pourrait-on Ă©chapper Ă  l’enthousiasme gĂ©nĂ©ral ! Qui saurait refuser le nouveau totalitarisme festif ?

Voyez-vous, messieurs-dames (on profite tant que ce n’est pas encore pĂ©nal d’écrire cela), sur l’Île aux enfants qui constitue notre rĂ©alitĂ© quotidienne, peut-ĂȘtre que mĂȘme un Federer prĂ©sentait encore trop d’aspĂ©ritĂ©s. Son dĂ©sir de vaincre, sa sale manie de gagner beaucoup d’argent et de le planquer, voilĂ  qui ne jouait plus. Aussi sommes-nous trĂšs heureux aujourd’hui d’enterrer l’ancienne idole, dont la marque de chaussure n’est pas extraordinaire paraĂźt-il. Oui, il nous fallait un nouveau capitaine : ce sera Nemo (son vrai prĂ©nom, qui signifie « personne Â» en latin). 

En vente sur le site de l’artiste, ce T-shirt peut-ĂȘtre pas si ironique.

Notre nouveau capitaine

Pour plusieurs gĂ©nĂ©rations, Nemo Ă©tait d’abord un personnage gĂ©nial et tourmentĂ© dans le Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Un homme qui avait un passĂ© douloureux et donc une destinĂ©e. Puis Disney en a fait un poisson handicapĂ©. Son ultime avatar, un Biennois qui porte des jupes, a dĂ©sormais pour mission de nous guider loin des rivages de la binaritĂ© des sexes, loin de la conflictualitĂ©, loin, en somme, de la nĂ©gativitĂ© inhĂ©rente Ă  la marche de l’histoire humaine. Â« Moi, j’ai traversĂ© l’enfer et j’en suis revenu pour me remettre sur les rails Â», chante le petit frĂšre du peuple, pourtant nĂ© dans un certain confort.

Ce qui devrait Ă©tonner, chez le gagnant de l’Eurovision, ce sont moins les questions de genre dont il est le symbole que son Ă©trange mĂ©lange de rĂ©gression infantile complĂšte et de passion pour la loi. Parce qu’il a gagnĂ© un spectacle en chantant dans la langue du McMonde, voici en effet un garçon de 24 ans qui veut mettre la sociĂ©tĂ© au pas et dire ses quatre vĂ©ritĂ©s au Conseil fĂ©dĂ©ral : oui, il y cinq ou six ans, tout le monde pouvait encore se marrer quand un type barbu disait « Mais je ne suis pas un homme, Monsieur Â», Ă  la tĂ©lĂ©. Aujourd’hui, tout cela a bien changĂ© : la catĂ©gorie « non-binaire Â» doit entrer dans le cadre lĂ©gal et nul ne saurait contester la reconnaissance Ă©tatique d’une projection de soi partagĂ©e par tel ou tel individu. En quelques siĂšcles, nous voilĂ  passĂ©s du « je pense donc je suis Â» de Descartes au « je ressens donc la sociĂ©tĂ© doit promulguer de nouvelles lois Â» de Nemo. Que ce rebellocrate gentillet se tourne vers l’État Ă  peine son concours remportĂ© est Ă  ce titre riche d’enseignements.

Les gardes roses de la révolution

DĂ©sormais, Nemo est bien plus qu’un artiste, par ailleurs fort talentueux : il est le parfait khmer rose d’une rĂ©volution sucrĂ©e. Marius Diserens, Ă©lu Vert nyonnais, ne s’y trompe d’ailleurs pas en affirmant chez Blick : « En confĂ©rence de presse, lorsque Nemo a affirmĂ© que la premiĂšre personne qu’iel appellerait serait Beat Jans, iel a fait un geste politique puissant. Â» Et l’on imagine la pointe d’amertume chez cet autre non-binaire, dont l’hyperactivitĂ© mĂ©diatique n’a pas entrainĂ© d’élection au Conseil national. Peut-ĂȘtre aurait-il fallu apprendre Ă  chanter ?

On a pu lire, çà et lĂ , que Nemo bousculait les codes, comme un Martin Luther King des temps modernes. Rien ne saurait ĂȘtre plus faux : avec son rejet de la maturation psychologique, avec son refus de toutes les frontiĂšres (entre les sexes, les pays et entre l’adulte et l’enfant), il incarne Ă  peu prĂšs tous les conformismes de l’époque. 

Nemo n’a pas brisĂ© le code. Il vient de nous l’imposer.
Nous sommes entrĂ©s, avec lui, dans l’ùre du Nemo erectus 

Notre vidéo sur le phénomÚne :




Mater Dolorosa 2/5 – Maux compte triple

En mars 2022, le collectif français Fausse couche, vrai vĂ©cu publie une tribune dans Le Monde. Les auteures rĂ©clament au gouvernement la mise en place de mesures concrĂštes afin de libĂ©rer la parole et d’obtenir une meilleure reconnaissance des pertes de grossesse, assorties d’une prise en charge plus adaptĂ©e. En prĂ©ambule, le collectif insiste sur la nĂ©cessitĂ© de changement de vocabulaire, estimant que la notion de « fausse Â» couche laisse entendre que cet Ă©vĂ©nement comporte quelque chose d’irrĂ©el, ce qui contribue Ă  sa non-reconnaissance. De plus, la formule couramment employĂ©e « faire une fausse couche Â» accuse injustement les femmes et dissimule la rĂ©alitĂ© de la souffrance vĂ©cue, le verbe « faire Â» suggĂ©rant une action tout en laissant peser une part de la responsabilitĂ© sur les Ă©paules des femmes.

« Je n’avais pas conscience de l’influence que pouvait avoir ce vocabulaire sur mes patientes. Je serai dorĂ©navant plus attentive aux mots employĂ©s Â», rĂ©agit Lauriane, gynĂ©cologue dans la rĂ©gion genevoise. « On constate une vraie prise de conscience et une mobilisation de la part des soignants. Maintenant, la femme “perd une grossesse”, mais on ne parle pas encore de “perdre un enfant”. FrĂ©quemment, la maniĂšre d’envisager la maternitĂ© et la perte est transportĂ©e par le vocabulaire », explique Sabine Cerutti-Chabert, cofondatrice de la Fondation pour la Recherche en PĂ©rinatalitĂ© (FReP). De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la maternitĂ© est perçue comme un Ă©vĂ©nement heureux, qui fait partie de la normalitĂ© de la vie et on oublie qu’elle peut aussi ĂȘtre un lieu d’épreuves. « Alors que la maladie mobilise la recherche mĂ©dicale, les sujets de recherche en lien avec la maternitĂ© peinent Ă  obtenir des financements. »

FrĂ©quemment, la maniĂšre d’envisager la maternitĂ© et la perte est transportĂ©e par le vocabulaire », explique Sabine Cerutti-Chabert, cofondatrice de la Fondation pour la Recherche en PĂ©rinatalitĂ© (FReP).

Les lunettes roses de la maternité

Puisque la maternitĂ© est d’abord envisagĂ©e comme une pĂ©riode heureuse, les aspects douloureux, en contradiction avec les attentes de la collectivitĂ©, sont souvent passĂ©s sous silence, car ils provoquent encore honte et culpabilitĂ© chez les femmes. De plus, depuis l’avĂšnement de la pilule contraceptive dans les annĂ©es 70, la grossesse est envisagĂ©e comme un libre choix, une dĂ©cision consciente. Plusieurs femmes ayant tĂ©moignĂ© parlent de « projet de grossesse Â», avec la notion que celui-ci doit se dĂ©rouler conformĂ©ment Ă  l’idĂ©e que s’en fait la sociĂ©tĂ©. Le foisonnement de recommandations aux futures mĂšres les met ainsi sous pression, car l’accĂšs Ă  une telle quantitĂ© d’informations suppose qu’elles doivent les utiliser pour optimiser leur maternitĂ© et la rĂ©ussir. 

« Le contexte sociĂ©tal a beaucoup changĂ© la vision de l’enfant et de la parentalitĂ©. L’investissement est diffĂ©rent et la fenĂȘtre temporelle pour fonder une famille est de plus en plus courte. L’échec est devenu d’autant plus questionnant Â», ajoute Sabine Cerutti-Chabert. Ghislaine Pugin, sage-femme libĂ©rale dans le canton de Vaud et spĂ©cialiste de l’accompagnement du deuil pĂ©rinatal, note que la perte n’est plus envisagĂ©e de la mĂȘme maniĂšre. « Auparavant, sans moyen de contraception, les femmes pouvaient tomber enceinte dix fois, avec toute l’ambivalence qui peut exister entre la souffrance de la perte et le soulagement de perdre un enfant qu’on ne veut pas. La perte Ă©tait peut-ĂȘtre plus “acceptable” mais restait tue. Cela tient aussi calfeutrage de l’intimitĂ© fĂ©minine, beaucoup plus important qu’aujourd’hui Â».

Fausse croyances et pilule miracle

Un autre aspect concerne le narratif culturel entourant le rĂŽle des femmes. Celui de mĂšre est encore admis comme Ă©tant le plus important aujourd’hui, avec pour corollaire le corps comme organe reproductif. Mais de plus en plus de voix se font entendre avec l’affirmation du choix   de ne pas vouloir ĂȘtre mĂšre, tout en soutenant que l’essence de ce qui constitue « la femme Â» ne se limite pas Ă  enfanter. MĂȘme si la parole se libĂšre peu Ă  peu et la recherche mĂ©dicale tend Ă  dĂ©construire les idĂ©es reçues en matiĂšre de maternitĂ©, les croyances erronĂ©es quant aux raisons d’une fausse couche sont tenaces.

Porter un poids trop lourd, ĂȘtre stressĂ©e ou trop travailler sont encore des causes invoquĂ©es pour expliquer l’échec de la grossesse. « La prochaine fois, vous pourrez demander au mĂ©decin de vous donner quelque chose pour que le bĂ©bĂ© tienne », se remĂ©more Sonia*, que les propos de cette connaissance avaient choquĂ©. « C’est donc cela
 Si j’avais su qu’il existait une poudre magique pour “faire fonctionner les bĂ©bĂ©s” Ă  chaque fois
 Â», laisse-t-elle Ă©chapper ironique. La Genevoise n’est pourtant pas si loin que cela de la vĂ©ritĂ©. « Puisqu’on ne sait mĂ©dicalement pas expliquer la cause des pertes de grossesse, surtout prĂ©coces, il y a une part d’imaginaire, voire de mystĂšre qui les entoure encore Â». Avec tout ce que cela suppose de peurs et de fausses croyances. 

Alors que l’ñme et le corps saignent, la sociĂ©tĂ© intime Ă  la mĂšre en deuil “d’aller de l’avant”. Image MicaĂ«l Lariche.

Elisa Kerrache, sage-femme libĂ©rale dans le Valais central Ă©voque mĂȘme une forme de superstition, « comme si le fait de ne pas en parler, nous en prĂ©munirait Â». Outre cet aspect mystĂ©rieux, les propos maladroits de l’entourage et les phrases toutes faites constituent surtout un « moyen de protection contre l’inconfort Â» que provoque inĂ©vitablement ce type de thĂ©matiques. « Les pertes de grossesse confrontent les individus Ă  leur maniĂšre de penser, leurs croyances et les risques de conflits intĂ©rieurs potentiellement gĂ©nĂ©rĂ©s Â», commente la sage-femme tout en Ă©voquant les controverses Ă©thiques sur le statut de l’embryon, de la personne, et les visions divergentes concernant le dĂ©but de la vie. D’autant que celles-ci influencent ensuite le vocabulaire et la prise en charge des patientes. Plus largement, Elisa Kerrache associe ce malaise relatif aux pertes de grossesse Ă  la peur de la mort. 

Du déni de souffrance et de ses conséquences

« Les gens sont mal Ă  l’aise avec la mort, surtout lorsqu’elle vient contrarier le dĂ©but de la vie. Cela vient rompre toute logique », avance Aline Wicht, sage-femme en obstĂ©trique aux HĂŽpitaux universitaires de GenĂšve (HUG) et membre du Groupe Deuil, une Ă©quipe de travail multidisciplinaire rĂ©unie autour du deuil pĂ©rinatal. Le personnel mĂ©dical ne fait pas exception Ă  cette rĂšgle, « d’oĂč l’importance d’avoir des soignants formĂ©s au deuil », pour accompagner tous les stades de la grossesse. La mort pose aussi des limites Ă  la mĂ©decine. Dans le cas des fausses couches prĂ©coces, on sait qu’elles sont frĂ©quentes, mais on ne peut pas en expliquer la cause avec certitude. Il faut donc « soutenir sans chercher Ă  ĂȘtre dans l’action mais dans l’accueil ». Or, puisqu’il n’y a pas d’acte de soins Ă  prodiguer et que la fausse couche prĂ©coce n’est pas considĂ©rĂ©e comme une complication « Ă  risques », cela tend Ă  banaliser sa prise en charge mĂ©dicale aux yeux des patientes et rendre la perte illĂ©gitime.

« Les gens sont mal Ă  l’aise avec la mort, surtout lorsqu’elle vient contrarier le dĂ©but de la vie. Cela vient rompre toute logique », avance Aline Wicht. Photo : Julien Gregorio.

Une Ă©tude prospective menĂ©e auprĂšs de 650 femmes par l’Imperial College de Londres et publiĂ©e en 2020 dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology dĂ©montre le potentiel dĂ©lĂ©tĂšre du dĂ©ni de souffrance lors de la perte d’un bĂ©bĂ©, mĂȘme Ă  un stade prĂ©coce de la grossesse. PrĂšs d’une femme sur trois expĂ©rimenterait un Ă©tat de stress post-traumatique, des symptĂŽmes d’anxiĂ©tĂ© et des Ă©tats dĂ©pressifs modĂ©rĂ©s Ă  sĂ©vĂšres pouvant perdurer – pour une femme sur six – jusqu’à neuf mois. Les femmes ayant vĂ©cu une perte de grossesse prĂ©coce se plaignent d’une prise en charge mĂ©dicale peu empathique. L’immatĂ©rialitĂ© de l’évĂ©nement conditionne ce manque de reconnaissance. Si la perte Ă©tait davantage lĂ©gitimĂ©e, seraient-elles mieux accompagnĂ©es ? La rĂ©ponse n’est pas si Ă©vidente.

Pour reprendre l’enquĂȘte depuis le dĂ©but :

Cette enquĂȘte est rĂ©alisĂ©e avec le soutien de JournaFonds.




“Cette dĂ©gĂ©nĂ©rescence qui nous guette”

‘Ce petit mot d’une modeste habitante qui, nonobstant l’ambiance gĂ©nĂ©rale, ose dire que d’autoriser conjointement le burkini et les seins nus est un signe de faiblesse pour, espĂ©rez-vous, la tranquillitĂ© des esprits !!!’ 

Voici l’entrĂ©e en matiĂšre du mail que j’ai reçu de la part d’une citoyenne vaudoise. Evidemment, je ne peux qu’apprĂ©cier la lecture de ces mots. La suite me plaĂźt tout autant. 

‘Cette lĂąchetĂ©, dans ce domaine comme dans d’autres d’ailleurs (Ă©coles, universitĂ©s ou ailleurs qui a cours lorsqu’on ne sĂ©vit plus, de crainte de reprĂ©sailles sans doute (…?)), est un triste indicateur de faiblesse qui, Ă  l’Ă©vidence, ne fait que repousser encore et encore les curseurs de la “tolĂ©rance” qui bientĂŽt signeront la fin de notre identitĂ©.’

Comme je suis d’accord avec vous ! Comme je comprends votre ressenti ! Comme je le partage ! Autoriser les burkinis et les seins nus en mĂȘme temps, le problĂšme est donc rĂ©glĂ©. Mais quel problĂšme au juste ? Que vient faire le burkini dans nos piscines ? Au nom de la tolĂ©rance, de l’inclusivitĂ©, du wokisme, de la multiculturalitĂ©, la norme est dĂ©sormais de faire comme chacun le souhaite. Des vestiaires mixtes seront Ă  disposition, mais la nuditĂ© y est interdite. Le principe mĂȘme d’un vestiaire est de pouvoir s’y changer. A moins que, lĂ  aussi, cette utilitĂ© soit dĂ©sormais revue. 

Je me rappelle cette scĂšne dĂ©sagrĂ©able lorsque je travaillais encore dans les soins : j’ai dĂ» retirer la petite croix que je porte en pendentif pour ne pas ‘gĂȘner’ les patients d’autres religions. Ne pas froisser les dames qui portent un voile, dans mon pays. C’était donc Ă  moi de m’adapter. 

Pourquoi sommes-nous Ă  ce point incapables de dire NON ! Avant, lorsque nous allions Ă  la piscine, nous mettions un maillot de bain, nous avions un soupçon de pudeur et nous passions nos aprĂšs-midis ensemble, filles et garçons. Pourquoi faut-il, Ă  ce point, perdre notre identitĂ© ? 

Pour revenir Ă  l’échange que j’ai eu avec cette dame, je l’ai invitĂ©e Ă  exprimer son message dans les mĂ©dias. 

‘La presse, c’est peine perdue car j’ai dĂ©jĂ  essayĂ©, en vain, auprĂšs du journal Femina et sur leurs sujets sur la sexualitĂ© assortis d’une Ă©bauche explicite de dessin. MĂȘme si nos plus jeunes enfants ne savent pas encore lire, ils peuvent Ă  contrario fort bien interprĂ©ter le dessin qui illustre le propos sexuel, Ă©videmment prosĂ©lyte !’

Nos mĂ©dias feraient donc un tri de ce qu’ils veulent bien relayer venant des lecteurs ? Pire ! Nos mĂ©dias nous nourrissent, encore et encore, avec l’inclusion, le wokisme, la grĂšve des femmes, la communautĂ© LGBTQIA+, jusqu’à l’overdose et malheureusement jusqu’à l’exaspĂ©ration. 

Pourquoi quand Nemo gagne l’Eurovision, la seule inquiĂ©tude est de savoir ce que l’on (le secrĂ©tariat cantonal de l’UDC Vaud) pense de cette personne ? Pas une seule fois, on s’est intĂ©ressĂ© Ă  notre avis sur la prestation artistique. Est-ce ‘la Suisse’ qui a remportĂ© ce concours ou la culture woke et le 3Ăšme sexe ? Pourquoi vouloir systĂ©matiquement nous emmener sur le terrain des sujets Ă©numĂ©rĂ©s plus haut. 

Que reste-il de notre culture ? De nos racines ? Devrais-je avoir honte d’ĂȘtre blanche, hĂ©tĂ©rosexuelle et chrĂ©tienne ?  ApprĂ©cier la compagnie autant des messieurs que des dames, ĂȘtre Ă  l’aise dans ma fĂ©minitĂ© et l’assumer font-ils de moi une personne rĂ©trograde ? J’ose croire que non. J’en suis mĂȘme parfaitement convaincue. La majoritĂ© est silencieuse mais n’en pense pas moins. Je le constate jour aprĂšs jour au travers des mails reçus d’une population irritĂ©e. 

‘Je vous souhaite courage et une dĂ©termination sans faille pour faire face Ă  cette dĂ©gĂ©nĂ©rescence qui nous guette’.

Oui madame ! Je vais avoir du courage ! Je vais relayer votre message qui est Ă©galement celui d’une grande partie de la population de ce canton et de ce pays. Battons-nous pour conserver nos valeurs ! Exigeons que nos coutumes et notre identitĂ© restent nos prioritĂ©s. 

Floriane Gonet
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de l’UDC Vaud

Sur la victoire de Nemo

Notre Ă©dito : https://lepeuple.ch/nemo-erectus/

Notre vidéo :




Oskar Freysinger : « Jamais le monde n’a basculĂ© dans le totalitarisme – certes « mou » – en si peu de temps »

  • Oskar Freysinger, vous signez peut-ĂȘtre le livre le plus politiquement incorrect de l’annĂ©e avec Animalia. Pourquoi avoir choisi une fable animaliĂšre pour dĂ©crire la bĂȘtise contemporaine ?

Parce que les animaux, dans leur infinie sagesse, ne risquent pas de me faire subir un « shit storm Â» mĂątinĂ© d’indignation. Les animaux ont leur dignitĂ©, eux. Blague Ă  part, comme c’était le cas pour Ésope, La Fontaine, Ionesco et Orwell (« dans « animal farm Â»), les animaux sont un vecteur de mise en abĂźme. La deuxiĂšme mise en abĂźme est assurĂ©e par le rire. Conjointement, la fable et le rire tirent le lecteur de la torpeur de l’illusion rĂ©fĂ©rentielle collective dont les mĂ©dias officiels lui battent et rebattent les oreilles jusqu’à le rendre sourd. En prenant distance, il est forcĂ© de se remettre en question par l’effet de miroir auquel le texte le soumet. 

  • Si certains dĂ©noncent le « grand remplacement Â», vous dĂ©noncez quant Ă  vous le « grand chambardement Â» dans la premiĂšre moitiĂ© de l’ouvrage. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit ni plus ni moins que la description dĂ©lirante et hilarante d’un monde qui devient fou parce que certains « sauveurs Â» autoproclamĂ©s prĂ©tendent vouloir le rendre parfait. Il ne saurait y avoir le moindre Ă©cart, la moindre fantaisie dans ce « Gestell Â» (dispositif) dĂ©shumanisĂ© postulĂ© par le philosophe Heidegger. Dans notre monde et la jungle du livre, les ĂȘtres n’ont plus que le choix entre le bien et le bon, le vertueux et l’intĂšgre, le gentil et l’aimable, des non-choix dictĂ©s par des pharisiens et des tartuffes qui ont ouvert la chasse aux mauvais sujets pour tromper l’ennui qu’ils s’inspirent eux-mĂȘmes.

Le « livre premier Â» intitulĂ© dĂ©gĂ©nĂ©rescence, dĂ©crit la descente aux enfers, forcĂ©ment collective, le « livre second Â», intitulĂ© rĂ©gĂ©nĂ©rescence, va mettre en scĂšne quatre animaux cabossĂ©s par la vie – des individus s’assumant, donc – pour esquisser une voie de salut. Au contraire des dystopies d’Orwell et Huxley, la mienne n’est pas dĂ©sespĂ©rante. Au contraire, elle est hilarante et se termine plutĂŽt bien.   

  • WEF, vegans, LGBTQIA+, partisans d’Exit… Vous n’épargnez personne. Est-ce que vous vous sentez aigri ?

Que voulez-vous, j’ai tentĂ© d’ĂȘtre Ă©quitable dans la distribution de mes « bontĂ©s Â». Mais si j’étais aigri, j’aurais Ă©crit un texte revanchard, moralisateur et indignĂ©. Or, j’ai choisi de dĂ©crire une dĂ©cadence joyeuse, fofolle et grotesque. Je me suis fendu la malle tout au long de l’écriture. Pour le style, j’ai Ă©tĂ© inspirĂ© par ma lecture du moment, « l’homme sans qualitĂ©s Â» de Robert Musil, Ă  mes yeux le plus grand roman de langue allemande jamais Ă©crit, qui traite de la lente dĂ©chĂ©ance de l’empire austro-hongrois avant la premiĂšre guerre mondiale avec ses psychoses, ses faux-semblants, ses petites traĂźtrises, son hypocrisie et sa vacuitĂ©. Quant au dĂ©clencheur de mon Ă©criture, ce fut une phrase de DĂŒrrenmatt qui m’a profondĂ©ment marquĂ©. Elle postule qu’une histoire n’est vraiment finie que lorsqu’elle a trouvĂ© la pire fin possible. Il ajoute que la pire des fins que puisse prendre une histoire, c’est de basculer dans le grotesque.

“Sans l’occident et sa politique dĂ©sastreuse au Moyen-Orient et au Maghreb l’islamisme serait restĂ© embryonnaire.”

Oskar Freysinger

  • Avec seulement deux pages Ă  leur sujet, les islamistes (reprĂ©sentĂ©s par un dromadaire) s’en tirent plutĂŽt bien avec vous, pour une fois…

Depuis que les USA se sont avĂ©rĂ©s ĂȘtre (avec les Saoudiens) les bailleurs de fonds principaux de l’État islamique, qu’ils ont initialement formĂ© et soutenu Bin Laden et qu’IsraĂ«l fut l’un des soutiens financiers majeurs du Hamas (par l’intermĂ©diaire du Qatar) pour tuer dans l’Ɠuf la solution de deux Ă©tats par la division de l’autoritĂ© palestinienne, je me dis que l’islamisme n’est que l’idiot utile de l’histoire. Deux pages suffisent pour en esquisser les limites. Sans l’occident et sa politique dĂ©sastreuse au Moyen-Orient et au Maghreb l’islamisme serait restĂ© embryonnaire. DĂ©sormais, il est l’alibi parfait pour toute sorte de forfaitures, d’invasions, de massacres et de lois liberticides (anti-terroristes). Rien de tel qu’un ennemi taillĂ© Ă  la hache pour faire peur au citoyen qui prĂ©fĂšrera toujours la sĂ©curitĂ© Ă  la libertĂ©. Depuis que l’islamisme a cĂ©dĂ© la place Ă  l’intĂ©grisme qui prĂ©fĂšre le combat du ventre fĂ©cond au combat des tripes Ă  l’air, les Russes l’ont remplacĂ© en tant qu’ennemi idĂ©al Ă  haĂŻr sans modĂ©ration. 

  • En page 82, vous Ă©crivez : « Les derniers hommes honnĂȘtes sont les prĂ©tendus complotistes, les asociaux, les nĂ©gationnistes et les emmerdeurs. Â» Vous recherchez les procĂšs ?

À mes yeux, une personne qui dit oui Ă  tout ne peut ĂȘtre honnĂȘte. Soit elle manque de courage, soit elle veut plaire Ă  tout le monde, soit encore elle a Ă©tĂ© lobotomisĂ©e. Qui a fait avancer l’histoire humaine ? Qu’est-ce que des gens comme Socrate, le Christ, Spinoza, GalilĂ©e, Voltaire, Victor Hugo et Zola ont en commun ? Ils ont osĂ© dire non. Or, ce refus fut le point de dĂ©part d’un bouleversement dans l’esprit des gens qui transforma profondĂ©ment et durablement la sociĂ©tĂ© humaine. À tous, on leur fit le procĂšs. J’en conclus que si « Animalia Â» devait me valoir un procĂšs, je serais en bonne compagnie.

  • On a parfois l’impression que vous faites du Covid la matrice de toutes les absurditĂ©s modernes, dans votre rĂ©cit. N’est-ce pas un peu exagĂ©rĂ© ?

Vous verrez que les historiens du futur ne parleront pas d’une cĂ©sure civilisationnelle de l’an 2000, mais de l’an 2020 ! Jamais dans l’histoire humaine, un tel mouvement de panique planĂ©taire assorti de mesures liberticides n’a eu lieu. Jamais le monde n’a basculĂ© dans le totalitarisme – certes « mou Â» – en si peu de temps. Puis s’ensuivit, coup sur coup, l’hystĂ©rie climatique, la sanctionnite aigĂŒe contre la Russie et l’aplatissement de Gaza. RĂ©sultat : la ruine financiĂšre, intellectuelle et morale de l’occident s’est rĂ©vĂ©lĂ©e au grand jour et accĂ©lĂ©rĂ©e de telle sorte que les citoyens se sentent fragilisĂ©s, abandonnĂ©s et insĂ©curisĂ©s au point d’accepter la gestion bureaucratique planĂ©taire que les « buveurs d’ñme du mont Kibo Â» dans mon livre, et les « Davosiens du WEF Â», de l’OMS et du Deep State amĂ©ricain dans la rĂ©alitĂ©, proposent en remĂšde comme ils l’ont fait avec les vaccins Covid. Ils commencent dĂ©jĂ  Ă  mettre au goĂ»t du jour le virus H1N1 et trouveront autre chose s’il s’avĂšre insatisfaisant Ă  lĂ©gitimer leur prise de contrĂŽle absolu.

  • Vers la fin du livre, on peut lire : « Quand le monde est fou, seul le ridicule fait sens. Â» Est-ce qu’il ne faudrait pas, au contraire, redonner Ă  nos sociĂ©tĂ© un sens de la dignitĂ© ?

Qu’y a-t-il de plus digne que d’oser rire Ă  la face hideuse d’un pouvoir dĂ©voyĂ© ? Le rire et l’humour le dĂ©stabilisent et fragilisent son univers carcĂ©ral spirituel et matĂ©riel. Le pouvoir veut et doit ĂȘtre pris au sĂ©rieux s’il entend durer. Narcissique et mythomane, il n’a que sa carapace bardĂ©e de pointes acĂ©rĂ©es pour se dĂ©fendre. L’autodĂ©rision lui est interdite et le rire est son pire ennemi. On peut trancher la gorge des gens, les torturer, s’ils parviennent Ă  rire devant leur bourreau, ils font preuve de la plus grande des libertĂ©s. La dignitĂ©, elle, est noble en soi, mais elle ne peut rien contre celui qui n’en a pas. La dignitĂ© bĂątit des temples dans l’invisible, le rire est une arme concrĂšte qui fait vaciller les trĂŽnes dans le monde rĂ©el. J’ai vouĂ© toute ma vie aux lettres parce que je suis convaincu que le verbe finit toujours par triompher de la force brute. 

  • AchevĂ© en 2021, votre roman sort chez Selena Éditions, une maison française, trois ans plus tard. Est-ce que cela signifie que personne n’a eu le courage de vous publier en Suisse ?

J’ai effectivement envoyĂ© mon manuscrit Ă  plusieurs dizaines d’éditeurs de tout bord. Les bien-pensants, voyant mon nom, faisaient la moue et trouvaient mille excuses formelles pour ne pas me publier. Les Ă©diteurs de droite, quoiqu’admiratifs du texte (« c’est un ovni littĂ©raire Â», « c’est La Fontaine ayant fumĂ© du crack Â» et j’en passe) eurent au moins l’honnĂȘtetĂ© d’avouer que le risque Ă©tait trop grand et qu’ils ne voulaient pas mettre en pĂ©ril leur maison d’édition. C’est finalement une femme, Aleksandra Sokolov des Ă©ditions Selena, qui fit preuve d’un courage et d’une dĂ©termination hors du commun et, faisant abstraction de mon passĂ©, des cris d’orfraie outrĂ©s des bienpensants et du caractĂšre explosif de mon texte, dĂ©cida de le publier afin « d’ĂȘtre digne de sa vocation d’éditrice Â». Je lui voue une admiration sans bornes. VoilĂ  quelqu’un qui n’a pas besoin de transplantation « pour en avoir Â».

L’autre sortie de Freysinger aux Ă©ditions Selena. Plus apaisĂ©e…

  • En mĂȘme temps qu’Animalia, vous sortez un autre livre : il s’agit d’un rĂ©cit, L’Oreille aveugle, livrĂ© avec une rĂ©Ă©dition du Nez dans le soleil. Vous vouliez montrer aussi un visage plus apaisĂ© ? 

L’idĂ©e vient de mon Ă©ditrice. Lui ayant envoyĂ© la vingtaine d’Ɠuvres que j’ai fait publier depuis plus de deux dĂ©cennies, elle a Ă©tĂ© subjuguĂ©e par la grande variĂ©tĂ© de styles et la diversitĂ© de mes Ă©crits. Elle a voulu montrer, par cette double-publication, deux types d’écriture totalement diffĂ©rents quoiqu’issus de la mĂȘme plume. Pierre-Yves Luyet, sourd-muet de naissance, menacĂ© de cĂ©citĂ© totale, autiste (asperger) et souffrant de problĂšmes d’équilibre a commencĂ© Ă  voyager par le vaste monde dĂšs le moment oĂč les mĂ©decins lui ont annoncĂ© son inĂ©luctable cĂ©citĂ©. Son histoire a Ă©tĂ© relatĂ©e dans une Ă©mission de la TSR : le voyage aveugle. 

C’est une histoire qui dĂ©montre que le sort peut bien s’acharner sur certaines personnes, elles trouveront toujours un moyen pour ne pas dĂ©sespĂ©rer et mĂȘme s’épanouir malgrĂ© les difficultĂ©s.

L’autre histoire, un monologue court, fleure bon le terroir valaisan, les vignes, les bisses et les pĂąturages entre le serpentement scintillant du RhĂŽne et les arĂȘtes enneigĂ©es mordillant le bleu du ciel.

Les deux textes se complĂštent parfaitement en raison de la dĂ©marche opposĂ©e des deux protagonistes principaux : L’un, le multi-handicapĂ© prisonnier de son « bocal Â» trouvera la libertĂ© par le mouvement et la dĂ©couverte de lointaines contrĂ©es, l’autre, Vital HĂ©ritier dit « pĂ©pĂ© Â», vigneron valaisan Ă  l’ancienne enracinĂ© dans sa terre natale, va attirer le vaste monde Ă  lui en renaturant le bisse de Lentine pour le transformer en un jardin botanique luxuriant. Il n’y a pas de voie tracĂ©e vers le bonheur. C’est chacun la sienne.  

En librairie dĂšs le 17 mai 2024 en France et dans tous les pays francophones.
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Pour découvrir les raisons qui ont poussé son éditrice à sortir Animalia, ainsi que notre chronique du livre, merci de vous connecter ou de prendre un abonnement.

Le tĂ©moignage de l’Ă©ditrice, Aleksandra Sokolov

j’ai Ă©tĂ© d’abord convaincue par les qualitĂ©s littĂ©raires d’Oskar Freysinger qui est un personnage d’une multipotentialtĂ© extraordinaire dans bien des domaines de crĂ©ations et j’ai aimĂ© Animalia car c’est le monde dans lequel nous vivons mĂȘme si il est Ă©videmment exagĂ©rĂ© dans les extrĂȘmes
 nous n’en sommes toutefois pas si loin
 

J’ai toujours dĂ©fendu l’Ɠuvre littĂ©raire mĂȘme des auteurs les plus enviĂ©s ou dĂ©testĂ©s, mais avec un talent indĂ©niable ! J’ai publiĂ© les oeuvres d’un grand expert en avant-garde russe, AndrĂ©i Nakov, aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ© et auquel le Centre Pompidou rend hommage ce mercredi. Ses publications m’ont valu des menaces de mort mais je suis encore là


Je pense que le mĂ©tier d’éditeur et d’ĂȘtre un « passeur Â» de savoir et d’opinions
 je n’ai aucune prĂ©dispositions, ni politique ni culturelle mais je pense qu’il faut mettre en avant les gens qui le mĂ©ritent.

L’édition est devenue une passion et ne me permet pas de vivre depuis plusieurs annĂ©es mais j’équilibre et je publie en toute libertĂ© ce qui me paraĂźt intĂ©ressant de mettre en avant. NĂ©anmoins, il est difficile de se frayer un chemin dans les mĂ©dias en tant que petite structure d’édition ! Il faut garder espoir ! C’est mon chemin de vie


Notre chronique

Avec Animalia, Oskar Freysinger nous propose dystopie dans la ligne de Orwell et Huxley, mais postmoderne et souvent drĂŽle. AchevĂ© en juin 2021, le livre est fortement marquĂ© par l’épisode du Covid et par les restrictions de libertĂ© qui s’étaient alors abattues sur la population durant la pandĂ©mie. 

Pour autant, dans un rĂ©cit saturĂ© de jeux de mots grivois et d’allusions vachardes, il arrive rĂ©guliĂšrement Ă  l’auteur de toucher Ă  l’intemporel avec ses histoires de bestioles. Ainsi, dans la jungle Ă©galitaire et dystopique oĂč se dĂ©roule l’action surviennent des personnages Ă©voquant tantĂŽt le Rebelle de JĂŒnger, tantĂŽt le Zarathoustra de Nietzsche, quand ce n’est pas le moraliste chrĂ©tien. Dans le fond, la fresque d’Oskar Freysinger semble dirigĂ©e vers un but central : nous apprendre Ă  « rĂ©tro-dĂ©velopper Â» (comme il l’écrit en page 238) des rĂ©flexes naturels que nous aurions perdus sous un certain totalitarisme suave et maternant.

On peut juger la mĂ©thode parfois « populiste Â», pour ceux qui tiennent ce mot pour un reproche, parfois un peu « bourrine Â» pour les autres, mais reste une certitude : il y a une joie certaine Ă  voir le vieux lion envoyer paĂźtre tous ceux qui, misant sur notre instinct grĂ©gaire, nous croient plus bĂȘtes que nous le sommes. 




CĂ©sar et vertu ostentatoire

A priori vecteur par excellence de la libertĂ© d’expression, l’art s’est grandement politisĂ© au cours du 20Ăšme siĂšcle. Le cinĂ©ma français, oĂč cette tendance vire au grotesque, en est un cas d’école. 

La politisation du 7Úme art

Nous entendons par « politisation Â» une intrusion du politique (et par extension des questions sociales) dans tous les domaines de la vie quotidienne. Une telle contamination est typique de l’extrĂȘme-gauche, dont l’idĂ©ologie postule souvent qu’aucun aspect de l’existence ne devrait Ă©chapper au politique. Un autre aspect du phĂ©nomĂšne rĂ©side dans la tendance croissante des personnalitĂ©s publiques Ă  abuser du militantisme : afficher ses positions (de prĂ©fĂ©rence progressistes) sur des sujets d’actualitĂ© au cours d’une allocution est devenu un rituel obligatoire. 

Nous assistons donc Ă  une politisation de la culture : tout Ɠuvre, crĂ©ation ou propos exprimĂ© se doit non seulement d’ĂȘtre politique, mais doit Ă©galement pouvoir faire l’objet d’une interprĂ©tation idĂ©ologique. Les discours publics des artistes n’échappent Ă©videmment pas Ă  cette logique. 

Quand le militantisme s’invite aux CĂ©sar : l’idĂ©ologie gauchisante

Les indignations publiques et autres diatribes ne sont Ă©videmment pas des nouveautĂ©s absolues. Lors de la cĂ©rĂ©monie des CĂ©sar en 2020, l’actrice AdĂšle Haenel s’était levĂ©e puis était sortie en grandes pompes de la salle. Raison ? L’attribution d’une rĂ©compense au cinĂ©aste Roman Polanski. « Bravo la pĂ©dophilie ! » avait-elle applaudi ironiquement dans les couloirs en se dirigeant vers la sortie. 

En 2021, l’actrice Corinne Masiero (l’hĂ©roĂŻne de la sĂ©rie Capitaine Marleau) s’était mise toute nue sur scĂšne pour dĂ©noncer la situation prĂ©caire des milieux culturels provoquĂ©e par les mesures sanitaires draconiennes.  

La cĂ©rĂ©monie de cette annĂ©e n’a bien sĂ»r pas Ă©chappĂ© Ă  la rĂšgle. Les allocutions ont essentiellement Ă©tĂ© consacrĂ©es Ă  deux sujets d’actualitĂ© incontournables : d’une part les abus sexuels dans le milieu du cinĂ©ma, Ă©voquĂ©s dans un discours de l’actrice Judith GodrĂšche qui accuse deux cinĂ©astes, et d’autre part le conflit israĂ©lo-palestinien. Gilles-William Goldnadel, avocat et essayiste français, a Ă©voquĂ© « l’insoutenable lĂ©gĂšretĂ© de l’ĂȘtre artistique Â» dans sa maniĂšre de traiter ce deuxiĂšme sujet : beaucoup de chagrin Ă  l’égard des Palestiniens (dont la souffrance est bien sĂ»r rĂ©elle), mais un silence ahurissant au sujet des victimes juives du 7 octobre – notamment des IsraĂ©liennes violĂ©es, mutilĂ©es et massacrĂ©es. Force est de constater que les CĂ©sar s’apparentent Ă  des tribunes mĂ©diatiques oĂč annoncer sa vertu, des forums oĂč s’exprimer avec beaucoup d’emphase sur des causes « justes Â» et « morales Â». Il s’agit d’une idĂ©ologie gauchisante qui invite Ă  l’indignation Ă  gĂ©omĂ©trie variable. Un militantisme dont la droiture morale est des plus discutables. 

Et dans le passĂ© ?

De fait, le cinĂ©ma s’est voulu militant dĂšs ses jeunes annĂ©es. Des cinĂ©astes avaient dĂ©couvert la vertu Ă©vocatrice de l’image en mouvement, notamment Ă  des fins idĂ©ologiques. SergueĂŻ Eisenstein, rĂ©alisateur soviĂ©tique et thĂ©oricien majeur du montage, avait savamment utilisĂ© ses propriĂ©tĂ©s dans le but de susciter de fortes Ă©motions chez le spectateur. Cette implication avait pour but, in fine, de convaincre de la lĂ©gitimitĂ© de la rĂ©volution russe. Le communisme comme blanc-seing à toutes les violences et horreurs commises par les bolchĂ©viks.  

Plus proche de notre Ă©poque et de notre sujet, les cinĂ©astes Jean-Luc Godard et François Truffant, figures de proue de la Nouvelle Vague, avaient contribuĂ© Ă  interrompre le festival de Cannes en mai 1968. Leur revendication ? Exiger du milieu cinĂ©matographique qu’il fĂ»t davantage prĂ©occupĂ© par les problĂšmes sociĂ©taux qui traversaient le monde, et a fortiori la France. C’est dĂ©sormais chose faite : depuis quelques dĂ©cennies dĂ©jĂ  le militantisme s’approprie des tribunes pour Ă©voquer des sujets finalement bien peu artistiques. 

Et de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique ?

Qu’en est-il des États-Unis ? Sans surprise, la mode y est Ă©galement de mise. MalgrĂ© les nombreux exemples que nous pourrions Ă©voquer, nous nous contenterons de la derniĂšre cĂ©rĂ©monie des Oscars. Au-delĂ  de rĂ©compenses hautement mĂ©ritĂ©es – les Oscars d’interprĂ©tation Ă  Emma Stone pour Pauvres crĂ©atures et Kilian Murphy pour Oppenheimer venant immĂ©diatement en tĂȘte, la personnalitĂ© qui a largement fait parler d’elle se trouve ĂȘtre le rĂ©alisateur Jonathan Glazer, laurĂ©at du prix du meilleur film Ă©tranger pour le chef-d’Ɠuvre La zone d’intĂ©rĂȘt

Son discours a de nouveau rappelĂ© combien le conflit israĂ©lo-palestinien est incontournable dans les diffĂ©rents festivals. Il accapare les esprits, car c’est un des conflits les plus mĂ©diatisĂ©s du monde. Surtout, il reprĂ©sente une occasion rĂȘvĂ©e de s’illustrer comme « messager du bien Â». Glazer ne s’en est pas privĂ© en Ă©tablissant un parallĂšle troublant entre l’Holocauste et la guerre actuelle Ă  Gaza. Malaise et stupĂ©faction. PrĂšs de 450 personnalitĂ©s de Hollywood ont signĂ© une pĂ©tition pour dĂ©noncer le rĂ©alisateur. Son producteur s’est aussi empressĂ© de le dĂ©savouer. Le signe avant-coureur d’une pensĂ©e unique qui s’effrite ? 

CinĂ©ma et conformisme : le paradoxe

Faut-il s’étonner de la manifestation d’une telle vertu ostentatoire sur scĂšne ? AprĂšs tout, le cinĂ©ma, cet art qui est la synthĂšse de tous les autres, devrait constituer le medium de la libertĂ© par excellence. Il est malheureusement Ă©vident que les CĂ©sar (tout comme les Oscars) poussent au conformisme, Ă  la pensĂ©e unique. Gardons toutefois en tĂȘte que les acteurs et rĂ©alisateurs, plus que tous les autres, dĂ©pendent de leur popularitĂ© pour survivre : s’ils cessent d’ĂȘtre populaires, alors ils cesseront d’ĂȘtre sollicitĂ©s. S’ils cessent d’ĂȘtre sollicitĂ©s, alors c’est leur gagne-pain qui sera menacĂ©. De plus, nombre de comĂ©diens ont le dĂ©sir d’ĂȘtre aimĂ©s. Dans ce milieu, une mort sociale s’avĂšre bien souvent une mort artistique. Il n’y est pas bon d’ĂȘtre marginal. 

Cette prĂ©occupation pour une rĂ©putation irrĂ©prochable pousse inexorablement la majoritĂ© des artistes Ă  soutenir l’actrice Judith GodrĂšche ou Ă  condamner Roman Polanski jusqu’à la fin des temps. Des positions sans Ă©quivoque qui servent en premier lieu Ă  proclamer sa propre innocence dans un milieu oĂč la complaisance et l’attitude permissive en matiĂšre sexuelle sont Ă©videntes. La morale, ne serait-ce bon que pour les autres ? 




Netflix

“All political lives end in failure” (Enoch Powell). Certains prennent un raccourci et Ă©chouent avant d’avoir commencĂ©. Depuis les poubelles de l’Histoire oĂč j’ai Ă©tabli mon sĂ©jour, je vais vous entretenir d’un prodigieux voyage au pays merveilleux de Netflix.

Je commence par une confession. J’ai regardĂ© un feuilleton sur Netflix. Je pourrais vous dire que c’était parce que j’étais trĂšs malade, mais ça, ce n’est vrai qu’à partir du 2e épisode. Le 1er épisode, je l’ai regardĂ© parce que j’ai Ă©tĂ© accrochĂ© par les premiĂšres minutes. Une reconstitution impressionnante de la RĂ©volution culturelle chinoise de 1966. Un physicien pĂ©kinois est battu Ă  mort pour avoir enseignĂ© la relativitĂ© et le Big Bang. Jarnicoton, de l’anticommunisme sur Netflix ! S’achĂšteraient-ils une conduite ?

Ça s’appelle Le ProblĂšme Ă  3 corps et c’est l’adaptation Netflix d’une trilogie de romans de science-fiction chinois. D’oĂč le fait qu’ils ont dĂ» garder un dĂ©but Ă  PĂ©kin sous la rĂ©volution culturelle. Pour le reste, les romans se passent en Chine et les personnages sont chinois, alors Netflix a « internationalisĂ© Â» pour le public « international Â». Autant s’intĂ©resser Ă  ce que veut dire « internationaliser Â» Ă  la sauce Netflix.

Bon. L’action est transposĂ©e au Royaume-Uni, un pays certes un peu moins woke et « internationalisĂ© Â» que le Canada, mais Netflix s’est sans doute rendu compte que c’était trop ridicule d’imaginer le Canada dĂ©fendre la Terre contre une invasion extraterrestre (ou faire quoi que ce soit d’important, d’ailleurs). Les physiciens d’Oxford sont chinois, latino-amĂ©ricains ou « africains Â». Eh oui, la diffĂ©rence entre les wokes et moi, c’est que les wokes sont racistes. Pour eux, un Noir, fĂ»t-il originaire de la Beauce, de l’Alentejo ou du Wisconsin, c’est toujours un « Africain Â». Pour moi, Gaston Monnerville, c’était un Français ; pour les wokes, un « Africain Â». Les wokes ne s’encombrent pas non plus trop de faire la diffĂ©rence entre un Ivoirien et un SĂ©nĂ©galais, un Angolais et un Mozambicain, un GhanĂ©en et un Botswanais. Donc, on saura juste que le physicien est originaire « d’Afrique Â» (c’est dit dans un des Ă©pisodes). 

À un moment, on apprend que la physicienne chinoise est en couple avec un officier de marine britannique, donc forcĂ©ment d’origine indienne. Elle va dĂźner dans la famille de son promis. (Heureusement, ils continuent Ă  cuisiner indien et ne se sont pas convertis Ă  la « cuisine Â» anglaise ; la fiancĂ©e fera donc un bon repas.) Et lĂ , il y a une scĂšne qui montre l’ampleur de la tragĂ©die qu’est la transformation d’un roman de science-fiction Ă©crit pour un public chinois en un feuilleton TV destinĂ© aux Barbares. LĂ  oĂč je suppose que le roman – que je n’ai pas lu – doit contenir des pages d’explications scientifiques, on a droit Ă  une minute d’une sorte de Kaluza-Klein pour les Nuls, avec un plagiat du Flatland d’Abbott, sous la forme d’une dĂ©monstration que la fiancĂ©e chinoise fait avec des galettes, dĂ©monstration forcĂ©ment ridicule, puisque, dans l’univers de la tĂ©lĂ©vision occidentale, tous les scientifiques et tous les Ă©rudits sont ridicules. Le pĂšre du fiancĂ© raconte un affrontement avec les Pakistanais. Tiens ? Tous les Noirs sont « Africains Â», mais les Indo-Pakistanais sont soit Indiens, soit Pakistanais ? Serait-on mieux informĂ© de ce cĂŽtĂ©-lĂ  chez Netflix ?

Les seuls pays qui comptent sont l’AnglosphĂšre et la Chine. Pas besoin de faire des sourires aux esclaves allemands, français ou italiens des USA. Mais comme la production est Ă©tasunienne et que les USA sont dans l’ALENA, on doit faire risette au QuĂ©bec et au Mexique. On a donc une physicienne sud-amĂ©ricaine qui parle Ă  un moment en espagnol, et un dialogue en français d’une rare dĂ©bilitĂ© entre le guide amĂ©ricain des amis des extraterrestres et une fillette embarquĂ©e sur le bateau qui prĂ©pare leur accueil.

Au denier Ă©pisode, on apprend que le monde peut ĂȘtre sauvĂ©, sous l’auspice de la secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale des Nations-Unies ( !), par trois Wallfacers, mot qui viendrait du bouddhisme ( !!) :  un gĂ©nĂ©ral chinois, une combattante kurde du PKK, et le physicien « africain Â» nommĂ© plus haut. Tiens, deux communistes sur trois sauveurs de l’humanitĂ© ? Netflix n’est peut-ĂȘtre pas si anticommuniste que le laisserait supposer le premier Ă©pisode. Il faudrait que je demande aux maoĂŻstes français qui ont « dĂ©montrĂ© Â», sur leur site Internet, qu’Enver Hoxha n’était pas communiste (https://vivelemaoisme.org/l-albanie-et-enver-hoxha/ publiĂ© en ligne le 28 aoĂ»t 2018). Peut-ĂȘtre que Netflix cherche Ă  dĂ©sorienter la vraie gauche en faisant l’éloge du rĂ©visionnisme façon Deng Xiaoping aux dĂ©pens de la pure doctrine maoĂŻste.

En rĂ©sumĂ©, le monde selon Netflix, c’est un univers dans lequel personne n’a de religion, oĂč tout le monde parle anglais, oĂč la vie se limite Ă  des objectifs de carriĂšre et les loisirs Ă  des jeux vidĂ©o, et oĂč tout le monde prend au sĂ©rieux l’Organisation des Nations-Unies. Ă‡a va pour dĂ©crire le canton de GenĂšve, mais pour apprĂ©hender la complexitĂ© du reste du monde ?

Il y a d’ailleurs une scĂšne hilarante qui se passe Ă  GenĂšve, au CERN, avec un policier genevois qui parle anglais
 avec l’accent britannique. Sans doute une fleur de Netflix aux Genevois, les montrant tels qu’ils se voient (et ne s’entendent pas). Parce que pour la rĂ©alité  Procurez-vous une archive sonore de Tocard d’Estaing croyant s’adresser en anglais Ă  la « presse internationale Â» le soir de son Ă©lection Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique française en 1974, et vous comprendrez ce que je veux dire. 

Quant Ă  l’ONU comme solution de tous les problĂšmes
 L’ONU, c’est plutĂŽt le fonctionnaire international qui, Ă  GenĂšve, le 29 fĂ©vrier 2024, m’a menacĂ© d’appeler la police parce que je lui avais demandĂ© de s’adresser Ă  moi en français. Universalisme ou impĂ©rialisme ?

Je reste en admiration devant la magie de Netflix. Ou comment transformer un roman de science-fiction chinois en un manifeste impérialiste anglo-saxon
 mais si politiquement correct.




Une université à la Hamas

Au milieu des annĂ©es 2000, alors que j’étais Ă©tudiant Ă  l’UniversitĂ© de Lausanne, une affichette avait attirĂ© mon attention. Un mouvement qui rĂ©unissait des Ă©tudiant.e.x.s et des assistant.e.x.s encore injustement dĂ©pourvus de « x Â» Ă  l’époque – sans doute le Groupe Regards Critiques – avait invitĂ© un porte-parole du Hezbollah Ă  donner une confĂ©rence Ă  la gloire de la lutte armĂ©e. J’étais jeune, mais j’avais dĂ©jĂ  l’esprit Ă©troit et mĂ©chant. Aussi m’étais-je Ă©tonnĂ© qu’un cadre si progressiste, oĂč le cervelas et l’humour Ă©taient bannis, dĂ©roule le tapis rouge Ă  un mouvement paramilitaire islamiste. Surprenant programme que l’amitiĂ© entre les peuples au nom d’une haine commune d’IsraĂ«l. Mais je n’avais rien dit.

Sans doute avais-je eu raison car certaines choses ne souffraient dĂ©jĂ  plus la contradiction. Lorsque j’étais au gymnase, par exemple, mes congĂ©nĂšres et moi avions Ă©tĂ© vivement encouragĂ©s Ă  dĂ©filer dans la rue en criant « Bush, Sharon, c’est vous les terroristes Â» tandis que les États-Unis tentaient d’exporter leur modĂšle de sociĂ©tĂ© en Irak et en Afghanistan. Bush Ă©tait certainement un sale type, Sharon aussi, mais dĂ©filer avec des gens Ă©tait au-dessus de mes forces et j’étais parti acheter Muscle et Fitness ainsi que Flex, dans l’espoir de dĂ©velopper mes deltoĂŻdes postĂ©rieurs. Quinze ans plus tard, je sais que j’aurais rĂ©agi de mĂȘme, mĂȘme si on ne trouve malheureusement plus Flex en kiosque, lors des mĂ©ga-manifestations pour le climat. A la sympathie que peut susciter en moi une cause rĂ©pondra toujours la dĂ©testation plus forte de l’abruti capable de crier des slogans dans un mĂ©gaphone.

Une moraline à géométrie variable

Depuis quelques jours, des jeunes gens occupent l’universitĂ© oĂč j’ai dĂ©couvert Saint Thomas d’Aquin, Nietzsche et PĂ©guy. Ils dĂ©noncent une occupation, mais pas la leur. On les laisse faire, mĂȘme si leur colĂšre peut surprendre. OĂč Ă©taient ces belles Ăąmes, ces derniers mois, tandis que les ArmĂ©niens fuyaient le Haut-Karabakh ? Pas assez exotiques ? Trop banalement chrĂ©tiens ? Quid de la situation des OuĂŻghours ? Enfin, que diraient ces gens si un autre groupe de manifestants occupait un bĂątiment universitaire pour demander le retour des otages du Hamas ? 

“From the river to the sea” entonnent les manifestants Ă  la fin de cette vidĂ©o partagĂ©e par le prĂ©sident du PS Vaudois.

Nous sommes Suisses, et comme pays neutre, nous n’avons pas Ă  tolĂ©rer que les lieux d’études que nous payons avec nos impĂŽts se transforment en universitĂ© d’étĂ© (ou plutĂŽt de printemps) du Hamas, de solidaritĂ©S ou d’adorateurs du monstre du spaghetti volant. 

S’agit-il de fermer les yeux sur un dĂ©sastre humanitaire ? Certes non, mais on se demande bien combien de vies seront sauvĂ©es par les opportunistes qui portent un keffieh depuis cinq jours, comme ils dĂ©guisaient naguĂšre en guĂ©rillĂ©ros de la dĂ©croissance. Il est temps que nos lieux de savoir retrouvent leur vocation, qui n’est pas de servir de tremplin Ă  des carriĂšres mĂ©diatiques. Il est temps que nous formions de nouveau des Ă©lites capables d’apporter un peu du gĂ©nie suisse dans ce monde.

Oui, osons parler du « gĂ©nie suisse » ! Lorsque mon pays n’avait pas encore renoncĂ© Ă  sa destinĂ©e, ce terme dĂ©signait bien des choses, dont une tradition de « bons offices » rendue possible par notre neutralitĂ©. Si l’on n’y prend pas garde, ce terme n’évoquera bientĂŽt plus que le rappeur non-binaire Nemo qui doit nous reprĂ©senter Ă  l’Eurovison, 




Mater dolorosa

Les sentiments des femmes en images
Les illustrations de cette enquĂȘte reflĂštent l’état d’esprit des tĂ©moins au moment de leur perte de grossesse. Il leur a Ă©tĂ© demandĂ© de le dĂ©crire, si possible, par une image. Elles ont ensuite Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă  la demande de la journaliste par MicaĂ«l Lariche, illustrateur et designer indĂ©pendant. Partie prenante du projet dĂšs le dĂ©but, l’illustrateur a cherchĂ©, en concertation avec l’auteure de l’enquĂȘte, Ă  rendre plus tangibles des sentiments que l’immatĂ©rialitĂ© d’un tel Ă©vĂ©nement peuvent rendre difficile Ă  apprĂ©hender.

« Elle se tint lĂ , la mĂšre endolorie toute en larmes, auprĂšs de la croix, alors que son Fils y Ă©tait suspendu. Â» Cette premiĂšre strophe, tirĂ©e du Stabat Mater dolorosa, appartient par essence Ă  la musique sacrĂ©e et dĂ©peint la douleur d’une mĂšre devant l’agonie de son fils. Cette mĂšre, c’est Marie, archĂ©type de la figure maternelle dans la chrĂ©tientĂ©, et bien au-delĂ . Mais quelles Ă©taient les pensĂ©es et sentiments de cette maman Ă  la mort de son fils ? Bien peu de choses nous sont rapportĂ©es dans les textes concernant son Ă©tat d’esprit, alors qu’elle assiste Ă  la mort de son enfant. Sans doute de la sidĂ©ration, peut-ĂȘtre de l’incomprĂ©hension, et certainement de l’impuissance. 

D’autres femmes ont aussi Ă©prouvĂ©, dans leur chair, ces mĂȘmes sentiments. La diffĂ©rence avec Marie ? Aucune d’entre elles n’a jamais connu l’enfant qu’elle a portĂ©, que cela soit de quelques semaines Ă  plusieurs mois. Une souffrance amplifiĂ©e par l’absence de souvenirs de l’ĂȘtre aimĂ©. Toutes ces femmes ont subi ce que l’on qualifie communĂ©ment de « fausse couche Â», qu’elle soit prĂ©coce ou tardive.

Cette enquĂȘte fait place Ă  ces femmes dans leur combat pour ĂȘtre reconnues en tant que mĂšres en deuil. Dans leur chemin de croix administratif avec les assurances maladies, contre les « fausses croyances Â» qui subsistent face Ă  la perte de grossesse, dans leur volontĂ© de faire comprendre que ce n’est pas au nombre de semaines de grossesse que l’on Ă©chelonne la douleur. Et que par consĂ©quent, elles devraient pouvoir bĂ©nĂ©ficier d’un accompagnement psychologique, spirituel, voire ecclĂ©sial si elles en ressentent le besoin, indĂ©pendamment du moment oĂč survient la perte. 

MĂȘme si les langues se dĂ©lient peu Ă  peu, le sujet reste tabou. Il dĂ©range, bien au-delĂ  de ce que nous imaginions. MalgrĂ© tout, le besoin et l’envie de tĂ©moigner sont bien prĂ©sents. Si certaines portes nous sont restĂ©es dĂ©sespĂ©rĂ©ment fermĂ©es, cela ne nous a pas empĂȘchĂ© d’aller regarder par la fenĂȘtre. Des rĂ©ticences, certes, mais aussi des soutiens, sans lesquels cette enquĂȘte n’aurait certainement pas pu voir le jour, tels que JournaFonds, qui a permis la rĂ©alisation de ce travail d’investigations.

DĂ©couvrir notre premier Ă©pisode, en cliquant ici




Quand la RTS compare Donald Trump Ă  Hitler

Cet article se trouve Ă©galement sur le site de l’organisation Pro Suisse.

« Trente secondes de reportage pour comprendre que c’est Ă  charge ! Bravo l’impartialitĂ© des journalistes !! Â». SaluĂ© par 67 internautes sur YouTube, ce commentaire est Ă  l’image de la grande majoritĂ© des rĂ©actions gĂ©nĂ©rĂ©es par un reportage de Temps PrĂ©sent diffusĂ© le 11 avril dernier, et encore visible en ligne. Son « angle Â», comme l’on dit dans le jargon des journalistes : « Et si les États-Unis vivaient leur derniĂšre annĂ©e de dĂ©mocratie ? Â».

Les heures les plus sombres

DĂšs les premiers instants du documentaire, la voix off de la journaliste donne le ton : en Ă  peine plus de deux minutes, le public apprend dĂ©jĂ  que « Donald Trump n’est connu ni pour sa modĂ©ration ni pour son intĂ©grité », qu’il est « l’un des hommes les plus dangereux du monde Ă  l’heure actuelle » et qu’il mettra en Ɠuvre son « programme radical » dĂšs qu’il refranchira la porte du Bureau ovale.

Un Ă©lu qui applique le programme pour lequel il est Ă©lu, voilĂ  qui peut effectivement surprendre, dira-t-on.

Mais surtout, avant mĂȘme d’entrer dans le cƓur de son sujet – une virĂ©e chez les pro-Trump floridien – la voix off donne le coup de grĂące en glissant que les mimiques du politicien rĂ©publicain « rappellent des temps sombres », sans prĂ©ciser si elle fait allusion Ă  Mussolini ou Hitler. En guise de cerise sur le gĂąteau, un bruit de coup de feu est alors utilisĂ© comme illustration sonore de ce probable retour vers l’autoritarisme.

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Service public, mais pas neutre

PrĂ©sident de 2017 Ă  2021, Donald Trump n’est certes pas un modĂšle de vertu aux yeux de tout le monde, y compris au sein du monde conservateur. Mais dans l’intĂ©rĂȘt supĂ©rieur d’un pays neutre comme la Suisse, peut-il ĂȘtre pareillement diabolisĂ© par le service public ? Pas aux yeux du dĂ©putĂ© UDC valaisan JĂ©rĂŽme Desmeules, ouvertement sympathisant du milliardaire amĂ©ricain : « Magnifique Temps PrĂ©sent, comme toujours objectif, ironise-t-il. Il fait passer Trump pour le salaud agressif alors que le retour vers un monde au bord du conflit gĂ©nĂ©ralisĂ© a Ă©tĂ© provoquĂ© largement par le retour au pouvoir du complexe militaro-industriel soutenu par le camp du “Bien”… »

Le reportage aurait-il Ă©tĂ© finalement plus outrancier que le politicien qu’il se donnait pour objectif de dĂ©noncer ? On peut le penser car la RTS ne le cache pas : le reportage fait bien allusion Ă  Hitler Ă  propos des « heures sombres » que rappelleraient les mimiques de Trump. Elisabeth Logean, prĂ©sentatrice et co-productrice de l’émission, l’assume ouvertement : « L’idĂ©e de ce reportage Ă©tait d’imaginer l’AmĂ©rique de demain si Donald Trump Ă©tait rĂ©Ă©lu Ă  partir de ses dĂ©clarations et intentions. L’ex-prĂ©sident a ainsi annoncĂ© vouloir purger l’Administration fĂ©dĂ©rale ou utiliser le FBI et le dĂ©partement de la Justice pour neutraliser ses adversaires ; autant d’intentions qui s’apparentent Ă  des comportements de dirigeants autoritaires. Le rappel des annĂ©es sombres fait rĂ©fĂ©rence Ă  ses dĂ©clarations sur les migrants « qui empoisonnent le sang de notre pays », qui rappellent les propos d’Hitler sur les Juifs ; la question de l’intĂ©gritĂ© est Ă©voquĂ©e en lien avec ses condamnations rĂ©centes, dont une pour fraude financiĂšre. »

Une tarte Ă  la crĂšme qui fatigue

En mars, une vive polĂ©mique avait suivi une dĂ©claration de Slobodan Despot jugĂ©e pro-russe, dans les Beaux Parleurs. L’intellectuel y annonçait que le nazisme Ă©tait de retour dans les pays baltes. « Indigne d’un invitĂ© quasi-permanent du service public », « outrancier » avaient jugĂ© beaucoup d’observateurs, y compris au sein de la chaĂźne. Visiblement, des comparaisons du mĂȘme tonneau posent moins de difficultĂ©s quand elles concernent Trump, et sont dressĂ©es par le propre contenu de la RTS.

Elisabeth Logean se dĂ©fend cependant de toute impartialitĂ© dans le reportage : « Nous avons tentĂ© de comprendre pour quelles raisons ses partisans le soutiennent, malgrĂ© les menaces que son programme fait peser sur le bon fonctionnement dĂ©mocratique des États-Unis. Les craintes dans ce domaine sont exprimĂ©es non seulement par des dĂ©mocrates ou des spĂ©cialistes des rĂ©gimes autoritaires, mais aussi par des prestigieux penseurs de droite, comme le nĂ©o-conservateur Robert Kagan. Dans le reportage, nous donnons la parole Ă  des partisans de Donald Trump, mais aussi Ă  ses critiques, de sorte Ă  donner Ă  voir et entendre diffĂ©rents points de vue. »

A supposer qu’il tombe un jour sur ce reportage, pas certains nĂ©anmoins que le politicien peroxydĂ© se prĂ©cipite pour tailler le bout de gras avec Philippe Revaz au 19h30.




L’imposture conceptuelle

Par Jean Romain, Ă©crivain, philosophe.

Ce qui n’était naguĂšre qu’une thĂ©orie fumeuse et passablement vide de sens est devenu rapidement le discours de nos Ă©lites ! La vague woke ne s’arrĂȘte pas aux portes de nos facultĂ©s universitaires, elle est prĂ©sente dans les mĂ©dias, les communes, les parlements, les rĂ©seaux sociaux, l’enseignement. Une Ăšre de grande dĂ©raison collective nous submerge, et il faut saluer les deux dĂ©cisions prises rĂ©cemment par Mme Anne Hiltpold, ministre genevoise de l’enseignement.

DĂ©cisions ? A l’école primaire de Lully d’abord le directeur, appuyĂ© par son Ă©quipe, a voulu supprimer la FĂȘte des mĂšres pour la remplacer par une problĂ©matique « fĂȘte des gens qu’on aime Â». A l’école primaire Karl-Vogt ensuite, la Fapse (FacultĂ© de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UniversitĂ© de GenĂšve) a voulu – Ă  la faveur d’une recherche – faire remplir un questionnaire aux parents des Ă©lĂšves de 5 Ă  9 ans leur demandant de rĂ©pondre sur le ressenti de genre de leur enfant, ainsi que sur le « sexe de votre enfant Ă  la naissance », ce qui peut laisser supposer que le sexe a peut-ĂȘtre changĂ© entre-temps. A deux reprises, la ministre Hiltpold a dit « stop Â» : il faut une Ă©cole qui transmette le savoir et non pas une Ă©cole qui milite. On salue la clartĂ© du message.

Extrait d’une fameuse lettre aux parents qui a beaucoup choquĂ©.

Mais qu’y a-t-il derriĂšre ces deux tentatives avortĂ©es ? On veut dĂ©construire des « mythes Â» et on serait ainsi sur le point d’assurer la libĂ©ration ultime de l’ĂȘtre humain : d’une part en se libĂ©rant du carcan insupportable de la reconnaissance du rĂŽle de la mĂšre ; d’autre part en s’affranchissant du corps pour ne conserver que l’opportunitĂ© de choisir soi-mĂȘme son sexe en fonction de son ressenti. Les deux essais manquĂ©s ont en commun la structure premiĂšre du wokisme : faire de la marginalitĂ© le centre. En effet, il existe des Ă©lĂšves qui n’ont pas de mĂšre et dont il faut tenir compte ; il existe aussi des personnes qui ne se reconnaissent pas dans le corps qu’elles ont Ă  la naissance. VoilĂ  des minoritĂ©s qui Ă©videmment sont respectables, mais il n’y a aucune raison de les mettre au centre de l’action. Or il existe une raison pour le wokisme qui affiche une deuxiĂšme caractĂ©ristique : transformer les minoritĂ©s en victimes. Et c’est efficace dans une sociĂ©tĂ© de flagellants ! De dĂ©fenseurs des droits de chacun, les woke se transforment en accusateurs publics, en prĂ©tendus penseurs dont la principale ficelle est de se lancer dans des indignations surjouĂ©es. Et dupes de se laisser prendre.

Mais ces deux expĂ©riences sont cependant diffĂ©rentes. En rĂ©pĂ©tant Ă  l’infini que le statut maternel est un statut parmi d’autres tout aussi importants, en psalmodiant que ce serait PĂ©tain qui l’a introduit en France (regressus ad hiltlerumclassique) donc que cette fĂȘte est moralement suspecte, on cherche Ă  Ă©tablir un consensus au bout duquel on finirait par admettre que « les gens qu’on aime Â» sont magnifiques du seul fait qu’on les aime. Et cette idĂ©ologie du soupçon s’appuie sur un vocabulaire accusatoire, passablement alambiquĂ© d’ailleurs, dont le martĂšlement fait croire Ă  un savoir.

La thĂ©orie du genre, imaginĂ©e par Judith Butler, est plus pernicieuse. Comme bouclier, les tenants de cette thĂ©orie assurent partout qu’elle n’existe pas, mensonge calculĂ© qui se marie Ă  merveille avec leur conception que le corps n’existe pas comme dĂ©terminant et que le sexe est l’objet d’un ressenti, d’un choix personnel. L’ĂȘtre humain est pure conscience, et ce qui compte c’est cette conscience d’ĂȘtre homme, femme ou n’importe quoi des deux. DĂšs l’enfance, on peut choisir son sexe, il suffit de le dĂ©clarer clairement pour que cela soit reconnu, par l’école, par la sociĂ©tĂ©, par les divers mouvements qui non seulement dĂ©fendent les minoritĂ©s (parfaitement respectables par ailleurs) mais encore promeuvent cette vision. Cette fraude scientifique est un vrai scandale, pour s’en garantir toutefois leur mot clef est « inclusif Â», qui permet de faire passer toute contestation, voire toute discussion, pour de l’exclusion.

Une solution pour contrer l’avùnement de l’homme nouveau ? Dire non
 et combattre tous les promoteurs de cette imposture sectaire. Mme Hiltpold l’a fait.

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